un




« ... il est six heures du matin et vous écoutez Nostalgie ! Réveillez-vous tranquillement aujourd'hui et nous vous souhaitons tout d'abord une agréable journée. Nous vous remerci-... »



Sans vouloir en entendre plus, Alexandre tendit la main vers sa table de nuit, tâtant le bois de celle-ci alors qu'il essayait désespérément de trouver le bon bouton de son réveil pour l'éteindre. Les jours de travail, il se levait à la même heure, soit à six heures pile du matin et il était rare que la radio le sorte du sommeil par une bonne vieille musique. Chaque fois, il tombait sur les voix des présentateurs qui annonçaient l'heure déplorable à laquelle il devait se réveiller. Et pourtant, depuis tout ce temps, il n'avait toujours rien changé. Il laissait la radio être ce qui l'extirperait des bras de Morphées.

Lorsque sa chambre retrouva enfin son doux silence, Alexandre s'autorisa à ouvrir ses yeux. Directement, il découvrit que sa chambre n'était pas plongée dans le noir complet. Le store n'était jamais fermé complètement, et par les petites ouvertures de celui-ci, la faible lumière du jour arrivait à s'y glisser. Il mit quelques secondes à distinguer les meubles qui composaient la pièce. Celle-ci n'était pas grande. Juste assez pour contenir un lit et une armoire. Pour Alexandre, c'était amplement suffisant. Comme à son habitude, il tourna sa tête vers la gauche, et sans surprise, sa boule de poils préférée dormait comme un loir.

Sa respiration était lente et son petit ventre rond se soulevait à un rythme régulier. Cela formait une petite bosse qu'Alexandre avait toujours envie de caresser ou de tapoter. Son chat avait un peu de ventre selon sa vétérinaire mais Alexandre ne trouvait pas que c'était particulièrement dérangeant. Cela lui donnait un air encore plus adorable qu'il ne voulait pas voir partir. Il sourit en remarquant que sa petite truffe rosée se plissa alors que ses pattes bougèrent légèrement dans un réflexe. Alexandre aimait penser que Pumpkin s'amusait à gambader et à chasser dans ses rêves.

En y pensant, c'était certainement ce qu'il ferait habituellement s'ils n'habitaient pas dans un appartement, en banlieue lyonnaise.

Alexandre se redressa dans son lit. Une de ses mains passa sur son visage et rejoignit ensuite ses cheveux blonds un peu emmêlés suite à sa nuit. D'ailleurs, ceux-ci commençaient presque à devenir trop longs. Il bailla sans aucune discrétion puis, après avoir regardé dans le vide pendant quelques secondes, il se leva. C'est à ce moment-là que Pumpkin décida d'ouvrir les yeux. Immédiatement, ils se posèrent sur son maître et celui-ci rit intérieurement ; il n'avait pas l'air plus réveillé que lui. Dans un mouvement presque mécanique, Alexandre appuya sur l'interrupteur pour faire remonter le store. Par la même occasion, il ouvrit la fenêtre ; histoire de faire partir l'odeur de phoque qui remplissait la pièce. Puis, il prit quelques secondes pour caresser la tête de son bébé— et bien évidemment son petit ventre — avant de quitter sa chambre pour retrouver le reste de son appartement.

À peine eut-il mis un pied dans le salon, qui faisait aussi office de cuisine et de salle à manger, que le bruit du trafic se faisait entendre. Le bruit étouffé des voitures et des motos qui passaient ne le dérangeait plus maintenant. C'était habituel de l'entendre en continu. Au début, lorsqu'il venait d'emménager dans ce petit appartement, Alexandre crut que les bruits incessants de la ville allaient le rendre fou. À chaque fois, la campagne lui revenait en tête ; l'air frais et doux qui donnait une certaine sensation de liberté, les oiseaux qui chantaient à longueur de journées, la verdure qui remplissait chaque mètre-carré, les petits villages charmants qui s'accordaient parfaitement aux paysages. Sa famille... Et finalement, il en venait toujours à la même conclusion ; il était mieux ici.

« Il faut que je m'habitue n'est-ce pas ? »

Oui voilà, c'était juste une question d'habitude.

N'est-ce pas... ?


✧༄✧

Cela faisait maintenant une bonne dizaine de minutes qu'Alexandre avait terminé sa journée de travail au sein de l'entreprise pour laquelle il travaillait depuis bientôt six ans. Se trouver enfin hors de son bureau, qu'il partageait avec un collègue d'ailleurs, lui faisait ressentir un sentiment plus que libérateur. Plus les mois passaient et plus il attendait avec joie le moment où sa journée se terminait. Être assis pendant des heures, dans un bureau aussi triste que la mort, à n'avoir sous les yeux que des dossiers, des fiches, des chiffres, des noms, n'était franchement pas une activité qu'Alexandre aimait particulièrement. Il y a six ans, juste un peu avant qu'il ne commence ce foutu travail, il s'était convaincu lui-même qu'il allait survivre. Que faire un travail qui ne l'intéressait pas « tant que ça » allait être facilement gérable et même qu'à force de le faire tous les jours, il développerait de l'intérêt pour lui.

Qu'il était con.

Sincèrement, il se trouvait sacrément con d'avoir pu penser que ça irait.

Trouver un autre travail, qui aurait été un peu plus plaisant, l'avait tenté de nombreuses fois. Mais comme pratiquement tous les humains qui peuplaient cette planète, Alexandre n'avait qu'une seule envie ; vivre de sa passion.

Ce désir qui était apparu si soudainement avait été à la fois l'origine de tous ses conflits, de tous ses cauchemars et de tous ses rêves.

Alors oui. Oui c'est vrai, il pouvait démissionner et faire autre chose que comptable. Mais ça c'était la version simple qui ne prenait en compte aucune circonstance. Parce que même si Alexandre avait envie de faire un autre boulot, ce n'était pas pour autant une bonne idée. Actuellement, son travail lui permettait juste de se maintenir en vie ; il avait assez d'argent chaque mois pour payer son loyer, les courses, quelques pinceaux et parfois le vétérinaire lorsque Pumpkin en avait besoin. Mais jamais plus. Aussi, Alexandre travaillait depuis déjà un petit moment pour cette entreprise et sincèrement, c'était un sacré avantage dans la vie active. Il était connu au sein de l'équipe, s'entendait à peu près bien avec tout le monde et avait su faire ses preuves envers sa boss. Il y a un an, Alexandre avait même eu la chance d'avoir une augmentation.

Pour lui, changer de travail serait une erreur qui pourrait franchement lui coûter cher. Et même s'il trouvait le courage de quitter son travail, qu'est-ce qu'il ferait après ? Vivre de son art lui était impossible pour le moment et il n'avait pratiquement aucun diplôme, un simple bac plus deux qui lui avait fait passer par bien des galères.

Alexandre secoua la tête.

Non. Franchement, ce n'était pas la bonne chose à faire.

Après avoir soufflé un bon coup, il accéléra le pas pour éviter d'arriver en retard. Il lui était arrivé de prendre ce chemin si souvent après le taf qu'il n'hésitait plus lorsqu'il fallait tourner à telle ruelle ou à telle intersection. Rien qu'en voyant la devanture du café, Alexandre se sentait déjà un peu mieux tout en sachant ce qui l'attendait à l'intérieur de celui-ci. Ne voulant pas attendre plus longtemps, il poussa la porte et rentra dans le commerce. Sans surprise, il y avait quelques personnes dans le café ; certaines lui étaient familières puisque comme lui, ils étaient des clients réguliers qui aimaient se retrouver dans ce petit coin de tranquillité lorsqu'ils en avaient besoin. Une tête en particulier attira son attention. Ses pas le dirigèrent de lui-même vers celle-ci.


« Te voilà enfin ! J'ai déjà pris la commande. Deux cafés avec du lait. »


Alexandre s'avachit littéralement sur la chaise libre.


« Merci vieux. T'as attendu longtemps ?

— Non du tout, ça fait à peine quelques minutes.

— T'as croisé Léo' ? »


Il se contenta de secouer la tête mais, il rajouta pour s'expliquer :


« Yuna m'a dit qu'il avait pris congé pour quelques jours. De ce qu'elle m'a expliqué, il est parti se faire un petit week-end pour décrocher un peu.... pour se détendre.

— Tu m'étonnes... tenir le café à seulement trois ça doit pas être simple. »



Et c'était le cas. Yuna, Léo et Lyes étaient trois amis de longues dates qui avaient réalisé leur rêve ; monter leur propre café dont ils seraient les seuls responsables. Alexandre ne savait pas d'où leur était venue cette idée. Peut-être que Zayan le savait ; après tout, il était celui qui les avait présentés.


« Bon alors, coupa t-il, on s'y met ? Crois-moi, vaut mieux pas perdre de temps ; j'ai tellement de trucs à t'expliquer ! »



Alexandre acquiesça vivement. L'entrain et l'optimisme de Zayan lui donnaient toujours le sourire. Quelques secondes plus tard, Yuna leur apporta leurs cafés alors qu'ils se mettaient déjà à sortir quelques feuilles de leur travail. Mais une fois partie, Zayan prit la parole et il se lança dans ses explications tout en les résumant sur une feuille vierge qu'il avait préalablement sortie. Il y a trois ans de cela, Zayan et Alexandre s'étaient rencontrés à la bibliothèque ; l'ancien campagnard cherchait une nouvelle bande dessinée à lire et le citadin affirmé s'était précipité sur lui pour le conseiller. Le basané travaillait à la bibliothèque depuis des années et donc très vite, il avait pu aiguiller facilement Alexandre qui avait fini par trouver son petit bonheur.

Depuis, à chaque fois qu'il s'était rendu à la bibliothèque, Alexandre avait pris comme habitude de directement voir Zayan pour lui décrire quelle genre d'histoire il voulait et son ami arrivait toujours à lui en trouver une qui correspondait à ses goûts. À force de se côtoyer souvent, les deux hommes avaient fini par se rapprocher. Ils s'étaient vus de nombreuses fois en dehors du lieu de travail de Zayan pour apprendre à se connaître, découvrant alors peu à peu qu'ils partageaient les mêmes passions et les mêmes centres d'intérêts. Alexandre avait appris que Zayan rêvait de sortir son propre bouquin, son propre roman. Et Zayan avait appris qu'Alexandre avait un véritable talent lorsque cela concernait le dessin et que lui aussi, rêvait de sortir sa propre histoire. Les deux s'étaient alors lancé dans un projet fou. Celui d'écrire une histoire qui ressortirait sous forme de bande dessinée.

Dès lors, il avait considéré Zayan comme l'un de ses plus proches amis.

Arrivé ici,  Alexandre s'était senti terriblement seul.

Il ne connaissait rien, ni personne.

Et pourtant, des personnes ; comme Zayan ou Yuna lui avait appris à se sentir moins esseulé, malgré l'ambiance de la ville qui lui était pesante.


« C'est pour ça que je me suis dit que c'était plus logique qu'il le découvre encore plus tard... »



Alexandre laissa planer quelques secondes de silence, mordillant inconsciemment la lèvre sous sa réflexion.


« T'as raison. Ça nous laisserait beaucoup plus de temps pour introduire Sean et pour pouvoir le développer aux côtés d'Hele. »



Zayan acquiesça pour lui-même. Sur une feuille, il raya un bout de phrase et il inscrit deux-trois petits mots juste au-dessus. Dans la seconde d'après, il se redressa vivement vers Alexandre, comme si un éclair de génie venait soudainement de le frapper. Alexandre se retenu de faire une quelconque remarque sarcastique.


« T'as avancé dans le design des perso' ?  » demanda-t-il presque des étoiles dans les yeux.



Il se contenta de sourire. De son sac de travail, il sortit une grande pochette et l'ouvrit sous les yeux presque brillants de Zayan. Alexandre était soigneux et délicat dans ses mouvements, cela les rendait lents tant il ne voulait pas prendre le risque d'abîmer ses feuilles de dessin. Evidemment, il avait le rôle du dessinateur. C'est pour cela que c'était lui qui s'occupait de créer la plupart des paysages ainsi que le design et le physique des personnages, mélangeant toujours ses idées avec celles de Zayan. Habituellement, Alexandre dessinait sur papier, puis remplissait son dessin à l'aquarelle et le tout dans un style particulièrement réaliste. La plupart du temps, il était fier de ce qu'il faisait. Mais Alexandre n'essayait jamais de dessiner des visages dans ce style en particulier. Tout simplement parce que selon lui, c'était catastrophique. Rien n'allait. Il n'en était jamais satisfait.

C'est pour cela que pour leur bande dessinée, Alexandre dessinait dans un tout autre style. Un style bien plus fantastique et accessible pour un projet comme le leur. Si au début il avait été plutôt sceptique, maintenant, Alexandre devait reconnaître qu'il s'en sortait plutôt bien — il arrivait à être à peu près satisfait de ses visages — et que le style qu'ils avaient utilisé s'accordait complètement avec leurs idées et l'histoire.


« J'ai refait celui-ci de Ryle et changé plusieurs trucs dans celui-ci de Kara, Looys et de Reeve. »


Comme d'habitude, ils passèrent pas mal de temps à s'expliquer, à modifier, à supprimer et à créer. Ils étaient minutieux et réfléchissaient correctement pour espérer ne laisser aucune erreur. Pour être honnête, Alexandre ne savait pas si ce projet allait aboutir à quelque chose de concret. Sincèrement, c'est quelque chose qu'ils ne pouvaient pas savoir. Cependant, il se refusait d'abandonner celui-ci. Il avait dû sacrifier et abandonner beaucoup de choses par le passé. Il ne voulait pas que tout cela soit gâché. Il ne voulait pas non plus mettre sa passion de côté. Il n'arrivait plus à la contenir.

Il n'arrivait jamais à l'oublier.


« La vache ! s'exclama Zayan en s'étirant sur sa chaise. Il est quelle heure ?

— Bientôt dix-neuf heures et demie. » répondit Alexandre après avoir regardé sa montre.



Zayan acquiesça. Il se redressa et se mit à ranger ses feuilles. Comprenant où il venait en venir, Alexandre l'imita.


« Je ne sais même pas si j'aurai encore de l'énergie pour ce soir. J'ai littéralement de la compote à la place du cerveau ! » rajouta le basané en riant.



Un petit sourire intéressé naquit sur les lèvres du blond.


« T'as un rendez-vous ?

— Oula non ! s'empressa de couper Zayan. Je vois de la famille ! »


Inconsciemment, Alexandre s'arrêta dans ses mouvements.


« Ta famille ?

— Non, celle du boucher. »


Alexandre fronça les sourcils alors qu'il eut un mouvement de recul. Zayan leva directement les yeux au ciel.


« Mais oui ma famille espèce d'idiot ! Ma sœur veut nous présenter sa copine. Je veux pas rater ça ; c'est super important ! Alors range moi tes feuilles ; plus vite ça sera rangé, moins je serai en retard ! »


Il se contenta d'acquiescer alors que son ami avouait à quel point il était stressé à l'idée de rencontrer celle qui faisait battre un peu plus vite le cœur de sa sœur.  Ils se retrouvèrent bien vite dehors ; addition payée, sacs sur le dos et vestes fermées. Alors que Zayan continuait de s'apitoyer sur son sort, Alexandre pressa son épaule.


« Mec, ça va bien se passer.

— Elle me déteste, je le sais.

— Tu l'as jamais rencontré, andouille.

— Mais je le sens pas ! J'ai un mauvais pressentiment » dit-il en prenant dramatiquement Alexandre par les épaules.



Le blondinet arqua un sourcil, gardant son air habituellement blasé. Mais sentant que Zayan semblait tout de même vachement tendu, Alexandre glissa un petit sourire tendre sur ses lèvres. Il serra l'une des mains de son ami brièvement dans la sienne avant de le rassurer sur la situation. Le basané se détendit peu à peu, retrouvant même de sa bonne humeur si agréable. Finalement, après s'être assuré que Zayan ne se défilerait pas, les deux échangèrent une légère étreinte chaleureuse avant de se quitter pour de bon. L'un allant retrouver sa famille pour toute la soirée. L'autre allant retrouver son appartement comme il en avait l'habitude.


✧༄✧


Alexandre laissa la nicotine remplir ses poumons quelques secondes, avant de recracher la fumée afin que le vent l'emporte loin d'ici. Il aimerait bien que ses pensées indésirables partent aussi facilement. Savourant chaque bouffée qui avait le don de le détendre, le blond évitait soigneusement de penser aux souvenirs qui le faisaient souffrir. Sa main passa plusieurs fois dans ses cheveux — les tirant par la même occasion — ce qui était définitivement un signe d'anxiété. Il avait du mal à l'admettre, mais cela lui arrivait de penser à sa famille. Alexandre retraçait leur visage, leur voix, leurs gestes dans sa tête et il ne pouvait s'empêcher d'être... nostalgique. 

Non. C'était bien plus que de la nostalgie. 

Ce n'était pas simplement ce sentiment qui disait ; « C'est vrai que c'était bien comme ça... mais bon, le temps a passé ! »

C'était bien plus fort. Bien plus douloureux. C'était comme... 

« C'était il y a longtemps. Mais ça ne passe pas. Je... je n'y arrive pas. Je n'arrive pas à l'oublier. Je veux retrouver tout ça... je le veux. J'en ai besoin. »

Tout ça lui... manquait. 

Alexandre écrasa violemment sa cigarette dans le cendrier. Il poussa un râle. Parfois, il aimerait bien ne plus penser du tout pour s'éviter ce genre de songes beaucoup trop désagréables. Presque inconsciemment, son corps se tourna vers son ordinateur qui était installé sur la table basse de son salon. Alexandre l'observa quelques secondes. Il était ouvert et dégageait une faible lumière. Bordel. 

Qu'est-ce qui le séparait de sa famille ? Une dispute et une centaine de kilomètres ; sûrement un peu plus mais ce n'était pas très important. Une putain de dispute. Celle qui l'avait fait partir de chez-lui. « Chez-lui... ». Ce même chez-lui qui l'avait accueilli pendant vingt-ans mais où il n'avait pas remis les pieds depuis sept longues années. Ce même chez-lui qui lui rappelait les meilleurs moments de sa vie comme les mauvais. 

Puis, son regard dévia sur le calendrier qui était accroché au-dessus de son bureau. Ses yeux restèrent vissés sur une date en particulier. Le 17 avril. Pâques. Dans ses souvenirs, sa mère entourait toujours cette date à l'aide du stylo rouge de la cuisine qui marchait une fois sur trois. Tout simplement parce que c'était un jour particulier. Un jour que la famille Delmas trouvait important, peu importe l'année et les circonstances. 

C'était un jour de fête où toute la famille se retrouvait. 

Sept ans qu'Alexandre ne les avait pas vu... 

Il ne savait pas s'il pouvait surmonter cela encore une fois. 



✧༄✧

 3033 mots. 

j'espère que ce premier chapitre vous a plu :) 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top