Jour 5
Je fus surpris ce matin en descendant les escaliers d'être seul en bas. Habituellement, Nico se levait toujours en premier. Je ne me posai pas plus de questions et préparai le petit déjeuner. Au plus les jours passaient, au plus je doutais. Les choses n'avançaient pas du tout et en même temps j'avais l'impression que Nico me cachait des trucs. Qu'avait-il caché sous son T-shirt dans le grenier ? J'avais essayé de l'interroger sur le sujet mais il détournait à chaque fois la conversation. Je m'étais énormément attaché à lui et redoutais de plus en plus le moment où il devra partir. Une confiance s'était installée entre nous mais j'avais l'impression qu'il s'éloignait, se renfermait. Je faisais mine de rien mais je sentais que quelque chose le tracassait. J'essayai tant bien que mal de me changer les idées et mis la table. Juste quand j'eus fini de mettre les assiettes, j'entendis des bruits dans les escaliers et vis la tête de Nico apparaître encore tout endormi.
- Salut, Commençais-je. Bien dormi ?
- J'ai fais un rêve étrange à propos de maïs...
Je rigolai doucement en lui faisant signe de s'assoir.
- Tu fais des rêves, toi ?
Son regard s'assombrit un instant et je regrettai immédiatement ma question. Il releva vivement la tête, un léger sourire sur son visage, faisant semblant de rien.
- Evidemment, bêta !
- Nan mais je veux dire, tu as besoin de dormir ? Comme, tu sais...
- Je ne sais pas trop, mais je préfère. Ça m'aide de garder les habitudes de quand j'étais vivant, ça me rend plus.... Humain. Ça me fait comme si je vivais toujours, je ressens encore tellement de chose, je n'arrive parfois pas à croire que je suis mort.
- Mais tu devras l'accepter.
- Je sais, mais tant que je ne saurai pas comment c'est arrivé, je ne pourrai m'empêcher de douter.
- Je comprends.
Il me regarda droit dans les yeux, une tension montant dans la pièce.
- Comment tu peux comprendre ? Tu peux pas savoir ce que ça fait d'apprendre du jour au lendemain qu'on est mort, de ne plus connaître son passé, de-
Il ne réussit pas à finir sa phrase, sa voix se brisant. Il prit son visage entre ses mains. Il tremblait légèrement. Je me levai alors pour me rapprocher de lui mais il me repoussa.
- Nico... Tentais-je.
Il soupira en relevant la tête, ne regardant pas dans ma direction.
- Je suis désolé, j'aurais pas du réagir comme ça.
Je tentai une nouvelle fois de poser ma main sur son épaule et cette fois-ci, il se laissa faire.
- C'est juste que... Il y a tout ça et-
- Comment "tout ça" ? Demandais-je doucement.
- Rien.
Je sentais qu'il recommençait à se renfermer. J'ignorais comment réagir, si je devais le pousser à s'ouvrir ou pas.
- Simplement, Il souffla un coup, Simplement que j'ai pas envie de partir.
Il tourna les yeux vers moi, ils étaient humides. Instinctivement, je le pris dans mes bras et il se réfugia contre moi. Je passai une main dans ses cheveux. Ils étaient doux. Je me réprimandai pour cette pensée et essayai comme je pouvais de le calmer.
- J'ai envie de rester avec toi, Dit-il d'une petite voix étouffée.
Il m'avait déjà dit ces mots mais ils me firent toujours cet effet. Je ne saurais pas le décrire. Je l'avais contre moi, il pleurait doucement et je ne pouvais me focaliser sur rien d'autre que sur lui. J'ignorais ce que je ressentais pour Nico à ce moment-là mais je détestais le voir comme ça. Je voulais faire de ses derniers jours, les plus beaux. Je me jurai de tout faire pour le voir sourire et heureux.
Après qu'il se soit calmé, nous restâmes dans cette position encore un moment. Je passais doucement mes doigts entre ses cheveux. Mon T-shirt était légèrement humide de ses larmes mais je m'en fichais.
- Nico, tu sais quoi ?
Il releva la tête vers moi. Ses yeux étaient encore un peu rouge.
- Juste au moins aujourd'hui, on va oublier tout ça, d'accord ? On va passer la journée ensemble et on va s'amuser.
Un léger sourire apparut sur ses lèvres et il hocha doucement la tête.
- On va jouer dehors, regarder le dernier Star Wars, tu vas pouvoir me battre aux échecs,-
- Tu te débrouilles pas trop mal maintenant.
Un petit rire s'échappa de mes lèvres tandis que Nico s'éloigna doucement de moi. J'aurais voulu rester comme ça encore longtemps, l'avoir contre moi mais ces pensées s'envolèrent lorsqu'il prit ma main pour m'emmener dehors. C'était une belle journée, il n'y avait presque pas de nuages. Une légère brise caressait nos visages. Il lâcha ma main, à mon plus grand malheur lorsque nous avions passé la porte de derrière. Il partit ensuite en courant vers le bois me laissant planté là. Je tentai de le suivre mais il allait plus vite que moi. Après quelque temps, il finit par ralentir pour se laisser tomber par terre en rigolant. Je le rejoins, tout essoufflé.
- Qu'est-ce qui t'a pris ? Soufflai-je.
Il se releva en chancelant. Je fis mine de l'aider mais il refusa, préférant se débrouiller seul.
- J'avais besoin de me sentir vivant.
Il me regardait en souriant, comme si ce qu'il venait de dire était totalement banal. Je fronçai les sourcils, ne sachant pas comment interpréter sa phrase.
- On marche un peu ? Proposa-t-il finalement après un silence.
J'hochai la tête et nous commençâmes à nous promenez, à un rythme lent cette fois-ci. Aucun de nous deux ne parlait, chacun dans ses pensées, à écouter les oiseaux chanter. Je me tournai vers lui, me demandant à quoi pouvait-il bien penser. Je mourrais d'envie de reprendre sa main, ce contact me manquant déjà mais je n'osai pas.
- Pourquoi tu me regarde comme ça ? Demanda-t-il au bout d'un moment en fronçant les sourcils.
- Oh, je- Je ne-
Je pouvais sentir mes joues en feu. J'ignorais quoi lui dire, je n'avais même pas remarquer que je le fixais depuis si longtemps. Il haussa des sourcils, attendant une suite puis sourit, amusé, en voyant mon embarras.
- Fais attention de ne pas trop t'attacher à moi, Rit-il doucement.
- Et pourquoi pas ?
Je me retournai en face de lui, le visage très sérieux. Il s'arrêta et me regarda sans comprendre. Je pouvais le sentir troublé.
- Je- Tu sais bien que tu ne peux pas, je veux dire,...
Il se triturait les mains et j'attendais la suite en silence.
- Tu sais que je vais bientôt devoir partir... Je ne veux pas te briser le cœur.
Je déposai ma main sur sa joue pour le rapprocher et posai mon front contre le sien. Nous n'avions jamais été aussi proche. Mon cœur battait plus vite alors que je pouvais sentir son souffle sur mon visage. Je le regardais dans les yeux mais lui gardait les siens baissés.
- Aimer, c'est savoir souffrir et je suis prêt à connaître toutes les misères du monde pour toi. Murmurai-je.
Mes propres mots me surprirent. Il resta silencieux. Je voyais qu'il avait du mal à comprendre toute la situation et je me réprimandai, je ne voulais pas le brusquer. Il me prit soudain dans les bras.
- Promet-moi de ne pas être triste.
Sa voix tremblait alors je resserrai l'étreinte.
- Nico, je peux tout te promettre mais pas ça.
- S'il te plait, Will...
J'étais incapable de lui répondre. Cette discussion rendait tout d'un coup beaucoup plus réel. Alors que je pensais avoir encore le temps, je réalisai que tout n'était peut-être plus qu'une question de quelques jours.
- Nico, évidemment que je serai triste, ça je ne peux pas l'empêcher mais il y a une chose que je peux faire, je ne veux pas de regret alors on ne va pas se morfondre, on va arrêter de ne parler que de ça, et comme je l'ai dit ce matin, nous allons simplement profiter de cette journée, d'accord ?
- D'accord, désolé...
- Tu ne dois pas l'être, Lui souriais-je doucement.
Je sentis ses bras me lâcher doucement et son corps s'éloigner du mien. Avant qu'il ne se détache totalement, il m'embrassa rapidement la joue en murmurant.
- Merci, Will.
Ensuite il s'éloigna pour de bon, les joues roses.
Comme dit plus tôt, nous passâmes la journée simplement, ensemble, sans se soucier de rien. Nous étions restés dehors à jouer, parler, rire. Il me parla un peu de Venise, de ce qu'il se souvenait de son enfance et je parlai de la mienne. Le temps passa trop vite et déjà le soleil se couchait. J'étais assis dans l'herbe et je le sentais s'endormir sur moi. Je le pris alors dans mes bras, il était tellement au bord du sommeil qu'il ne protesta pas, deposant sa tête au creu de mon cou, et je le portai jusque dans sa chambre. Une fois fait, je le déposai délicatement dans son lit où il s'endormit immédiatement. Je lui souhaitai rapidement bonne nuit avant de sortir le plus silencieusement possible, tout en éteignant la lumière. La nuit étant avancée, je ne tardai pas avant d'aller moi-même dormir.
J'eus du mal à trouver le sommeil, trop d'émotions et de questions me traversaient en même temps. Je ne comprenais pas ses réactions. Était-ce vraiment raisonnable ? Mais l'amour était-il raisonnable ? Lequel est à suivre entre la raison et l'amour ? Je ne comprenais plus où était le bien, le mal. Mes pensées se mélangeaient, reproduisant à la perfection la bataille d'Hernani* dans ma tête. Je souris à cette référence, étant certainement la seule chose que j'avais retenu de mon cours sur les courants littéraire. C'est donc là-dessus que je m'endormis cette nuit-là.
J'étais encore dans un profond sommeil quand je me fis réveillé par un cri. Je me levai en sursaut et, sans réfléchir, partis dans la direction de la chambre de Nico. Il s'était arrêté de crier quand je suis arrivé. Il était assis sur son lit, le corps tremblant et des larmes roulant sur ses joues. Je me précipitai vers lui et m'assis à ses côtés, passant une main dans son dos. Il regardait fixement devant lui en haletant, comme s'il n'avait pas remarqué ma présence.
- Nico, Dis-je doucement.
Il sursauta en entendant ma voix et se tourna finalement en ma direction. Je pouvais lire de la peur dans ses yeux.
- Désolé, je t'ai réveillé, Hoqueta-t-il.
- Ce n'est rien, Répondis-je en le prenant contre moi.
- J'ai fait un cauchemar.
- Tu veux me le raconter ?
Comme à chaque fois qu'il en faisait, il secoua négativement la tête. Il avait l'air encore plus secoué que d'habitude, presque vulnérable. Je me demandais vraiment de quoi il pouvait bien rêver.
- Ça va aller, d'accord ? Dis-toi que ce n'est qu'un rêve, ce n'est que ton imagination. Il ne t'arrivera rien.
Il hocha la tête mais je voyais bien qu'il n'était pas convaincu. Il me cachait quelque chose, quelque chose d'important. Je décidai que ce n'était pas le moment de jouer les interrogatoires et ne lui posai aucune question. Nous restâmes quelques minutes silencieux, le temps qu'il se calme. Lorsque ses tremblements cessèrent enfin, je m'éloignai un peu pour le laisser se rendormir.
- Will ?
- Oui ? Répondis-je alors que je me levais.
- Tu peux rester avec moi, s'il te plait ? Au moins un peu...
Je fus surpris par cette demande mais hochai la tête. Je me rassis près de lui et il passa ses bras autour de moi pendant qu'il s'endormait, m'utilisant comme si j'étais son doudou. Je me couchai alors à ses côtés et le pris contre moi, sombrant à mon tour dans le sommeil.
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*La bataille d'Hernani : Après avoir demandé à mes proches, je me suis rendue compte que peu de gens ont cette référence. En gros, je vais essayer de faire court, Hernani est une pièce de théâtre romantique de Victor Hugo, l'un des précurseurs de ce courant, c'est lui-même qui a écrit le manifeste instaurant les règles (dont il s'est inspiré de Shakespeare, romantique avant l'heure mais chut). Cette pièce a été joué à la fin de l'époque Classique, période qui pousse à suivre sa raison avant la passion. Le truc c'est que les mentalités ont changé et les gens en avaient marre des belles morales, ils avaient envie d'autre chose et de voyager. Le pourquoi du début de l'époque romantique. Le problème, il y a toujours des gens conservateurs et ceux-ci ont été choqués durant la pièce Hernani tandis que les romantiques étaient contents de voir enfin autre chose et qu'on fasse valoir la passion sur la raison. Il y a donc eu une bataille dans la salle de spectacle entre les deux clans.
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