Chapitre 8

 PDV Zoé

Malgré ma conversation avec ma meilleure amie, je ne compte pour le moment parler de rien à personne. J'ai encore la tête hors, certes de peu, mais je ne suis pas entrain de me noyer. Alors la mascarade continue pendant encore quelques jours. Le masque est remis, et ils font presque semblant d'y croire.

Mais il y en a un qui ne s'embarrasse pas de ça. Un qui montre très bien qu'il voit clair dans mon jeu. Et depuis ces quelques jours, j'ai presque l'impression de retrouver le Scott d'avant. Il ne me parle toujours pas, mais ses regards ont changé. Ils sont attentifs. Comme avant, comme quand il me protégeait de tout.

Cette fois il ne pourra pas me protéger. Ce n'est pas une situation sur laquelle il peut avoir de l'emprise. Mais, ça fait du bien, de se dire que quelqu'un veille sur soi. Ou plutôt, ça fait du bien de se dire qu'il veille sur moi. C'est presque rassurant, une illusion de l'époque où ma vie était encore ma vie, pas ce ramassis d'emmerdes.

Une lueur dans l'obscurité ? Peut-être, mais elle est encore trop faible pour être suivie.

Cependant pour le moment, pas question de trop croire au retour du Scott d'autrefois. Ça fait bien trop longtemps qu'il fuit pour que la confiance revienne aussi vite. De toute façon, je ne suis pas sur qu'il cherche à avoir ma confiance, ou bien à retrouver la relation d'avant. Mais du cou, je ne sais pas ce qu'il cherche. De toute façon, je ne veux pas non plus retrouver notre relation passée. Mais des rapports sains, je ne dirais pas non. Pour qu'au moins j'arrête de me prendre la tête avec toutes mes questions.

Et voilà, encore une fois, je suis entrain de penser à lui. Quoi qu'il fasse, je pense à lui, c'est fou. C'est éreintant même. Si il pouvait quitter mon esprit de temps en temps, ça me ferai du repos. Mais non, il reste là, et déjà qu'il était tout le temps dans mon esprit quand il m'ignorait froidement, c'est encore pire maintenant qu'il m'ignore en étant attentif. Surtout que c'est deux choses qui ne devraient absolument pas aller ensemble.

Je souffle, fatiguée de moi-même. Au même moment le réveil me rappelle qu'une nouvelle journée commence. Déjà que je suis fatiguée, si en plus le fait de penser à Scott me réveille avant l'alarme, ça ne va clairement pas le faire.

Je n'ai pas le temps d'ouvrir les yeux qu'une masse s'étale sur moi en riant. Bon, au moins pas de crise ce matin, mais peut-être une ou deux côtes en moins pour moi.

Heureusement, et même curieusement, elle se dégage rapidement de moi.

- Je me suis levée plus tôt pour faire le petit dej' tu viens ?

Et ses petits pas repartent en courant. Je l'entends dévaler les escaliers et me frotte les yeux.

Et puis je me percute. Elle a quoi ?

Je repousse vite la couverture et descend les escaliers à toute vitesse. Une grande sœur normale serait heureuse de ce genre d'initiative, mais avec Inna, c'est plutôt synonyme de danger. Elle n'est pas suffisamment réfléchie pour se servir sans danger d'une plaque de gaz ou d'un four sans qu'on ne l'aide, même si ce n'est pas agréable de dire ça de sa sœur. Innaya est encore une enfant, même si elle a onze ans. Elle mettrait sa main sur la vitre du four chaud sans y réfléchir par deux fois.

Et en arrivant dans la cuisine, mes doutes se confirment. Je vois ma petite sœur en équilibre sur un tabouret, qui tente d'attraper un sachet dans un placard. Sauf que même avec ça, elle n'est pas assez grande pour l'atteindre, son échelle de fortune est donc sur un pied, prêt à basculer. Et au niveau de son ventre se trouve sur casserole, visiblement en ébullition sur le feu.

Son t-shirt frôle dangereusement le récipient et la catastrophe n'est pas loin.

Tout se passe très vite. Je vois le tabouret tanguer beaucoup trop et le pied fini par glisser.

Inna chute, son coude tapant contre la poignée de la casserole. Au même moment, je me précipite sur elle et parvient à la rattraper avant qu'elle ne tombe au sol. Dans un mouvement naturel, je nous fais basculer pour qu'elle tombe sur moi et pas l'inverse. Cette action a pour conséquence de lui éviter de se prendre l'eau bouillante. Mais pas moi.

Mon bras me brûle et je ne peux retenir un cri de douleur au moment où le liquide entre en contact avec ma chair. Nous atterrissons au sol et je nous redresse vite.

J'observe ma sœur sous tous les angles. Ma douleur est vive. Mais l'important c'est qu'elle aille bien.

- Tu as mal quelque part Inna ? Tu es blessée ?

Je suis affolée. Elle a les yeux grands ouverts, encore choquée par ce qui vient de se passer.

Elle secoue la tête négativement et je souffle.

- Zozo... ton bras...

Je la dégage de moi et m'approche de levier.

- C'est rien d'accord ?

Je met directement mon avant bras sous l'eau froide et retiens mes larmes. Bordel que ça fait mal.

J'entends la voix chevrotante de ma sœur.

- Je suis désolée.

Je prends sur moi pour ne pas trop lui montrer ce que je ressens.

- Ce n'est pas grave, ce n'est pas de ta faute.

- Si j'avais pas fait le petit déjeuner tu...

- Ce n'est rien. Tu as voulu me faire plaisir, c'est très gentil de ta part. Ça arrive les accidents ma puce, ce n'est pas de ta faute.

Au fond de moi j'ai envie de crier. Mais je me retiens, parce qu'elle n'est pas consciente du danger quand elle fait certaines choses. Je ne peux pas lui en vouloir, mais c'est toujours frustrant.

- Tu peux t'habiller seule ce matin ma puce ? Je vais ranger un peu et te préparer quelque chose.

Elle hoche la tête et monte à l'étage.

Je garde le bras encore sous l'eau de longs instants avant d'éteindre le jet. La douleur est toujours là. Moins présente, mais elle reste vive. J'essaye de ne pas y penser. Je ne peux pas tout laisser en plan pour aller chez un médecin. On me demanderait pourquoi ma mère ne m'accompagne pas, où elle était au moment de l'accident. C'est comme ça que ça commencerait, par des questions.

Et si ils se rendaient compte de l'état de notre famille, ils nous retireraient Inna. Et je ne suis pas majeure, alors je finirai sûrement dans un foyer.

Non, c'est inimaginable. J'irai acheter un peu de crème ce soir, et ça finira par passer.

Je me force pour finir le rangement et prépare rapidement un bol de céréales Innaya. Elle redescend et le mange et je souffle en constatant qu'elle a réussit à se préparer seule.

J'en profite pour m'habiller aussi. Je choisis un t-shirt aux manches amples, qui couvre la blessure aux yeux des autres sans trop y coller. Malgré cela, le peu de frottements entre le tissus et ma peau à vif est un supplice.

Une fois Inna partie, je tourne ma tête vers le salon. Notre mésaventure n'a même pas fait bouger ma mère. Je claque la porte, ne retenant pas ma frustration. Durant tout le trajet, je ne fais que serrer les dents. Mon bras me lance, et j'en viens même à me demander si je vais tenir la journée. Pourtant je n'ai pas le choix.

En arrivant au lycée, je me faufile entre les élèves pour arriver jusqu'à mes amis. Chaque pas est stressant, je reste concentrée pour éviter le moindre contact entre mon bras et une tierce personne.

Une fois devant le groupe, je leur fait à tous la bise en contenant ma douleur. Même le vent à travers le tissus ressemblance à des lames de rasoir sur mon épiderme. J'ai chaud. Je sentirais presque des gouttes de sueur dégouliner sur mon front.

Je ne dis rien. J'affiche un sourire qui ce veux sincère. Ils n'y croient pas, ça se voit. Mais ils ne disent rien. Ils doivent penser que rien n'est différent de ces derniers temps.

Tant mieux. Moins de questions, moins de réponses, moins de mensonges.

PDV Scott

Je la regarde arrivée. Ça fait un moment que je l'ai repérée, se faufilant dans la foule. Mais ce n'est pas la seule chose que j'ai remarqué. Elle est différente. Son masque est moins bien mis que d'habitude. Elle semble nerveuse. Elle semble cacher ses émotions. Encore plus que les autres jours. Comme si le soucis n'était pas le même. C'est plus grave. Ce n'est pas un soucis dont elle a l'habitude. C'est seulement aujourd'hui. Mais quoi ?

Que se passe-t-il ? Je veux dire, qui y a-t-il de pire que ce qu'elle peut endurer depuis des mois, et dont j'ignore encore le contenu ?

Il me faut des réponses. Mon instinct me dit qu'il faut trouver ce qu'elle a rapidement, car elle ne pourra pas l'endurer longtemps.

Je fais un signe de tête à Lucy pour qu'elle vienne me rejoindre.

Quand elle arrive, je ne lui laisse pas le temps de parler.

- Il y a un soucis avec Zoé.

- Je suis au courant.

- Je ne parle pas de ça.

Elle me regarde en cherchant à comprendre.

- Tu ne sais même pas le soucis en question, comment pourrais-tu savoir qu'il ne s'agit pas de ça ?

- Tu n'en sais pas grand-chose non plus je suppose, mais oui moi, je ne sais rien à part qu'il y a un soucis. Mais ce n'est pas la question.

- Alors quelle est la question ?

- C'est différent aujourd'hui. Et bien plus grave. Il faut trouver et vite.

Elle m'observe un instant. Je sais qu'elle m'en veut par rapport à la façon dont j'ai traité Zoé ces derniers temps. Mais elle sait aussi que j'ai une forte capacité d'analyse, encore plus quand ça concerne une certaine rousse. Alors sans trop tarder elle fait le choix de me croire et retourne vers elle, l'appelant un peu à part du groupe.

J'entends vaguement leur conversation de là où je suis placé.

- Il y a un problème Zoé ?

- Tu sais que oui.

Elle ne soutient pas le regard de son amie et tourne la tête. Je tente de la sonder. Elle est pâle.

- Ce n'est pas ça. Il y a autre chose n'est-ce pas ?

- Je ne vois pas de quoi tu parles. Je suis juste un peu fatiguée.

Non. Ce n'est pas de la fatigue. Son visage est vraiment blanc, tout comme ses lèvres. Je laisse mes yeux la parcourir. Son front. Sa nuque Il y a de la sueur. On dirait quelqu'un de blessé.

C'est ça. Elle est blessée. Ce n'est pas un problème personnel, c'est physique.

Maintenant, où ?

Je la regarde attentivement. Elle est correctement appuyée sur ses jambes, ce n'est donc pas ici. Son visage est dégagée et ses cheveux relevés, ça ne vient donc pas de là. Elle tient fortement son sac d'un bras. Donc pas ici.

Attends. Elle ne tient jamais son sac ainsi. Elle le tient juste à la main normalement, mais là, c'est comme si elle essayait d'oublier la douleur en serrant le poing fortement sur le cuir.

Le bras. Plus précisément l'avant-bras.

Mes yeux se tournent vite vers le second. Il tremble. Il n'a pas une position naturelle. Elle ne le laisse jamais ballant ainsi. Toujours dans une poche, tenant son téléphone, ou jouant avec son écharpe.

C'est là.

Je ne réfléchis pas, mon corps bouge seul. J'arrive vite à côté d'elle. Je sens le regard de mes amis, intrigués par mon empressement. Elles tournent la tête vers moi, se demandant ce que je fais.

Je ne dis rien. J'attrape juste le haut de son bras pour ne pas lui faire mal et relève sa manche.

Je ne peux m'empêcher d'écarquiller les yeux.

Bon dieu Zoé, qu'as-tu fais ?  

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