Chapitre 16

Le lendemain, Thomas reçut une notification de Mika à son réveil.

Bon matin

Euh... merci

Passe une bonne journée à l'école

Écoute le professeur et soit gentil avec les gens

Thomas observa son téléphone un moment. Pardon ? D'où sortaient ces messages ? Il hésita quelques secondes avant de répondre, perplexe.

Pourquoi tu me dis ça ?

Ce n'est pas la chose à dire !?!?!

Ma mère me le disait tous les matins, j'ai cru que c'était la bonne chose.

Je dis quoi alors ?

Non, ça va.

C'est gentil de dire des choses comme ça.

Ok

Je dois préparer le déjeuner de mon père.

Je te réécris après.

Pas obligé non plus...

Mais je croyais que j'avais le droit si je ne parlais pas de sexe. 🙃

Thomas échappa un petit sourire. On aurait dit que son interlocuteur avait 5 ans. Il ferma son cellulaire et ne le rouvrit que quelques fois dans la journée. Mika le textait régulièrement, mais rare était les fois où Thomas lui répondait. Si ce n'était pas une question sur la conduite sociale, il se contentait de faire le mort. Mais plus les jours passaient, plus il réagissait à certains commentaires et s'amusait à ses dépends. C'était agréable d'avoir un certain pouvoir. Il pouvait dire n'importe quoi et Mika le croyait. Il avait un petit plaisir vengeur dans ses agissements et Mika n'y voyait que du feu.

Pendant près de trois semaines, la vie de Thomas fut tranquille. Laurent avait finit par revenir à l'école, mais ne lui portait aucune attention. Les seules fois où Thomas le croisait, Laurent semblait nourrir une haine viscérale contre Mika et racontait à qui voulait l'entendre ce qui se passerait pour ce dernier quand il serait déclaré coupable de tentative de meurtre. Selon lui, ce serait la prison à vie. Thomas en doutait. De un, parce que personne ne faisait de prison à vie pour "tentative de meutre" et de deux, car Mika disposait d'un bon avocat ainsi que d'un dossier médical attestant de son handicap. Au pire, il ferait sûrement un petit séjour en hôpital psychiatrique.

Tous les matins, Thomas avait le droit au petit discours de Mika. Les paroles de sa mère, le matin, devaient être réellement importantes pour lui, car même si Thomas ne répondait pas à ses messages, il continuait de les lui envoyer, matin après matin. Les soirs, il avait même droit à un "Bonne nuit. Fais de beaux rêves". C'était drôle pour lui d'avoir ce lot d'attention qu'il n'avait jamais vraiment eu de la part d'autre personne hormis sa mère.

Durant ces trois semaines, Mika l'avait même aidé sur un devoir. Thomas lui avait envoyé une photo des questions et son camarade lui avait donné les réponses accompagnées des explications. Parfois, il recevait une photo d'un plat cuisiné par le châtain avec la recette et les commentaires du garçon.

Essaie-le, mais mets moins de paprika.

Ta mère devrait adorer celui-là.🤔

J'ai essayé quelque chose. La présentation laisse à désirer, mais c'est délicieux, crois-moi.

Tiens la recette, dis à ta mère de t'en préparer.😜

Un jour, les deux garçons découvrirent qu'ils regardaient la même série télévisée. Ils commencèrent donc à échanger sur le programme et à commenter les agissements des personnages. C'était étrange à dire, mais Thomas n'avait pas la même vision de Mika lorsqu'il discutait par messages virtuels. Il en était même venu à obstruer la personne derrière l'écran pour se concentrer sur leur conversation. Il découvrait un garçon rempli de joie de vivre, à la parole crue et au comportement parfois enfantin.

Jamais Mika ne lui avait reparlé de sexe, ni de sa tentative de meurtre. Deux fois, il avait mentionné une discussion avec sa psy qui le tracassait parce qu'il désirait le point de vue de Thomas. Trois fois, il dérogeait pour envoyer une photo de son érection matinal à Thomas qui le grondait. Chaque fois, Mika ne comprenait pas ce qu'il y avait de mal là-dedans, car de son point de vue, il aurait apprécié recevoir ce genre de photo de la part de son camarade. Le brun devait donc lui rappeler que s'il ne voulait pas qu'il bloque son numéro, il devait arrêter. Mika s'excusait en maugréant contre les règlement de la société qu'il trouvait digne du "n'importe quoi".

Plusieurs fois, Mika contournait les règles afin d'envoyer des emojis salaces à Thomas qui, agacé par cette entreprise, prenait un malin plaisir à traduire les smileys d'une autre façon, les détournant de leur usage originel. Mika, prévisible, finissait toujours la conversation avec une montagne d'emoji en colère, frustré de ne pas avoir obtenu ce qu'il désirait.

🍆💦🍑😜

Tu as mangé des aubergines et des pêches qui ont fait enfler ta langue?

🤦‍♂

👉👌✌🤞✌😘

Navré je ne suis pas doué en langue des signes🤷‍♂️

🤦‍♂️🤦‍♂️🤦‍♂️

😠😡😤🤬💀

Un midi, il était assis avec James pour engloutir un repas préparé par sa mère. Depuis qu'il avait décider de passer par dessus son viol et de tourner la page, depuis qu'il avait tenter de voir Mika comme autre chose qu'une menace à sa vie, mais plus comme un enfant méchant qu'il fallait éduquer, il faisait moins de cauchemars. Il avait retrouvé l'appétit et sa faim se faisait sentir. Il avait donc mangé et dormi pendant trois semaines de façon correcte. Il avait retrouvé un poid normal et ses cernes sous ses yeux disparaissaient petit à petit.

La métamorphose ne s'était pas faite du jour au lendemain, mais de façon progressive. De moins en moins, l'image de Mika venait le hanter et il évitait ainsi de vomir ses tripes aux toilettes. Trois semaines. Cinq depuis la suspension de Mika. Le temps s'était écoulé et lui permettait de panser ses plaies. Discutant de tout et de rien avec James, son téléphone émit le bip caractéristique des notifications. Thomas tendit sa main pour le prendre, mais James fut plus rapide. En lançant un regard suspicieux à Thomas, il regarda son écran.

''Mika t'a envoyé une photo. Attends, c'est lui le type avec qui tu textes non-stop depuis 3 semaines ? Tom, c'est un malade ce mec là. Qu'est-ce qui te prend ?!'' s'inquiéta son ami.

Thomas voulut reprendre son smartphone, mais James l'en empêcha. Avec angoisse, il regarda son meilleur ami déverrouiller le téléphone. Pitié, faite que ce ne soit pas une photo de sa queue. Faites que ce ne soit pas une photo de sa queue.

''Il est à un buffet ?'' fit James, perplexe.

Thomas tendit sa main et put finalement reprendre son portable. Dessus, il y avait une photo de la table de Mika avec une panoplie de repas de tout genre. Il reçu un message à la suite.

Je m'ennuyais, alors j'ai cuisiné tout ce qu'il y avait dans le frigo.

Je ne mangerai jamais tout ça !

Mon père va me tuer, c'était les courses de la semaine !!!

Je fais quoi, là !?!?!

Thomas pouffa face à la stupidité de Mika. James le dévisagea et Thomas, honteux de lui, rougit en lui envoyant une réponse.

Que veux-tu que ça me fasse ? Je suis à l'école, débrouille toi

Il est déjà en colère contre moi.

Je mettrais des fleurs sur ta tombe

Tu m'aides pas là.

Tommy chéri ! J'ai besoin de ta sagesse

Appelle la soupe populaire et offre leur.

C'est les pauvres ça?

Personne démunis Mika

Ok, je vais faire

Merci

De rien

''Tom, Mika t'a intimider.'' le prévint James en fronçant les sourcils.

Thomas éteignit son téléphone et le déposa sur le côté avant de répondre :

''Il n'a pas juste fait ça, mais... ça va. Je crois que ça me fait du bien et ça m'aide à... à me sentir mieux.''

''De parler à ce psychopathe?''

''Non de voir que... qu'il fait de réels efforts et que ses agissements sont... bah, tu sais...''

''Non, je sais pas.'' s'énerva légèrement son meilleur ami.

''Mika a fait d'horribles choses... mais... il les a fait car il ne comprend pas que c'est si horrible et... que... je veux... je me sens moins en danger maintenant qu'il semble m'écouter et... en fait... je me dis qu'il n'a jamais vraiment voulu me faire du mal et... bah, il ne doit pas vraiment s'en vouloir, mais il doit... comprendre que...''

Thomas se tourna vers son téléphone en entendant le bruit des notifications. Il tendit la main vers celui-ci et le déverouilla.

Oh ! Je crois que ma mère faisait du bénévolat à ce centre ! 😃

Je vais leur donner mon nom. C'est bien de faire ça, non ? 🙃

Thomas observa son écran un moment. L'image qu'il avait de la personne n'était pas Mika. C'était cet enfant de 6 ans dans les bras de sa mère qu'il voyait chaque fois qu'il lui écrivait. Un enfant qui avait besoin d'être rassuré. Un enfant qui avait besoin d'être éduqué. Qui avait besoin qu'on lui répète la marche à suivre encore et encore. Il ne voyait pas son violeur. Il voyait l'enfant qui réclamait les bras de sa mère.

''Mika est malade. Il est dérangé. Mais il a un bon fond qui demande juste à se manifester. L'aider m'aide à accepter ce que j'ai vécu et... m'aide à passer outre ma colère contre lui.'' expliqua le brun en plantant son regard dans celui de son camarade, essayant de lui faire comprendre sa démarche.

Thomas lança un sourire à James, heureux d'enfin avoir pu mettre des mots sur ce qu'il faisait depuis 3 semaines.

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