Jour 1
Nico ne me parlait toujours pas. Cette même pensée me hantait. Pourquoi ? Je n'en savais rien. Il était devenu bizarre, extrêmement renfermé sur lui. Cela faisait quatre jours que je n'avais plus entendu son rire, je ne le voyais même plus sourire. Il sortait beaucoup dehors sans prévenir, revenant parfois pendant la nuit. Je déposais régulièrement de quoi manger devant sa porte mais il n'y touchait jamais. Je m'inquiétais vraiment pour lui. Sa question d'il y a deux jours me hantait. Que voulait-il dire par l'ange de la mort ? Avait-il reçu un sorte de message disant qu'il disparaitrait bientôt ? Peut-être avait-il peur ? J'avais essayé maintes fois de lui parler, de le rassurer mais rien n'y faisait, il partait toujours dès que j'ouvrais la bouche. Il était aussi très à cran, s'énervait pour un rien. Il n'hésitait pas à me crier dessus quand je m'approchais un peu trop de sa bulle. Je soupirai en laissant tomber mon livre par terre et pris mon visage entre mes mains. Je n'y comprenais rien.
Je sortis de ma chambre et descendis les escaliers. Lorsque j'entrai dans le salon, je tombai sur Nico, une main sur la poignée de la porte. Il se tourna vers moi puis soupira et entreprit de sortir dehors.
- Nico, attend !
Il ne me regarda même pas, ouvrant simplement la porte. N'y tenant plus, je vins vers lui, lui pris le bras et le tirai en arrière.
- Reste ici.
- Qu'est-ce que tu veux ? Lâche-moi !
Il me lança un regard noir. Je le forçai à s'assoir par terre et m'installai en face de lui, plantant mon regard dans le siens.
- Parle-moi, Ordonnai-je.
- De quoi ?
Il avait les bras croisés. Au moins ne fuyait-il pas, c'était un début.
- Qu'est-ce qui ne va pas, pourquoi tu m'évites ?
Il resta silencieux, détournant le regard. Je soupirai.
- Nico, j'aimerais t'aider mais si tu te renfermes comme ça, je ne pourrai rien faire !
- J'ai jamais dit que j'avais besoin d'aide.
Je soufflai, me forçant à rester calme.
- Dis-moi simplement, qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- Rien.
- Je vois quand tu mens.
Ce fut à son tour de soupirer. Il hésita longuement avant de finalement tourner ses yeux vers moi.
- Pourquoi tu veux savoir ?
- Parce que je m'inquiète, je n'aime pas te voir comme ça !
Il baissa le regard, mordant sa lèvre inférieure avant de parler.
- Très bien, je fais des rêves...
Je restai silencieux, l'encourageant par mon regard à continuer.
- Des rêves de souvenirs en fait et-
Il releva vivement la tête entendant quelqu'un sonner à la porte. Je maudis intérieurement cette personne et hésitai avant de me lever.
J'ouvris la porte un peu trop violemment à mon goût faisant sursauter la personne de l'autre côté.
- Holà, man, tout va bien ?
- Léo ?
- Et Malcolm. Malcolm, dis bonjour !
- Bonjour ! Fit un blond que je ne connaissais pas.
- C'est un pote du travail !
- Qu'est-ce que vous foutez là ? Demandai-je.
- Il est témoin de Jéhovah.
- Je viens vous apporter la paix, Continua Malcolm.
- Il est aussi surtout défoncé, Rigola Léo.
Malcolm était droit comme un piquet, me lançant un regard sans expression ce qui me mettait très mal à l'aise.
- Pourquoi vous êtes ici, sérieux ?
- Alors tout à commencer avec mon envie de faire le tour du monde ! Je suis parti avec Festus jusqu'en Alaska ! Là-bas j'ai attendu l'hiver pour passer par le passage des Hommes préhistoriques-
- Le détroit de Béring, Ajoutai-je.
- Ouais, voilà, on est donc passé par la Russie, Malcolm est devenu un peu Soviétique.
- Poutine est notre guide, Commenta Malcolm.
- Ouais, donc on est allé jusqu'en France et on est passé dans un tunnel très joli. Là j'ai remarqué que même sans pédaler, j'allais super vite ! Puis j'ai remarqué que j'étais sur un train. Il nous a emmené jusqu'à Londres pour ensuite venir en Écosse !
- Léo, t'as bu ?
- Ouais, comment t'as deviné ?
- Ton histoire n'a aucun sens.
- Bon, j'ai peut-être enjolivé un peu le récit !
- Il a tout inventé, Intervint Malcolm.
Je soupirai.
- Pourquoi vous êtes là, devant ma porte ?
- Avec Malcolm on a voulu boire un coup après le travail mais maintenant le problème est qu'on n'arrive plus à rentrer chez nous.
- Vous avez perdu vos clefs ?
- Non, c'est l'adresse que j'ai perdu.
Je soufflai. Reste calme, Will, reste calme.
- Qu'est-ce que vous voulez ?
- Tu saurais nous héberger ?
- J'ai pas de place pour vous deux.
- Steuplais, man, je suis petit, je prends pas de place !
- Léo, j'ai dit non, débrouillez-vous.
Je n'avais aucune envie de m'occuper de deux personnes bourrées toutes une nuit, j'avais un autre problème à régler avant.
- Moi je sais où tu habites, Ajouta Malcolm.
- Moi aussi, mais faut pas que Will le sache, j'ai envie de l'embêter un peu !
- Léo, c'est vraiment pas le jour, rentre chez toi.
Il souffla alors.
- Très bien, t'es pas très drôle, faudrait te dérider un peu. Bon, on y va, Malcolm. Passe une bonne soirée, Will !
Je lui fis un rapide signe de main avant de claquer la porte. Je retournai précipitamment au salon et, évidemment, Nico en avait profiter pour s'esquiver. J'étouffai un cri de rage, Léo n'avait vraiment pas choisi le bon moment. Je m'assis par terre afin de me calmer un peu. Nico finirait bien par revenir mais osera-t-il s'ouvrir une seconde fois ? J'attendis quelques minutes, assis par terre avant de finalement me lever. Après une rapide hésitation, je sortis dehors, profitant que le soleil ne soit pas totalement couché. Je marchai quelques temps avec l'objectif de retrouver Nico. Je savais qu'il devait se trouver dans la forêt.
Après peut-être vingt minutes, je vis une ombre assise contre un arbre. Doucement, je m'approchai et m'assis à côté. Il ne tourna même pas la tête vers moi, fixant dans le vide.
- Je viens de passer au travers de cet arbre. Parfois, quand je ne fais pas attention, je me rends compte que je viens de passer au travers d'un arbre.
Il émit un petit rire nerveux avant de continuer.
- C'est assez effrayant.
Je me tournai vers lui afin de l'observer.
- Ça t'arrive souvent ?
- Pas vraiment.
J'hochai simplement la tête et un silence s'installa. Je levai le regard pour observer le ciel étoilé à travers les branches. On entendait à peine les oiseaux chanter, c'était une nuit très calme. Lorsque j'aperçus la Lune, je me remémorai les mots que Nico m'avait adressé il y a quelques jours déjà. C'est vrai qu'elle est belle, mais que voulait-il dire par là ?
- On peut voir la constellation de la Lyre, Dis-je doucement. Elle est simple mais j'aime bien son nom.
Nico releva la tête vers le ciel.
- C'est laquelle ? Demanda-t-il d'une petite voix.
- Tu vois l'étoile qui semble briller plus fort au milieu du ciel ? C'est Vega, si tu la relis au parallélogramme que forment les étoiles juste à côté, tu obtiens la constellation de la Lyre.
- Ça ne ressemble pas trop à une lyre.
- Je sais, parfois je me demande ce qu'il se passait dans la tête des Grecs quand ils ont commencé avec les constellations.
- C'est vrai, mais ça reste magnifique.
Je tournai la tête vers lui et je pus distinguer l'ombre d'un sourire se dessiner sur son visage. J'étais heureux de passer ce moment avec lui. Surtout après tout ce temps à s'ignorer. D'un coup, c'était comme si ces derniers jours n'avaient jamais existés. Nous étions simplement là, à deux, et c'était tout ce qui comptait pour moi.
Je me couchai par terre afin de mieux observer le ciel et Nico ne prit pas de temps avant de me rejoindre. Alors notre discussion me revint en tête et je me tournai vers lui. Je ne voulais pas casser l'ambiance mais c'était le meilleur moment pour lui demander, j'avais peur qu'après ce soir, il me refile entre les doigts.
- Nico, quand tu parlais de tes rêves-
- Regarde, ici c'est la constellation du dauphin, c'est Bianca qui me l'a appris quand j'étais enfant.
Je compris à ce brusque changement de conversation qu'il ne voulait pas en parler. Je décidai de me taire et de regarder la direction qu'il me pointait.
- C'est le losange, juste là ?
- Oui, avec les étoiles derrières qui font sa nageoire.
- Et ici, plus connu, la grande ours.
- Pourquoi on l'appelle la grande ours alors que ça ressemble à une casserole ?
- En fait, ce que tu vois, c'est le cou et le corps de l'ours, les autres étoiles ne sont pas assez brillantes pour que tu puisses les voir à l'œil nu. Mais toutes ensembles, ça prend la forme d'un ours.
- C'est donc ça. Regarde, la ceinture d'Orion ! Par contre j'ai jamais su qu'elle était la constellation entière, à pars les quatre étoiles qui forment son buste.
- Moi non plus, je reconnais simplement les trois étoiles qui se suivent.
- Comment tu sais tout ça, en fait ?
- Je ne sais pas trop, j'ai toujours aimé les constellations et on s'amusait souvent à les observer en colonie de vacances. Ça doit être comme ça que j'ai appris.
- C'est comment les colonies de vacances ?
- Trop chouette ! Tu rencontres des gens, tu te fais pleins d'amis, il y a beaucoup d'activités, tu te sens libre, sans papa et maman ! Avec des amis, on s'amusait à faire pleins de sales coups aux moniteurs ! Il y en avait un, Monsieur D, c'était le directeur, il n'était jamais de bonne humeur, toujours à râler. À croire que c'était une punition pour lui d'être là. Il se trompait toujours dans nos prénoms, d'ailleurs.
Je rigolai légèrement à tous les souvenirs qui me revenaient. Cela faisait bien longtemps que je n'avais plus été à la colonie des Sang-mêlé. En y repensant, ça me manquait un peu. Qu'étaient devenus tous mes amis ?
- Il se fait tard, et si nous rentrions ? Proposai-je.
Nico hocha la tête et se releva. Je suivis le mouvement et nous marchâmes vers la maison. Il était loin le temps où je me perdais encore dans ces bois, maintenant je connaissais les recoins presque par cœur.
Une fois rentrés, nous nous séparâmes et montâmes directement dans nos chambres respectives. Je lui adressai un rapide bonne nuit avant de fermer la porte. Je m'effondrai sur mon lit. Un coup d'œil sur mon gsm m'informa que la nuit était déjà bien avancée. À peine ma tête toucha l'oreiller que je sombrai dans le sommeil.
Lorsque j'ouvris les yeux, il faisait encore noir dehors. Je m'assis sur le bord de mon lit en baillant. Je sortis de ma chambre pour aller boire un verre d'eau avant d'aller me recoucher quand j'entendis du bruit une fois sur le palier. Ça venait de la chambre de Nico. Suivant ma curiosité, j'ouvris légèrement la porte. Il faisait totalement noir dans la pièce. Le sommeil de Nico semblait agité et il murmurait parfois quelque chose. Je tendis légèrement l'oreille pour entendre ce qu'il disait mais il parlait trop bas. Un mot finalement me parvint et me fit froid dans le dos.
- Mengele.
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