Jour 12
Je me réveillai doucement en sentant l'herbe me caresser la joue. Je ne m'étais pas rendu compte que nous nous étions endormis dehors. Je me levai lentement en baillant et regardai autour de moi. Mon regard s'arrêta sur Nico qui dormait encore près de moi. Ses yeux étaient fermement clos et ses sourcils froncés. Il semblait agité. Son rêve ne devait pas être très agréable. Je m'avançai vers lui pour le réveiller mais il s'assit d'un coup au même moment en criant un mot.
- Bianca !
Sa respiration était lourde et il regarda autour de lui déboussolé. Il s'arrêta sur moi et sembla rependre ses esprits. Il essaya de se calmer puis reprit d'une voix plus calme.
- Je me rappelle de son nom, Bianca.
Je ne compris pas directement de quoi il parlait puis l'évidence me frappa.
- Tu veux dire, le nom de ta sœur ?
Il hocha simplement la tête. Il faisait une drôle d'expression que je ne savais pas identifier. Il me fallut quelques temps avant de vraiment réaliser ce qu'il venait de dire et lentement un sourire apparut sur mon visage. Il me regardait sans comprendre alors je m'exclamai presque en criant.
- Mais c'est génial ! Ça veut dire... Ça veut dire que si on a son nom et son nom de famille, on pourra la retrouver beaucoup plus facilement !
Il n'avait pas l'air de partager mon enthousiasme mais un sourire s'installa quand même sur son visage. Il semblait encore secoué par son cauchemar, ce qui pouvait expliquer son manque de réaction tandis que moi, je ne pouvais pas réprimer l'excitation qui montait en moi.
- C'est incroyable ! Tu te rends compte ? Tout parait plus simple maintenant ! Il nous suffira de faire quelques recherches -
- Il ne faut pas se réjouir trop vite non plus, on est encore nul part...
- Ne sois pas pessimiste ! Tu vas pouvoir enfin connaître ton passé, d'où tu viens et encore mieux, tu vas retrouver ta famille !
Son sourire s'agrandit un peu pendant qu'un rire me prit, de plus en plus fort jusqu'à devenir presque un rire hystérique. Il finit petit à petit par me joindre et bientôt nous nous retrouvâmes tous les deux couchés par terre à rire comme des idiots sortis de l'asile.
***
- Echec et mat, souriais-je fier de moi.
C'était le début de l'après-midi et nous étions assis par terre dans le salon. Nous avions fait quelques parties d'échec et voilà que j'en avais enfin gagné une ! Nico me regardait stupéfait. Je l'avais battu assez facilement avec un coup plutôt basique. À force de prendre la confiance, il avait baissé sa garde. Finalement, un sourire remplaça la surprise sur son visage.
- Bravo, tu as enfin réussi ! Souffla-t-il.
- C'est ça, te moque pas de moi... Répondis-je, le sourire quand même aux lèvres.
- Je ne me moque pas !
- À peine...
- Non vraiment, je suis content que tu saches enfin jouer correctement !
J'écarquillai les yeux. Qu'est-ce qu'il venait de dire ?
- J'ai enfin un adversaire à ma taille !
J'étais abasourdi. Je ne savais pas comment je devais le prendre. Il avait l'air réellement content pour moi mais un sourire sournois était placé sur son visage. Il savait pertinemment ce qu'il venait de dire. D'accord j'étais extrêmement nul aux échecs, mais je débutais et c'est pas une raison pour me le sortir en pleine face ! Le pire fut qu'il rigola juste après en voyant la tête que je tirais.
- Fais pas cette tête, c'était censé être un compliment.
- Façon m'en fiche, c'est moi qu'ait gagné.
Je croisai les bras et fis semblant de bouder. Il rigola encore plus avant d'ajouter.
- Mais oui, c'est très bien, tu es un pro des échecs maintenant !
Il arborait un sourire sincère. Il se rapprocha légèrement.
- Je suis fier de toi, Souffla-t-il.
Il me fit un rapide bisous sur la joue avant de partir précipitamment dehors. Attendez quoi ? C'était tellement rapide qu'à peine avais-je eu le temps de réaliser qu'il n'était déjà plus là. Je ne compris pas trop son geste, habituellement, il ne montrait que très rarement des signes d'affections, voire jamais. Je sentais que quelque chose avait un peu changé depuis hier soir, je ne savais pas trop quoi ni quoi en penser mais il était légèrement différent. Enfin c'était presque rien, n'importe qui ne l'aurait pas remarqué mais moi, je l'avais vu. Je restai planté là quelques secondes avant de finalement me lever ranger le plateau pour ensuite partir à sa recherche dehors.
Je marchai un peu dans la direction du bois. J'ignorais pourquoi il était parti si soudainement, je veux dire, tout allait bien, il n'avait pas l'air fâché quand il était sorti, peut-être qu'il voulait simplement un peu de temps seul dehors ? C'était ce qui semblait le plus probable. C'est pourquoi je marchais sans trop me presser entre les arbres. Je ne me lasserai jamais de la sensation de la forêt. J'essayai d'observer quelques animaux mais n'en aperçu aucun. J'étais un peu déçu mais me consolai en me disant que j'en trouverai peut-être plus tard. Je marchai encore bien dix minutes avant d'entendre des bruits de branches. C'est plutôt courant en forêt mais ça m'interpella. Il y eu des bruits de feuilles aussi et je remarquai que ça venait d'au-dessus de moi. Je levai alors la tête et vis Nico assis sur une branche, regardant dans le vague. Il était appuyé contre le tronc de l'arbre tandis que ses jambes pendaient dans le vide. Comment avait-il réussi à grimper aussi haut ? Je tentai d'escalader l'arbre mais retombai lourdement au sol. Le bruit attira son attention et il regarda vers moi. Un demi-sourire apparut sur son visage pendant qu'il me faisait un signe de la main. Il redescendit alors agilement avant de retomber en face de moi. Ayant vécu dans cette forêt, il devait être habitué à ce genre d'exercice. Il s'assit alors par terre et je le suivis. Il commença à parler pendant que je frottais la terre collée à mes paumes de main.
- J'avais besoin d'un peu réfléchir, et ça m'aide à penser plus clairement de venir ici.
- Réfléchir à quoi ?
Il tourna la tête vers moi et je me rendis compte de ma bourde.
- Désolé, ça ne me regarde peut-être pas, c'était impoli.
Il fit un sourire amusé avant de reprendre.
- C'est pas grave, je réfléchissais juste à ce qui m'était revenu sur ma sœur.
- Et quelque chose dont tu te souviens qui pourrait être utile ?
- Pas grand chose, je t'ai à peu près tout dit. J'avais simplement besoin de mettre mes idées au clair et d'être seul.
Je me sentis soudain comme un intru. Je commençai à jouer avec mes mains.
- Ah, tu voulais être seul, je n'aurais peut-être pas du venir...
Je commençai à me relever mais il m'arrêta.
- Tu peux rester, ça me dérange pas. Et puis maintenant que tu es là.
- T'es sûr que ça te dérange pas ?
Il leva les yeux au ciel.
- Sûr et certain. T'en fais pas, quand je veux pas voir quelqu'un, je le dis.
Il me regardait droit dans les yeux avec un regard qui se voulait convaincant. Je finis par capituler et restai. Après quelques temps sans parler, je rompis finalement le silence.
- Au fait, je parle beaucoup mais je sais pas pour toi, tu voudrais faire quoi plus tard ?
- Je sais pas trop... Quand j'étais petit je voulais être pirate.
Il rigola légèrement.
- Ce n'est pas très réalisable, à moins que tu veuilles être marin ?
- Non, pas vraiment... J'ai jamais vraiment réfléchi à cette question vu que j'avais d'autres préoccupations et je pensais pas qu'un jour je pourrais faire des études, travailler,... Je me suis toujours dit que je resterais ici toute ma vie.
- Mais maintenant, tu sais que tu pourras avoir un avenir, je veux dire, autre chose que de rester ici.
- Alors j'aimerais bien que mon métier plus tard ait un lien avec ici ou avec la nature ou les animaux.
- Tu pourrais être garde forestier.
- Pas vraiment mon délire. Je sais pas vraiment, je me dis que j'ai le temps avant de choisir.
Il tourna son regard vers moi. J'hochai la tête en me levant.
- Bien sûr, tu as le temps, et si en attendant on faisait un jeu ?
Il se leva à son tour et épousseta la terre de ses vêtements.
- Quoi comme jeu ?
- Je sais pas, qu'est-ce qu'on peut faire dans une forêt ?
- Un tas de choses amusantes !
- Alors explique moi ce qu'on peut faire !
- Très bien joué, mais c'était ton idée, de base !
- Oui mais j'ai pas d'idée !
- Sinon on pourrait...
- Sinon ce qu'on pourrait faire, on part chacun d'un côté différent. On dit qu'une partie de la forêt c'est ton camp, et l'autre le mien. On peut cacher un drapeau n'importe où et le but est de trouver celui de l'autre et de le ramener à la rivière en premier.
- Une sorte de capture l'étendard ? Mais on est que deux, ça risque pas d'être -
- Justement, faut trouver une règle en plus pour qu'il y ait un minimum de confrontation...
Je réfléchis quelques instants.
- Déjà, on pourra bien cacher le drapeau et n'importe où, pas comme dans les parties classiques et aussi... Il faudra aller à la rivière avec le drapeau mais pas seulement, faut un truc en plus. Sinon ça va être trop facile et si on se croise jamais ça va pas être marrant.
- Peut-être une preuve qu'on s'est croisé ou un truc du genre ?
- Je sais, on doit aller à la rivière avec le drapeau ET la chaussure de l'autre !
Il fronça les sourcils, pas très convaincu.
- Ça va être marrant, comme ça obligé de croiser l'autre et qu'il y ait une confrontation. Aussi pour compliquer le truc, si on veut prendre la chaussure de l'autre, on est obligé d'avoir le drapeau de l'autre sur soi et l'autre peut le prendre et repartir avec.
- D'accord, on peut tester. On dit qu'on se laisse une minute avant que la partie commence ?
- Ouais et mon drapeau sera... Ma veste.
- Et du coup le mien sera mon blouson.
- Que la partie commence !
Je partis d'un côté et lui de l'autre. J'étais content de mon idée. On allait bien s'amuser, qu'est-ce qui pourrait mal finir ? Je ne voyais aucune faille ! J'avançai le sourire aux lèvres en comptant les secondes dans ma tête. Je finis par trouver un coin sympa où je pourrai cacher mon drapeau. Je grimpai dans un arbre le plus silencieusement possible et cachai ma veste derrière des feuilles le plus haut possible. Le connaissant, il n'aura aucun mal à monter mais je voulais lui donner le plus de difficultés possible. J'étais bien déterminé à gagner. Quand je redescendis, je réalisai que la minute était déjà passée. Je m'éloignai donc ne pouvant m'empêcher de regarder partout pour être sûr qu'il ne vienne pas piquer mon drapeau dans mon dos. J'avais du mal à vraiment m'éloigner, ça voulait dire le laisser sans surveillance mais j'y étais obligé si je voulais gagner. J'ignorais complètement dans quelle direction il était parti et la forêt était plutôt vaste. Je réalisai que c'était un coup à se perdre. Mais c'est ça qui est drôle, non ?
Au plus j'avançais, au plus je m'éloignais des sentiers que j'avais l'habitude de prendre et m'enfonçais dans l'inconnu. Bientôt, je me retrouvai dans une partie dans laquelle je n'avais jamais été auparavant. Je continuai d'avancer de plus en plus incertain. Peut-être que je commençais à aller trop loin. Je m'étais dit que comme il connaissait très bien la forêt, il aurait caché son drapeau dans un lieu que je ne connais pas mais je commençais à me demander si je ne m'éloignais pas trop. Je regardai autour de moi et me dis que je ne connaissais vraiment pas là où j'étais. Je décidai alors qu'il serait plus sage de retourner avant de complètement me perdre. Je marchais sans m'en rendre compte en arrière pendant que je réfléchissais de quel côté je venais. Je décidai de prendre une direction quand mon pied buta sur quelque chose de dur et que je faillis tomber en arrière. Je me retournai et vis quelque chose recouvert de branchages et de feuilles mortes. J'ignorais ce que c'était mais ça devait être là depuis longtemps. Ma curiosité prit le dessus et je m'agenouillai afin de retirer tout ce qui m'empêchait de voir. Lorsque mes yeux virent ce que c'était, je faillis en tomber à la renverse. Mon esprit refusait d'assimiler ce que je venais de voir. Je ne comprenais pas, tout s'embrouillait dans ma tête. Ce n'était pas possible, ça ne pouvait pas... Si ? Mais alors, ce n'était pas logique ! Il pouvait aussi s'agir d'autre chose. Ça devait être autre chose, réfléchis de manière posée, Will. Mais tout était insensé ! Je n'arrivais plus à réfléchir correctement. Aileas. C'était peut-être ça qu'elle voulait me cacher. Beaucoup de choses prenaient du sens mais en même tout en perdait. C'était beaucoup trop pour moi. Mon esprit était tellement emmêlé que c'est à peine si j'avais entendu des bruits de pas marcher vers moi. C'est à peine si j'avais fait attention à la voix qui avait parlé derrière moi et s'était éteinte d'un coup en voyant ce que j'avais sous les yeux. C'est à peine si j'avais réalisé le bruit d'une personne tombant brusquement par terre juste à côté de moi. Par contre j'entendis très clairement la voix tremblante, pleine de terreur qui confirma malgré moi mes craintes, même si je le refusais au plus profond de mon être. C'est après cette phrase que tout a réellement commencé :
- A-Alors je... Je suis... M-mort ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top