Jour 24

Plusieurs jours s'étaient maintenant écoulés depuis mon arrivée. Il ne se passait pas grand chose, mes journées étaient calme et j'essayais de m'occuper comme je pouvais. Il y a eu énormément de moments d'ennuie à juste réfléchir à ce que je pourrais faire. Je descendais de plus en plus au village et j'avais recroisé Aileas plusieurs fois. Je commençais à faire connaissance avec les habitants, repérer les coins sympas, où se trouvait la FAC.

Un jour, Aileas m'avait invité à prendre le thé chez elle pour mieux faire connaissance. J'avais accepté avec plaisir, j'en avais marre de ma solitude et essayais de passer le plus de temps possible hors de chez moi. Je n'avais jamais vraiment parlé avec quelqu'un depuis mon arrivée ici, juste échangé quelques politesses et étant de caractère à aimer la compagnie, son invitation me fit le plus grand bien.

Lorsque j'étais arrivée chez elle, elle m'avait accueilli chaleureusement avant de me conduire au salon et de me proposer un thé. J'acceptai et regardai autour de moi. Le salon était plutôt chic, décoré avec goût, chaque chose était rangée à sa place sans aucun désordre, à part quelques revues ouvertes sur la table basse et des albums avec plusieurs photos éparpillées, comme si elle était occupée à les coller avant mon arrivée. Sur l'une d'elle se trouvait un homme, dans la vingtaine, les cheveux noirs et bouclés qui lui allait dans le visage à cause du vent. Il était à la barre d'un petit bateau, l'air professionnel mais surtout heureux d'être là si on se fie au sourire éclatant qu'il arborait. Aileas revint quelques minutes plus tard avec de l'eau chaude, des tasses et des sachets de thé. Je me levai pour l'aider mais elle me fit signe de me rassoir. Pendant qu'elle servait l'eau, je lui demandai qui était l'homme sur la photo.

- C'était mon mari, il avait 26 ans sur cette photo.

Je remarquai qu'elle avait parlé de lui au passé mais n'osai pas lui poser de questions là-dessus, de peur de remuer un sujet sensible. Mais elle sembla apercevoir mon expression puisqu'elle continua.

- Il était marin, il adorait son métier. Toujours sur un bateau, tu ne le voyais jamais sur la terre ferme. À croire qu'il était fait pour vivre dans la mer ! Il aimait tellement la mer qu'un jour, lorsqu'il avait 43 ans, il a décidé de la rejoindre... Elle fit une pause avant de reprendre, Du moins c'est ce que j'essaye de croire, il devait partir plusieurs jours en mer, ça lui arrivait souvent de s'absenter longtemps avec son métier mais cette fois-là, c'était différent. La mer a été particulièrement violente, il y avait régulièrement des grosses tempêtes et on ne revit jamais son bateau, lui non plus.

- Je suis désolé... Ma gorge était nouée et je ne savais pas trop quoi dire.

- Bah, c'était il y a longtemps maintenant, il faut aller de l'avant ! Je me dis que maintenant il est heureux dans la mer, qu'il peut enfin vivre dans son élément.

- C'est une belle vision des choses, Me contentai-je de répondre.

- Parfois il me manque encore mais j'essaye de ne pas trop y penser, il ne voudrait pas que je le pleure et reste dans le passé, mais plutôt que je continue à vivre heureuse.

Elle regarda dans le vague quelques instants, comme s'il était encore en face d'elle et qu'elle tentait de l'apercevoir. Soudain elle se reprit, je sursautai un peu mais ne montrai rien, et elle se retourna vers moi.

- Parle moi plutôt de toi ! Qu'est-ce qui t'a poussé à venir dans un village aussi perdu ?

Alors j'ai commencé à tout lui raconter. La maison de ma grand-mère, son décès, à quel point je tenais à elle enfant, ma famille, le Texas, la partie de mon enfance à New York, la colonie de vacances où j'allais avant à Long Island,... Elle m'écouta parler attentivement sans m'interrompre, en lâchant quelques commentaires ici et là. Quand j'eus fini, elle garda le silence quelques instants en souriant, avec le sourire d'une grand-mère puis je lui demandai de me parler du village, de son histoire, ce qu'elle fit avec grand plaisir.

J'appris que personne ne connaissait vraiment l'origine de ce village, existant depuis pas mal d'années. Il n'a jamais été très peuplé, atteignant parfois cinquante habitants les belles années mais c'était plutôt rare. Il y avait beaucoup d'activités organisées par les habitants et énormément de traditions propres au village, comme par exemple les courses de poulets pendant le mois de juillet, celle-là datait du début du moyen-âge. Je m'étais retenu de rire en l'entendant pour ne pas la vexer mais en croisant son regard, je compris que personne ne prenait vraiment cette tradition au sérieux. Ensuite elle m'expliqua que tous les habitants se connaissaient et une bonne entente régnait en général même s'il arrivait qu'il y ait quelques différents. Beaucoup étaient nés ici et se connaissaient donc depuis enfant. Tous les âges étaient mélangés, on pouvait trouver des bébés comme des adolescents comme des personnes âgées. Elle m'expliqua ensuite qu'elle savait tout ça car elle travaillait avant à la maison du tourisme. Elle adorait son métier et ça lui manquait de ne plus pouvoir y travailler. Mais elle gardait l'habitude d'accueillir les nouveaux venus et de leur proposer des visites guidées.

Nous avions continué à parler comme ça pendant longtemps puis quand je regardai l'heure je décidai qu'il était temps de la laisser. Elle m'a assuré que je ne dérangeais pas mais je voyais dans son regard qu'elle commençait à se fatiguer. Je me levai donc, la remerciai et rentrai chez moi. Avant de partir elle me dit que j'étais le bienvenu chez elle n'importe quand alors je la remerciai encore une fois et promis de repasser la voir.

De retour chez moi, le silence et le vide me firent bizarre. Je me sentis d'abord désœuvré puis fis un tour à la recherche de quelque chose à faire. En passant devant les escaliers, j'eus l'impression de voir quelqu'un m'observer à travers les barreaux de la rampe dans mon angle mort mais lorsque je me retournai, il n'y avait rien. Je tentai de contrôler ma respiration et de stopper la panique qui montait en moi en me disant que ce n'était rien pour me rassurer. Je montai les escaliers lentement, rentrai dans toutes les pièces à l'étage mais il n'y avait rien, aucune trace de pas ni quelconque indices du passage de quelqu'un. Je redescendis à moitié rassuré. Les impressions d'être observé avait été de plus en plus fortes au fil des jours, parfois même j'avais l'impression d'entendre des bruits de pas sur le parquet mais ça pouvait être n'importe quoi, c'était une vieille maison, c'était normal que le bois grince et fasse du bruit sans raison mais je ne pouvais pas m'empêcher de quand même ne pas me sentir rassuré. C'était pour ça que j'essayais de sortir le plus possible, dans le village de préférence car il m'arrivait aussi d'avoir ces impressions quand j'étais seul dans la forêt. Pourtant, à chaque fois que je regardais autour de moi, il n'y avait jamais rien. Je commençais à penser que je devenais fou mais dès que j'allais au village ou que j'étais avec quelqu'un, ces impressions disparaissaient, c'était toujours quand j'étais seul et dans les environs de la maison de ma grand-mère et de la forêt.

J'allai m'installer dans le canapé et ouvris mon ordi tout en réfléchissant à une explication logique à tout ça quand mes pensées furent interrompues par le bruit d'un appel Skype. C'était mon père qui m'appelait. J'acceptai l'appel et me retrouvai en face de toute ma famille, c'est-à-dire mon père, ma mère et ma sœur. J'étais content de les revoir, je ne leur avait pas encore parlé depuis mon arrivée à part un rapide sms disant que j'étais bien arrivé à bon port. Ma sœur, Charlie, se mit devant la caméra, de sorte que je ne voyais plus mes parents mais seulement son visage, et me sourit de toutes ses dents. Elle me fit un grand signe de la main auquel je répondis en me criant coucou. Mon père la tira en arrière sous ses protestations et mes rires pour ensuite pouvoir me dire lui aussi bonjour. Charlie s'assit entre mes deux parents en boudant mais elle n'était pas très crédible avec le grand sourire sur son visage. Ils me demandèrent des nouvelles en Ecosse et je leur racontai tout en omettant bien sûr la partie sur les impressions bizarre que je gardai sous silence. Je leur parlai même d'Aileas puis leur demandai des nouvelles de la maison et s'ils en avaient de mes amis. C'est ma mère qui me répondit :

- Tout vas très bien ici, ne t'inquiète pas, pense d'abord à tes études et à là où tu es avant de toujours te préoccuper des autres et de tes amis qui sont à plus de quatre mille cinq cent miles ! Me dit-elle.

- Justement, c'est parce qu'ils sont aussi loin que je veux savoir si tout va bien ! Protestai-je.

- On ne te changera pas, toujours faire passer les autres avant toi, Soupira-t-elle. Elle allait ajouter quelque chose mais se fit interrompre par Charlie.

- Et est-ce que tu t'en sors avec leurs autres unités bizarre ? Les degrés Celsius, les kilomètres,... ?

- Hum... Disons que je me débrouille, rigolais-je nerveusement en passant une main à l'arrière de ma tête.

- Et est-ce qu'ils ont un accent bizarre ?

- Charlie ! Ça ne se fait pas ! La réprimanda mon père.

Elle fit une drôle de tête qui me fit rigoler et je répondis :

- Ils ont toujours un meilleur accent qu'à New York !

- William ! Ce qui vaut pour ta sœur vaut aussi pour toi !

- Apollon, arrête de les embêter, Lui dit gentiment ma mère avant de se tourner vers nous et d'ajouter en se penchant légèrement en avant, comme pour dire un secret, Il dit ça car il vient de New York.

Nous éclatâmes tous les trois de rire sous le regard affligé de mon père mais je voyais bien qu'il faisait de grand effort pour ne pas rire lui aussi.

Nous avons continué à parler de choses et d'autres pendant au moins une heure, avions eu d'autres fous rires puis ils durent finalement couper l'appel car Charlie devait aller à la danse, elle suivait un stage pendant les vacances. Nous nous dîment au revoir une dernière fois avant de raccrocher à contre cœur. Je voyais dans le regard de Charlie qu'elle était triste de me quitter même si elle ne montrait rien. Ma mère m'avertit qu'une lettre de mes amis devrait arriver et je promis en retour de les appeler le plus possible.

Je restai devant mon écran noir quelques instants en ne pensant à rien avant de tout à coup avoir besoin d'aller dehors. Je sortis par la porte de derrière et m'enfonçai dans la forêt quelques centaines de mètre plus loin. Je marchai un peu dans le silence, prenant soin cette fois-ci de suivre le semblant de chemin par terre même si maintenant je commençais par la connaître. Tout était calme aujourd'hui, les oiseaux étaient peu nombreux à chanter, le bruit de la rivière se faisait lointain et les animaux étaient moins curieux, se cachant sur mon passage. Le soleil était doux, il y avait une légère brise qui rafraichissait l'air. Je me dis que j'aurais peut-être du prendre un pull mais continuai tout de même mon chemin, il ne faisait pas non plus froid.

Après quelques minutes de marche, l'impression d'être observé revint, de plus en plus forte. Au plus j'avançais, au moins je pouvais m'empêcher de regarder autour de moi tel une bête traquée. J'essayais de continuer mon chemin l'air de rien mais ça devint tellement fort que je m'arrêtai, ça ne pouvait pas être juste moi. Je regardai attentivement partout autour de moi mais ne vis toujours rien. J'allais abandonner après quelques minutes et rentrer quand j'entendis une branche craquer derrière moi, exactement de la même façon qu'à la rivière. Je me retournai vivement et vis au loin la silhouette d'un garçon entre les arbres qui regardait dans ma direction. Il se tenait droit et ne bougeait pas, je ne lui donnais pas plus de treize ans. Il y avait quelque chose de dérangeant qui se dégageait de lui qui me mettait mal à l'aise. Après l'avoir observé une seconde, il leva le regard et sembla enfin remarquer que je le fixais. Dès qu'il m'aperçu, il se retourna et parti en courant, très vite il disparu entre les arbres, comme s'il s'était fondu dans le décor, évaporé. Je pris quelques instants à me ressaisir et décidai de le suivre en l'appelant, pour savoir qui il était, savoir si c'était lui la cause de mes impressions d'être observé. À vrai dire je n'avais pas vraiment idée de quoi faire ni quoi dire quand je serai en face de lui mais je décidai de quand même avancer dans la direction dans laquelle il avait disparu. Je commençai à marcher lorsque je m'arrêtai net en attendant un "salut !" jaillir d'une voix d'enfant juste derrière moi. Je me retournai vivement pour tomber face à face à ce garçon qui me fixait de ses yeux bruns curieux, une lueur joueuse allumée dans son regard. C'était pas possible, comment, il était là-bas et maintenant... Je cru que je devenais fou, je bégayai des paroles incompréhensible alors qu'il me tendit la main en ajoutant innocemment :

"Moi c'est Nico di Angelo, et toi ?"

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