Nuit du 25 septembre

Nuit du 24 au 25 septembre 1944, Bianca

Il commençait à faire sombre, m'indiquant que la nuit tombait. Ils nous avaient transférées dans une autre pièce du bâtiment, beaucoup plus étroite et sans issue. Ça faisait donc toute la journée que nous étions ici. J'avais déjà perdu la notion de temps. J'en profitai que Strauss, le seul ne parlant pas Italien, de ce que j'avais compris, obligeant les autres à s'exprimer en anglais, que ce soit lui qui nous surveille, seul, pour parler à Zoë, restée silencieuse depuis qu'elle était revenue.

- Zoë, on doit s'enfuir d'ici, Chuchotai-je le plus silencieusement possible.

- Comment ? Et pour aller où ? Répondit-elle piteusement.

- Pour allez là où tu sais, tu dois la sauver. Tu es la seule à en avoir le courage.

- Nous sommes fichues, Bianca, nous n'avons aucun moyen de sortir d'ici. Ils nous surveillent, ils vont nous interroger et nous tuer comme pour tous les autres résistants.

- La Zoë que je connais ne baisserait jamais les bras.

- Et bien peut-être qu'elle n'existe plus cette Zoë.

Je soupirai mais ne pouvais m'empêcher de me sentir mal pour elle. En peut-être une heure, ils l'avaient déjà complètement changée, de quoi étaient-ils capables ? Ou pire, jusqu'où étaient-ils capables d'aller ? Je n'étais pas sûre de vouloir le savoir un jour. Nous restâmes en silence quelques minutes avant que Zoë ne reprenne la parole, à mon plus grand étonnement.

- J'ai repéré les lieus pendant que le Boche nous emmenait ici. Réflexe que tu dois toujours avoir quand tu es de la résistance, toujours tout observer. Je sais par où nous pourrions fuir et où se cacher.

- Génial !

Je me mordis la langue pour me faire terre, j'avais parlé trop fort. Strauss releva un sourcil avant de retourner à son activité que je ne pouvais identifier, la pièce étant trop sombre.

- Je garde un poignard sur moi, coupons nos liens mais pas assez pour que nous puissions faire semblant d'être encore attachées, Expliquai-je rapidement. Attendons que la nuit soit complètement tombée, ensuite, comme il fera noir, quand ce sera le moment propice, nous partirons le plus silencieusement que nous en sommes capable. Une fois dehors, je te laisse alors nous guider.

- Le tiens plan comporte trop de failles.

- Comment ça ?

- Ça se voit que tu n'as pas l'habitude. Si nous partons, ils nous verront.

- Pas s'il fait complètement noir et que nous faisons aucun bruit.

- Fermez-là, j'essaye de mon concentrer ! Réprimanda Strauss.

Nous nous turent alors, ne voulant pas créer de soupçons. La pièce était de plus en plus sombre. Étant en pleine campagne au milieu de nulle part, il n'y avait plus d'électricité qui passait par ici et aucun endroit pour faire du feu, le sol étant en bois. Ce dernier détail m'inquiétait, un seul faux mouvement et il risquait de grincer. Après un temps interminable, Zoë brisa de nouveau le silence, parlant extrêmement doucement.

- Il y a une trappe à notre gauche, environ un mètre.

- Rha ces filles, de vraies pipelettes, ça ne s'arrête donc jamais de parler, Se plaint le seul homme de la pièce.

Je profitai de la pénombre pour lui lancer un regard noir sans qu'il le remarque et souris légèrement à l'idée qu'il ne savait absolument pas de quoi nous parlions.

- Elle fera trop de bruit.

- C'est le seul moyen, la seule fenêtre est trop haute et étroite, et par la porte, n'y pense même pas.

Je réfléchis longuement en silence.

- Ils ne nous laisseront jamais seules, n'est-ce pas ?

- Jamais, faut pas rêver, Renchérit Zoë.

- Il faut que nous fassions quelque chose pour l'autre.

Strauss ne parlait peut-être pas Italien, mais il ne devait pas être complètement stupide. J'évitais de dire les noms, compréhensibles dans n'importe quelle langue. S'il m'entendait dire son nom, il comprendrait immédiatement notre sujet de conversation.

- Tu pense à quoi ?

- J'ose pas le dire tout haut et ce serait trop compliqué.

- Dis toujours, au point où nous en sommes.

- Le tuer, pour s'enfuir ensuite.

Je l'entendis sourire, chose qui n'était pas arrivée depuis son retour de la fameuse salle.

- Je dois bien avouer que tu m'impressionnes, tu es moins innocente que je ne le pensais. Comment comptes-tu t'y prendre ?

- J'ai pensé à lui prendre son pistolet mais ce serait trop risqué et trop bruyant. Mais si nous arrivons à partir à temps et à recouvrir la trappe...

- Je n'aime pas ce plan, tu as un poignard, dis-tu ? Si on le fait correctement, ça devrait être silencieux.

- Mais je n'ai encore jamais tué personne, je ne sais pas si j'en serai capable. 

- Je le ferai, coupe nos liens, je m'occupe de lui.

- Je les hais parce qu'ils sont des assassins et nous nous apprêtons à tuer, valons-nous mieux ? 

- Ne te pose pas ce genre de question, ça fragilise ta conscience.

Je me tus et m'appliquai à ma tâche. À force de me torsionner, je réussis à récupérer le poignard, remerciant sa saleté au passage, l'empêchant de luire et coupai lentement nos liens. Je le passai ensuite à Zoë qui se leva sans un bruit. J'étais impressionnée par son agilité. Elle profita du noir total pour passer derrière Strauss et lui trancha la gorge avant qu'il ne puisse se rendre compte de quelque chose. Il n'y eu aucun bruit, je n'entendais que les voix discutant avec animation quelque part dans une autre pièce, ne se doutant pas une seconde de ce qu'il se passait ici. Elle revint ensuite vers moi et ouvrit la trappe. Elle s'y faufila et je la suivis sans réfléchir à rien. Je me demandais combien de personnes elle avait tuées pour avoir réussi à le faire de sang froid. Elle était si à l'aise, comme si ce n'était rien. 

Nous marchions dans un tunnel en terre étroit. Il y faisait totalement noir. Je la suivais de près jusqu'à se que je sente un courant d'air sur mon visage, nous étions presque dehors. Zoë sortit en première puis moi. Elle ne prit qu'une seconde avant de choisir une direction. Nous n'étions pas très loin du lieu où nous étions enfermées quelques minutes plus tôt, nous devions donc être très vigilantes. Je courbai mon dos par reflexe, me faisant la plus petite possible. Zoë m'indiqua silencieusement au loin un bâtiment caché par les arbres. Nous marchâmes dans cette direction. Je voulais courir mais ça ferait trop de bruit. 

Alors que nous marchions depuis plusieurs minutes déjà, nous étions entrées dans une forêt. Le feuillage des arbres étaient épais et il y était difficile de s'y retrouver, surtout dans le noir. Je remerciai la chance pour cette cachette idéale. Nous continuions notre progression dans un silence pesant. La peur me déchirait les entrailles mais j'essayais de rester forte. Je ne voulais pas décevoir Zoë. Je voyais notre refuge se rapprocher et l'espoir renaissait en moi. Nous y étions bientôt, j'avais envie de rire de soulagement. Zoë et moi serions enfin en sécurité, je ne saurais dire depuis combien de temps ça n'était pas arrivé. Un sourire se dessina sur mon visage pour se figer aussi vite. J'avais entendu un bruit de branche derrière moi. Nous nous retournâmes toutes les deux pour voir l'uniforme de l'Untersturmführer. Ils ont remarqué notre fuite. La panique monta en moi et Zoë me fit signe de courir. Ils nous avaient repérées, il fallait les semer. Il y eu un coup de feu. Nous continuâmes à courir mais je vis que Zoë commençait à ralentir. Je lui criai de se dépêcher puis vit une tache de sang lentement imprégner son T-shirt qu'elle tentait de cacher.

- Tu es blessée !

- C'est rien, continue ! Tout va bien se passer.

Elle avait murmuré la dernière phrase, voulant plutôt se convaincre elle-même. Après quelques mètres, elle s'effondra au sol. Non, pas ici, plus que quelques mètres et on sera en sécurité. Les cris de nos assaillants se faisant de plus en plus lointain, je voyais notre refuge. J'allai vers elle pour la soulever. Elle gémit de douleur. Elle voulut protester mais n'en avait pas la force.

- Garde ton énergie, on est presque arrivé.

Je rentrai dans le bâtiment qu'elle avait repéré plus tôt et l'allongeai sur le sol. Je m'empressai de soulever son T-shirt afin de voir l'étendue de la blessure. La balle était profonde et elle avait déjà perdue beaucoup de sang. Je savais que je ne pouvais rien faire mais je refusais de rester les bras croisés. La tension montait, mes gestes étaient saccadés.

- Tiens bon, encore un petit effort.

J'essayais de stopper l'hémorragie comme je pouvais mais rien n'y faisait, le sang continuait à couler. Zoë retenait des gémissements de douleur et des larmes coulaient sur ses joues.

- B-Bianca... S'il te plait... S'il te plait... J-Je veux p-pas m-mourir... Pas maintenant... Je d-dois... Artémis...

Elle tenta de se relever mais retint un cri. Je la forçai à se recoucher.

- Ne bouge pas, on sauvera Artémis.

- T-Tu me le p-promets ?

Il y eut un silence. Je ne pouvais pas le lui promettre car je savais déjà que sa route s'arrêterait ici.

- Artémis sera sauvée, je te le promets.

- Merci...

Je passai une main ensanglantée, ensanglantée de son sang, dans ses cheveux. Mes yeux étaient humides mais je devais rester forte. Être forte pour elle.

- Est-ce que... Je pourrai revoir Artémis..?

- Chuuuut...

Ma voix tremblait, je devais lutter contre les larmes mais c'était de plus en plus dur. Je ne voulais pas la perdre. Je ne voulais pas continuer ma route seule. J'avais peur. Et je ne voulais pas perdre encore quelqu'un, ça fait trop mal.

- Bianca... Je t'en supplie... Dis-moi que tu peux faire quelque chose... Je v-veux p-pas mourir... J-J'ai peur de la mort...

J'étais incapable d'articuler un mot sans m'effondrer en sanglot. Non, je ne peux rien faire, Zoë. Je suis impuissante. C'était mon plan qu'on a suivi, tu savais qu'il ne fonctionnerait pas et c'est toi qui va mourir par ma faute car je suis pas foutue de sauver une amie ou de prendre les bonnes décisions !

- Dehors... Je veux aller d-dehors...

J'hochai lentement la tête et l'emmenai à l'extérieur.

- Je veux voir les étoiles une dernière fois....

Je l'installai confortablement et restai à ses côtés sans rien dire.

- D-Depuis petite, j-j'ai toujours aimé les... les étoiles...

Une larme roula sur ma joue sans que je ne puisse rien y faire. J'avais une boule dans la gorge. Zoë était de plus en plus faible, ses yeux se fermant petit à petit. Je voulais crier, lui hurler de les garder ouverts, de ne pas s'endormir mais j'étais impuissante et je savais que c'était inutile. Au lieu de ça, je restais là, sans rien dire, retenant mes larmes en la regardant mourir lentement dans la souffrance. Finalement je dis d'une toute petite voix, me demandant de grands efforts pour ne pas qu'elle tremble.

- Elles sont belles ce soir...

- Les étoiles... J-Je peux voir les étoiles de nouveau, Bianca...

Et sur ces mots, elle ferma doucement les yeux pour ne plus jamais les rouvrir. Alors toute ma peine explosa. Je hurlai et laissai couler mes larmes à flot. Plus rien n'existait autour de moi, je ne voyais plus que ma douleur. Je pris son corps dans mes bras, il était encore chaud. J'espérais la revoir ouvrir les yeux, entendre ne serait-ce que son cœur battre. Mais je savais qu'elle avait rejoint les étoiles, ces étoiles qu'elle affectionnait tant. Ça me tuait de parler d'elle au passé. Je levai les yeux vers le ciel, dans l'espoir de la voir sourire à travers les astres mais ma vue était brouillée par les larmes. Zoë nous avait quittés pour toujours.

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