Chapitre 10


Le lendemain, Thomas voulut mourir. Non seulement, il partageait son après-midi de cours avec Mika, mais en plus il avait éducation physique. Fichu vestiaire qui lui avait fait vivre un enfer ! Il s'enferma dans un sanitaire afin de vomir son angoisse et arriva en retard, comme toujours. Étrangement, il ne se passa rien de spécial durant la journée. Mika lui adressa plusieurs regards cruels ainsi que des signes de la main, mais sans plus. Aucunes farces sur le fait qu'il devait prendre une panoplie de médicaments tous les jours. Rien. Et il ne chercha même pas à insister lorsque le brun ne daigna pas répondre à ses attentes.

Une fois que les cours prirent fin, il sortit de l'établissement, persuadé de ne pas avoir à faire à son tortionnaire. Cruelle illusion puisque Mika se présenta devant lui tout en passant son bras autour de ses épaules. Thomas se rendit alors compte qu'il n'avait plus la force de réagir. Son corps l'abandonnait. Habitué par ces gestes plus que désagréable, son corps cessait subitement d'envoyer des signaux de détresse. Il n'avait plus la force de quoi que ce soit. Se battre ? S'opposer ? Dans quel intérêt si tout n'était qu'une boucle sans fin ? Il se résolvait à subir ces actes répétés. Il lâchait les commandes.

''Tu vas mieux ? Mon père est chez moi, mais si tu préfères, on peut aller chez toi.''

''Non. Ça va. Je préfère que ton père soit là.''

''Ok. Viens, c'est par là.''

Mika et Thomas se rendirent donc ensemble à la maison du garçon. Il n'y avait la présence du directeur nulle part, mais Thomas s'en moquait. Il voulait juste mourir. Que Mika fasse ce qu'il voulait de lui en espérant qu'il le laisse tranquille après. Il était comme une enveloppe charnelle vide de toutes émotions.

''On va faire à manger.''

Mika le traîna dans la cuisine et lui tendit une planche à découper ainsi que des légumes. Il montra à Thomas comment couper les carottes et les poivrons avant de sortir un chaudron, et de préparer une sauce. Thomas observa le couteau dans sa main, puis son regard se porta sur Mika qui lui faisait dos. Soudain, une vision nette se présenta contre sa rétine : lui, poignardant l'athlète vénéré du lycée. Apeuré, il lâcha l'arme blanche et éclata en sanglots. Il avait beau haïr le châtain, il ne souhaitait la mort de personne. Et encore devenir le meurtrier.

''Tommy, tu t'es bléssé ?'' s'inquiéta Mika en se retournant.

''Je veux rentrer chez moi.'' sanglota-t-il.

Mika examina ses mains à la recherche d'une blessure potentielle, mais ne trouva rien.

''Tu n'es pas blessé.''

''J'ai mal Mika, dans mon corps. Dans mon âme.''

Mika relâcha les mains de Thomas et le dévisagea. Il ne semblait pas du tout à l'aise avec la révélation que le garçon venait de lui faire.

''Assieds-toi. Je vais faire à manger.''

Mika se retourna et se mit à cuisiner pour les deux. Thomas l'observa faire, sans vie. Il fut d'ailleurs surpris de voir le châtain chantonner en cuisinant. La mélodie ressemblait à une berceuse. C'était étrange de voir Mika sous cet aspect. Il était même en train de sourire. D'un vrai sourire. Pas un de ceux terrifiant et sans émotions qui étirait ses lèvres d'ordinaire. Le temps passa sans que Mika ne daigne porter attention à son camarade. Peut-être aurait-il eut tout le loisir de s'enfuir, mais son esprit était branché sur un autre canal. Il était présent sans l'être, attendant que son supplice prenne fin. Le repas fin prêt, Mika servit trois assiettes qu'il déposa sur la table, fier de lui. Son père arriva à ce moment-là dans la maison.

''Papa, tu te souviens de Thomas ? C'est mon petit-ami. Il mangera avec nous ce soir.''

Thomas tiqua face à la remarque de Mika, mais n'eut pas la force de le contredire. Cela ne servirait à rien de toute façon.

''Ton... tu es...''

Le directeur semblait mal à l'aise face à la nouvelle. Il observa Thomas un moment avant de reporter son attention sur son fils, puis il vit la nourriture sur la table.

''Ah. Mikaël, je suis heureux que tu ai fait à manger et je te remercie pour ce repas, mais je ne mangerais pas avec vous. J'ai une réunion.''

Du coin de l'oeil, Thomas vit les muscles du garçon se contracter. Mika serra les dents avant de fusiller son père du regard.

''J'ai fait à manger.''

''Oui, je sais Mikaël et ce n'est pas perdu. Mets ma part dans un plat, je le mangerai une autre fois.''

Puis son père partie vers une pièce plus loin pour revenir avec un classeur et quitter la maison. Thomas aurait dû être pris d'angoisse de se retrouver à nouveau seul avec Mika, mais son corps entier n'avait plus la force de s'insurger.

''Enfoiré ! Je l'emmerde. Qu'il crève, j'en ai rien à faire. Je le mettrais pas dans un plat et je ne le mettrais pas au frigo. Il peut bien s'empoisonner avec son repas.'' grogna Mika comme un enfant à qui l'on avait retiré un jouet.

Soudain, l'émotion de peur regagna Thomas. Mika était réellement en colère et il était seul dans la même pièce que lui. Il agrippa l'assiette et se mit à manger avec entrain faisant volontairement des bruits de mastication afin de montrer qu'il aimait ça. Mika l'observa un moment et son acte sembla le radoucir. Il s'assit à ses côtés et vint déposer une main sur son bras.

''Si tu manges trop vite, tu vas t'étouffer, Tommy. Calme-toi.''

Thomas hocha la tête pour lui montrer qu'il avait compris et commença à mâcher sa nourriture. En réalité, c'était vraiment bon. Mika avait un réel talent pour la cuisine. Même sa mère n'avait jamais cuisiné de plat aussi gastronomique. Cependant, se calmer dans pareille situation lui était inconcevable.

''Quand tu auras fini, on ira dans la chambre.''

Maintenant, Thomas n'avait plus faim. Il déposa sa fourchette et baissa son regard.

''Mika, je... après le repas, je vais... rentrer... chez moi.'' dit-il avec la peur que cela réanime l'irritation du châtain.

''Mais Tommy, nous ne devions pas passer du temps ensemble ?''

Les larmes se remirent à couler sur les joues du brun. Passer du temps ensemble. Il n'avait jamais voulu passer du temps avec lui. Il ne supportait même pas d'être dans la même pièce que lui.

''Je te déteste tellement....''

''Pourquoi ?''

Quelque chose se brisa à l'intérieur de lui. Il n'avait plus rien à perdre. Il se mit à hurler sa rage :

''Pourquoi ? POURQUOI ?! Car tu es un putain de monstre ! Voilà pourquoi ! Tu m'as violé ! Je t'ai dit non et tu as continué ! On a pas fait l'amour, tu m'as forcé ! Tu es qu'un putain de monstre qui comprends rien et qui détruit ma vie. J'aurais voulu ne jamais te rencontrer !''

La gorge endolorie, il fixa Mika en attendant d'être frappé. Peut-être que ce dernier, dans un accès de colère, le tuerait ici même. Ou peut-être qu'il se contenterait de lui hurler dessus, à son tour. Étrangement, Mika se contenta de le fixer en silence. Ce dernier était un peu plus terrifiant que toute explosion de sa fureur. Le châtain finit par se lever sans rien ajouter et disparut à l'intérieur de la salle de bain avec un grand calme. Le coeur battant, Thomas attendit en silence, tendant l'oreille. Qu'allait-il se passer maintenant ? Qu'y avait-il dans la salle d'eau pour que le châtain s'y rende ? Une arme ? Peu probable. A moins qu'il ne l'assomme à coup de gel douche. L'adolescent ne revint pas et, au lieu de s'enfuir, il exécuta des gestes automatiques. Il récupéra les assiettes, fit la vaisselle et rangea le plat au frigo.

Toujours sans nouvelles de Mika depuis une dizaine de minutes, il finit par appeler sa mère. Il attendit sa venue dans le salon en se demandant ce que Mika pouvait bien mijoter. Peut-être avait-il compris qu'il ne voulait plus rien avoir avec lui ? Quand sa mère arriva, il sortit dehors avec précipitation avant de se rendre compte qu'il avait oublié son smartphone à l'intérieur. Il râla et fit demi-tour, le récupérant rapidement.

Au moment, où il allait de nouveau quitter le domicile, il entendit le bruit d'une vitre cassée suivit d'un corps lourd tombant sur le sol. Il se retourna stressé. Son corps était en alerte, reprenait de ses droits.

''Mika ?'' tenta-t-il d'une voix tremblante.

Pas de réponse.

''Mika, est-ce que ça va ?'' demanda-t-il en fronçant les sourcils.

Toujours rien. Une part de lui se moquait éperdument de savoir ce que faisait le châtain, mais une autre s'inquiétait de ce silence presque oppressant. Il hésita, se demandant s'il devait partir tout de suite ou partir à la recherche du garçon. Même s'il le détestait, son attitude était étrange. Et puis, sa mère était dehors. S'il y avait le moindre problème, il n'aurait qu'à crier à l'aide. À pas prudent, il se dirigea doucement vers la salle de bain, anxieux.

''Mika, ma mère est là, je vais y aller. Tu... tu vas bien ? Tu es tombé ?''

Il toqua la porte, attendit quelques secondes avant de la pousser doucement, restant à l'extérieur au cas où fuir serait la solution. Il n'avait pas envie de le découvrir nu, prêt à lui sauter dessus. Ses yeux tombèrent sur le garçon étendu à même le sol, les yeux clos, un bout de verre juste à côté de sa main. Il vit deux pots de pilules complètement vide et la panique le gagna. Il s'agenouilla aurprès du garçon et le secoua avec ferveur.

''Mika, réveille-toi !"

Il continua de le secouer et déposa deux doigts tremblant dans sa gorge, à la recherche de son pouls. Peut-être était-ce à cause de l'angoisse, mais il ne trouva rien. Il se tourna vers la porte et hurla :

"MAMAN ! APPELLE L'AMBULANCE ! Mika !''

Il avait beau le secouer dans tous les sens, le garçon restait inconscient.

''Mika, je te déteste, mais ça ne veut pas dire que je veux que tu meurs. S'il te plaît, réveille-toi !"

***

''Maman, les enfants à l'école mon traité de monstre.'' disait l'enfant en fronçant les sourcils.

''Oh, Mickey. Tu n'es pas un monstre.'' fit la jeune femme en lui caressant les cheveux.

''Pourquoi ils sont méchant avec moi ?'' grogna-t-il.

''Les autres enfants sont... ils ne te comprennent pas. Alors, ils ont peur de toi.'' répondit sa mère en se mordant la lèvre inférieure.

''Pourquoi ?'' insista sa progéniture.

''Mickey, tu es différent. Tu ne ressens pas les mêmes émotions que les autres et tu n'arrives pas à comprendre ce que les autres ressentent. De ce fait, tu es plus agressif, mais tu n'es pas un monstre pour autant. Je vais t'aider Mickey. Je suis là pour toi. Tant que tu ne fais de mal à personne, tout va bien aller.'' dit-elle en s'agenouillant devant lui, prenant son visage en coupe.

''J'ai frappé un garçon.''avoua son fils.

''Oh... Pourquoi as-tu fais ça ?''

''Je voulais son crayon rouge et il ne voulait pas me le donner.'' répondit le châtain.

''Mickey, qu'est-ce que je t'ai déjà dit ? Forcer quelqu'un à faire quelque chose est mal. Cet enfant n'était pas obligé de te donner ce crayon.'' dit la jeune femme en se mordillant la lèvre inférieure.

''Alors ils ont raison, maman ? Je suis un monstre ?'' demanda le petit garçon, la vision brouillée.

''Mickey, mon coeur. Ton père et moi avons parlé. Nous allons te présenter une personne que tu devras aller voir toutes les semaines. Cette personne va t'aider à comprendre les sentiments des autres.''

''J'ai pas envie d'aller voir cette personne.''

''Fais-le pour moi. Tu veux faire plaisir à ta maman ?''

''Oui.''

''Alors s'il te plaît, Mickey. Fais-le pour moi. Je ne veux pas que tu sois un monstre. Je ne veux pas que tu fasse de mal à quelqu'un d'autre.''

''Pourquoi tu pleures maman ? Tu t'es fait mal ?'' demanda-t-il en séchant les larmes de sa mère.

''Viens dans mes bras mon bébé. Je te promet que personne ne va t'enfermer. Il suffit juste de te faire comprendre.''

''Je t'aime maman.''

''Je t'aime aussi Mickey.''

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