PDV Zoé

Une fois les premiers cours de la matinée terminé, nous sortons de classe. Alors que nous allons nous séparer, je remarque de Jonathan n'a personne avec qui rester. Je lui propose alors de me suivre, ne voulant pas le laisser seul dans cet environnement qu'il ne connaît pas. Ça serait franchement pas sympa.

Marie nous retrouve devant la porte et elle est donc la première à qui je le présente.

- Marie, je te présente Jonathan. Il vient de France.

- Waouh ! Un français ! Classe. Enchanté.

Naturellement, elle lui fait la bise et il a un petit mouvement qui prouve sa timidité. Il ne s'y attendait pas et sa tête est assez drôle à regarder. Il lui réponds un petit bonjour et je vois que mon amie est amusée.

- Allez, allons retrouver les autres ! Tu viens avec nous, Jon !

Elle ne lui laisse pas le choix et lui a déjà trouvé un petit surnom. Elle lui attrape le bras et le traîne derrière elle, tout sourire. Jonathan me lance un regard, comme pour me demander si c'est bon. Je lui fais un sourire pour le rassurer et il la suit donc, anxieux de rencontrer les autres.

Scott passe en coup de vent près de moi avant de dépasser Marie pour sortir. Il a l'air d'une humeur de chien et ça ne m'étonne pas trop, le connaissant. Au moment où il passe, mon ventre me rappelle que je n'ai pas mangé ce matin. Je rougis de honte, espérant qu'il n'est pas entendu.

Je ne peux m'empêcher de sentir son odeur qui flotte à présent près de moi. Il sent toujours pareil. Je me retiens de replonger dans mes souvenirs et souffle avant d'avancer.

Je suis pathétique, de ne réussir à décrocher de ce type. Alors que pourtant, je devrais penser que c'est le pire des salaud. Une partie de moi le pense d'ailleurs. Mais l'autre s'accroche à tout ce qu'il a fait pour nous. A cette fois où il m'a sauvé de Ryan. Et ce qu'il s'est passé ensuite. A son cadeau d'anniversaire. Je ne devrais pas. Je devrais passer à autre chose, car ce n'est pas franchement de me prendre la tête à cause de Scott Deans. Mais bordel j'y arrive pas. Ce gars est rentré dans mon esprit et il refuse d'en sortir. Comme si il s'était insinué sous tous les pores de ma peau, dans chaque partie de mon être et de mon âme. Pourtant c'est pas comme si il faisait quelque chose pour y rester, bien au contraire. Il ne me calcule pas, ne me parle pas. Mais il me regarde, et faut croire que c'est suffisant.

Je souffle et secoue la tête, fatigué de penser encore une fois à lui. Je me met à marcher moi aussi vers l'extérieur après avoir posé mon sac devant la porte du prochain cours. Quand j'arrive, Marie est entrain de faire les présentations.

- Je vous présente Jon' ! Un français.

Lucy rit devant ses manières. Elle s'approche de Jonathan et lui sourit gentiment.

- Salut, je suis Lucy.

Jérémy fait de même et Jonathan leur répond gêné.

- Enchanté, je m'appelle Jonathan.

Jack arrive près de lui, et se présente rapidement avant d'enchaîner.

- Raconte-moi tout, c'est comment la France ? C'est vrai que vous portez des bérets et mangez que du pain ? Et le fromage, c'est comment ?

Matthews le pousse sur le côté.

- Arrête de dire n'importe quoi. Matthews.

Il tend la main, de façon typiquement viril. Josh fait de même puis les deux se mettent à discuter entre eux. Je constate avec plaisir qu'ils ont tous bien réagit. Si Josh et Matt sont restés sympas mais ne lui accorde pas grande importance, les quatre autres en revanche lui pose mille et unes questions. Cet accueil semble rassuré le français, car il se détends et répond avec plaisir à leurs interrogations.

Seul Scott reste en arrière. Il ne l'a pas salué et se contente d'arboré son visage des mauvais jours, celui où on penserait qu'il va tuer n'importe qui lui adressant la parole. Il pose ses yeux dans les miens et je me retiens de ne pas rester bloquée ainsi. Je sens sa colère de là où je suis, et je ne la comprends pas. Mais elle m'est adressée, à moi, et peut-être aussi un peu à Jonathan. Pourquoi donc ? M'en veut-il de ramener un inconnu parmi nous ? Ou bien est-il... jaloux ?

Non. C'est stupide comme idée. Il n'en a rien à faire de moi, il faut que je me rentre ça dans le crâne.

Je détourne les yeux pour les poser sur le nouvel étudiant et essaye de concentrer mes pensées sur ce qu'il raconte. Je retiens mon ventre de faire à nouveau du bruit. Pourtant malgré le fait que j'aime énormément entendre les récits de Jonathan sur son pays d'origine, je remarque malgré moi le départ de Scott vers l'intérieur du bâtiment. Je tente d'ordonner à mes yeux de ne pas le suivre, mais c'est peine perdue.

C'est le bruit d'un message sur mon téléphone qui me fait cesser de fixer la porte depuis longtemps refermée après le passage de Scott. Je le sors et m'éloigne un peu en voyant qu'il vient du père d'Innaya, Marcus.

De : Marcus

A : Moi

Comment ça va à la maison ?

Je me retiens de lui expliquer tout ce qu'il se passe vraiment à la maison, mais après tout, ce n'est pas comme si il n'était pas au courant.

De : Moi

A : Marcus

Ça va. Inna va bien.

Je le précise directement pour éviter qu'il ne pose la question et afin que cette conversation se termine au plus vite.

De : Marcus

A : Moi

Et ta mère ?

J'ai très envie de lui répondre « Quelle mère ? Le déchet dans le canapé ? », mais encore une fois, je ne le fais pas. Je me contente de lui mettre « ... », car je ne me sens pas de lui dire qu'elle va bien. Il ne me croirait pas de toute façon. Je ravale ma colère qui me vient quand je pense à l'état de ma mère et de ma vie, afin que mes amis ne se rendent compte de rien.

Parfois il est plus facile de cacher nos problèmes aux gens qu'on aime plutôt que d'y mettre des mots.

Il ne me réponds rien. Je n'en attendais pas plus. Sans surprise, je reçois un mail de ma banque m'annonçant que Marcus m'a fait un virement. Au moins, je peux me permettre de ne pas restreindre la qualité de vie de ma sœur. Même si elle a sûrement plus besoin de ses parents que de jolis vêtements.

Je verrouille mon téléphone et la sonnerie ne met pas longtemps à retentir. Pendant que nous marchons, Marie s'adresse à moi.

- Ma belle tu manges à la maison ce soir ? Ça fait longtemps qu'on a pas fait un repas.

- On a mangé ensemble à la cantine hier midi.

- C'est différent.

C'est vrai. Et j'aimerai vraiment recommencer comme avant, les voir autant que je veux. Mais je ne peux pas, parce qu'il y a une petite fille de onze ans dont je dois m'occuper. Les seuls moments où j'ai pu profiter de mes amis durant les vacances, c'est quand Karen gardait Innaya le temps d'une après-midi pour qu'elle joue avec sa fille. Mais je ne me vois pas lui demander de la garder jusqu'au milieu de la nuit parce que je passe une soirée entre amis. C'est ma sœur, je dois m'en occuper. Alors les soirées entre potes, ça fait des mois que j'y ai renoncé. Et je suis un peu à court d'excuses.

- Désolé, ma mère travaille tard ce soir et mon beau-père est en déplacement, je dois m'occuper de ma sœur.

Elle ne dit rien mais je vois sa déception. Et aussi son envie de me répondre « Comme d'habitude ». Je m'en veux de leur mentir continuellement. Mais je n'ai pas le choix. Je sais qu'ils pensent que je les délaisse, que je les tiens à distance. Et ils n'ont pas tord, même si je n'en ai pas du tout envie. Je ne pourrais pas continuer de leur mentir encore longtemps. Je sais qu'un jour viendra où je devrais tout leur expliquer. Mais pour le moment, je retarde l'échéance temps que je le peux encore.

Nous rentrons en classe après avoir attrapé nos sacs. Marie me laisse aller avec Jonathan tendit qu'elle s'installe à côté de Scott, qui était déjà installé.

En m'asseyant, j'ouvre mon sac pour sortir mes affaires et arrête tous mes mouvements en voyant ce qui est posé sur mes cahiers. Je prends le petit sachet de gâteau entre mes mains et l'observe. Il vient du distributeur du lycée.

Et il n'y a qu'une personne ayant pu savoir que j'avais faim, et le déposer dans mon sac avant que les cours ne recommence.

Mais ma question, c'est pourquoi ? Pourquoi a-t-il fait ça ?

Je ne le comprends pas.