PDV Zoé

Et la discussion n'a pas été plus loin. Nous avons juste rejoint nos amis, nous évitant du regard. J'ai l'impression que mon cœur bat au ralenti, comme si il ne pouvait battre fort que lorsque Scott ne le décide. Là, il a décidé de me mettre un coup avec ses mots, bien qu'au fond, j'aurai dû m'en douter. J'essaye de retirer la conversation de mon esprit, mais ses mots refusent de me quitter. Je ne sais pas si ils me font mal parce qu'il me les a dit, ou parce qu'ils sont criants de vérité. Nous n'avons jamais dit être un couple.

Mais comment peut-on agir ainsi pendant des semaines et continuer de prétendre qu'il n'y a rien ? Il n'a pas le comportement de quelqu'un qui s'en fiche. Alors dois-je croire ses actions ou ses paroles ? Pourquoi les choses sont-elles aussi compliquées avec lui ?

Il y a quelques années, quand je m'imaginais tomber amoureuse, ce n'était pas à ça que je pensais. Parce que oui, au bout d'un moment, il faut que j'arrête de me mentir, je suis amoureuse de lui. Moi, je me voyais avec un mec banal, un ciné, un resto, des roses. Le parfait cliché, jusqu'au mariage, aux enfants, et au chien. Finalement, j'aime un gangster, qui me repousse, qui ne m'a jamais emmenée au moindre rendez-vous, et qui ne m'a même jamais dit ce qu'il pouvait ressentir. Par contre, j'ai bien eu une rose, c'est déjà ça.

En somme, Scott Deans a bousculé toute ma vie, et il continu de le faire.

Ce type va me rendre folle. Comme j'ai été bête de penser ne serait-ce qu'une seule seconde qu'on pouvait être plus. Qu'on pouvait être ensemble.

Comme si c'était son genre, de sortir avec quelqu'un.

J'ai été idiote de penser avoir une importance pour lui, je m'en rends compte. Mais je ne peux m'empêcher de penser à tout ce que l'on a pu me dire sur lui. Qu'il avait peur d'aimer. Mais pourquoi ? Je souffle un bon coup, sûrement la centième fois depuis que nous avons quitté la chambre.

Et je me fais tirer par le bras. Je vois une chevelure rouge devant moi, tandis que Lucy me pousse le dos pour me forcer à avancer. Bien, il semble qu'elles en aient marre de mes soufflements, et qu'elles aient décidé d'agir. Tout le monde a décidé de me tirer de force aujourd'hui ou quoi ? On ne peut pas simplement me demander de venir ?

C'est limite si elles ne me jettent pas sur le lit de Marie, pour ensuite me regarder, les mains sur les hanches. Marie ouvre le bal.

- Allez, qu'est-ce qui s'est encore passé entre vous ?

Lucy souffle un bon coup.

- Vous pouvez pas juste vous dire je t'aime, et on en parle plus ?

Je hausse les épaules. Oh moi aussi, j'aimerai que ce soit comme ça. Mais arracher ces trois mots à la bouche de Scott relève de mission impossible.

Elles s'assoient sur le lit, et je leur dis tout.

- Au cours de danse aujourd'hui... une fille a demandé à Scott si il était libre. Il a dit oui.

Je leur parle ensuite de notre discussion et du discours qu'il a tenu. Quand je termine, un grand silence prends place. Aucune d'elles ne dit rien. Elles se contentent de se regarder entre elles, tandis que je m'interroge. Elles me cachent un truc ? Qui doit avoir un rapport avec ce que m'a dit Josh la dernière fois. Je prends mon courage à deux mains et les interroge.

- Quoi ? Qu'est-ce que vous ne me dîtes pas ?

Marie joue avec ses doigts, fuyant mon regard. Ce qui n'est absolument pas son genre évidemment, l'action confirme donc mes doutes. Elle finit par ouvrir la bouche.

- Je suppose qu'il est temps que tu saches.

- Que je sache quoi ?

- La raison pour laquelle il te repousse.

Ah bah oui tient, j'aimerai bien la connaître effectivement !

C'est Lucy qui reprend. Je la coupe avant qu'elle ne commence.

- Parce que tu es au courant ?

Elle affiche une petite moue.

- Matthews m'en a parlé, une fois.

Super, la première concernée, mais la dernière au courant. Tout va bien.

- Ça a un rapport... avec son frère.

Son frère ? Scott a un frère ? Pourquoi je n'en ai jamais entendu parlé ? Si il ne m'en a jamais parlé, c'est que j'avais sûrement encore moins d'importance à ses yeux que ce que je ne pensais. Mais avant que Lucy n'ai pu m'en dire plus, Marie l'interrompt.

- En fait Lucy, tu ne sais pas tout. C'est bien plus compliqué que cela.

Elle nous regarde tour à tour avant de se lancer dans un long récit.

- C'est au début l'histoire d'un couple. Ils s'aimaient beaucoup, mais ils étaient sans le sou. Dans une ville où la délinquance était le seul travail a payer, ils ont décidé de s'imposer. Plutôt que de devenir des larbins, ils ont monté leur association. Leur gang. Ces gens, ce sont les grands-parents de Scott.

Je sens mes sourcils se relever, étonnée par l'information. Cependant je ne dis rien, me contentant d'écouter la suite de l'histoire.

- Ils ont rapidement pris de l'ampleur, devenant les rivaux du gang de la ville. Les Tigers. Mais leur politique séduisait plus, eux n'adhéraient pas aux massacres, aux meurtres, aux viols. Alors ils ont finis par les dépasser. Le couple se portait bien. Maintenant qu'ils avaient les moyens, ils purent enfin réaliser leur rêve : fonder une famille. Ils ont eu un fils. Et tout a basculé.

Les pièces du puzzle commencent à s'assembler petit à petit dans mon esprit. Les Tigers, un gang qui est loin de mettre inconnu, même si je n'ai pas envie de repenser à ce moment. Mais il me manque encore des informations pour tout comprendre, alors j'écoute attentivement.

- La femme, Rose, a changé. Une sorte de syndrome post-accouchement. Ou bien la folie l'avait toujours habitée, et cela a été l'élément déclencheur. Elle qui était douce, chaleureuse, est devenu une personne froide, insensible et malveillante. Elle est devenue dangereuse. Tout l'antipode de ce qu'elle était. Elle n'aimait pas son fils. Elle ne l'a jamais considéré. Elle était toujours dehors, à tuer, à faire tout ce dont le gang ne voulait pas. Les gens ont commencé à avoir peur de la croiser. Elle était redoutée. Ses crimes se retrouvèrent étalés dans les journaux. Son nom faisait trembler. Son mari s'en désolait. Mais il l'aimait, et n'arrivait pas à l'arrêter. Car la seule manière de le faire était de lui ôter la vie. Et il ne pouvait s'y résoudre. Sans personne pour l'arrêter, les choses ont continué de se dégrader. On l'a alors surnommée... Black Rose.

J'ouvre grand les yeux, surprise de la nouvelle.

- Elle a finit par être tuée dans une rixe. Malgré tout ce qu'elle avait pu faire, l'homme l'aimait encore. Alors pour continuer de penser à elle mais aussi pour rappeler à toutes les futurs générations ce qu'elle est devenue, il a renommé le gang « Black Roses ». Pendant toutes nos années d'entraînement, on nous répète que nous ne devons pas suivre le même chemin. Et pour chacun qui serait tenter d'oublier, il lui suffit de penser à notre nom pour se rappeler de ce qu'engendre de telles pensées.

Alors ça veut dire que Scott est le descendant des créateurs du gang ? Wahou, sacrée nouvelle. Mais j'avoue que je ne vois pas encore bien le rapport avec son comportement. Peut-être que la suite des explications m'aidera un peu plus.

En un sens, c'est une belle histoire, qui montre l'amour envers et contre tout, mais aussi que le fondateur du gang ne veut pas faire de sa femme un exemple. « Je l'aimais, mais elle était mauvaise. Ne faites pas la même erreur ».

- Mais l'histoire ne s'arrête pas là, évidemment. Le père de Scott n'a pas voulu entendre parler du gang, la haine de sa génitrice à son égard était trop dure à supporter. Il est parti dès qu'il l'a pu, et a fait sa vie loin de tout ça. Une femme, deux enfants, Tyler et Scott. Mais quand on est affilié à un gang, c'est chose impossible que de rompre les liens.

Soudain, je crains que ce qu'elle va nous annoncer est loin d'être joyeux.

- Ils sont... Ils sont morts, tués par des hommes voulant faire tomber son grand-père. Ils avaient beau avoir coupé les ponts, ça ne les a pas arrêtés.

Malgré sa tristesse, son grand-père a recueillit les deux enfants. Dans le gang. Ils ont vite apprit à aimer ça. C'est là que nous nous sommes tous rencontrés. Et qu'il a été clair que nous serions ensemble pour toujours. Une famille, aux liens plus étroits que celle du sang. Tyler et Scott ne voulaient pas être un chef d'unité. De toutes façons, nul n'aurait pu être plus adapté que Matt. Les années ont passé et nous avons eu notre unité tous ensemble, ici.

Une question trotte alors dans mon esprit. Tous ensemble ? Où est Tyler dans ce cas ? Je sens que la réponse vient, et qu'elle ne va pas forcément être agréable.

- Tyler était comme tous les garçons de cette bande. Il enchaînait les filles, se moquant bien de l'amour et tout ce qui va avec. Et puis, il l'a rencontrée. Elle se tourne vers Lucy. Sa Lucy a lui. Il est tombé pour elle comme Matt l'a fait pour Lu'. Mais cet amour, les a tué tous les deux.

Quand elle me raconte cette histoire plus en détail, je dois retenir mes larmes. Je ne m'attendais pas à de telles révélations sur le passé du jeune homme.

- Scott est persuadé qu'aimer revient à tuer. Que sa famille est maudite. Alors il n'avouera jamais ce qu'il peut ressentir pour toi. Il a trop peur qu'il ne t'arrive quelque chose. Ce qui montre bien l'importance que tu as pour lui.

Je suis déboussolée. Et surtout, je comprends beaucoup mieux pourquoi il agit de cette manière. Comment peut-on avoir confiance en l'amour quand tous les exemples que l'on a pu en avoir se sont finit par un bain de sang ?

Je ne sais pas quoi dire, quoi faire. Toute cette histoire tourne en boucle dans ma tête alors que Marie continue à parler sans que je ne l'écoute.

J'essaye de comprendre tout ce que cela veut dire. Il a juste peur pour moi ? Cela signifie qu'au final, je représente quelque chose pour lui ?

Je souffle. J'ai besoin de prendre l'air, de réfléchir. De savoir ce que je vais faire de toutes ces révélations. Et surtout d'analyser tous nos moments pour savoir si comme le pense Marie, il ressent des sentiments pour moi et se retient, ou si nous faisons fausse route.

J'annonce aux filles que je sors un peu, et me dirige rapidement vers la sortie. Je vois les regards interloqués des garçons en bas quand je sors. Scott n'est pas présent, sûrement encore dans sa chambre.

Je me dirige vers le parc où j'ai l'habitude de marcher pour réfléchir, car ce lieu m'apaise, un peu au moins.

Je marche dans les allées de graviers, les déplaçant avec mes pieds que je traîne au sol. Je ne regarde pas devant moi, et m'estime heureuse de ne me prendre personne.

Je relève subitement la tête en entendant une voix grave sur la gauche.

- Mademoiselle Zoé !

Mes yeux se posent sur un petit banc ombragé, et sur l'homme qui s'y trouve installé. Je reconnais sans mal le grand-père à qui je me suis confiée la dernière fois. Il me fait un grand sourire et tapote la place de libre à côté de lui.

Je n'ai pas franchement envie de côtoyer des personnes à l'heure actuelle, mais il dégage une telle énergie apaisante que je ne peux qu'accéder à sa requête.

- J'ai l'impression qu'à chaque fois où je vous croise, quelque chose vous fait souffrir.

J'affiche un petit sourire.

- Ce n'est que la deuxième fois que l'on se rencontre.

- C'est deux souffrances de trop. Alors, qu'a bien pu faire ce garçon cette fois-ci ?

Je ris un peu, amusée par la mine de l'homme.

- Vous comprenez vite.

- J'ai eu son âge, je sais à quel point on peut être bête.

J'imagine la tête de ce dernier si il entendait le papy parler ainsi. J'aimerai bien voir ça tient. Je suis sûr que l'homme lui passerai un bon savon sur son comportement.

Je finis par lui raconter ce qui m'arrive. Après un petit récit pour expliquer les événements des dernières semaines, je passe à la journée que nous venons de passer.

- Et alors que tout allait à merveille, cette fille s'approche de lui et lui demande si il est célibataire. Et il dit oui. Quand nous en avons parlé, il m'a répondu que les choses étaient claires pour lui. Qu'il n'avait jamais dit être avec moi. C'est vrai en un sens, j'ai été idiote de penser le contraire. Et puis, en discutant avec nos amis, ils m'ont expliqué le passé de ce garçon. Un passé qui expliquerait sa peur d'aimer. Sauf que maintenant, je me demande si il se retient à cause de ce passé, ou si il n'y a vraiment rien.

Il met quelques minutes avant de me donner son avis. Et je ne peux m'empêcher d'éclater de rire. Cet homme est fabuleux.

- A mon avis, c'est un imbécile fini.

Devant ma réaction, il rajoute :

- Quoi ? C'est bien vrai. Ce gamin ne sait pas ce qu'il perd.

Je n'en suis pas aussi sûre que lui. Que perd t-il ? Moi ? Ce n'est pas grand-chose.

L'homme pointe son doigt devant mon nez.

- Je vois d'ici tes pensées, ne t'avises pas de croire que tu ne vaux rien.

Je trouve sa menace tellement mignonne qu'un sourire prend place sur mon visage.

- Crois en toi ma petite Zoé. Moi, je te soutiens. Je suis sûre que tu parviendras à lui faire ouvrir les yeux.

Après quelques échanges supplémentaires, je me lève en direction de la maison. Le soleil commence à se coucher, et tous doivent attendre mon retour pour passer à table. Je pars avec un état d'esprit bien meilleur qu'en arrivant.

Si je ne sais pas encore comment m'y prendre, je suis au moins sûre d'une chose : je veux savoir ce qui se passe dans la tête de Scott. Les suppositions de Marie sont-elles les bonnes ?

En avançant, j'entends le grand-père ruminer dans son coin, ce qui me fait sourire toute seule.

- Mais quel idiot cet enfant.

PDV Lucy

Mais qu'il est con ! Ce garçon m'épuise, et c'est peu de le dire.

Bon, d'accord, il a des raisons de redouter l'amour. Mais au bout d'un moment, il va peut-être falloir mettre de côté le passé et s'intéresser à l'avenir.

Et son avenir, c'est mon amie rousse, je pourrais mettre ma main à couper.

Mais il a trop peur pour faire quoi que ce soit, pour avouer ce qu'il a au fond de lui. Et le pire, c'est que je suis sûre qu'il se persuade lui-même  de ne rien ressentir. Il se ment. Il est certain de ne pas avoir de sentiments pour elle. Mais c'est faux. Ça crève les yeux, et ça fait presque mal au cœur de les voir comme ça tous les deux.

Zoé souffre. Elle ne le dira pas facilement, mais toute cette situation lui fait du mal. Il l'a déjà abandonnée une fois. Et il recommence ? Non. C'est trop facile de fuir à la moindre difficulté. Il va falloir qu'il prenne son courage à deux mains. Il est capable de tuer des gens mais pas de faire face à une fille de 18 ans ? C'est quoi cette blague ?

C'est un peu -beaucoup- énervée que je quitte Marie pour rejoindre ma chambre. Matt se trouve là, et sursaute presque quand je claque la porte.

- Qu'est-ce que cette porte t'a fait ?

Je croise les bras.

- Rien. C'est ton ami qui m'énerve.

Il comprend directement de qui je parle et sourit.

- Lui en veut pas. Il ne sait juste pas comment s'y prendre.

- Il est aussi idiot que toi à l'époque.

Il croise les bras à son tour et son sourire appelle le mien.

- Parce que tu ne l'étais pas ?

- Sûrement moins que toi.

Il s'approche, doucement, voulant soigner son effet.

- Tu oses traiter un homme aussi dangereux que moi d'idiot ?

- En effet. Je peux même le redire si tu veux, idiot.

A quelques centimètres de moi maintenant, il me domine de toute sa hauteur.

- Idiote.

J'affiche un grand sourire.

- Pourtant, tu m'aimes.

- Pourtant, je t'aime.

Je sens mes joues rougir, comme toutes les fois où il me fait des déclarations. Il passe une main sur ma joue et ses yeux s'emplissent de sincérité.

- J'aime quand tu es gênée et que tes joues roussissent, quand tu es en colère et que ton petit nez se retrousse. Quand tu me défie, les yeux pleins de malice, quand tu ris à en pleurer. J'aime toutes les facettes de ta personnalité, même celles qui m'agacent tant. Je t'aime toi et pas une autre, pour ce que l'on a vécu, ce que l'on vit, et ce que l'on vivra. Alors oui idiote, je t'aime.

Je ne réponds pas, et me contente de me jeter sur ses lèvres, alors que les larmes me viennent.

Putain, que je l'aime cet idiot.  

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Et voilà, vous savez maintenant toute l'histoire de Scott. Fait-il bien de se croire maudit ? Est-ce une malédiction réelle ou non ? 

Un peu de douceur du côté de Matt et Lucy, que j'aime vous montrer de temps en temps ;) j'espère que vous appréciez ^^

A dimanche, pour une nouvelle confrontation entre Scott et Zoé ! 

Kiss :*