Chapitre 2

En rentrant chez lui, sa mère n'avait pris qu'une minute pour se rendre compte que son fils ne se sentait pas bien. Il semblait avoir mal. D'une certaine façon, Thomas aurait été incapable de lui de cacher sa souffrance, car les mains de Mika avaient laissé des marques bleues sur son corps. Il avait la sensation de les sentir encore, d'être prisonnier de son toucher. Une envie irrésistible de se laver et de frotter ardemment tous les endroits que son tortionnaire avait touché, lui saisissait la gorge.

''Mon chéri ! Qui t'as fait ça ?'' s'inquiéta-t-elle en lui prenant les poignets.

''Ça va, maman.''

''Ça ne va pas ! As-tu parlé au directeur? Tu dois porter plainte quand tu te fais intimider. Si tu ne le fais pas, je le ferai.''gronde-t-elle, posant ses yeux terrifiés sur lui.

Thomas réprima un frisson. Une chose était importante à savoir : Mika était le fils du directeur de l'école. Personne ne pouvait porter plainte contre lui. Personne ne pouvait s'en prendre à lui. S'il allait voir le directeur, celui-ci crierait à la diffamation. Il ne permettrait pas à quiconque de salir sa réputation et celle de son enfant, qu'il est ou non, fait du mal. Toute l'école serait au courant de sa vaine tentative d'avoir tenté de faire plonger Mika pour viol, et son enfer ne ferait qu'empirer. Qui sait ce qui l'attendait désormais au lycée ? Thomas observa craintivement sa mère pendant un moment, luttant pour ne pas fondre en larmes.

''Maman, je peux changer d'école ?''

''Tu veux... oh trésors.... Mais James?''

''On traîne plus vraiment ensemble...''

''Vous vous êtes disputés ? C'est normal. Il ne faut pas s'inquiéter. Vous êtes amis depuis des années.''

''J'aimerais quand même changer d'école. S'il te plaît, maman.'' insista-t-il.

Actuellement, il n'en n'avait que faire de James et de ses états d'âmes. Ce qu'il désirait, c'était être à mille lieues d'ici. Oublier ce qu'il venait de subir.

''D'accord mon ange, je vais voir ce que je peux faire.''

Au final, Thomas ne retourna pas à l'école le lendemain, ni le surlendemain. Il avait contracté une fièvre monstre, de l'insomnie, et courait souvent aux toilettes pour vomir ses tripes, saisi par l'anxiété qu'il ressentait en permanence. De plus, la douleur de son postérieur refusait de partir. Lorsqu'il allait aux toilettes, c'était pire. Une fois, il avait même été persuadé d'avoir ouvert à nouveau une plaie en lui, parce que la douleur qu'il avait ressentie et le sang qui s'était échappait de son corps, l'avait fait grimacer tout en lâchant quelques larmes. Ce n'était pas rassurant de voir son corps, ainsi meurtri, mais il ne se sentait pas le courage d'en parler.

Sa mère le laissa tranquille, malgré l'inquiétude qui lui rongeait le coeur. Elle se sentait impuissante parce qu'il refusait de se confier. Son fils lui avait vaguement parlé d'intimidation sans entrer dans les détails, mais la façon dont il avait de se refermer, l'angoissait. Elle devait se retenir comme une folle pour ne pas débarquer dans le bureau du directeur afin de réclamer réparation tout en hurlant au laxisme. Comment des adultes pouvaient laisser cela se produire ? Cependant, elle avait vu le regard effrayé de son fils lorsqu'elle soulevait l'idée d'en parler au corps enseignant, et elle n'avait pas envie que ses propos empire sa situation.

Lorsqu'il réussit à se déplacer normalement et que la position assise ne le faisait plus autant souffrir, il se convainquit de poursuivre ses études. L'idée de recroiser Mika dans ses cours l'angoissait, mais il n'avait pas un bulletin extraordinaire. De ce fait, il ne pouvait pas se permettre d'échouer dans la moitié de ses matières. Si cela se passait, il ne pourrait jamais aller étudier dans le domaine qui l'intéressait.

Il prit donc son courage à deux et revint au lycée au bout du troisième jour. Il était mort de peur, son corps tremblait et il gardait ses poings serrés dans les poches de sa veste. Le visage baissé, il traversait les couloirs en silence, priant pour être invisible. Etonnamment, personne ne semblait lui porter la moindre attention. Même lorsqu'il prit part aux cours, ses camarades ne se préoccuppèrent pas davantage de sa personne. Sa plus grande joie, fut d'apprendre qu'il n'avait aucun cours en commun avec son tortionnaire. Il pensait que la journée ne serait pas aussi compliquée à vivre, finalement. Cependant, son allégresse fut de courte durée.

A l'heure du midi, il se dirigea vers la cafétéria et en s'asseyant à une table déserte, il croisa le regard de son violeur. Son estomac se tordit violemment, sa gorge s'assécha et des images précises de ce qu'il lui avait fait subir dans les vestiaires, la veille, lui revenait en mémoire. Il avait envie de pleurer, de fuir, de crier sa peur, mais au lieu de cela, son corps resta paralysé, prit au piège. Il ne pouvait échapper aux iris grisâtres de son ennemi, ses yeux bleus ancrés dans les siens. Son coeur manqua un battement, dégringola dans sa cage thoracique et reprit sa course folle, martelant son torse jusqu'à ce que ses battements résonnent dans son crâne lorsque l'athlète se leva de son siège. Son souffle se coupa, les larmes vinrent embuer ses yeux et il le suivit du regard, attendant malgré lui que Mika s'en prenne à nouveau à lui, devant tout le monde. Tout d'un coup, James apparut devant lui et demanda :

''Tom ! Tu avais disparu où pendant deux jours ? Je te cherchais, mec. Je m'inquiétais.''

Bien que son ami soit face à lui, Thomas garda les yeux fixés sur la silhouette de Mika qui, à l'aide de ses yeux, lança des couteaux glacés dans le dos du nouveau venu. Il finit par se rasseoir et l'adolescent retrouva son souffle, tremblant. Il reporta son attention sur le visage inquiet de son meilleur ami et répondit :

''Je... j'étais malade.''

Il baissa automatiquement les yeux. Un goût d'amertume nourrissait son coeur face à un James qui l'avait ignoré pendant plusieurs jours alors qu'il subissait ce harcèlement. Et... ce cauchemar.

''Tu vas mieux ? Tu es vraiment pâle. Et tout cerné. Tu as maigri aussi et c'est pas un compliment... Tu étais déjà maigre de base, là, tu deviens squelettique. En deux jours ? Tu as vomi ta vie, ou quoi ?''

Trop embarrassé et honteux pour relever la tête, Thomas se contenta de fixer sa nourriture tout en serrant les dents.

''Qu'est-ce que tu me veux, James ?''

''Ce que je te veux ? Parler.'' répondit le jeune homme, étonné de cette agressivité qu'il sentait dans la voix de son ami.

James décida de se laisser tomber sur la chaise d'en face, puis lui lança un regard encourageant.

''Écoute, j'ai pensé à tout ça. Le fait que tu sois amoureux de moi et... tu es sympa comme mec, je suis vraiment pas à l'aise par contre de savoir que... tu fantasmes sur moi. On a déjà partagé le même lit ! Tu fantasmais sur moi pendant que je dormais ?''

Thomas sentit le rouge lui monter au front. C'était quoi cette question ? Comment son meilleur ami pouvait-il simplement l'imaginer ? Étrangement, il releva la tête pour croiser le regard de James.

''Non ! Non... je suis pas un pervers.''

''Ok, ça me rassure... Mais, qu'est-ce j'ai fait pour que tu crois que je serais intéressé par les garçons ? Car, je suis totalement hétéro et j'ai pas envie qu'il y ait méprise. Si j'ai dit ou fais quelques choses qui t'as fait croire que...''

''Non, rien du tout. Je... tu m'avais jamais dit explicitement aimer les filles et... j'ai cru que... je sais pas... oublie.'' bafouilla Thomas qui retomba dans la contemplation de sa nourriture, affligé.

Un malaise s'installa un moment entre les deux garçons, le silence les entourant. Finalement, James poursuivit la conversation, sentant qu'il devait éclaircir certaines choses..

''Écoute, je te jure que j'ai rien dit à personne. J'étais aussi surpris que toi quand toute l'école à sembler savoir que tu étais gay. Si tu veux, je vais voir le directeur avec toi. S'il y en a en particulier qui te font la vie dure, on pourrait...''

''Non, ça va.'' le coupa-t-il, conscient que rapporter cela au directeur n'arrangerait pas sa situation.

James voulut insister, mais la mine déconfite que Thomas affichait eut raison de sa volonté. Il s'en voulait de l'avoir abandonné en pareille situation. Il avait tout d'abord pensé à lui et à sa réputation, avant d'envisager que son meilleur ami pouvait vivre un enfer. Le voir dans cet état le faisait culpabiliser. Il aurait dû être présent, mais la peur des ragots avait dicté sa conduite.

''Alors, tu veux que je fasse quoi ?''

Thomas laissa un mince sourire filtrer sur ses lèvres.

"Ne me laisse plus tomber.''

''Promis. J'avais juste besoin de temps pour me faire à l'idée que mon meilleur ami était... amoureux de moi.''

Thomas se sentit profondément soulagé de ne pas avoir perdu l'amitié du garçon. C'était sûrement la seule chose de positif dans sa journée. Ils finirent leur repas avant que chacun ne se rende aux cours de l'après-midi. Lorsque le brun constata qu'il avait éducation physique, il eut une horrible envie de fondre en larmes. Tout d'abord, il s'était trompé : Mika avait bel et bien cours avec lui. Et ensuite, il devrait retourner dans les vestiaires. Et il ne s'en sentait pas capable. Un haut-le-coeur le saisit et il courut s'enfermer dans les toilettes pour vomir. Il y resta jusqu'à ce que la cloche annonce le début du cours. Il aurait voulu fuir, retourner se terrer sous ses draps, mais il ne se voyait pas rentrer chez lui, confronté au silence et à la solitude. Tremblant, il prit son temps pour se rendre au vestiaire déjà désert, enfila son short et son t-shirt de sport, puis alla rejoindre le groupe afin d'écouter les consignes du professeur. Il aurait souhaité faire profil bas, mais l'homme se fit un plaisir d'arrêter son discours pour alpaguer le nouvel arrivant :

''Thomas, vous êtes en retard. Allez chercher les ballons de basket dans l'entrepôt, voulez-vous.''

''Oui, monsieur.'' dit-il en baissant la tête.

Thomas traîna les pieds jusqu'au local accolé au gymnase. Il commença à trier les ballons pour n'emmener que les plus gonflés quand il entendit des pas derrière lui. Il se tourna et lâcha un léger cri lorsqu'il se retrouva face à Mika qui l'observait de ses yeux morts. Son sang ne fit qu'un tour et la peur le saisit violemment.

''Tommy, tu m'avais manqué.''

Incapable de soutenir le regard de son violeur, Thomas baissa les yeux au sol et réprima un sanglot, les doigts agrippés à la balle qu'il tenait entre ses mains.

''Laisse-moi seul. Ne me fais pas mal...'' supplia-t-il d'une petite voix.

Mika s'approcha de lui. Beaucoup trop près aux yeux de Thomas dont le coeur se mit à battre beaucoup trop vite.

''Pourquoi je te ferais mal, Tommy?''

Une soudaine bouffée de courage emplit Thomas qui lâcha le ballon au sol et vint asséner un coup de poing dans le visage du châtain clair. Ne s'y en étant pas attendu, Mika le reçut de plein fouet et recula de quelques pas, abasourdi. Thomas en profita pour courir en dehors de l'entrepôt, l'adrénaline coulant dans ses veines. Une fois arrivé dans le gymnase, tous se tournèrent vers lui, s'attendant sûrement à le voir débarquer avec les ballons de basket-ball. L'énergie qu'il avait utilisée pour frapper et fuir Mika commençait déjà à descendre et l'angoisse revint lui prendre la gorge. Il se remit à courir jusque dans les vestiaires et vomit dans les toilettes.

Tout son corps tremblait. Il n'était pas prêt. Quelle mauvaise idée il avait eu de revenir à l'école et d'affronter ainsi le problème. Mika allait le tuer. Sa main lui faisait mal et il était incapable de garder son repas dans son ventre.

Il retint sa respiration lorsqu'il entendit la porte du vestiaire s'ouvrir. Aussitôt, il s'assura que la porte de sa cabine soit bien barrée et monta sur le couvercle des toilettes, afin que ses pieds ne trahissent pas sa présence. Les pas se promenèrent un moment avant que le silence retrouve sa place dans les vestiaires. Soudain, on frappa d'une main forte dans la porte de sa cabine et Thomas éclata en sanglots tant sa peur était palpable dans toute la pièce.

''Je sais que tu es là Tommy. Ouvre cette porte !" dit la voix calme de Mika

''Va-t-en !" cria l'adolescent, tremblant.

La voix morte et sans vie de Mika refusait pourtant de le laisser seul.

''Pourquoi tu m'as frappé Tommy ? C'est pas gentil frapper les gens.''

Thomas ne répondit rien. Peut-être que s'il n'engageait pas la conversation, il allait partir ? Il l'espérait fortement. Il ramena un peu plus ses jambes contre lui, les serra avec force et ferma les paupières, priant pour que le garçon disparaisse.

''Le professeur m'a demandé de vérifier si tu allais bien. Ouvre la porte.''

Apeuré, se sentant prisonnier, Thomas se mit à geindre. Il n'allait pas bien, et ce n'était pas en restant avec ce dernier que son état s'améliorerait. Le professeur ne pouvait-il pas faire son travail au lieu d'envoyer des élèves ?

''Hey, je t'ai posé une question, pétasse ! Les gens gentils répondent quand on leur pose des questions.''

Thomas se mordit l'intérieur des joues, terrifié. Il tentait de se rassurer, se répétant que Mika n'arriverait jamais à entrer dans la cabine où il se trouvait. Mais il n'en était pas certain. Il décida de lui répondre d'une façon qui se voulait provocante :

''Pourquoi tu m'as... violé ?''

Contre toute attente, il entendit le châtain-blond rire.

''Tu es ridicule. Je ne peux pas t'avoir violé, tu es un gars. En plus, tu as adoré. Tu as joui, je te rappelle.''

Quoi ?! songea-t-il, abasourdi. Quelle était cette façon de penser totalement ridicule ? Où donc se trouvait son sens moral ? Comment pouvait-il lui reprocher d'être méchant parce qu'il ne lui avait pas répondu, mais trouver que ce qu'il avait fait dans les vestiaires, n'était en rien quelque chose de néfaste ? C'était une blague. Une mauvaise blague ! Il était en colère et, d'une voix grondante - surtout parce qu'une porte le séparait de son harceleur -, il dit :

''Je... tu m'as violé. Je t'ai dit d'arrêter et tu as continué !''

''Ne sois pas ridicule, Tommy. Tu aimes les hommes. Ça t'as fait plaisir.''

Cette fois, ce furent des larmes de rage qui coulèrent sur les joues de Thomas. Il détestait vraiment cet homme. Sa manie de lui donner des surnoms comme s'ils étaient les meilleurs amis du monde, d'autant plus qu'ils n'avaient rien de gratifiants ; son déni catégorique d'avouer ce qu'il avait fait ; et ce côté complètement archaïque de croire qu'il n'avait pas violé un garçon parce que les homosexuels aimaient faire l'amour... était complètement stupide. Était-il idiot ? Il allait se casser les dents tellement il les serrait fort, sa mâchoire crispée, ses muscles tendus.

''Ce n'est pas ça, aimer les hommes.''

''Alors qu'est-ce que c'est?''

''C'est... apprécier leur compagnie, leur toucher. C'est... vouloir faire des activités avec eux. Leur parler et partager des moments pas forcément... C'est...''

La rage n'avait pas duré longtemps. Il se rappelait les moqueries des autres qui lui avaient inlassablement répété qu'il finirait sa vie seul. Son explication perdit de logique et les larmes refusèrent d'arrêter de glisser sur son visage. Il se sentait mal, sale, humilié, seul. Il avait l'impression qu'il n'y avait aucune échappatoire. Rien ni personne ne pourrait le sauver. Il était démuni.

Il voulait soudain mourir.

''Tu m'as violé, sanglota-t-il. Tu m'as volé ma première fois. J'ai mal et c'est à cause de toi. Je veux être seul. Laisse-moi ! Ne t'approche plus de moi ! Je te déteste !!"

Ses dernières paroles n'étaient plus qu'un murmure. Pourtant, c'étaient les plus importantes. Il aurait voulu les lui cracher au visage avec toute la haine qu'il ressentait, le frapper et lui réclamer des excuses, mais il n'était pas aussi courageux. Dans un silence bercé de ses pleurs et de ses reniflements peu élégants, il attendit la réponse de Mika qui ne vint jamais. Après plusieurs minutes de solitude, il se risqua à ouvrir la cabine et resta surpris de ne voir personne. Mika était partit. Il était seul. Depuis quand avait-il quitté les vestiaires ? Avait-il seulement entendu ses plaintes ? Il ne s'était même pas rendu compte de son départ. Et pourtant... il était seul.

Mika avait disparu.

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