Chapitre 14
Le lendemain matin, James se fit un point d'honneur à le mettre au courant des derniers potins. Il semblerait que Mika se soit fait suspendre pour une période indéterminée. Les parents de Laurent le poursuivraient en justice pour coups et blessures. Laurent était à l'hôpital avec plusieurs fractures et le directeur était sur la corde raide.
Thomas prit de grandes inspirations. Mika était suspendu jusqu'à nouvel ordre. Il risquait la prison pour son acte meurtrier. Il n'allait donc plus jamais le revoir. Il allait donc avoir la paix, loin de lui. Un frisson glacé lui traversa le dos. Il avait essayé de tuer Laurent. Donner la mort à une personne ne semblait pas le déranger. Et le pire, était qu'il avait fait cet acte pour lui. Il ne savait trop quelle émotion avoir. L'effroi, pour le moment, prônait sur le reste.
Il aurait pensé que les cauchemars prendraient fin avec cette nouvelle, mais au contraire, ils n'avaient fait qu'empirer. Mika n'était enfermé nulle part pour le moment. Il se prélassait chez lui. Un dangereux sociopathe bloqué par la simple volonté d'une porte. Qui allait l'empêcher de sortir dehors et de le retrouver ? Presque chaque nuit, le châtain ne cessait de venir le hanter. Dans ses rêves, une seule différence avait fait son apparition. Si avant le visage de son agresseur était clair et précis, maintenant il était flou.
Parfois même, c'était le visage de Laurent qu'il voyait. Moqueur et méchant, il tentait de lui faire du mal. Puis il était remplacé par Mika, qui ne faisait que le fixer en répétant : "Tout va bien Tommy. Je vais le tuer et tu seras tranquille." C'était généralement à ce moment-là qu'il se réveillait en sueur.
Deux semaines s'étaient écoulées depuis la suspension de Mika. Deux semaines où Thomas avait semblé vide et sans joie de vivre. Mika était un monstre à ses yeux. Maintenant, d'autres personnes commençaient à s'en rendre compte. Il avait essayé de tuer quelqu'un. Et pourtant, ce même monstre ne l'avait plus touché alors qu'il disposait de nombres d'occasions. Pourquoi ?
''Mon trésor, ça va ? Tu semble préoccuper ?''
Thomas se tourna vers sa mère avant de remarquer qu'il s'était figé entre deux bouchées de son bol de céréale.
''Je... Je vais bien.''
''Tu es sûr ?''
Puis il fondit en larmes. Tout ce stress, il ne savait pas comment le gérer.
''Non. J'ai peur. Je suis terrorisé maman.''
Elle vint l'enlacer. Enfin son garçon s'ouvrait à elle.
''Qu'est-ce qu'il y a mon ange ?'' demanda-t-elle d'une voix douce.
''Mika, il a... il a essayé de tuer quelqu'un et... il me fait peur. Et si... et si j'étais le prochain ?''
''Mon coeur, tout va bien aller. Je doute que Mika te fasse le moindre mal. Tu n'as pas à t'inquiéter. Il te regarde avec tant de bonté. Qu'est-ce qui s'est passé ?''
Thomas séchait ses larmes, incertain. Comment Mika pouvait-il le regarder avec "tant de bonté" ? Tout ce qu'il voyait dans ses yeux était un profond précipite, vide et sans étincelle. Un trou noir prêt à engloutir quiconque se laisserait aller à ce regard. Cet adolescent était le mal incarné et ses iris étaient vicieux. Mais, sa vision pouvait-elle être biaisée par le traumatisme qu'il avait vécu ? Voyait-il seulement ce qu'il avait envie de voir et non la réalité ?
''Il y a un gars qui... il a affiché des photos de moi et Mika ensemble... des photos personnelles et... pas sexuelle, maman, juste... de nous deux ensembles et... Mika s'est mis en colère, car... car... il...''
Sa gorge se noua et il ne put finir sa phrase parce que la réalité était trop dure à accepter. Le châtain avait pris cette décision parce qu'il avait anticipé le mécontentement de Thomas. Car il avait sû que ces photos le blesserait. Et, même en se mettant en travers de son chemin afin de protéger Laurent, Mika ne l'avait pas frapper. Il l'avait repoussé avec douceur, il l'avait écouté quand Thomas l'avait supplié d'arrêter. Il avait hésité.
''Il voulait te protéger, chéri ? Il ne voulait pas que ton intimidation recommence. Peut-être que tu as raison. Il a peut-être de la difficulté à contrôler sa colère, mais je ne crois pas qu'il s'en prendrait à toi. J'ai vu l'amour dans ses yeux, chaque fois qu'il est venu ici.''
L'amour ? Mika ne pouvait quand même pas savoir ce que c'était. À moins que si... sauf que Thomas, aveuglé par la haine, ne voyait que ce qu'il voulait voir. Un monstre.
''Tu lui en a parlé ?''
''Il a été suspendu.''
''Tu veux aller le voir chez lui pour mettre certaines choses au clair ? Ça pourrait te faire du bien de mettre carte sur table.''
Thomas observa sa mère en silence. Peut-être qu'il arriverait à tourner la page si lui et Mika discutaient. Cependant, ce dernier n'était pas du genre à écouter ce qu'on lui disait. Il avait souvent essayé de faire valoir son point de vue sans que Mika ne fasse le moindre effort pour le comprendre. Mais la dernière fois, il avait essayé de se tuer. La dernière fois, il avait arrêté de lui parler. Il avait semblé comprendre. Même si la conclusion avait été radicale.
''Ok.'' souffla-t-il.
Le soir même, sa mère le conduisit jusque chez Mika. La voiture du directeur était dans la cour et il s'en sentit rassuré. Sa mère allait l'attendre dans l'auto, pendant que Thomas se ferait un point d'honneur à dire à Mika ce qu'il en pensait. Que le garçon l'écoute ou non, il devait le faire. Il avait besoin de l'affronter pour tourner la page. Il sortit de la voiture et alla cogner à la porte. Le directeur vint lui ouvrir.
''Thomas ? Je croyais t'avoir demandé de rompre avec mon fils.'' dit-il en fronçant les sourcils.
''Je l'ai fait monsieur, mais... j'aimerais juste... je peux lui parler ?''
''Il est chez sa psychiatre. Repasse plus tard.''
Thomas baissa la tête face à cette révélation. Il n'aurait pas la force de revenir plus tard. Il était même heureux de savoir que Mika n'était pas là, mais il avait besoin de tourner la page.
''Est-ce que je peux... avoir un peu de temps... seul... dans sa chambre ?''
Le directeur leva un sourcil, surpris de sa demande, mais consentit à accepter. Après tout, que connaissait-il des histoires de cœur de ces deux garçons ? Rien et il n'avait pas besoin de s'y intéresser. Si Thomas avait besoin de cela pour se tenir loin de son fils, pourquoi pas ! Il le laissa entrer et indiqua le deuxième étage.
''Première porte à droite.''
Thomas monta et se dirigea vers la porte en question. Il prit une profonde inspiration et entra. À quoi s'était-il attendu ? Une chambre remplie de vie ? Un peu d'humanité dans la vie de ce monstre ? Pourtant, tout ce qu'il voyait était une pièce dénudée de toute émotion. Étrangement propre. Très propre même. Le lit était fait, les rideaux tirés, les fenêtres fraîchement lavées. Rien ne traînait. Tout était bien rangé dans les armoires et les bibliothèques. Rien sauf un cahier d'écriture sur le bureau. La chambre n'avait aucune personnalité.
Pris de curiosité, Thomas l'ouvrit. Il découvrit que c'était une sorte de journal. Non, un code de vie. Chaque ligne était noircie avec des phrases ou des règlements.
Ne pas oublier de lever la main avant de passer un commentaire en classe.
Dire à ses amis, qu'ils ne sont là que pour le servir est mal et ce, même si c'est un fait.
Ne jamais dire "fils de pute". On me l'a dit et je n'ai pas du tout aimé. Les autres ne doivent pas aimer alors.
Bonne fête maman.
Fixer les gens leur fait peur. Pourquoi ? Demander à ma psy.
Encore et encore... chaque pages qu'il avait sous les yeux étaient noircies d'encre. Qu'est-ce que cela voulait dire ? Thomas prit le cahier dans ses mains et alla jusqu'aux dernières pages dans l'espoir de trouver des passages le concernant. Il s'arrêta en trouvant ce qu'il cherchait, légèrement mal à l'aise. C'était les pensées du jeune homme, d'un adolescent qui l'avait agressé, mais il avait ce besoin presque incontrôlable d'essayer de le comprendre. Il voulait une réponse. Pourquoi lui ?
Je suis désolé maman. Je suis un monstre. Il me l'a dit.
Je lui ai fait du mal. J'en ai parlé à ma psy et je comprends pourquoi je lui ai fait du mal.
Quand je comprends, je dois m'excuser, mais je n'ai plus le droit de lui parler. Je lui ai promis. Il est important de tenir ses promesses.
Le viol est mal. Si la personne dit "Non. Stop. Arrête". Il faut tout arrêter. Sinon c'est un viol et c'est mal. On appelle ça du sexe forcé.
Je déteste Laurent. J'ai essayé de le tuer. Je savais que c'était mal, mais ça ne me dérangeait pas. Je devais le protéger de lui. Ses photos étaient les miennes. Il ne les aimait pas et tout le monde a pu les voir parce que je n'avais pas tenu ma promesse.
Je suis fâché. On dit que j'ai mal agi, mais personne ne me félicite d'avoir effacé toutes les photos pour ne plus que ça arrive.
Je déteste mon père. Il me crie dessus et je ne peux plus sortir de la maison. Ma psy dit que j'ai très mal agi, mais je devrais quand même pouvoir sortir quand je le veux.
Je m'ennuie. Peut-être que ça serait mieux si je meurs. J'ai échoué la première fois, peut-être que si je réessaie, ça va fonctionner. De toute façon, il me déteste.
C'étaient les dernières lignes du cahier. En observant autour de lui, Thomas vu plusieurs autres cahiers semblables dans la bibliothèque du garçon. Mika avait écrit chacune de ses pensées et chaque règle de conduite dans des dizaines de cahiers depuis qu'il était tout petit. Pourquoi ? Espérait-il s'améliorer par ce biais ? Puisqu'apparemment, il faisait des efforts dont lui seul était conscient. Après tout, la plupart des choses qui avaient été écrite dans ce cahier était une évidence pour le commun des mortels. À le traiter de monstre, il ne l'aidait pas. Pire, il le poussait à tout abandonner. À éventuellement recommencer à attenter à sa vie. Il ne voulait pas ça.
On frappa à la porte et Thomas sursauta. Il déposa précipitamment le cahier sur le bureau au moment même où le directeur entrait.
''Thomas, je dois aller chercher mon fils chez sa psy. Tu dois partir.''
''Oui, monsieur. Merci, monsieur.''
En se dirigeant vers la sortie, le regard de Thomas s'accrocha sur l'unique photo de la pièce. Un petit cadre à côté du lit de Mika. Le cliché représentait une femme, un sourire sur le visage, avec un petit garçon d'environ six ans dans les bras. Les deux souriaient face à l'objectif. Ils semblaient heureux. Il aurait voulu admirer la photographie plus longtemps. Il aurait voulu détailler chaque trait de ce Mika enfantin, mais il quitta la chambre en suivant le directeur.
Une fois installé dans l'auto au côté de sa mère, il observa devant lui, perdu. Sa génitrice vint lui passer une main dans ses cheveux et demanda, soucieuse :
''Ça va mieux mon coeur ? Vous vous êtes parlé ?''
''Oui, ça va.''
''Qu'est-ce que vous vous êtes dit ?''
''Je... J'ai envie de lui pardonner. Du moins... de lui donner une seconde chance... Il semble vraiment... il a besoin d'aide. Surement plus que moi. Je crois que... je vais pouvoir aller mieux, maintenant que... que je... que je sais qu'il... veut être gentil.''
''J'en suis ravie.''
''Maman, je peux... j'aimerais essayer de... finir mon année à mon école finalement. J'ai l'impression que... les choses vont être différentes maintenant.''
Comme seule réponse, sa mère lui sourit.
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