Jour 13
J'ai toujours eu le sommeil léger. C'est pourquoi cette nuit je me réveillai instantanément en entendant la porte de ma chambre s'ouvrir. Je sursautai et allumai la lumière le plus vite possible pour me retrouver en face de...
- Nico ? Qu'est-ce que tu fais là ?
Il avait les yeux pleins de sommeil et faisait une drôle de tête. Il serrait une couverture contre lui en tremblant.
- Je voulais pas te déranger mais j'ai fait un cauchemar...
Il parlait d'une petite voix et je ne pus m'empêcher de m'attendrir.
- J'ai l'habitude d'en faire et j'arrive à me rendormir facilement après mais là j'ai pas réussi, il était trop horrible... Je revois les images à chaque fois que je ferme les yeux et -
Il ne réussit pas à finir. Sa voix était toute tremblante et il avait les larmes aux yeux.
- Désolé, tu dois me trouver ridicule...
- Mais non, ça peut arriver à n'importe qui, viens là !
Je m'assis sur mon lit et l'invitai à en faire de même.
- Tu veux me le raconter ?
Il secoua négativement la tête.
- D'accord... Tu veux faire quelque chose ? Regarder un film ?
- Star Wars ? Maintenant j'ai envie de voir avec Jar Jar Binks.
- Hum... Peut-être un film plus calme pour s'endormir ?
- Tu as raison, je te laisse choisir.
Je pris mon pc et regardai rapidement ce qu'il y avait sur Netflix. Finalement, je me dis que le film Hatchi devait être mignon et plutôt calme. Le film commença pendant que je lui proposai de s'installer plus confortablement pour regarder.
Après peut-être vingt minutes de film, je décidai de le couper remarquant qu'il s'était endormi contre moi.
Le lendemain, nous avions passé l'après-midi à marcher dans les bois. Aucun de nous deux ne fit référence à la nuit d'hier, faisant comme s'il ne s'était rien passé. Nous discutions calmement de tout et de rien. Il disait connaître la forêt par cœur y ayant vécu un moment mais faillit nous perdre plus d'une fois.
- C'est bon, tous les arbres se ressemblent aussi ! Je peux pas connaître chaque recoin non plus !
- Dis plutôt que tu n'as pas le sens de l'orientation.
- J'ai parfaitement le sens de l'orientation ! S'exclama-t-il en croisa les bras.
Je me contentai de rire en continuant à marcher au hasard. Il m'avait quand même fait découvrir des endroits incroyablement beaux que je n'avais pas remarqué jusqu'ici, m'avait donné des trucs pour ne plus m'étaler par terre à chaque fois que j'essayais de grimper aux arbres, ce qui le faisait beaucoup rire. Finalement lors d'une discussion pendant que l'on marchait le long de la rivière, je réussis à glisser une question qui me trottait dans la tête depuis un certain temps.
- Pourquoi tu n'as jamais essayé de retrouver ta sœur ?
Il ne répondit pas tout de suite. J'entendais le bruit de la rivière coulant à côté de moi et le bruit des oiseaux autour de nous. L'air était doux et le silence de la forêt était agréable. Nico regardait droit devant lui en réfléchissant.
- Je ne sais pas trop...
Je tournai la tête vers lui en attendant la suite.
- À vrai dire... Avant que tu ne me poses la question, je n'avais pas vraiment réalisé que j'avais une sœur. Tout a toujours été très flou... Et si tu te demandes également pourquoi je ne suis jamais parti d'ici...
Il se tourna vers moi en disant ça. Je fis un sourire en coin, signifiant que c'était bien ce que j'allais lui demander.
- J'ai jamais vraiment eu envie de partir d'ici. Je m'y suis fait à cette vie même si c'est pas toujours facile. J'ai jamais été très sociable mais parfois ça me manquait de pouvoir parler à quelqu'un.
- Alors pourquoi ne pas aller voir les gens du village ?
- Je te l'ai dit, ils ne m'aiment pas trop. Ils évitent de me parler...
- Tu ne m'as jamais dit pourquoi.
Il soupira en haussant des épaules.
- J'ai jamais su, peut-être que j'ai fait quelque chose dans la partie oubliée de ma vie, qui sait ?
Je repensai à ma discussion avec Aileas. J'hésitai à lui demander puis me rappelai comment elle m'avait caché son existence, j'en déduis qu'elle n'aimait pas en parler. Je ne me voyais pas non plus demander aux autres, ne les connaissant que de vue. Je réfléchis quelques instants à un moyen pour en parler à Aileas sans la brusquer quand Nico se remit à parler, me sortant de mes pensées.
- Et puis de toute façon, j'ai jamais réussi à partir d'ici.
- Comment ça ? Je fronçai les sourcils, ne comprenant pas ce qu'il voulait dire.
- Je veux dire, j'ai déjà pensé à partir mais il y avait à chaque fois quelque chose qui me retenait. Je ne sais pas quoi mais quelque chose qui me poussait à rester. Quand je m'éloigne trop d'ici, c'est comme si... Je ne sais pas expliquer mais je suis pris de doutes et c'est comme si une peur immense m'envahissait et... Tu dois certainement me prendre pour un fou...
- Pas du tout.
J'étais plutôt perplexe, je me demandais de quoi il pouvait bien parler. Il décida de changer de sujet et je compris que je ne devais pas insister. Nous avions marché encore quelques heures comme ça avant de finalement rentrer.
Nous étions à présent le soir. Nous étions tous les deux couchés dans l'herbe en silence. Le soleil commençait déjà à décliner dans le ciel. Il faisait calme, on entendait le bruit des criquets dans l'herbe ainsi que quelques oiseaux chanter. C'était un silence agréable. Le ciel prenait des teintes magnifiques et déjà Venus pointait à l'horizon, toujours fidèle à son poste. Je me sentais bien, simplement en vie. J'avais envie que le temps s'arrête ou vivre cet instant pour toujours. Finalement, Nico brisa le silence.
- Si on arrive pas à retrouver ma sœur, qu'est-ce que tu feras de moi ?
Sa voix était faible, comme s'il avait peur de casser la magie du moment. Il avait toujours la tête tourné vers le ciel. Sa question me prenait un peu au dépourvu, il me fallut quelque temps pour répondre.
- Honnêtement, je ne sais pas trop...
- On a quoi... 1 mois ? Et aucun indice, c'est peu pour la retrouver dans les temps...
- Il ne faut pas perdre espoir, on essayera au moins, d'accord ? Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour t'aider à la revoir.
- Mais si on ne la retrouve pas avant la fin du mois ? Est-ce que je pourrai rester avec toi, le temps que tu restes ici ?
- Nico... Je suis désolé mais je te l'ai déjà dit, je ne saurai pas m'occuper de toi...
- S'il te plait, et tu n'auras pas à t'occuper de moi ! Je suis très autonome, puis c'est déjà moi qui fait les repas, je pourrai t'aider pour les tâches ménagères comme ça tu auras plus de temps pour étudier ! Et je te promets d'être silencieux et de pas te déranger pendant tes blocus ou quand tu auras besoin de réviser ! Aussi quand tu seras en cours, je pourrai m'occuper en continuant les recherches sur ma sœur et puis de toute façon, j'ai l'habitude de la solitude, c'est pas un problème pour moi.
Ses arguments tenaient la route. Je comprenais qu'il ne voulait pas être placé mais je n'étais pas sûr de savoir gérer la situation et mes études en même temps, surtout que c'était ma première année. J'avais besoin d'encore un peu réfléchir, ce n'était pas rien comme décision, c'était toute une responsabilité.
- J'ai envie de rester avec toi...
Il me regardait dans les yeux. Sa voix était un murmure et tremblait légèrement. Son regard était sincère et je pouvais y lire de la crainte. Tout cela acheva de me convaincre. Mais il restait encore un problème.
- Mais si après un an on ne la retrouve toujours pas, qu'est-ce que tu feras ?
- Je peux rester ici, Souffla-t-il d'une voix incertaine.
- Comment ça ? Tout seul ? Comment tu vas faire ?
- Comme avant, je me débrouillerai...
Son regard était perdu dans le vide. Je commençais à m'affoler, je ne pouvais pas le laisser ici tout seul, impossible ! Je préférais encore l'emmener avec moi au Texas !
- Nico, ça tient presque du miracle si tu es encore ici en vie ! Tu ne peux pas rester dans cette situation éternellement !
- Will... Je sais me débrouiller tout seul, j'ai vécu ici pendant longtemps, j'ai de quoi m'abriter, je sais comment trouver à manger -
- Nico, tu ne comprends pas, peut-être que jusque maintenant tu as réussi à te débrouiller, je ne sais pas comment, mais tu ne peux pas vivre comme ça.
- Et pourquoi pas ? J'ai toujours adoré la nature, et ce n'est pas toi qui va me contredire, tu m'as déjà dit que ton rêve serait de pouvoir vivre dans les bois hors de la société.
- Ce n'est qu'un rêve, je sais qu'il est impossible...
- Pourquoi ce serait impossible ? Dis-toi que ce sera comme si je vivais dans un rêve, je pourrai vivre avec la nature, loin des autres êtres humains, je sais comment survivre dans les bois et si jamais il m'arrive quelque chose... Et bien je sais que dans ces conditions je ne survivrai peut-être que quelques années, sûrement que je n'atteindrai jamais l'âge adulte mais au moins j'aurai vécu comme je le voulais, j'aurai profiter de la vie ! Et puis de toute façon, regarde-moi, je n'ai plus rien, plus de famille, je n'ai aucun avenir, aucune vie dans la société et s'il m'arrivait quelque chose, personne ne déplorera ma mort puisque je n'ai plus personne, je sais même pas si quelqu'un s'en rendra compte.
Il avait dit la dernière phrase en regardant le ciel. Il parlait de manière détachée mais je me rendais bien compte que tout ça l'affectait. Je ne pouvais pas croire qu'il osait me dire ça !
- Et moi ?
- Comment ça ?
- Et moi dans tout ça ?
- Toi tu rentreras au Texas, tu finiras tes études, tu deviendras un grand médecin, le meilleur que le monde ait porté, meilleur qu'Asclépios lui-même ! Tu sauveras énormément de vies, les gens te seront reconnaissants et dans tout ce tumulte tu finiras bien vite par m'oublier petit à petit...
- Impossible, comment veux-tu que je t'oublie ?!
Je sentais la colère monter en moi. Comment pouvait-il dire des choses pareilles ?!
- Ce n'est pas à toi de choisir mon avenir !
Il se tourna vers moi, surpris. Il ne s'attendait sans doute pas à ce que je m'énerve.
- Déjà je ne t'oublierai pas, je m'inquiète pour toi, c'est pour ça que je ne veux pas te laisser ici ! Je ne veux pas partir sans le certitude que tu sois en sécurité, je ne veux pas savoir que chaque jour sera peut-être ton dernier, ne pas savoir si tu es encore en vie ou non, je ne veux pas passer mes journées là-bas à penser à toi ici, te savoir seul, ne pas savoir dans quel état tu es et surtout je ne veux pas passer mes journées à regretter de t'avoir abandonner et à m'en vouloir jusqu'à la fin de ma vie ! Car oui, si je te laisse je penserai à toi tout le temps, tu resteras dans mon esprit jusqu'à ce que je sois trop vieux pour penser clairement ! Et chaque jour qui passera je me demanderai pourquoi je suis parti et me rongerai les sangs en te pensant ici !
Des larmes commençaient à couler sur mes joues pendant que je parlais mais je m'en fichais. Je n'essayais même pas de les retenir ou de les cacher. Il me regardait droit dans les yeux sans bouger. J'étais aussi surpris que lui par ma tirade. Il n'osait pas dire un mot, c'est à peine s'il osait respirer. Je repris ma respiration pour me calmer et continuai d'une voix plus douce.
- Ce que je veux dire, c'est que tu n'as pas "plus personne", plus maintenant. Je suis là et je serai toujours là pour toi, tu ne dois jamais en douter. Je n'aime pas t'entendre dire des choses pareilles, moi je tiens à toi ! Alors je t'interdis de redire quelque chose comme ça ! Tu resteras avec moi tant qu'on aura pas retrouver ta sœur. Même si ça signifie t'emmener au Texas.
Il hocha simplement la tête, toujours sans voix. Il ne s'attendait pas à une telle déclaration, moi-même je ne l'avais pas prévue. J'avais simplement sorti tout ce qui me passait par la tête. Ses yeux étaient légèrement humides, je ne sais pas depuis combien de temps quelqu'un ne lui avait plus dit qu'il s'inquiétait pour lui ou simplement qu'il tenait à lui.
Apollon avait déjà rangé son char du Soleil depuis longtemps à présent, Artémis ayant pris le relai. C'était une nuit claire, les étoiles brillaient particulièrement forts. Nous les contemplâmes chacun ne disant plus un mot de plus.
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