Chapitre 17
PDV Zoé
A côté de toutes ces révélations et surtout toutes ces émotions, le reste de la soirée est plutôt calme. Heureusement pour moi, nul ne fait de réflexion sur ce qui a bien pu se passer là-haut. Je n'aurai pas pu m'empêcher de rougir.
Et dire que je lui ai tout raconté. Je ne pensais pas lui en parler maintenant. Je ne pensais pas non plus qu'il userait de chantage pour me faire céder. Il avait compris bien avant moins à quel point j'étais encore attachée à lui. Il faut dire que la présence d'une rose autour de mon cou laisse peu de place au doute. Mais les œillères que je me suis enfilée étaient difficiles à enlever.
Maintenant que je lui ai tout dit, maintenant que je me suis confiée, je me sens légère. Ça me fait mal de l'admettre, et même si je savais qu'ils avaient tous raison, parler fait du bien et libère.
Peut-être que c'est réellement le premier pas vers le changement. Peut-être que j'aurai du le faire plus tôt. Mais j'ai toujours été ainsi. Je cherche à régler seule mes problèmes jusqu'à ce que la situation devienne vraiment ingérable.
Cette fois-ci n'a pas fait exception. Mais mon état d'esprit change, et au petit matin, ma décision est prise.
Je réunis alors Jérémy et Lucy. Quand nous nous retrouvons, chez Jérémy car sa mère est absente ce qui nous permet un peu d'intimité, ils ne disent rien dans un premier temps. Je pense qu'ils ont très bien compris pourquoi j'ai décidé d'organiser cette entrevue juste tous les trois, chose que je n'ai pas faite depuis un bon moment maintenant. Ils me laissent le champ libre pour parler quand je le souhaite.
Après avoir soufflé un bon coup, je fais fis de leurs regards posés sur moi, et je me lance. Et comme à Scott il y a quelques heures, je déballe tout. Une nouvelle fois, j'ai l'impression de déposer une part de mon fardeau en le mettant en mots. Ils m'écoutent sans rien dire, jusqu'à la dernière seconde.
Quand le point final est dit, d'un même mouvement, ils se lèvent et viennent s'asseoir près de moi, leurs bras m'entourant, pour un de nos « Maxi câlin d'amour amical », une tradition aussi vieille que notre relation. L'action me fait sortir un petit rire, chose qui m'avait fortement manquée.
Le câlin dure encore un peu avant qu'ils ne me libèrent, faute de quoi je serais morte étouffée.
C'est Jérémy qui se lance en premier à briser le silence qui nous entoure depuis la fin de mon monologue.
- Tu devrais prendre une décision forte Zoé. Tu ne peux pas laisser les choses continuer ainsi. Il faut faire quelque chose pour ta mère.
Il a raison. Ma mère ne va pas bien, et elle a besoin d'être accompagnée et soignée. Mais ce qui me bloque à prendre cette décision depuis des mois est toujours là.
- Je ne peux pas risquer de perdre Inna. Je ne suis pas encore majeure, je ne peux avoir sa garde surtout pour une jeune fille dans son cas. Nous serions toutes les deux placées en foyer, et c'est hors de question que je coure le risque d'être séparée de ma sœur.
- Je comprends bien, je t'assure. Mais ce n'est vivable pour aucune de vous trois.
Lucy rajoute alors :
- Et si tu prenais un tuteur ?
Je fronce les sourcils, ne comprenant pas bien où elle veut en venir.
- Nous n'avons plus aucune famille.
- Oui, mais regarde pour moi, afin de ne pas suivre ma mère, celle de Jérémy est devenue ma tutrice.
Je hoche la tête, n'acquiesçant qu'à moitié.
- Ça marcherait peut-être pour moi, mais Innaya est trop jeune et en plus de cela, malade. Et puis on ne peut demander à la mère de Jérémy d'être trois fois tutrice.
- En effet, il faudrait un tuteur compétent pour gérer ta sœur. Cependant, je suis persuadée qu'il existe des centres d'aide pour ce genre de cas dans notre pays.
Elle sort son téléphone et fait une rapide recherche internet, avant de me tendre l'appareil. Tu vois, il y en a un tout près d'ici.
- Ce sont des inconnus. Comment pourrais-je avoir confiance en eux pour s'occuper d'elle ?
- Qu'est-ce qui t'empêche de les rencontrer pour te faire un avis ? Tu as peut-être la solution à tous vos problèmes sous les yeux, et tu refuses pas peur, ou par égo ? Pense à Inna. Elle a besoin d'être accompagnée. Mais surtout elle a besoin de voir que sa sœur va bien, et sans aide, ça ne sera jamais le cas.
Depuis quand Lucy parle-t-elle aussi bien ? Ces mois à vivre avec le gang lui ont-ils permis d'apprendre l'art de la persuasion ?
- Je vais y réfléchir.
En fait, je sens au fond de moi que ma décision est déjà prise. Elle a raison, ça ne me coûte rien d'aller voir et de les rencontrer. Au moins, si ça ne fonctionne pas, je pourrais dire que j'ai vraiment essayé. Mais pour le moment je veux y aller seule, et me faire mon propre avis. Je préfère donc cacher mon intention à mes amis.
Les bonnes vieilles habitudes ne partent pas aussi facilement.
Le lendemain, je décide de me rendre en cours. J'ai prévenu Innaya, je ne peux pas louper autant de jours pour rester auprès d'elle. Elle va bien mieux, et l'équipe médicale fait un très bon travail. De toute façon, elle s'est faite des amies dans son service, alors je la trouvais rarement dans sa chambre en y allant.
Le médecin m'a dit qu'il souhaitait la garder le temps que mes parents soient de retour. Je ne lui ai bien sûr pas précisé qu'ils risquaient de ne pas l'être avant un bon moment. Le père d'Inna paie tous les frais médicaux. Mais il n'est pas venu à la voir. Il envoie des messages quotidiens pour avoir des nouvelles. Au moins lui s'inquiète pour sa fille, alors que l'autre n'a pas bougé du canapé.
J'ai accepté, car elle est bien mieux ici, entourée et choyée, que chez nous. Au moins, elle est en totale sécurité. Mais je ne veux pas qu'elle y reste trop longtemps. J'ai donc décidé de me rendre au centre d'aide dès ce soir. J'ai ce petit espoir au fond de moi que cela fonctionne.
Quand la journée se termine, après s'être déroulée de façon banale, je me dirige vers l'arrêt de bus.
Une main sur mon poignet me stoppe dans mon élan et je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir de qui il s'agit. Les frissons de ma peau parlent pour moi. Je me retourne et plonge mes yeux dans ses iris noirs, l'interrogeant silencieusement sur son action.
- Je te ramène.
Je suis un peu gênée, et ne sais pas vraiment comment refuser. C'est surtout que dans tous les cas, il ne me laissera pas faire ce que je veux et je vais forcément devoir lui dire où je me rends.
- Pas besoin, je dois passer quelque part.
- Je t'accompagne.
Il me tire vers la voiture sans me laisser le temps de refuser. Une fois à l'intérieur, il tourne sa tête vers moi.
- Où veux-tu aller ?
Je me rends compte que sans le vouloir, je me met à bégayer un peu.
- C'est rien, je vais prendre le bus.
Ma main se place sur la poignée alors que mon corps se tourne vers la portière mais l'intensité de son regard me fait stopper tout mouvement. Ma main retombe sur le siège et je sors mon téléphone, lui montrant l'adresse.
Il allume le moteur mais ne commence pas à rouler. Il se retourne alors et se penche soudainement sur moi. Je comprends vite qu'il est en train d'attraper la ceinture que je n'avais pas mise. Je sens mes joues chauffer alors que je ne peux m'empêcher de penser que son odeur est délicieuse. Nos yeux se croisent et s'accrochent, mais il se remet bien vite à sa place. Je sens un peu de déception en moi, pourtant je ne dis rien, et il démarre. La route se fait en silence. Quand nous arrivons devant le centre, je sais qu'il comprend ce que je fais ici.
Pourtant il ne fait aucun commentaire. Il ne pose qu'une seule question. Pour une fois il me demande mon avis.
- Veux-tu que je t'accompagne ?
Je secoue la tête.
- Non, je dois y aller seule.
En effet, je le dois. Je sais que ce serait plus simple si il était près de moi. Mais je dois le faire de moi-même. Je dois passer cette porte de mon plein gré, pas parce que l'on m'accompagne. La démarche doit être la mienne, sinon elle n'aura aucun sens.
Il acquiesce et je comprends qu'il compte rester là à m'attendre. Je pourrais lui dire que j'en ai sûrement pour un moment, mais je doute que cela le fasse changer d'avis.
Je souffle comme pour me donner du courage et sors de l'habitacle. Pendant un moment, je reste là à scruter le bâtiment sans avancer. C'est propre, mais c'est surtout plein de couleur. Cela donne envie de rentrer. Je pensais me retrouver devant un vieux bâtiment, à l'allure austère.
J'avance jusqu'à l'entrée. Je remarque alors que les grandes vitres sur la façade sont recouvertes de dessins d'enfants. Je prends mon courage à deux mains et rentre. L'intérieur est chaleureux. Lui aussi très coloré, lumineux et l'on entend du hall des rires d'enfants. J'observe les gens autour de moi. Ils sont tous souriants, ont l'air bienveillants.
Je ne sais pas si j'aimerais ce qu'ils proposent, si je saurais leur accorder ma confiance, pour moi et ma sœur. Mais je sais au moins que les ondes qui circulent dans cet endroit ne me donnent pas envie de reculer à toute vitesse.
Un homme s'avance vers moi. Les cheveux grisonnants, son visage est fendu d'un sourire et il m'accueille chaleureusement.
- Bonjour Mademoiselle, puis-je vous aider ?
Durant quelques instants, je ne sais pas vraiment quoi dire. Lui déballer tout maintenant ?
- Hum, je suppose. Je voulais me renseigner un peu sur cet établissement.
Ses yeux me sondent, mais je ne me sens pas du tout épiée. J'ai seulement l'impression qu'il comprend tout ce qui me tracasse.
- Avec plaisir. Puis-je savoir votre nom ?
Je ne dis rien. Non, je ne veux lui dire mon nom. Si je le faisais et que finalement, leur centre ne me convenait pas, il pourrait très bien prévenir les autorités qu'une mineure s'occupe seule d'une enfant malade avec une mère amorphe dans le salon.
Il semble voir mon trouble, car il rajoute :
- Vous n'êtes pas obligée, ne vous inquiétez pas. Et si nous allions discuter dans un lieu un peu plus calme.
Il ne se départi pas de son sourire, ce qui je dois dire inspire la confiance. J'acquiesce et le suis jusqu'à un bureau, lui aussi très accueillant. Il m'invite à m'asseoir et me propose à boire, ce que je décline.
- Bien, tout d'abord, je m'appelle Edward, mais tout le monde m'appelle Ed. Je suis le directeur de ce centre. Maintenant que vous me connaissez un peu, ce que je vous propose, c'est de me raconter ce qui vous arrive. Je vous dirai ensuite ce que nous sommes en mesure de faire pour vous aider. Vous avez rien à craindre, je ne connais pas votre identité, je ne serai donc pas en mesure de vous retrouver si vous coupez court à cette conversation.
Je hoche la tête. La proposition me semble honnête. De toute façon, ai-je le choix ? Je ne suis pas venue ici pour repartir sans avoir essayé.
J'ai bien l'impression que c'est le moment de me lancer.
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