Jour 20

Je me réveillai doucement, une odeur étrangère chatouillant mes narines. Je m'assis lentement en m'étirant et baillant. Je regardai mon téléphone qui indiqua qu'il n'était que 8h30. J'ai toujours été un lève-tôt mais j'avais pour devise de rester le plus longtemps possible au lit. N'ayant rien à faire de mes journées, c'est déjà tout ce moment en moins à m'ennuyer et à devoir trouver un moyen de m'occuper.

Je me levai à mon aise et m'habillai avant de descendre en bas. L'odeur qui m'avait réveillé venait de la cuisine. Je m'y dirigeai donc me rappelant l'existence du petit être squattant chez moi depuis peu. Il était effectivement dans la cuisine et semblait préparer un truc que je ne pouvais pas voir d'ici. En tout cas, ça sentait plutôt bon. Il se retourna et sembla enfin remarquer ma présence. Il rougit légèrement.

- Salut, hum, je me suis permis de prendre quelques ingrédients dans les armoires. Comme tu dormais encore, je me suis dit que peut-être je pouvais faire des pancakes ? J'espère que ça te dérange pas et que tu aimes bien...

- Ah d'accord. Heu.. Merci ?

J'étais encore un peu endormi et avais du mal à vraiment cerner toute la situation. Sa non-gène me surprenait un peu mais si ça pouvait me permettre d'avoir des pancakes au matin, alors autant en profiter. J'évitais d'en faire moi-même car, vous l'aurez sans doute deviné, je les crame à chaque fois. Dans une autre situation, j'aurais sous doute trouver ça bizarre et n'aurais pas apprécier qu'il se serve comme ça dans ma cuisine mais là je venais de me réveiller et j'avais faim, mes réflexions s'arrêtaient à "pancakes !".

- Par contre je savais pas où sont les assiettes, j'ai pas osé fouiller toute ta cuisine non plus... Ajouta-t-il timidement.

Bah oui, bien évidemment. Celui-là, je vous jure... Mais en même temps je ne pouvais pas lui en vouloir, il faisait tout ça tellement innocemment !

- T'en fais pas pour ça, je m'en occupe.

Je titubai légèrement vers l'armoire, encore endormi et mis la table du petit-déjeuner. Il amena les pancakes à table et nous nous installâmes face à face. Le début du repas se fit dans un silence pesant. Ne supportant plus le malaise, je brisai finalement le silence.

- Tu as bien dormi ?

Il releva la tête vers moi puis la hocha.

- Ça faisait longtemps que je n'avais pas aussi bien dormi, et toi ?

- Oui, j'ai bien dormi, dis-je en baillant.

- Tu as l'air fatigué...

- Non, ça va, j'ai été dormir tard, faut juste le temps que je me réveille.

Il hocha doucement la tête et retourna à la contemplation de son assiette. Je fis de même pendant que le malaise se réinstalla. Je laissai mes pensées m'envahir et me rappelai ce qui m'avait tenu éveillé aussi tard hier soir. Je devais trouver un endroit pour lui mais n'avait aucune idée par où commencer à chercher. C'était la première fois que je me retrouvais en face d'un orphelin sous ma charge illégalement, je n'avais aucune idée de comment ça fonctionnait ! Attendez, c'est vrai ça, maintenant que j'y pense, est-ce même légal de le garder chez moi sans avoir au moins averti les autorités ? Je n'en avais aucune idée... En même temps je me voyais mal aller au commissariat le plus proche dire "salut, j'héberge un enfant orphelin trouvé dans les bois, ça vous va j'espère ? Allez ciao !" Mais est-ce seulement au commissariat que je devrais aller ? Ou alors à la commune ? Est-ce que c'est une commune ? Je sais même pas comment ça s'appelle en Ecosse ! Peut-être une mairie... Je secouai la tête, ça n'avait pas vraiment d'importance pour l'instant. Est-ce qu'il avait une carte d'identité ? Peu de chance, si ça se trouve il n'était même pas dans ce pays légalement, alors dans ce cas, c'est mieux que je le garde ici sans prévenir personne, du moins pour l'instant. Et je retourne au problème principal qui est que je ne sais pas le garder ici indéfiniment ! Je relevai finalement la tête pour partager mes pensées avec lui, après tout, il était quand même concerné.

- Je me demandais, après que tu... Après ce qu'il s'est passé...

Il releva la tête en fronçant les sourcils.

- Après que quoi se soit passé ?

Je me mordis la lèvre. C'était une question assez délicate, je n'osais pas la poser. Je ne savais pas quels mots choisir.

- Tu sais, après ce qu'il s'est passé, avec... ta maman...

- Oh. Je vois.

Il baissa la tête avec un regard sombre. J'avais peur d'avoir dit ce qu'il ne fallait pas ou d'avoir été trop maladroit. Evidemment, même si c'était il y a longtemps, la douleur d'avoir perdu sa mère devait toujours être là. Je me sentais vraiment stupide. Il garda le silence quelques instants pendant que je gardai les yeux baissés, n'osant plus croiser son regard ni dire un seul mot. Finalement c'est de lui-même qu'il brisa le silence, relevant la tête. Il avait les yeux légèrement humides mais sa voix ne trahissait aucune émotion.

- Tu voulais savoir quoi ?

J'inspirai un bon coup, faisant très attention aux mots que j'allais choisir. J'avais déjà fait une boulette, et même s'il semblait ne pas m'en tenir rancune, je ne voulais pas risquer d'en faire une deuxième.

- Je ne t'en veux pas tu sais.

Sa voix me sortit brusquement de mes réflexions. Je clignai des yeux avant d'assimiler ce qu'il venait de me dire. Il devait avoir senti mon hésitation. Voyant que je ne répondais pas, il continua.

- Tu sais, il faut bien qu'un jour j'apprenne à savoir en parler... Ç-Ça fait longtemps maintenant...

Il tenta un sourire puis, n'y parvenant pas, baissa le regard.

- Tu peux prendre le temps qu'il te faut, quel âge avais-tu ?

- Je ne sais plus... Toute ma vie est un grand trou noir...

Je ne pouvais pas imaginer ce que ça devait être. Ne plus se rappeler de rien, que tout soit constamment comme à porter de main mais inatteignable. Ça devait être un sentiment horrible. Ne pas savoir qui on est, d'où on vient, qui est notre famille,... Devoir tout réapprendre.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ce jour-là ? Je veux dire, tu as parlé d'une explosion, c'était en Italie ? Tu as reçu quelque chose sur la tête ?

- Je ne sais plus du tout... Je ne sais même pas si j'étais en Italie ce jour-là...

- Peut-être que tu as une amnésie dissociative, Dis-je pensif.

- C'est quoi comme amnésie ?

Je fronçai les sourcils, essayant de me rappeler ce que je savais là-dessus.

- Si je me souviens bien, c'est quand tu vis un événement tellement traumatisant que tu n'arrives pas à l'intégrer. Je pense que c'est même pas que tu l'oublies mais plutôt que l'information ne vient carrément jamais jusqu'au cerveau, enfin si j'ai bien compris. C'est possible que je me trompe. J'ai aussi entendu dire que ça pouvait provoquer une amnésie générale, ce qui explique que tu ne te souviennes plus de ton passé. Ce qui colle avec le fait que tous tes souvenirs ne datent que d'après cet événement, c'est bien ça ? J'ai vu ça en cours mais j'ai pas tout retenu.

- Peut-être...

Il semblait réfléchir à tout ce que je venais de dire. Ses sourcils étaient froncés et il se mordillait l'ongle du pouce.

- En fait, J'ajoutai, Ça parait même plutôt logique.

- Tout ce dont je me rappelle, c'est m'être réveillé ici. À ce moment-là, j'avais des flashs de mon passé puis plus rien. Et impossible de me les rappeler.

Il serra le poing, comme si ce qu'il cherchait depuis peut-être des années était soudainement en face de lui pour disparaitre au moment où sa main s'est approchée pour l'attraper.

- Tu ne sais donc pas ce qu'il s'est passé entre cet épisode et ton arrivé ici.

- Non... Et après j'ai toujours été tout seul, ma situation n'a pas vraiment changé entre ce moment-là et maintenant. C'est ce que tu voulais savoir ?

- Je me demandais si tu avais des souvenirs de où tu étais, de proches, ou peut-être de ta famille.

- Je crois que j'avais une sœur, mais j'ignore ce qu'elle est devenue...

- On pourrait essayer de la retrouver ? Elle doit sûrement avoir des informations intéressantes !

- D'abord, pourquoi tu voulais savoir ça ?

Il me regarda dans les yeux lorsqu'il dit ça. Je n'arrivais pas à interpréter son regard et ça me mettait légèrement mal à l'aise. J'avais peur de dire quelque chose qu'il ne fallait pas.

- En sachant maintenant que tu as une sœur, je pourrais t'aider à la retrouver et à te souvenir de ton passé. Et pour être totalement honnête, disons que je vais être franc, je ne peux pas te garder ici, je veux dire, tu peux rester ici mais seulement temporairement, le temps de te trouver un endroit. Je ne veux pas te chasser mais tu sais, dans un an je retourne au Texas et même -

- Je ne veux pas aller en famille d'accueil.

Il l'avait dit d'une traite en me regardant droit dans les yeux.

- D'accord, tu n'iras pas forcément en famille d'accueil et si on arrive à retrouver ta sœur, peut-être que tu pourras aller chez elle ?

- Ça je veux bien, si on arrive à la retrouver...

- On essayera, mais tu vois, moi je commence bientôt mes études et ça va être compliqué de m'occuper de toi et d'étudier en même temps.

- Tu veux faire quoi comme étude ?

Je sentais dans son intonation qu'il était désireux de changer de sujet. Parler de la disparition de sa sœur ainsi que de potentiellement le placer quelque part, un endroit qu'il ne connaissait pas avec des personnes qu'il ne connaissait pas, devait sûrement l'effrayer ou le mettre mal à l'aise.

- Je vais faire médecine !

- Médecine ? Il y eu un bref blanc pendant lequel je n'arrivais pas à interpréter son regard puis il reprit comme si de rien n'était. C'est c-cool !

Son ton n'était pas très enthousiaste mais je décidai de l'ignorer.

- C'est mon rêve depuis longtemps, ça fait des années que je suis impatient de commencer à étudier !

Il me sourit légèrement, d'un sourire sincère.

- Ça explique pourquoi tu t'y connais autant, dans les trucs d'amnésie et tout.

- Disons que c'est plus de la psychologie dans ce cas-ci mais oui, ça fait partie des études et je trouve ça hyper intéressant !

- Tu voudras faire quoi comme spécialisation ?

- Je sais pas encore... Je voudrais travailler dans un hôpital, déjà, mais tout est tellement intéressant !

Il rigola un peu pendant que je souriais de toutes mes dents. C'était vraiment ma passion dans la vie et je pouvais parler de médecine pendant des heures !

- Tu as l'air de vraiment aimer, tu t'y connais déjà beaucoup ?

- Bien sûr, j'ai lu pleins de bouquins, regarder des documentaires, j'ai même déjà jouer le rôle d'infirmier dans une colonie de vacances ! C'est comme ça que j'ai su ce que je voulais faire plus tard.

- Ah d'accord, mais t'es sûr que c'est vraiment utile que tu commences des études si tu sais déjà tout ?

- Je sais pas tout, bien sûr, j'ai encore pleins de choses à apprendre et j'ai hâte commencer ! Je vois déjà le jour où j'entrerai dans un hôpital mais cette fois-ci en tant que médecin ! Je sauverai des vies, verrai mes patients évoluer,...

Je soufflai de bien être, ça me semblait loin mais j'avais tellement envie de déjà y être.

Il continua à me poser des questions et je passai toutes la journée à lui expliquer tout ce que je savais. À certains moments j'avais l'impression de l'ennuyer mais il me certifia que non et continua de m'écouter. Nous étions sorti l'après-midi et je lui avais montrer ainsi qu'expliquer les plantes et leurs propriétés médicinales. Il semblait surpris par toute mes connaissances et faisait des efforts pour tout retenir. Bien sûr, il y avait beaucoup trop d'informations mais il faisait de son maximum. Nous étions rentrés le soir épuisés. Ça me faisait vraiment du bien d'avoir enfin quelqu'un à qui parler et avec qui partager cette maison vide.

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