Chapitre 11 : Un minimum de bon sens.
À ce moment, il s'offre à moi deux options.
La première : je l'envoie bouler, simple et efficace. Mais pas trop fort non plus, sinon il comprendrait que j'ai entendu ce qu'il a dit dans le couloir et que ça m'a blessée. Si ça m'a blessée, c'est forcément qu'il y a une raison. Et il est bien évidemment hors de question que je lui avoue, même à demi-mots, que je suis... Légèrement tendu à son contact. Surtout, sachant que le Multivers Sport Event n'est pas terminé et que je ne vais pas arrêter de le croiser pendant les semaines qui suivent.
On passe donc à la seconde possibilité : je la joue ultra décontractée, genre, je n'en ai strictement rien à faire de toi et de ton visage parfait, et de ton corps robuste, de tes yeux profonds et de... Enfin, je la joue, détendue quoi.
Le temps de finir mon demi-tour, ma décision est prise.
- William... Je suis ravie de te voir ! Je te présente ma sœur, Isabelle, et ma meilleure amie, Mia.
- Alors, c'est quoi ton secret ? lui balance Mia, sans sommation.
Surprise, j'attrape la main de Mia pour lui permettre d'admirer mon expression réprobatrice.
J'amène, en simultané, mon verre à ma bouche et bois une gorgée, afin de donner le change.
Malheureusement Mia n'a apparemment pas saisi le message derrière mes yeux en fente.
- Quoi ? Ne me dis pas que ça ne t'intéresse pas ! Tu as écrit des tonnes d'articles sur lui dans le journal du lycée ! Et dans la Gazette Davis.
Oh bon sang de bonsoir !
J'expectore instantanément ma gorgée en plein sur le torse de William, dans la veine d'un volcan en éruption.
J'ai du mal à assimiler ce qui vient de se passer. Ma meilleure amie vient de me clouer au pilori sans vergogne.
Maintenant, il va s'imaginer que j'étais littéralement obsédé par lui pendant toute ma jeunesse, alors que c'est l'énigme autour de son secret qui m'a toujours intrigué et non sa petite personne. Enfin... Non. Non non non. Stop. Ça, c'est un autre débat.
Il ne faut pas que je m'éparpille. Des révélations, plus que gênantes, ont été faites à William Peters. J'ai craché sur William Peters. Mon ADN inonde le torse de William Peters.
À cet instant, j'aimerais pouvoir me retourner et partir. Sans un mot, ni aucune explication. Juste m'en aller.
Seulement, cela ressemblerait bien trop à un aveu de culpabilité.
Je regarde Mia qui ne réalise absolument pas la situation dans laquelle elle vient de me mettre. Elle a cet air niais, comme le labrador qui vous ramène sa balle tout heureux sans se rendre compte qu'il a anéanti des heures de jardinages pour l'attraper.
William, quant à lui, est sur un petit nuage, il affiche un grand sourire. S'il en avait, il se délectait sûrement de délicieux pop cornes et peut-être même qu'il m'en jetterait deux ou trois dessus.
- Ah, alors comme ça tu écris des tonnes d'articles sur moi depuis l'époque du lycée.
Du coin de l'œil, je remarque qu'Isabelle fait des signes à Mia pour qu'elles se décalent discrètement. Avec la main, je tente de retenir Isabelle, mais bien trop happée pour le match en cours, je les laisse m'abandonner.
- Beh quoi, j'aspire à devenir journaliste depuis la primaire... Et toi, tu es une célébrité qui cache un secret. Rien de surprenant.
- Si tu le dis...
- Hé bien, je le dis ! en haussant le ton.
- Je te crois, rassure toi. C'est juste que tu as l'air de prendre ça très à cœur !
- Non, je...
Je me recentre un instant avant de poursuivre. Il faut que je me calme. Je ne dois pas le laisser jouer avec moi si facilement.
Je suis la seule et unique maîtresse de mon destin. Mais surtout, je ne suis certainement pas un pantin de bois avec lequel il peut se divertir à sa guise.
Il suffit de respirer un bon coup et les mots sortirons tout seuls. Je suis journaliste, bonté divine ! La répartie, c'est mon domaine.
- Je suis toujours très rigoureuse dans mes investigations. Ne t'imagine pas que tu es spéciale, me défendais-je avec désinvolture.
Grâce à son petit sourire en coin, je constate que j'ai marqué un point.
- Et qu'est-ce que tu as trouvé, Miss Détective ?
- Plein de choses, mais je n'ai pas trouvé la réponse.
- Et tu voudrais la connaître ?
- Je suis humaine et journaliste de surcroît, alors oui, j'en meurs d'envie.
- Autant que tu meurs d'envie de t'avancer plus près ?
Je m'avance plus près et, au vu de son expression, il ne s'y attendait pas. Moi non plus d'ailleurs, c'est venu comme ça, instinctivement.
Il effectue même un faible mouvement de recul, qu'il tente de camoufler instantanément avec un pas en avant. Son allure déstabilisée me procure un bien-être non négligeable.
J'ai l'impression de reprendre le contrôle, mais les frissons qui parcourent ma colonne vertébrale me rappellent que je suis plus semblable à un équilibriste qu'à un chef de guerre. Je dois rester prudente.
- Bien plus... dis-je à quelques centimètres de son visage, bonne soirée William.
Je me décale et avance doucement mais, d'un pas déterminé, jusqu'aux filles.
Je viens pour la première fois de ma vie de mettre en pratique l'expression jouer avec le feu. Et si je ne peux pas nier que la chaleur était intense, la brûlure a été néanmoins évitée.
Je me félicite même d'une mission plutôt bien exécutée. Je ne me suis pas laissé piéger et j'ai mis fin à la conversation.
- Wha c'était... Murmure Isabelle.
- Chaud bouillant !, la coupe Mia.
- Où est mon verre ?, dis-je en soufflant, comme pour décharger la pression accumulée.
Mia me le tend et me fait un bisou sur la joue, ajouté à deux petits yeux pleins d'excuse. Isabelle a dû lui parler. Je pose ma tête contre la sienne, lui signifiant que je ne lui en voulais pas.
Je ne peux pas lui en vouloir. C'est précisément Mia. Elle a toujours été comme ça. Sans filtre. Tout sort de sa bouche exactement au moment où elle le pense. Et ça fait d'ailleurs partie des qualités que je préfère chez elle, mais malheureusement, certaines fois, ça donne ce genre d'événement.
Elle est fidèle, attentionnée, drôle, spontanée et j'en passe... mais quelquefois, elle beug. Peut-être que c'est le prix à payer pour avoir une meilleure amie géniale.
Je saisis vigoureusement le verre qu'elle me donne, puis le bois cul sec. Je le pose ensuite énergiquement sur le bar.
- Une autre tournée !, ordonnais-je en tapant plusieurs fois sur le comptoir.
Je pense que je me suis légèrement laissé emporter. Et vu la façon dont me dévisage le barman, mon autoritarisme soudain n'a pas surpris que moi.
- Enfin... euh... pardon, excusez moi. Pourrions nous avoir la même chose... S'il vous plaît... Monsieur le Barman ?
Il acquiesce, se déride et nous apporte trois verres.
- Attendez moi, je n'ai pas fini le mien, ronchonne Isabelle.
Après un regard complice Mia et moi, entonnons doucement un chant bien connu.
- Et glou... et glou... et glou.
Au début perplexe, Isabelle se laisse prendre au jeu de notre air entraînant et termine, non sans mal, son verre d'une traite. La soirée se poursuit ainsi, dans les rires et la bonne humeur.
Une bonne heure après, je commence à sentir les effets de l'alcool. C'est assez amusant, je dois dire. Ce qui l'est moins, c'est que j'ai envie... d'aller voir William. Cet idiot qui a parlé de moi comme d'une vieille chaussette. C'est le signal d'alerte. Je dois arrêter d'ingurgiter ce délicieux liquide, tant qu'il me reste un minimum de bon sens.
Je regarde mon verre plein et commence à le reverser discrètement sur le côté. Je m'aperçois vite que je suis en train de le vider sur une jeune femme visiblement choquée de mon geste.
J'ai précisé qu'il ne me restait qu'un minimum de bon sens ? Eh bien, il me semble évident que je dois corriger cette information. Il m'en reste encore moins.
La bouche ouverte, je stoppe mon geste et bafouille des onomatopées et des excuses. Enfin, je crois.
Les yeux de ma victime sont si noirs que j'ai du mal à en discerner sa pupille. Sa colère émane d'elle comme le halo de lumière d'un Super Saiyan. Elle se lève pour me faire face. Elle a pratiquement une tête de plus que moi. Elle me bouscule et commence à crier tout un tas de trucs. Je ne comprends rien à ses mots, mais sa gestuelle m'apprend qu'elle souhaite en découdre physiquement avec moi.
Putain, mais quelle idée à la con, pourquoi je n'ai pas juste posé mon verre sur une table.
Voyant l'affaire qui se déroule sous leurs yeux, Isabelle et Mia s'interposent immédiatement pour calmer le jeu.
- Tout ça est un malentendu. Elle n'a pas fait exprès. Ma sœur n'aurait jamais vidé son verre sur vous volontairement, commence par expliquer Isabelle avant d'être coupée par Mia.
- Si tu touches à un cheveu de ma meilleure amie, je te pète chacune de tes fausses dents pétasse !
Ok, rectification, ma Mia n'était absolument pas venue détendre l'atmosphère.
Très vite, plusieurs filles se regroupent autour de nous. Elles semblent être les amies de mon assaillante. La situation est à quelques secondes de dégénérer en pugilat. Alors qu'il y a à peine cinq minutes, je riais à plein poumons, je me retrouves à un instant de me faire casser la figure. Est-ce que je ne suis pas à l'aube exacte de ce qu'on appelle singulièrement un changement d'ambiance ?
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