Chapitre 1 : Amy

Aujourd'hui est un grand jour. Le jour qui peut radicalement changer tous les autres jours de ma vie. 

Il est 9h12 et ça fait environ 20 minutes que je suis face à mon miroir, répétant mes potentielles réactions. Avec une énergie débordante, je m'essaye à différentes intonations, tantôt assurées, puis plutôt décontractées. Ce qui est assez contradictoire avec la nuit que j'ai passé à rouler de gauche à droite, cherchant désespérément morphée, rongé par l'angoisse du résultat. 

Pourtant mon calvaire n'est pas encore prêt de prendre fin. Le résultat du concours ne se fera connaître qu'en fin d'après-midi. Ce qui me pousse à une certaine réflexion : qu'elle genre de personne est assez sadique pour donner un résultat en fin d'après-midi ? 

Un résultat matinal me laisserait au moins, en cas d'échec, toute la sainte journée, pour sombrer dans une profonde dépression.

Non, je n'en rajoute pas. Mon avenir repose littéralement sur ce concours. C'est la chance de ma vie et je ne peux pas la laisser m'échapper. Je suis incapable de la sentir me filer entre les doigts si près du but. 

Pas après, c'est deux années à prier pour un miracle. Coincé dans un chemin qui laisse se dessiner un avenir qui me donne cruellement envie de rester immobile. 

Pas une deuxième fois... Pas après la claque, que dis-je... le mur que j'ai pris en plein dans mon orgueil lorsque l'université de mes rêves a choisi mon binôme au journal du lycée plutôt que moi. 

Alors que je ne donnais de l'importance qu'aux cours qui me passionnaient, elle brillait dans toute les matières. À cette époque-là, ça m'était égal qu'elle ne s'implique pas dans la vie du journal. Quand je travaille, je suis plutôt solitaire. Je pouvais tout gérer comme je l'entendais. À dire vrai, ça m'arrangeait presque. Ce qui me laisse encore aujourd'hui un goût amer, c'est que c'est grâce à celui-ci que nous avons toutes les deux attiré l'attention des recruteurs. 

Et si je lui avais demandé de quitter le journal pour que mon travail ne devienne pas à moitié le sien. Et si j'avais obtenu des meilleures notes. Et si... Et si... les remords, je crois que c'est ça le pire. D'ailleurs, qui a inventé ça ? Va falloir lui dire que ce n'était pas une super idée. Ça ruine la vie des gens, ce truc-là. 

Il m'a donc fallu du temps pour passer à autre chose, mais aider de ma merveilleuse famille, j'ai réussi à me relever. J'ai fini par intégrer une université pas loin de chez moi. Leur cursus journalistique ne me fait pas vibrer, mais ce n'est pas comme si j'avais vraiment le choix. 

Depuis, je me lève chaque matin avec la peur panique de me retrouver prisonnière dans une vie qui m'étouffe. Je m'imagine finir par travailler au journal du coin, traitant avec rigueur le dossier brulant de la semaine : Robert a-t-il, oui ou non, volé les donuts de Jack ? 

Mais tout à changer avec mon inscription au concours du Johnson magasin. Mon ciel orageux, c'est illuminé il y a maintenant six mois. Six mois que les espoirs d'une grande carrière renaissent doucement. Six mois que je travaille comme une forcenée, pour tenir de front tous les aspects de ma vie. Six mois que je donne absolument tout ce que j'ai en moi. Que je ne garde rien, même pas une miette. Réussissant épreuve sur épreuves, gravissant avec ténacité chaque marche qui me sépare de la réussite, pour atteindre aujourd'hui le podium et être l'une des trois finalistes de cette cinquième édition.

Alors, en cette douce journée, j'aspire profondément à récolter le fruit de mon dur labeur qui représente tant à mes yeux.

***

Toujours devant mon miroir, je continue mon entrainement intensif. 

- Je suis si honorée.. Oh mon dieu, je suis si heureuse.. Non! Je vous promet de ne pas vous décevoir.. Pathétique! Dis-je en pestant contre moi-même.

Je mets mes mains sur mon visage tout en grommelant puis me jette en arrière. Je m'affale sur mon lit, sans aucune grâce, remplie de désespoir. Je regarde ensuite le plafond, puis sans vraiment le contrôler je tapote le lit avec mes mains, signe de réflexion. Je suis tellement bouffée par le stress que mes neurones en fusions ne sont capables d'aucune production intéressante. 

J'entends une douce voix féminine qui chantonne dans la cuisine.. Pareil à un suricate, je lève la tête en direction du bruit. Maman! Je saute de mon lit d'un bond, et pour relâcher la pression, je décide d'aller l'embêter. En descendant les escaliers, je commence à hurler.

- MAMAN AIDE MOI! Je n'en peux plus d'attendre! Les secondes ressemblent à des minutes et les minutes à des heures. Soit une bonne mère et fait quelque chose pour accélérer le temps..

Elle me sourit, et m'adresse un regard plein de compassion.

- Je n'ai malheureusement pas ce pouvoir là ma chérie. À quelle heure auras-tu le résultat? Me demande-t-elle, alors que j'échoue dans ses bras.

Je lui fait les gros yeux et agite mes mains en direction des 12 Post-it, de différentes couleurs, formes et tailles, collé sur le frigo, où on peut lire partout et en majuscule "RÉSULTAT LUNDI 2 MAI! 17H!!". Elle le fait exprès ce n'est pas possible! Il y a tellement de couleurs, de paillettes et de déco en tout genre, qu'on dirait qu'une licorne arc en ciel a explosé sur notre frigo!

 - Oh oui pardon! dit-elle avec un petit rire gêné, eh bien ça nous laisse le temps de faire un excellent repas pour ce soir, avec tout ce que tu préfères, pour célébrer ta victoire ou... consoler ta peine.

LA NOURRITURE. Ma mère a toujours de merveilleuses idées. Je me blottie à nouveau dans ses bras et elle me gratifie d'un petit bisous sur la tête.

Une porte claque. Mon père et mes sœurs sont arrivés. J'ai deux sœurs: Isabelle, la plus grande, sage et studieuse et Sophia, la plus jeune, drôle et insolente. 

Isabelle, notre futur médecin en herbe, est venue spécialement pour l'annonce de mon résultat.
Je cours et saute dans ses bras. Elle me manque tellement.

- Alors tes résultats ?

Je pose mes mains sur ses épaules et lui fait faire un demi tour pour la mettre en face du frigo.

- Oh, dit-elle en faisant les gros yeux, 17h d'accord.

- D'ailleurs Maman refuse d'accélérer le temps! Râlais-je en regardant mon père.

- Tu as fait ça toi? Demanda t'il à ma mère fronçant les sourcils.

- Je plaide coupable!

Il s'avance alors vers ma mère et l'embrasse.

- Alors Isabelle, ce voyage, pas trop long? Questionna maman.

- Non ça va, j'ai révisé tout le long alors je n'ai rien vu passé.

Isabelle commence à sortir des livres et des cahiers de son sac qu'elle dépose sur la table de la salle à manger.

- Qu'est ce que tu fais? m'étonnais-je.

- J'ai un examen super important lundi. Je ne devrais même pas être là. Mais tu es finaliste du plus grand concours de journalisme des États-Unis et je veux être là pour ce moment de ta vie, je veux avoir le privilège de voir ton visage s'illuminer.

- Ou pas! Lança Sophia.

- SOPHIA!! Gronde mes parents en cœur.

- Bah quoi? C'est une possibilité.

Elle a raison. Mais cela ne m'empêche pas de lui lancer un chiffon en plein visage, elle s'enfuit alors vers le canapé. Je pars à sa poursuite et lui saute allègrement dessus. Isabelle nous rejoint et bondit sur nous telle une biche majestueuse pour finir par nous écraser de tout son poids.

Au loin, mes parents regardent la scène, l'air attendri.

***

L'après-midi est festive. Nous sommes tous autour de l'îlot central, et la distraction, "cuisine en famille" fonctionne à merveille. Mes sœurs et moi sommes super concentrées sur la confection de petits gâteaux. Rivalités entre sœurs. C'est à qui fera la plus jolie décoration. Je suis complètement absorbée par le moment et ne prête plus attention au temps qui passe. (Et maman qui disait ne pas avoir ce genre de pouvoir!).

Mon père se tourne brusquement vers moi.

- Il est 17h18!! dit t'il avec un grand sourire pensant que l'heure de ma délivrance était enfin arrivée.

- Oh.. dis-je, l'aire abattue.

- Quoi? demandent ils tous, d'une seule voix.

Leurs regards, tous tournés vers moi, trahissent leur totale incompréhension. Ils se demandent pourquoi je suis triste alors que je n'ai pas encore eu la réponse. Ils n'arrivent pas à interpréter ma réaction et sont pendus à mes lèvres.

- Les résultats étaient à 17h par téléphone.. Ceux qui n'ont pas reçu d'appels doivent comprendre qu'ils n'ont pas été retenus.. et il est 17h19 maintenant alors bon..

La mine défaite, je baisse les yeux. Je reste muette et ma main commence à se balader au-dessus de toutes ces délicieuses préparations. 

D'un mouvement lourd, ma tristesse s'abat sur un petit gâteau à la crème, que j'attrape à pleine main, et que j'enfourne dans ma bouche pour atténuer ma déception. 

Mes parents et mes sœurs s'avancent vers moi pour m'entourer de tout leur amour. Même si je n'aime pas exposer ce que je ressens, il m'est impossible de leur cacher la peine qui m'habite.

 17h20 ? Il est peut être pas trop tard pour commencer une mini dépression, finalement.

Et là, à ce moment précis, alors que j'ai les mains pleines de crème, la bouche remplie de gâteau, le cœur empli de larmes, mon téléphone sonne. Je regarde tout le monde les yeux prêts à sortir de leur orbite. Je cours partout pour tenter de m'essuyer les mains et de cracher la quantité astronomique que j'ai réussi à faire rentrer dans ma bouche. Putain, mais il y en a des tonnes, je suis un hamster ou quoi?!

C'est un branle-bas de combat dans la cuisine où tout le monde essaye de m'aider sans vraiment savoir quoi faire. Je saute sur l'îlot central, et saisis enfin mon téléphone.

- Allo, oui bonjour, c'est moi, c'est Amy!

- Euh bonjour Amy, j'apprécie ton enthousiasme! Je m'appelle Johanna Spenwood et je t'appelle pour t'annoncer que tu es la grande gagnante du Concours Johnson Magasin.

Je ne réponds pas, je suis figée, la bouche entrouverte. Un léger sourir arrive malgré tout, à naître à la commissure de mes lèvres. Sophia s'approche et passe sa main, à plusieurs reprises, devant mon visage, elle se tourne vers nos parents et devant mon inaction et mon mutisme, elle conclut:

- Je pense que c'est une crise cardiaque.

Alors que la vanne est bonne et que j'ai envie d'exploser de rire, je reste immobile, le souffle coupé. Toutes ses heures d'entraînement devant le miroir, pour finalement ressembler à un poisson qu'on a sorti de l'eau. Quel gâchie.

Mais là, je suis littéralement absorbée par le moment. En une fraction de seconde, je vois tout mon avenir se dessiner.. C'est encore mieux que les millions de fois où j'ai imaginé ses mots résonner de ma tête. Amy, tu as gagné! La voix de Johanna me ramène à la réalité. Je reprends mes esprits.

- Vous m'avez entendu? Il y a quelqu'un? demande-t-elle perplexe.

- Pardon, oui je suis là, je suis bien là!

***

On y est, demain c'est le jour J. Malgré le sentiment d'exaltation qui m'habite, j'ai la boule au ventre. Je m'installe sur le porche de la maison, seule et pensive. Je suis emmitouflée dans un plaid et j'admire les étoiles. Papa m'aperçoit à travers la fenêtre et me rejoint.

- Oh la la, je sens beaucoup trop de réflexion par ici.. dit-il en s'installant près de moi.

- Non, je prends juste un peu l'air.

- Tout va bien se passer, dit t'il d'un ton rassurant.

Il me connaît tellement. Même si j'ai tenté de feinter pour ne pas l'inquiéter, il lit en moi, comme dans un livre ouvert.

- J'ai toujours été la meilleure dans mon domaine, face à des étudiants immatures qui n'ont pas d'autres projets que la fête du samedi d'après, c'est clairement pas compliqué. Là c'est des vrais professionnelles...

- J'ai du mal à croire que ces mots sortent de ta bouche.

- Tout se passe exactement comme prévu, comme une petite bulle de perfection.. j'ai simplement peur qu'elle explose.

- Tu te rappelles de ce que je te disais quand tu as appris à conduire?

- Alors oui... mais je ne vois sincèrement pas l'intérêt de se remémorer ce moment de ma vie..

- Tu dois être moins crispé sur ton volant et accepter que tu ne peux pas tout contrôler. C'est le propre de la vie. Je crois même que ce sont ses moments, ceux que l'on avait pas prévus qui sont les plus beaux. Tu vas vivre une aventure extraordinaire. N'oublie pas d'en profiter, dit-il en prenant mon menton dans sa main.

- Comment je vais faire sans vous, papa? dis-je, en posant ma tête sur son torse. Qui va me recentrer quand je m'éparpille? Qui va rire à mes blagues nuls? J'ai besoin de vous, moi. Si tu fais un peu de sport, je suis sûr que tu peux rentrer dans ma valise.

- Oh, merci de mettre le doigt sur mes kilos en trop alors que je viens gentiment te réconforter! dit-il en me donnant un petit coup d'épaule. Amy, tu n'as besoin de personne et tu vas te débrouiller comme une Chef.

Il me sert fort dans ses bras et mon regard se porte à nouveau sur le ciel étoilé. Je n'avais pas tout dit à mon père. Dès que ça touche à ce que je ressens, je deviens tout à coup beaucoup moins bavarde. 

Je crois que j'ai les jetons.

Pour la plupart des personnes, leurs rêves restent des rêves. Alors que pour moi, cela devient une réalité. Je ne pourrais pas me cacher derrière des prétextes, des fausses excuses, derrière des «si». Les clés de mon destin sont entre mes mains. 

Des bruits à la fenêtre me sortent de mes pensées. Ma mère et ma petite sœur, sont agglutinées à la vitre, à faire des tas de grimaces improbables. Nous nous levons et rentrons les retrouver.

Rejoints par ma meilleure amie, ou la quatrième fille de substitution, les rires et la bonne humeur rythment la soirée. Je chéris ce moment le plus fort que je peux. Je les aime tellement. La tête vissée sur le torse de ma mère, je les regarde tous avec une grande tendresse, c'est la première fois que je vais être séparée d'eux et ils vont terriblement me manquer.

Après un énième fou rire, il est maintenant l'heure d'aller me coucher et de me diriger doucement vers demain.

***

H e l l o    T o d a y !

Ce matin je me réveille emplie d'une joie solaire. Mes jambes m'emmènent d'un endroit à un autre sans même que je sache comment. Je suis complètement surexcitée et n'arrête pas de jacasser. 

Mon adorable famille m'observe, dubitative. Comme s'ils n'avaient pas l'habitude ! 

J'entends mon père marmonner à ma mère:

- Je ne pensais pas qu'elle pouvait être plus exaltée que le matin de noël, enfin je veux dire.. Est-ce humainement possible?, dit-il en passant son bras autour de ma mère pour la rapprocher de lui.

Ni une ni deux je fonce à vive allure sur mes parents.

- Ne soyez pas triste chers parents mais la lumière de votre vie doit aller éclairée d'autre horizon, le monde a besoin d'Am.. "BAAM"

Je suis stoppée dans mon monologue par ma petite sœur, Sophia. Elle vient, dans le plus grand des calmes, de me jeter un coussin en plein visage. Gratuitement. C'est un appel au meurtre ou je rêve? Je la regarde les yeux écarquillés, la bouche ouverte et lui lance un regard noir. Je ne vais pas mentir, je suis en train de me visualiser, ramassant le coussin pour l'étouffer avec. Mais je me reprends, aujourd'hui est un grand jour et je ne peux pas le commencer en tuant ma sœur. Alors au grand étonnement de tout le monde, je reste d'un calme Olympien. J'effectue une rotation sur moi même pour me retrouver à nouveau face à mes parents, la tête haute, avec un sourire aussi faux que les seins de Pamela Anderson.

- Mais ne vous inquiétez pas, si la lumière n'est plus, il vous reste une vieille petite lanterne aigris, dit-je en pointant ma petite sœur du doigt.

***

C'est maintenant l'heure de les serrer fort dans mes bras et de monter dans l'avion. Beaucoup d'émotions me traversent mais aucune tristesse à l'horizon. Ce n'est la fin de rien, seulement le début d'un voyage incroyable et rien ne pourra se mettre en travers de ma route.

Une fois dans l'avion, je m'installe et attrape un bouquin. Après avoir rigoureusement écouté les recommandations du pilote, c'est une secousse qui m'avertit que le départ a commencé. Je tourne ma tête vers le hublot et prends une grande respiration.

A peine avons-nous quitté la terre ferme, que je me sens emprise de nostalgie, le cœur serré, car je le sais, à partir de ce jour, plus rien ne sera jamais pareil. 

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MERCI à toutes celles et ceux qui ont commencé l'aventure avec Moi.
MERCI de m'avoir lu.

MERCI de m'avoir offert de votre temps si précieux.

J'espère que vous avez passé un bon moment

Je m'excuse par avance si vous trouvez quelques fautes. Même si j'y porte une grande attention, l'orthographe n'est pas mon fort.

& si vous avez aimé,
n'oubliez pas la petite étoile. 🥰

&& Surtout Prenez soins de Vous. 

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