Jour 9
- Nico, concentre toi, inspire profondément, garde les yeux fermés, pour la millième fois, et cherche au plus profond de toi ce que tu as de plus enfui.
Je tournais autour de Nico, assis en tailleur, lui dictant ce qu'il devait faire. On essayait qu'il se remémore son passé. Pour l'instant, nous étions à notre première tentative, simplement fouiller dans sa mémoire. Il avait les yeux fermement clos, la concentration peinte sur son visage puis il souffla, décontractant ses muscles et tournant son regard vers moi.
- Alors, tu as trouvé quelque chose ? Demandais-je.
- À part comment me donner une migraine, rien.
Je soupirai en réfléchissant.
- Je t'avais dit que c'était pas une bonne idée de regarder sur Wikihow, dit-il.
- Je cherche là où je peux ! Tu n'as vraiment rien trouvé ? Rien du tout ?
Il secoua négativement la tête. Je m'assis à côté de lui.
- Je pense que la technique essayer de retrouver ce qu'il y a dans le fond de mon crâne, ça ne fonctionnera pas.
- Tu as d'autres idées ?
- Laisse-moi réfléchir...
Il fronça les sourcils. Pendant qu'il réfléchissait, j'en profitai pour l'observer. Il avait un peu changé depuis notre rencontre, je le trouvais un peu plus mature, moins enfantin. Je repensais aux évènements de la veille, j'avais réalisé à quel point je m'étais attaché à lui. Un moment, j'avais eu peur de le perdre à tout jamais. Je l'aidais à rejoindre un autre endroit mais en même temps, au fond de moi, je ne voulais pas qu'il parte. C'était peut-être égoïste mais c'était plus fort que moi. Je voulais le retenir ici le plus longtemps possible.
- Nico ?
Il se tourna vers moi.
- Hier, quand... Avant ce qu'il s'est passé, pourquoi tu m'as appelé Sole Mio ?
Il haussa des épaules tout en détournant le regard.
- Je sais pas, ça allait bien avec le moment je suppose.
- Mais pourquoi Sole Mio ?
Il réfléchit un peu avant de répondre en rougissant légèrement.
- Parce que ça signifie mon Soleil dans ma langue maternelle et que tu es comme mon petit soleil.
Il l'avait dit d'une petite voix sans oser me regarder dans les yeux. Je ne pus m'empêcher de sourire. C'était adorable.
- Arrête de sourire comme ça, Solace.
- Je fais pas exprès !
Il se leva et commença à partir.
- Nico, attend ! Tu es fâché ?
Il se retourna en fronçant les sourcils.
- Non, je viens juste d'avoir une idée.
- Quel genre d'idée ? Plus du genre retourner dans le monde des morts ou comment tuer un Solace avec le plus de souffrances possible ?
- Plutôt le premier, même si le deuxième ne me déplairait pas.
Je rigolai et me levai à mon tour.
- C'est quoi l'idée, du coup ?
- J'ai pensé, j'ai sûrement un lien avec ce lieu alors peut-être que je trouverai des trucs dans le grenier. Il y a plein de vieilles caisses.
- C'est pas bête !
Nous montâmes les escaliers ensemble et j'allumai la lumière du grenier. Il y a avait beaucoup de caisses, ça risquait d'être long.
- Je commence de ce côté et toi l'autre, d'accord ? Proposais-je.
Il hocha la tête puis quelque chose me vint à l'esprit.
- Attend, comment je peux savoir si quelque chose est en lien avec toi ? Je veux dire, je ne connais pas ton passé, comment -
- Crois-moi, je ne sais pas grand chose de plus que toi.
J'haussai des épaules et partis de mon côté. Je commençai par la première caisse. Dedans il n'y avait que des vieux livres de ma grand-mère que je lisais enfant. Je farfouillai un peu pour la forme avant de tomber sur un album. Les photos étaient vieilles, en noir et blanc. Je pouvais y reconnaître ma grand-mère, beaucoup plus jeune. C'était une belle femme. Je tournai un peu les pages avant de voir une photo de famille, la nôtre. Je reconnaissais le décor, la maison n'avait pas changé. Je devais avoir deux ans dessus, sur les genoux de ma grand-mère. Ma sœur n'était pas encore née. Je grimaçais à cause du Soleil tandis que ma mère, à côté, avait un sourire rayonnant. Je regardai la photo encore quelques instants, pris de nostalgie puis refermai le livre. Je ne devais pas me laisser distraire, je devais trouver des indices. Je devais rester concentré sur ma mission. Je refermai la caisse et m'attaquai à une autre. Toujours que des affaires de ma grand-mère, rien d'intéressant.
Je continuai ainsi pendant peut-être une heure, ne trouvant toujours rien. Je me redressai et avançai à reculons pour voir toutes les caisses que j'avais déjà regardées et lesquelles je devais encore fouiller. Sans m'en rendre compte, je continuai à reculer et sentis une sensation étrange. Deux secondes plus tard, Nico était assis en face de moi, les sourcils froncés.
- Qui t'a permis de me passer au travers comme ça ?!
- Je suis désolé, j'ai pas fait exprès !
Ça me faisait bizarre, je n'avais jamais pensé que Nico pouvait traverser la matière, comme, bah, les fantômes. D'un coup, je réalisai vraiment toute la situation.
- Ça va pas ? T'es tout pâle, S'inquiéta-t-il.
- Si, ne t'en fais pas, ça va très bien.
Il fronça les sourcils mais garda le silence.
- Je me demandais, tu sais faire quoi en fait, en tant que fantôme ?
Il sembla surpris par ma question puis sourit, pas de son beau sourire habituel, plutôt d'un sourire qui me mettait mal à l'aise.
- Je peux aspirer l'âme des gens rien qu'en les fixant dans les yeux.
Il me regardait droit dans les yeux, une expression neutre sur le visage. Je déglutis.
- Sérieux ?
- Nan, je peux juste passer au travers des murs.
Il haussa des épaules et je me détendis d'un coup avant de sourire.
- Ils sont nuls tes pouvoirs, en fait !
- Tu veux qu'on parle des tiens ?
Il leva les yeux au ciel avant de retourner sur la caisse qu'il fouillait. Il regarda quelques instants avant de s'arrêter. Je cru le voir glisser quelque chose sous son pull alors je m'approchai de lui.
- Tu trouves quelque chose ?
- Non, rien du tout et toi ?
Je pouvais voir dans son regard qu'il me cachait un truc mais je décidai de ne pas y faire attention.
- Rien non plus.
Je m'accroupis à côté de lui et regardai dans le bac à côté. Pendant que je fouillais, j'essayais de faire un peu la conversation.
- Il y a un truc que j'ai vu dans un dessin animé, Gumball, je sais pas si tu connais ?
Il secoua négativement la tête. J'avais oublié qu'il était né à l'époque où Blanche-Neige seulement venait de sortir. La version Disney, bien sûr.
- Je me demandais, est-ce que si je dis cinq fois Nico, tu apparais ?
- Tu as décidé de faire tes expériences de ce que peut réellement faire un fantôme aujourd'hui ou ça se passe comment ?
Je soupirai et lui lançai un regard insistant.
- Alors non, Puis il ajouta en voyant mon regard déçu, Mais tu peux toujours essayer.
Je souris et tentai l'expérience.
- Nico, Nico, Nico, Nico, Nico !
Et là je sentis une douleur sur ma joue. Il venait de me foutre une baffe ?!
- Aïeuh !
- Désolé, j'avais oublié cet effet secondaire, Sourit-il, absolument pas désolé.
- C'était pas un effet secondaire, tu l'as totalement fait exprès !
- Peut-être, peut-être pas, tu ne le sauras jamais.
Il me lança un regard mystérieux avant de se lever et de partir plus loin.
***
- Est-ce que le verbe suivre et le verbe être se conjuguent de la même façon à la première personne du singulier au présent parce que quand tu suis quelqu'un, c'est comme si tu faisais pareil que la personne et que donc c'est une métaphore des moutons qui sont tous un peu pareil ? Je suis l'autre, je fais la même chose donc je deviens l'autre. Ce qui résume notre nature humaine.
Je regardai Nico perplexe. Je n'avais absolument rien compris.
- C'est quoi le rapport avec Cœur de feu ? Me lamentais-je.
- Aucun, pourquoi ?
- Je voulais juste que tu lises cette page de la Guerre des Clans. On est là pour t'aider à lire avec ta dyslexie, pas pour remettre en doute toute mon existence !
- Mais je me pose réellement la question !
Nous étions assis dehors et je tentais de lui apprendre à lire, enfin il avait appris à lire en Italien mais l'alphabet étant légèrement différent en anglais et étant dyslexique, il avait quelques difficultés. Ça m'avait pris du temps de lui faire avouer ça et de me laisser l'aider mais il avait fini par s'avouer vaincu après que je lui ai confisqué les livres La Guerre des Clans, sa nouvelle série préférée et accepté de les lui rendre seulement pour lui apprendre à lire correctement.
- Arrête de te poser ce genre de questions et concentre-toi.
- Je préfère lire seul et dans ma tête.
Il croisa les bras comme un enfant pendant que je soupirai.
- Termine au moins la page.
- Très bien, S'avoua-t-il vaincu.
Il recommença à lire. Sa lecture n'était pas encore parfaite mais devenait de plus en plus fluide. J'aimais bien passer ce genre de moment avec lui, ça me faisait comme si tout était normal, me faisait oublier que j'étais avec un mort et que peut-être bientôt nous ne nous reverrons plus jamais. Je ne voulais pas y penser, je ne voulais pas qu'il parte. Il était trop jeune, trop vivant. La vie pouvait vraiment être injuste. Je m'interrompis dans mes pensées lorsqu'il se tourna vers moi, me demandant pour la prononciation d'un mot. Je lui répondis en souriant et tentai de rester concentrer. Ce qui était bien, c'est qu'en plus ça me permettait de relire ce livre que j'avais lu il y a longtemps déjà.
- Voilà, j'ai fini la page ! C'était comment ?
Je me retournai brusquement vers lui, sortant de mes pensées.
- Toi, qu'as-tu pensé de ta lecture ? Tu as eu l'impression d'avoir progressé ?
- T'as pas écouté, c'est ça ? Quel était l'intérêt de tout ce cirque pour qu'au final tu n'écoutes même pas ?
Je me frottai l'arrière de la nuque.
- Désolé, j'étais dans la lune.
Il soupira en me lançant un regard meurtrier.
- Je peux lire tout seul, maintenant ?
- Dis-moi, Nico -
Il leva son regard vers le miens.
- Est-ce que tu as vraiment envie de partir ?
Il haussa des épaules.
- J'en sais trop rien. Je te l'ai déjà dit, depuis que je te connais, pas trop.
- Si j'étais pas là...
- Je n'aurais jamais su que j'étais mort. C'est un peu comme un cercle vicieux ; pour que je puisse partir, j'avais besoin de te connaître mais j'avais envie de partir seulement quand je ne te connaissais pas.
Il s'arrêta un instant.
- Mais tu vois, j'ai vraiment envie de savoir ce qu'il s'est passé. En même temps, j'ai peur de ce que je vais découvrir, j'ai pas envie de le faire seul.
Il me regardait droit dans les yeux. Son regard était hésitant. J'hochai lentement la tête.
- Je resterai avec toi, tu n'as pas à faire tout ça seul.
Je tentai un sourire rassurant puis posai une main sur sa joue que je retirai aussitôt que je me rendis compte de mon geste. Il avait un regard plein d'incompréhension pendant que je tentai de cacher mon visage rouge tomate.
Quand j'osai enfin regarder vers lui, je le voyais détourner le regard. Je ne savais pas trop quoi dire alors je commençai à bégayer des trucs incompréhensibles.
- Will, M'interrompit-il.
Je me tus immédiatement. Il regarda vers le ciel, s'appuyant en arrière sur ses paumes et souffla.
- La Lune est belle ce soir.
Je fronçai les sourcils, ne comprenant pas. Je regardai à mon tour vers le ciel.
- Mais c'est la journée.
Il ne répondit pas, se contentant de se lever et de s'éloigner sans un seul regard vers moi.
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