Chapitre 14 : Juste une Fille. (Partie 1)
Sans même lui laisser le temps de répondre, il se retourne vers moi.
- Ça va ? me demande-t-il.
- Oui, très bien.
- D'accord.
Il se tourne à nouveau vers Steeve.
- On a un truc à régler tous les deux. Je ne sais pas le temps que ça prendra. Tu peux peut-être, je ne sais pas... te barrer.
Je tire William par le bras.
- Eh bien... je..., bafouille Steeve.
- Ouais, fait donc ça, termine William avant de se tourner et de m'attraper par la taille pour m'emmener plus loin, à l'écart.
- Je t'ai manqué ? Demanda-t-il en déplaçant une de mes mèches de cheveux.
- Vraiment ? C'est pour ça que tu m'as fait me déplacer ?, m'agaçai-je, en le repoussant et en tentant de regagner ma place.
Il me retient fermement et me replace devant lui en reprenant son sérieux.
- Ce mec t'embête ?
- Ce n'est rien, juste un mec un peu lourd du boulot. Tu connais ça toi, les mecs un peu lourds ?
- Ne me compare pas à ce genre de merde, répond-t-il en laissant s'envoler son air malicieux.
Il paraît d'un coup légèrement irrité. Je crois qu'il n'a pas apprécié la comparaison. Je reprends alors.
- Ce soir, il a un peu bu, alors, il est plus anxiogène que d'habitude. Mais ça va, je gère. C'est mon problème. Tu peux retourner à tes occupations.
Il est certain que j'avais envie qu'il reste. Je voulais continuer à tenter d'entailler sa carapace. D'en savoir plus sur le mystère qu'il représentait pour moi et qui prenait tant de place dans ma tête.
Mais je n'avais aucune envie de le mêler à cette histoire. William et tout ce qui l'entourait devaient rester dans mon univers personnel, il ne devait plus empiéter sur ma vie professionnelle.
De plus, rien qu'à voir la manière dont il avait déboulé quelques secondes plus tôt, j'émets de sérieux doutes quant à sa capacité à garder ses poings dans ses poches si une situation l'exaspérait un peu trop.
- Je peux t'aider à t'en débarrasser, tu sais ?, enchaîna-t-il.
- C'est exactement ce que je viens de ne pas te demander.
- Je suis sérieux.
- Moi aussi !
Et c'est la vérité. Je ne veux pas de son aide, mais...
- Qu'est-ce que tu comptais faire ? Juste par curiosité, lançai-je.
- J'aurais pu t'embrasser, là, maintenant.
- Hum hum ?, dis-je à court de répartie.
Même si j'essaye de paraître totalement impassible, les rougeurs naissantes sur mes jours doivent entacher sérieusement ma crédibilité.
- Après ça, il te laissera tranquille. Regarde comme il s'est chié dessus juste parce que je l'ai bousculé, imagine s'il pense que tu es à moi.
- Bousculé ?
Je l'interpelle sur le mot «bousculé» dans l'évidente intention de ne pas parler du « tu es à moi » et de l'effet incandescent que ces quelques mots hypothétiques ont eu sur ma petite personne.
- C'était plus qu'une bousculade, ton coup d'épaule était assez violent, continuai-je.
- Rien comparé à ce que j'aurais aimé lui faire.
- Tu n'as aucune notion de ce qu'est la demi-mesure, toi.
Il lève ses yeux au ciel et secoue la tête.
- Je connais ce monde, Amy, et je sais pourquoi tu ne dis rien. Il a une grosse carrière, des amis, de la famille bien placés. Si tu fais des histoires, ils lui foutront un blâme afin de faire bien et il reprendra sa carrière. Toi, tu termines ton stage et plus personne ne te rappellera. Il n'y a pas de demi-mesure là-dedans.
Ces propos me prennent aux tripes autant par leur véracité que par leur justesse.
Ils m'apportent aussi des informations précieuses. Cela dévoile une facette de William, qui jusqu'à présent m'était inconnue. Une facette extrêmement... plaisante.
Je déglutis et me touche la tête.
- T'es plus perspicace que ce que j'imaginais.
J'ai l'impression que c'est maintenant ou jamais, comme dit le proverbe. Je m'ose alors à la question dont la réponse m'effraie. C'est quand même pour ça que je suis venue, non ?
- Mais ce que je me demande, c'est pourquoi ma vie t'intéresse autant ?
Le pavé dans la mare est lancé.
- Ça n'a rien à voir avec toi, ce genre de mec me dégoute, c'est tout. Je ne peux pas rester à regarder sans rien faire.
Aie. Réaction nulle. Nul à chier. J'en ai assez. Un coup, il me donne extrêmement chaud et la seconde d'après, il me vide un seau d'eau glacée sur la tête. J'arrête les frais, je me casse.
- D'accord, enchaînai-je en me décalant pour retourner à ma table récupérer mon verre.
William saisit mon poignet et glisse doucement sa main dans la mienne.
- Ce n'est peut-être pas seulement pour ça.
Ces mots, je voulais les entendre et maintenant qu'ils sont là, je ne sais pas quoi en faire.
Car comme à son habitude, William ne donne jamais vraiment. Peut-être ou peut-être pas. Qu'est-ce que je fais de cette information, moi ?
À force de faire des montagnes russes émotionnelles, je vais finir par lui vomir dessus ! Et ce sera amplement mérité.
Alors que je suis en pleine hésitation quant à l'attitude à adopter, face à sa demi-révélation, j'aperçois Steeve. Il est revenu s'installer à notre table et me fait des grands signes, puis me montre deux verres qu'il vient de nous commander.
Apparemment, l'intervention de William n'était pas assez claire. Faudrait il enfoncer le clou ?
- Au fond, ce n'est peut-être pas une si mauvaise idée. Si ça peut m'aider à éloigner cet abruti, dis-je en levant doucement la tête pour trouver la sienne qui me toise.
La réalité : j'ai une envie consumant de poser mes lèvres sur les siennes. Par ce moyen, je cède sans céder. Je ne prends aucun risque.
Enfin, je crois...
Et qui sait, peut-être que les réponses seront là, dans ce baiser. Et si ce n'est pas le cas, au moins, je n'aurais pas perdu la face.
Je me recule et me positionne devant lui. Je ne dis rien. Je n'en ai pas besoin et, de toute façon, je n'en suis pas capable. Je tremble comme une feuille. Mon cœur bat extrêmement fort, tellement fort que cela résonne jusque dans mes tympans.
Il dépose une de ses mains sur ma joue comme pour me rassurer. Il avance son visage lentement face au mien. À quelques centimètres de ma bouche, il me regarde dans les yeux comme pour me demander si j'étais sûr de vouloir continuer. J'acquiesce d'un léger mouvement de tête. Il commence alors doucement à m'embrasser. Je deviens alors actrice de ce moment, ce qui le rend beaucoup plus intense.
D'un baiser timide, il évolue en baiser brûlant, langoureux. Il est semblable à l'aveu de l'attirance qui nous lie, pareil à deux aimants qui n'ont d'autre choix que de gravir l'un autour de l'autre.
Le contrôle n'est plus de rigueur. Je décharge toute la tension et l'attirance qui me ronge depuis que nous nous sommes rencontrés et, au vu de la manière dont il presse mon corps contre le sien, il en fait de même.
Soudainement, quelqu'un nous bouscule, ayant pour effet de mettre fin à ce moment aussi privilégié que puissant.
On se retrouve les yeux dans les yeux, perdu, silencieux. Comme si aucun de nous deux n'avait compris ce qu'il venait de se passer. Son souffle chaud inonde mon visage.
Mon téléphone sonne. Je le sors de ma poche pour voir qui m'appelle. C'est Mia.
- Euh... C'est ma meilleure amie. Je vais lui répondre. Je... Je reviens.
Il acquiesce, mais ne parle pas. Il a l'air complètement abasourdi.
Je le quitte pour me diriger vers les toilettes. Avant d'entrer, je le regarde au loin.
Il rejoint sa table. Il passe ses deux mains sur son visage, attrape un verre de whisky qu'il boit cul sec. Il s'avachit sur une banquette.
Je ne sais pas vraiment quoi en penser.
Mia tombe réellement à pique. Je la rappelle en pénétrant dans les toilettes.
- Tu appelles au bon moment toi, je viens de vivre un truc, tu n'as pas idée.
- Quoi, tu as pris goût vanille au lieu de chocolat ?
- Je viens d'embrasser William.
- Oh putain de merde ! Toi ?! Pour de vrai ?
- Attends, on ne s'est pas vraiment embrassé...
- Ah, je me disais bien !
- Enfin, si, mais c'était pour m'aider à me débarrasser de mon collègue lourdo, tu sais celui dont je te parlais la dernière fois, sauf que c'était... Très instructif.
- Votre baiser était instructif. Ce n'est pas très glamour tout ça !
- C'était fou, complètement fou. Je n'ai jamais ressenti un truc pareil. Mia, je suis foutu.
- Ah, je préfère cette version !
- Tu n'as pas entendu ce que j'ai dit ? Tu t'es trompé ! La sauce ne s'arrête pas de monter. J'ai une seule envie, c'est de recommencer.
- Après les théories, ce n'est pas super fiable non plus, surtout les miennes !
- Il avait l'air tout chamboulé, c'est un bon point, non ?
- Grave, on n'est pas chamboulé quand on n'en a rien à foutre. Il n'était pas prêt, Willy !
- Arrête, riai-je, pour l'instant, il n'a rien dit.
- Qu'est-ce que tu attends pour y retourner ?
- Oui, oui, oui, je t'aime.
- Et ne m'oublie pas !
- Jamais.
Je raccroche la boule au ventre. J'ai autant envie d'y aller que de rester caché ici. J'ai la trouille. Et s'il n'avait rien ressenti ? Comment cela aurait pu être si intense s'il n'avait rien ressenti ? Je n'ai pas pu faire ça toute seule. On était deux. Deux personnes troublées par la vague d'émotions qui s'est imposée à nous. Je ne peux pas avoir inventé ça. Il faut que je le retrouve.
Et puis, il est évident qu'aucune réponse ne se trouve dans la cuvette des toilettes. Alors, je prends mon courage à neufs mains et sort de ma grotte.
Une fois dans la salle principale, je le cherche du regard. Je ne le trouve pas immédiatement. Je m'avance un peu plus et l'aperçois enfin. Il n'est pas seul. Il est... Il est en train d'embrasser une fille.
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Merci.
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