Chapitre 9 : Retours aux sources.
Les cheveux en bataille et dans une tenue plus qu'approximative, je me noie volontairement dans le travail. J'essaye d'éloigner toute pensée incendiaire de ma tête.
Malheureusement, je dois bien m'y résoudre, c'est un échec cuisant. Un peu comme quand tu lis et qu'à la fin de la page, tu te rends compte que tu n'as strictement rien absorbé à ta lecture.
J'essaye de toutes mes forces pourtant... Je revois ses yeux malins, son sourire provocateur... Je sens encore les frissons me parcourir, ne laissant de répit à aucune partie de mon corps.
Je le déteste. Et je me déteste encore plus. Comment je peux encore penser à lui de cette manière là, après les mots qu'il a eus pour moi.
Je suis sûr qu'il m'a marabouté. Ce n'est pas possible autrement. Je suis passé d'une jeune fille sensée à une écervelée. Il n'y a que la magie qui puisse être derrière tout ça.
Comme le bruit du gong qui nous sauve, la sonnerie de mon téléphone me sort instantanément de mon esprit tourmenté. C'est le nom de ma grande sœur qui s'affiche à l'écran.
- Salut Isabelle !
- Alors comme ça, tu invites Mia à passer le week-end avec toi et pas moi .
- Alors déjà, bonjour ! Oui, je vais bien et toi ? Toi aussi génial et...
- Rooh, la ferme !, me coupa-t-elle.
- Oh, hé bien ça, ce n'est pas très sympathique. Et pour te répondre, non, je ne t'ai pas volontairement oublié, c'est simplement que je pensais que tu ne serais pas libre.
- Et bien, tu as mal pensé. Je le suis, lança-t-elle d'un ton ferme.
- Et les cours, les révisions, les examens ? Isabelle, c'est bien toi ?, demandais-je en chuchotant mes derniers mots.
- Tais toi idiote, je te dis que je suis libre, me répondit elle avec une voix qui laissait transparaître le sourire sur son visage.
- Alors ramène tes fesses !
Après quelques échanges de plus, je raccroche et me rends compte que je me suis peut-être un peu avancé. Mia est censée arriver demain et pas sûr qu'il reste des places sur son vol. Je regarde un peu sur mon ordinateur et le couperet tombe. Les seules places encore disponibles sont en première classe et sont clairement hors budget.
Je me gratte la tête et réfléchis. J'attrape mon téléphone, sans trop de conviction, et passe différents coups de fil. Vingt minutes plus tard, Isabelle est sur le vol, et Mia est surclassée.
Je pose mon téléphone sur mon bureau et arbore un sourire imbécile sans trop bouger. Il me faut deux minutes pour réaliser ce que je viens de réussir à faire.
J'ai appelé des gens qui ont appelé d'autre gens. Moi, Amy, la petite fille du fond de la classe, toujours plongée dans ses lectures : j'ai des contacts.
Celle qui, il y a à peine quelques semaines, vivait dans une petite ville perdue du Montana.
Qui n'avait qu'une amie, car elle estimait que son temps était trop précieux pour être partagé avec n'importe qui.
Celle qui passait tout son temps libre à confectionner un journal, qu'elle distribuait chaque lundi à tous les membres de sa famille.
Aujourd'hui, elle est là, dans cette chambre d'hôtel. Je suis là. Aujourd'hui, moi Amy Davis, j'ai des contacts à New York.
Alors que je suis sur un petit nuage, visualisant le chemin déjà parcouru, mes yeux se posent sur l'état de ma chambre.
Si ma mère voyait ça. J'entends ses mots résonner dans ma tête "Un esprit clair dans une maison propre" ou encore "une maison bien rangée apaise l'esprit". Oui, ma mère avait beaucoup d'imagination quand il s'agissait de nous inciter à faire le ménage.
Mais juste ciel, qu'elle a raison. Le désordre qui m'entoure n'étant que le reflet du brouillard qui embaume mon esprit ces derniers jours.
Aller hop, trêve de rêvasserie. Les filles arrivent demain et un bon coup de rangement s'impose. Autant pour elles que pour moi.
J'attrape tout le matériel nécessaire et me mets en tenue de combat. J'y passe une grande partie de la journée et ne ménage pas mes efforts. Je veux qu'elles soient aussi éblouies que je l'étais quand j'ai posé le pied de cette chambre.
Une fois terminé, je passe ma soirée à fignoler les derniers détails des préparatifs du week-end. J'ai réellement envie et besoin que tout soit parfait.
C'est la première fois qu'elles mettent les pieds à New York et, pour Mia, c'est même la première fois qu'elle quitte notre État. Je veux simplement leur offrir un peu de mon rêve, de leur faire partager un peu de tous ces privilèges qui font mon nouveau quotidien.
Après ma douche, je fonce sous ma couette pour m'endormir au plus vite. Je n'ai qu'une envie, être demain et, je le sais, le chemin le plus rapide est celui des bras de Morphée. Il est évident qu'au vu de la fatigue qui m'habite, cela risque d'être assez rapide, limitant ainsi les errances plus que douteuses de mon esprit.
Le réveil sonne. Je bondis de mon lit surexcité. Puis je me prépare plus rapidement que Flash lui-même. Je saute ensuite dans un taxi et file en direction de l'aéroport.
Là-bas, je m'installe à l'endroit où elles sont censées débarquer. Quand je les aperçois, un bien-être profond m'enveloppe. Deux des cinq personnes que j'aime le plus sur cette terre sont là, à quelques mètres.
Nous nous avançons les unes vers les autres doucement puis de plus en plus vite pour finir par courir et se sauter dans les bras. Je les serre si fort. Elles m'ont tellement manqué.
Les retrouvailles terminées, nous repartons en direction de mon petit nid new-yorkais.
Isabelle et Mia sont déjà à court de mots, rien que par l'hôtel lui-même, alors quand je pousse la porte de ma chambre, leurs mâchoires frôlent le sol.
- C'est du pur délire, s'extasie Mia.
- Et cette vue, c'est... complètement hallucinant, dit Isabelle en s'avançant vers les immenses fenêtres vitrées.
Après s'être délestée de ses valises et avoir scrupuleusement fait le tour de mon espace de vie, Mia se jette sur mon lit.
- Bon parlons peu, parlons bien. William?
À l'écoute des mots de Mia, Isabelle, encore bloquée sur la vue, se retourne instantanément et la rejoint en courant. Elle saute sur mon couchage toute guillerette. Elle se positionne à plat ventre, la tête posée entre ses mains. Mia l'imite et elles arborent maintenant la même posture.
Malgré leur petit numéro, tout ce que je vois, c'est qu'elles sont semblables à deux charognards autour d'une proie blessée et, au son de leurs petits ricanements, je pencherais pour des hyènes.
Des vilaines, méchantes, moches hyènes.
- Ah oui, ça, c'est un sujet super intéressant ! valide Isabelle.
- Tu n'as qu'à dire que tout ce que je raconte depuis tout à l'heure ne l'est pas, râlai-je en croisant les bras.
- Non pas du tout ! Ça l'est juste beaucoup moins, continue de m'enfoncer Isabelle.
- Vous êtes trop méchantes... Bougonnais-je en lui lançant un vêtement au visage.
Aucune d'elles ne réagies et elles gardent le même sourire idiot. La persévérance est une qualité que j'apprécie, mais là, je m'en serai bien passé.
Je reste silencieuse. Elles aussi. Je le sais, elles ne lâcheront pas l'affaire.
Je vais tenter d'invoquer leur pitié. De toute façon, c'est ma seule, unique et dernière option avec des énergumènes pareils.
- Non vraiment, les filles, je comptais sur vous pour justement ne pas penser à tout ça ! Soyez sympa. Ne laissez pas votre curiosité malsaine prendre le pas sur l'amour que vous me portez.
- C'est toi, Madame la journaliste, qui nous parle de curiosité malsaine ! Tais toi et déballe nous tout, me fusilla ma sœur comme on abat un oiseau en plein vol.
Je la regarde et dépose ma main sur mon cœur, faisant mine d'être physiquement blessé et choqué par ses paroles.
- Allez, s'il te plaît, Amy. Moi, je suis toujours coincé dans notre petite ville natale et aucun de mes rêves n'a l'air de vouloir se réaliser. Pourtant, ce n'est pas faute d'y mettre du mien. J'ai acheté un super paillasson avec écrit « Si vous êtes millionnaire, sonnez », mais rien ! Alors, j'ai vraiment besoin que tu mettes des paillettes dans ma vie, Amy, lâcha Mia, sous forme de supplication.
Est-ce qu'elle ne vient pas de me prendre à mon propre jeu ? C'était moi qui étais en train de jouer la carte de la pitié et elle vient littéralement de me mettre un contre Uno. Elle a toujours les mots pour me faire craquer cette nouille. Bon, eh bien, il n'y a plus qu'à appliquer la technique du pansement. Plus vite commencé, plus vite terminé.
- On se cherche, mais ça ne veut rien dire. Il veut juste s'amuser un peu. À la première occasion, il a essayé de coucher avec moi. Ça prouve bien que ce n'est pas important... Et puis ça m'a bien refroidie !, lâchai-je d'un ton désabusé, espérant que ces quelques mots suffiraient.
- Hum, ça veut dire que tu étais chaude, glisse Mia d'une voix enjouée.
- Toi et le bon goût, ça fait au moins...
Je prends un air très concentré et fais semblant de compter sur mes doigts.
- Neuf, au moins neuf !
Ressemblant à une maîtresse d'école venant apaiser les tensions entre deux élèves turbulents, Isabelle intervient.
- Il a peut-être simplement été maladroit.
- Mais je suis à un moment charnière de ma vie. Je ne peut pas me prendre la tête pour ça. Je ne peux pas me louper pour une histoire de garçons. Ce serait vraiment le pompon, non ? J'ai passé les 21 premières années de mon existence à façonner mon plan de carrière, focalisée sur mes objectifs, inébranlable ! Et là, maintenant que tout prend forme...
- Moi, j'aurais couché avec lui, lance Mia comme si de rien n'était.
Sur le visage d'Isabelle et le mien, naît simultanément la même expression confuse. Puis vient doucement le sourire complice. Je m'approche de ma grande sœur et m'affale à moitié sur elle, pendue aux lèvres de notre Mia.
- Bah oui, c'est sûrement pour ça que ça prend tant de place dans ta tête. À force de vous tourner autour sans que ça aboutisse, vous faites monter la sauce ! C'est une théorie scientifique, se justifie-t-elle.
- Une théorie scientifique... répétais-je pour la taquiner en éclatant de rire avec Isabelle.
- Oui, mesdames, mais vous ne pouvez pas comprendre parce que vous êtes trop bêtes, lança-t-elle en nous balançant des doigts d'honneur.
- Oh bébé Mia est vexé, dis-je en commençant à lui monter sur le dos.
- Tu veux des bisous, renchérit Isabelle, en suivant mon action.
Alors que nous sommes tous les deux sur une Mia qui nous insulte, je pense que c'est le bon moment pour tenter une échappée furtive.
- Sinon, j'ai préparé un super weekend !
- Elle est en train de changer de sujet là, dit Isabelle presque à voix basse en s'adressant à Mia.
- J'en ai bien l'impression, acquiesça Mia.
Raté. Je me relève et saute de mon lit pour me replacer sur ma chaise de bureau.
- Peut-être que tu as raison, Mia, mais je ne coucherais pas avec lui, juste pour valider ta théorie scientifique. De toute façon...
Je m'arrête un instant, prends une grande inspiration, puis laisse tomber mes épaules à l'expiration.
- Il a dit que j'étais... Juste une fille.
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Salut à tous!
Merci de m'avoir lu et de m'offrir de votre temps si précieux.
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