Ce matin, je suis au bureau, complètement plongée dans mon travail, comme à mon habitude. Où peut-être un peu plus... 

Ces derniers jours, dès que mes pensées ne sont pas occupées à quoi que ce soit, elles s'égarent toujours sur la tête de cet abruti. 

Johanna arrive et m'extirpe des méandres de mon esprit. Elle a l'air extrêmement heureuse et excitée.

- J'ai une super nouvelle! L'équipe qui devait couvrir le show, est malade! Ils vomissent tous partout et sont cloués au lit avec 39°de fièvre. Un vrai carnage, balance-t-elle joyeusement.

Alors qu'elle nous fixe, souriante et les bras levés, comme si elle attendait une réaction, nous restons tous muets. Pourquoi a-t-elle l'air si exaltée, que certains de nos collègues soient coincés aux toilettes ?

Face à nos visages interloqués, elle comprend qu'un éclaircissement s'impose. 

- Je sais que ce n'est pas bien de se réjouir du malheur des autres... mais là... C'est nous qui avons été choisis pour les remplacer! Nous allons couvrir le Multiverse Sport Event!!

L'équipe fait corps et d'une seule voix, exprime sa joie. 

Je n'en reviens pas! C'est le Multiverse Sport Event! C'est certainement l'événement télévisuel le plus attendu de l'année. 

Le concept ? Des sportifs se retrouvent pour s'affronter dans tous les domaines, mais jamais le leur. On y verra par exemple, un boxeur faire du baseball, un judoka faire du tennis ou encore un basketteur faire de la course automobile.

Certains sportifs sont excellents dans n'importe quelle catégorie. Pour d'autres c'est plus compliqué... C'est sûrement ce qui rend le programme si populaire. Voir le meilleur golfeur devenir un piètre tennisman, ça vaut le détour. 

- Je vous laisse la programmation et les notes déjà prises par l'autre équipe. Ça va être beaucoup de boulot et d'heures supplémentaires car c'est à peine dans quelques jours... Mais j'ai confiance en vous. Nous allons y arriver. Nous sommes les meilleurs. Allez au travail!!

Tout le monde s'active d'un coup. En quelques secondes, les bureaux ressemblent à une véritable fourmilière. 

Au bout de plusieurs heures de travail, je m'échappe dans le couloir pour boire un petit café mais surtout pour apprendre la nouvelle à mon papa. 

Je m'empares de mon téléphone, glissé dans la poche arrière de mon jean et l'appelle.

- Maman? Dis-je surprise. 

- Oui mon cœur?

- Où est papa?

- Moi aussi je suis ravie d'entendre ta douce voix, ironise ma mère.

- Désolé maman, mais j'ai un truc super génial à lui dire.

- Il est en train de sortir les courses. 

- Bon, je peux pas attendre, il faut que j'en parle! Maman, je vais couvrir le Multiverse Sport Event !! Exaltais-je. 

- Le quoi?!

Voilà pourquoi c'était à mon père que je voulais en parler.

- Maman! C'est l'émission la plus populaire des États-Unis! Je la regarde tous les ans avec Papa et Sophia! 

- Ah oui ça!

- Passe moi Papa! Soupiré-je.

- Chéri! Ta fille au téléphone.. Apparemment c'est hyper important!

Apparemment?! Ma mère me désespère parfois.
Après quelques instants, mon père arrive enfin. J'explose alors dans le combiné. 

- Je vais couvrir le Multiverse Sport Event !!

- Wooooooo!!!

J'entends les hurlements de mon père s'éloigner. Ma mère reprend le téléphone. 

- Ton père a enlevé son tee-shirt et court autour de la maison en braillant.

- Tu vois, ça, maman, ÇA, c'est une réaction normale.

Un long moment plus tard, je suis toujours entrain de bosser comme une dingue. 

Et alors que l'heure est à la fête, mes pensées se paument sur le cas William. Il sera là, c'est sûr. Il ne rate jamais cet événement. Il est un des sportifs emblématique de l'émission. 

Il a blessé mon ego...  et pourtant en me remémorant simplement son odeur, j'ai des frissons...

Je suis... Pitoyable!

Attends, est ce que je suis vraiment en train de me prendre la tête pour un garçon qui a sûrement déjà oublié que je partage la même planète que lui?!

Non je refuse. Je ne suis absolument pas pitoyable. J'ai tout bonnement rencontré un des spécimens humains mâles, les plus beaux jamais créés, alors forcément, ça tape un peu mais ça va passer. 

 Ça doit passer.  

***

C'est le Jour J. Nous y sommes, enfin. 

Le déroulement du Multiverse Sport Event est le suivant:

•Un tirage au sort pour connaître les changements de carrière éphémères.

•Une conférence de presse pour recueillir le ressenti de tous les sportifs.

• Une semaine d'entraînement pour se préparer au tournoi, qui durera 3 jours.  

•La cérémonie du sacre des gagnants de chaque discipline.

Nous sommes donc, dans une grande salle de conférence. Sur de grands écrans, nous suivons les résultats en direct. William sera boxeur. Sans mentir, le voire prendre quelques droites, ne me fera pas de mal.

Il est 17h quand les premières interviews commencent. Nous sommes tous assis sur des chaises, face à l'estrade, ou les sportifs défilent en groupe, en fonction de leur nouvelle affiliation.
L'ambiance est douce et agréable. L'heure n'est pas au questions piège, sensible ou au débats épineux. 

Alors que 20h sonne, le dernier groupe fait son entrée... les boxeurs.
Je n'ai pas eu une seconde de répits et mes pensées sont restées focus sur le Job. Mais est-ce que ça va être la même histoire, quand il pointera son joli minois. 

La réponse ne se fait pas attendre, dès que Will fait son apparition, mon petit cœur se met à battre la chamade. Je me parle à moi-même et me chuchote gentiment "Idiote", tout en me promettant de ne pas céder. Je ne suis pas là pour ça! J'ai une carrière à mener, moi. Il faut que j'écoute ma raison et pas ce petit organe stupide.
Ma tactique est la suivante: ne lui adressé aucun regard. Je vais nier jusqu'à ta complète existence William Peters.

Je suis super motivée mais je me rend vite compte, que c'est très dur de ne pas regarder quelqu'un surtout quand vous sentez que cette même personne n'arrête pas de vous fixer. 

J'ai l'impression qu'il a bien remarqué ma manœuvre et qu'il s'est pris au jeu. Il ne veut pas me lâcher. Mais il ne sait pas à qui il a à faire. J'ai joué à "je ne te vois pas donc tu n'existe pas" pendant des jours entiers avec mes sœurs. 

D'un coup les lumières s'éteignent. Les équipes nous font sortir de la salle le temps de trouver une solution à ce problème technique. Sauver par le Kong?! 

Tout le monde en profite pour se dégourdir les jambes, boire un café où allez au WC. Moi je vote pour l'option petit pipi.

Une fois mon affaire terminée, je sors des toilettes et rentre brusquement dans quelqu'un. 

- Arrête ça !, lui ordonnais-je.

- Bonjour à toi aussi, Amy. De quoi parles tu au juste ?, me provoque t'il pendant que des fossettes naissent au creux de ses joues. 

- Tu n'arrêtes pas de... De m'observer.

- Ah ça ? ...Non. J'ai n'en est pas envie.

- Pardon ? Je crois que je tu n'a pas compris le sens de mes mots. Ce n'était pas une demande mais un ordre !

- Un ordre? Amy, tant que je ne te touche pas, que je n'entre pas dans ton espace vital, je peux faire ce que je veux... me nargue t'il.

- Je ne m'étais pas trompé sur ma première impression. T'es un psychopathe!

- Et ça, ce n'est que la partie émergée de l'iceberg.

Mes yeux devinrent des fentes. Un iceberg?! Il m'a pris pour le Titanic ou quoi lui?!

- C'est déjà beaucoup trop! Concluais-je.

Je me décale et rejoins mes collègues.

Le problème est résolu et nous pouvons tous retourner en salle de conférence.

Je reste bien sûr toujours sur mes positions. Pas un regard. 

Quand vient son tour d'être interrogé, pour être certaine qu'aucun de mes yeux ne fassent un faux pas, je décide de tourner la tête et de fixer un point précis. Je choisis le néon "sortie de secours". 

Les mains se lèvent puis s'abaisse. Mais rien ne se passe. C'est le calme plat. 

Puis petit à petit, je vois que les regards se portent sur moi, suivis de messes basses. Quelque chose ne va pas pas. C'est trop calme... j'aime pas trop beaucoup ça... j'préfères quand c'est un peu trop plus moins calme.

Et fixer ce néon était une très mauvaise idée. Ça pique mes yeux!

Je reçois, un coup de coude de Johanna qui vient confirmer mon ressenti. 

Je regarde devant moi et voit William qui a un sourire tellement prononcé que je peux l'entendre. 

Mes yeux s'assombrissent et lui jettent des éclairs dignes du grand Thor. Qu'elle enflure. 

Je fais mine de refuser, en faisant un signe de la tête, mais il insiste et pointe à nouveau son gros doigt vers moi. Je le déteste.

Johanna m'adresse un deuxième coup de coude, dont la signification ne laisse aucune place au doute : "Pose une question ou je vais t'anéantir"!

Je ne pouvais qu'admettre qu'il avait bien joué son coup. Il fallait que je réplique à la hauteur de son idée de génie. Le retour du bâton, tu connais William Peters?

Je me lance alors, de l'aire le plus hautain que j'ai en ma possession.

- Qu'est ce que cela vous fait d'être, actuellement, plus connu par vos frasques, vos conquêtes, vos déboires que par vos compétences sportives? Il est vrai que certains de vos fans ne vous connaissent que pour votre physique avantageux. Beaucoup ne savent même pas que vous êtes pilote de course.

La salle est dubitative. 

D'une part, ma question n'a rien à voir avec le Multiverse Sport Event. 

De plus, elle est un petit peu virulente alors que l'ambiance, comme je l'ai déjà dit, était jusque-là plutôt bonne enfant.

Au vu de son expression, je comprends qu'il m'a eu jusqu'au bout. 

J'aurais dû poser une question banale, sans profondeur pour lui prouver que j'en avais strictement rien à faire... Au lieu de ça, j'ai foncé tête baissée, droit dans le mur. Je lui ai donné exactement ce qu'il voulait : de l'intérêt. 

Si on ajoute à ça, les armes de destructions massives qui servent, momentanément, d'yeux à Johanna... Je regrette amèrement mon initiative.

N'étant pas connu pour être un tendre, toute la salle est maintenant pendue aux lèvres de William Peters. 

Très détendu, il prend quelques secondes de réflexion. Où de torture, ça depends de point de vue. 

Personnellement, je vote torture. Je pense qu'il le fait exprès. Monsieur fait durer le plaisir, c'est un sadique. 

Il se lance enfin. 

- Je pense que toutes les personnes qui s'intéressent aux courses automobiles me connaissent car je suis le meilleur pilote de ma génération. Après ce n'est pas de ma faute si je suis aussi extrêmement intéressant et que ma personnalité hors norme dépasse les frontières de mon sports... Et que je suis doté d'un physique avantageux, comme vous l'avez si justement souligné.

La salle rit. L'atmosphère glaciale laisse place à un chaleureux climat d'été. Ouf, je respire à nouveau. Je choisi malgré tout de rester discrète jusqu'à la fin de la conférence de presse.
Je m'enfonce dans mon siège. J'aimerais fusionner avec lui. Partir loin et vivre ma vie de chaise libre. 

Mais à vrai dire, j'espère surtout que mon intervention n'a pas trop déçu Johanna.

La conférence de presse se termine et à peine sortie de la pièce, elle me prend à part. 

Je veux être enterré dans une belle robe en soie verte. 

- Qu'est ce qu'il vient de se passer? 

- Euh... j'ai voulu... faire un trait d'humour... dis-je avec absolument aucune assurance. 

- Un trait d'humour ?! Si tu veux faire de l'humour, change de voie et devient humoriste !

Ouch! En plein dans le foie.

J'acquiesce et reste silencieuse, la tête baissée, le regard fuyant. 

- Dans ce métier, le talent ne fait pas tout, Amy. Il ne se suffit pas à lui même. Il faut s'avoir appréhender toutes les situations. Il y a des moments pour être "épineux" et d'autres où ce n'est pas le cas. Je ne comprends pas. Pourtant jusque là tu as toujours su d'adapter. Je ne veux plus d'erreurs de ce genre.

- Plus jamais Johanna, lui promettais-je. 

Elle s'éloigne et me laisse seule. Je me sens nul. Johanna est vraiment une perle. Elle m'a à peine sermonné.

Je décide d'aller au distributeur de confiserie. J'ai besoin de sucre réconfort. Une bonne barre chocolaté fera l'affaire. Ou neuf. 

En plus, le distributeur est un peu excentré. C'est parfait. Je pourrais m'empiffrer sans aucun regard réprobateur. Alors que je commence ma «je ne sais pas combientième» sucreries, une silhouette vient à ma rencontre. 

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Merci de m'avoir lu.
À votre avis,
qui va à la rencontre d'Amy?

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