Jour 3

Depuis la fameuse nuit où nous avions dormi ensemble, Nico était extrêmement distant. J'ignorais si c'était parce que je l'avais brusqué ou été trop proche avec lui ou si c'est en lien avec ses cauchemars de plus en plus fréquents. Il ne me parlait presque plus et j'avais l'impression qu'il m'évitait. J'avais passé la journée de hier pratiquement seul et celle-ci s'annonçait pareil. Sa présence me manquait, j'avais l'impression de vivre avec un fantôme, ce qui était un peu le cas mais vous voyez ce que je veux dire. Je n'arrivais pas à gérer le silence alors je mettais de la musique, toute la journée, même quand Nico venait me demander de baisser le son, je ne le faisais pas. Pas que je voulais l'embêter ou quoi que ce soit, simplement que j'avais besoin de combler le silence. Je consacrais mon temps libre à la préparation de la rentrée qui arrivait bientôt. Je lisais déjà mes livres de médecine et essayais de comprendre tout le charabia. 

Le temps était long, je ne savais pas quoi faire. Je me promenais parfois dehors, j'allais rencontrer les gens du village, je continuais à rendre visite à Aileas qui se demandait ce que j'étais devenu comme cela faisait longtemps que nous ne nous étions pas vus. J'avais même été à la pizzeria dans l'espoir d'y voir Léo. Cela faisait depuis les primaires que nous ne nous étions plus vraiment parlés et j'avais envie de refaire sa connaissance. C'est pourquoi je me retrouvais à une table au fond, l'énergumène hyperactif en face de moi.

- Alors Solace, dis tout à tonton Léo, comment va la vie ?

- Bah, pas trop mal et toi ?

- Taratata ! Ne détourne pas le sujet !

Je le regardais gigoter sans comprendre, les sourcils froncés.

- Je vois bien que quelque chose te tracasse, c'est pour ça que tu es venu me voir, n'est-ce pas ?

- À vrai dire, j'avais juste envie de te voir.

- Après 6 ans sans qu'on s'échange aucune nouvelle ?

- Je me suis rappelé ton existence quand tu es venu me livrer les pizzas, j'avais donc envie de te revoir !

Il prit une grande inspiration, choqué.

- Tu dis que tu as osé m'oublier ?

- Moi au moins je t'ai reconnu.

- Ouais moi toi t'étais trop silencieux en classe, à croire que t'étais mort.

- C'est vrai que c'est plus compliqué de t'oublier, tous les profs se souviennent de toi.

- Et oui, j'étais tellement génial !

- Une vraie catastrophe surtout...

- Je ne vois pas de quoi tu parles.

- Tu as cassé une vitre avec une brique.

- Ce sont des choses qui arrivent.

Il haussa simplement des épaules et je soupirai.

- Sinon, quoi de neuf ?

- De base on voulait parler de toi ! Répondit Léo en croisant les bras.

- Pas du tout, on voulait juste parler sans sujet précis.

- Ouais mais tu joues sur les mots là ! Enfin bref, devine quoi ? Tu ne devineras jamais !

- Je dois deviner ou...?

- J'ai rencontré quelqu'un !

- Ah bon ?

- Elle est tellement belle !

- T'es sûr qu'elle voudra de toi ?

- Arrête un peu ! Elle s'appelle Calypso, elle est grecque mais je l'ai rencontrée au Texas. Elle m'a même embrassé avant de devoir retourner en Grèce !

- Waw, une première dans l'histoire, une fille qui t'embrasse sans en être obligée !

- T'es vraiment pas cool, Solace ! Se renfrogna-t-il.

J'haussai simplement des épaules avec un faux sourire désolé.

- Du coup elle a du retourner dans son pays et je lui ai promis de la rejoindre quand je ferai mon tour du monde ! Et elle a même dit qu'elle m'accompagnera peut-être pour la suite !

- C'est trop mignon ! Je ne te savais pas romantique.

- Il y a un tas de chose que tu ne sais pas sur moi~

Il joua des sourcils tout en me lançant un regard mystérieux et faisant mine de poser sa main sur la mienne. Je la reculai donc et m'appuyai contre le dossier de ma chaise.

- Je ne te savais pas non plus de ce bord là, Valdez.

Il rigola en se reculant.

- Mais non, de toute façon, peu importe mon orientation sexuelle, il n'y a qu'une seule personne dans mon cœur actuellement !

Il leva les yeux au ciel, ses mains sur son cœur et parlait d'un air théâtral. Je rigolai légèrement tout en déposant mon menton sur la paume de ma main. Il rapprocha alors son visage du mien, le posant sur ses mains en coupe, une lueur curieuse dans le regard. Je n'aimais pas ça.

- Et toi, les amours ?

Je me reculai et essayai de cacher ma mine plus sombre.

- Disons que c'est compliqué.

- Je savais qu'il y avait quelque chose !

Il leva le poing en l'air et quelques personnes se retournèrent vers lui, le visage sévère. Nullement intimidé, il reposa son attention sur moi.

- Alors, qu'est-ce qu'il y a de compliqué ? Tu as merdé ? Elle ne t'aime pas ?

- C'est vraiment compliqué, Léo, je sais pas si j'ai envie d'en parler...

- D'accord, je vois...

Pendant un instant je crus qu'il comprit et qu'il allait me laisser tranquille mais il me regarda de nouveau avec un grand sourire.

- Alors ? Dis-moi tout, je suis une véritable tombe !

- Léo... Et puis c'est "il"... Tu avais dit "elle"...

- Oh, je vois. JE VOIS.

Je levai un regard inquiet vers lui, n'arrivant absolument pas à interpréter sa réaction.

- Je ne te savais pas comme ça !

J'haussai les sourcils, ne comprenant pas.

- Nan mais ce que je veux dire, c'est que je m'y attendais pas mais t'inquiète, man, j'ai aucun problème avec ça !

Je souris légèrement, rassuré.

- Mon cousin est gay ! Continua-t-il.

- C'est quoi le rapport ? 

J'avais les bras croisés, un sourire amusé sur le visage. Léo fit mine de réfléchir avant d'ajouter.

- Aucun mais il fait trop bien les tacos, tu devrais trop les gouter !

Je rigolai à sa bêtise et il me rejoignit rapidement. Léo ne savait définitivement pas rester sérieux.

- Du coup, avec lui, qu'est-ce qu'il se passe ? Oh, tu as peur qu'il ne soit pas attiré par les garçons ?

- C'est pas ça, je pense qu'il y a déjà un truc entre nous mais...

- Mais ? Sérieux, mec, si t'es sûr de tes sentiments et qu'il y a déjà un truc, fonce ! Il sait pour ton attirance ?

- Oui, il le sait et je lui ai déjà sous-entendu que je l'aimais.

- C'est ça ton problème, Solace, tu sous-entends, faut apprendre à être clair, y aller direct !

- C'est vrai que ça marche tellement bien avec toi...

- Alors déjà on dit "fonctionne" et puis je te rappelles que moi j'ai une copine ! Je tourne pas autour du pot comme une certaine personne en face de moi !

- Je tourne pas autour du pot, c'est juste que-

Je m'interrompis en voyant sa tête. Il avait les bras croisés et un air désapprobateur.

- Parle moi de lui !

Je réfléchis quelque instant.

- Il est gentil...

- Mais encore ? C'est quoi son nom ? Son âge ?

- Nico et il a treize ans, Avouais-je.

- Ah ouais, là c'est chaud. Tu peux aimer les mecs, y'a aucun problème mais on laisse les enfants tranquille !

- C'est plus vraiment un enfant, Murmurais-je. C'est comme Hazel et Frank à la colo', tu te souviens ? 

- C'est vrai qu'Hazel avait treize ans, mais Frank n'en avait que seize, toi tu vas sur tes dix-huit, non ?

- Je viens à peine d'en avoir seize.

- Ah oui c'est vrai, j'avais oublié que môsieur à sauter deux classes... Ah mais c'était genre la semaine passée !

- Ouais, le 23 août.

- Joyeux anniversaire en retard !

- Merci, Souriais-je légèrement.

- Mais tu vois le truc, c'est qu'Hazel est assez mature pour son âge.

- Nico aussi.

- C'est vraiment une phrase de pédo.

- Je suis pas un pédophile ! C'est pour ça qu'au début je gardais mes distances... J'essayais d'agir plus comme un grand frère.

- Mais vous vous êtes rapprochés et l'amour à frapper ! Trop chou !

- C'est pas chou. Pourquoi c'est à toi que je demande des conseils déjà ?

- Parce que tu ne m'as rien demandé, je me suis juste incrusté dans tes problèmes sentimentaux !

Je soupirai. Je ne savais pas si je devais rire ou avoir peur de lui.

- J'adore faire ça, Rajouta-t-il.

- Et Calypso ?

- Oh, rien de spécial, un amour de vacances mais, tu vois, moi je l'aime vraiment. J'ai tellement hâte d'arriver en Grèce. On ne s'est connu que deux semaines mais je n'imagine déjà plus ma vie sans elle.

Il avait les yeux dans le vague. Je l'avais déjà vu avoir des centaines de crush mais il n'avait jamais été comme ça. Je ne connaissais pas cette fille mais elle avait réellement changé quelque chose en lui, le rendant plus mélancolique et un brin plus sérieux.

- Désolé mais faut que je retourne bosser, j'ai adoré parler avec toi, Will. Faudrait qu'on se revoit plus souvent. Peut-être que je pourrai te la présenter.

Il gribouilla quelque chose sur un papier avant de me le tendre.

- Mon numéro, appelle-moi !

Il me fit un clin d'œil et repartit. Je soupirai en levant les yeux au ciel et partis à mon tour.

Une fois arrivé à la maison, un grand silence m'accueillit. Je déposai les clefs à l'entrée et me trainai jusque dans ma chambre. J'entrepris de reprendre la lecture de mes livres mais n'arrivais pas à me concentrer alors je finis par abandonner et redescendis en bas. Je m'effondrai dans le canapé, ne sachant pas quoi faire. Je me contentais de regarder dans le vide en essayant de ne penser à rien. Finalement je pris la télécommande et décidai de mettre Le Seigneur des Anneaux tout en sachant très bien que je ne regarderai pas vraiment le film.

Après quelques minutes, j'entendis des bruits dans les escaliers. Cela faisait déjà quelque temps que je n'espérais plus qu'il vienne pour me parler. Contre toutes mes attentes, Nico s'installa en silence à côté de moi. Il avait la mine sombre, ses yeux étaient cernés et avait la peau plus pâle. Il me lançait de temps en temps des coups d'œil mais gardait une certaine distance.

- Tu es sorti ? Me demanda-t-il finalement.

- En quoi ça te regarde ? Répondis-je trop sèchement à mon goût.

Il se renfrogna et je me dis que j'avais merdé. Mais en même temps je ne devais pas être le seul à faire des efforts, c'est lui qui m'évitait du jour au lendemain sans explication.

- Simplement que je t'avais pas entendu partir, je me demandais où tu étais...

- Tu t'inquiète pour moi maintenant ? Saches que je ne vais pas attendre sans rien faire que tu daignes venir m'adresser la parole, surtout pendant deux jours !

Cette fois-ci, il se renferma pour de bon et je soupirai. Il ramena ses genoux contre lui tout en gardant le silence. Après plusieurs minutes, je soupirai et lui posai la question qui me hantait depuis un certain temps.

- Pourquoi tu ne me parles presque plus ? J'ai fait quelque chose de mal ? 

J'essayais d'avoir la voix la plus douce possible mais il garda le silence.

- Nico... 

- C'est pas contre toi.

Il avait une petite voix et je remarquai qu'il tremblait très légèrement. Je réfléchis à ce qu'il venait de dire avant de repenser à notre discussion d'il y a deux jours.

- Tu fais ça pour que je m'éloigne, pour pas que je sois triste ?

Il garda le silence un moment avant de finalement répondre.

- Pas vraiment...

- Alors quoi ?

Il ne répondit pas, reportant son attention sur le film. J'essayai d'en faire de même mais mon cerveau tournait plein régime. Je ne comprenais pas ce qu'il se passait dans sa petite tête. Finalement, après un temps interminable, il lâcha une question qui me surprit.

- Tu as déjà entendu parler de l'ange de la mort ?

Il ne me regarda pas un seul instant et je réfléchis un peu, troublé.

- Il y a différentes légendes sur le sujet mais c'est le nom donné à l'ange dans le conte que je t'ai montré. Pourquoi ?

- Pour rien, j'avais le nom en tête et je ne me souvenais plus d'où il venait.

Je fronçai les sourcils. Il agissait comme si de rien n'était mais je sentais qu'il y avait bien plus que ça. 

- Nico, pourquoi cette question ?

- Je viens de te le dire, je ne me rappelais plus d'où venait ce nom.

Son ton était sec et je soupirai.

- Il y a autre chose.

- Non, il n'y a rien, je te dis !

- Nico, dis-moi.

La tension montait dans l'air et il me regardait d'un air énervé.

- Puisque je te dis qu'il n'y a rien, arrête avec toutes tes questions, c'est agaçant à la fin ! Cria-t-il avant de se lever et de partir.

J'aurais voulu le suivre pour lui parler plus calmement mais son regard m'en dissuada. Il remonta rapidement les escaliers et je l'entendis claquer la porte. Je me laissai retomber dans le canapé en soupirant. J'éteignis la télé me retrouvant soudain dans le silence. Je me demandais vraiment ce qu'il se passait de son côté et tant qu'il ne me parlait pas, je ne pouvais rien faire.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top