26 septembre

26 septembre 1944, Bianca

Ma tête me tournait, je me sentais vide de l'intérieur. C'est à peine si je vis le panneau Venezia. Mon frère. J'étais arrivée et pourtant je me sentais plus mal que jamais. J'en avais presque oublié Nico, la raison principale de ma venue. J'avais échappé de justesse aux boches. Bien que ce souvenir me répugne, j'avais utilisé le sang et le corps de Zoë pour faire semblant que nous étions mortes toutes les deux lorsque qu'ils nous tiraient dessus. Je savais bien que ce n'était qu'une question de temps avant qu'ils ne se rendent compte de la supercherie mais ça m'avait au moins permis d'atteindre Venise sans encombre. L'ambiance de la ville était macabre, reflétant mes pensées et mon état intérieur. Un son léger monta dans l'air, un chant mélancolique et douloureux. Je reconnus l'hymne des patriotes Italiens, comme un énième rappelle à ma souffrance, me ramenant à Zoë que j'ai abandonnée là-bas. C'est à ce moment que je compris vraiment toute ma haine envers l'occupant. J'avais perdu ma famille, une amie qui a été torturée, tuée. Je me sentais coupable mais je savais que c'était de leur faute. Je les détestais plus que jamais et je me sentais aussi incroyablement seule, perdue. J'avais envie de vomir. Je comprenais maintenant parfaitement toutes ces personnes prêtes à donner leur vie pour sauver leur pays de l'occupation. Seulement, ce n'était plus un sentiment de liberté qui me poussait à vouloir rejoindre les chasseresses, comme je l'avais promis à Zoë mais bien un sentiment de vengeance et de colère.

Je reconnaissais à peine les rues de Venise, tout avait changé en si peu de temps. L'endroit où j'habitais n'étais plus qu'un amas de débris, aucune chance de retrouver mon frère ici. Tellement de jours étaient passés, où était-il maintenant ? Je n'avais aucun indice. Était-il au moins encore en vie ? Je refusais de croire le contraire, ce serait trop douloureux. Je devais me dire qu'il vivait, je le sentais ou du moins, l'espérais. Toutes les personnes autour de moi avait une mine basse, comme s'ils partageaient tous mon deuil. Je pressentais que quelque chose était arrivé ici mais quoi ? Je me précipitai pour ramasser un journal traînant au sol mais il était en allemand et je ne comprenais pas cette langue. J'allais devoir demander à quelqu'un. Les rues étaient silencieuses et peu de personnes circulaient. Alors qu'un monsieur, la cinquantaine, sortit de chez lui, j'allai à sa rencontre.

- Bonjour Monsieur, Commençai-je.

Il fronça les sourcils en m'apercevant. Il avait l'air dans le vague, à côté de ses pompes.

- Bonjour, c'est pourquoi ?

- Je cherche quelqu'un, enfin deux personnes.

- Je n'ai vu personne, je ne suis pas sorti de chez moi depuis que les boches sont arrivés.

- Que voulez-vous dire ?

- Les boches, vous n'êtes pas au courant ? Ils ont prit tout le nord de l'Italie !

- Je le sais, vous n'êtes donc pas sorti depuis plus d'un an ? 

J'écarquillai les yeux et il me regarda sans comprendre puis précisa.

- Je ne suis pas sorti depuis qu'ils sont venus ce matin.

- C'est pour ça que tout le monde à la mine basse...

- Ils ont arrêté une partie de la population, tué beaucoup de nos proches.

J'hochai la tête, la gorge nouée. Il continua alors.

- Ils ont également arrêté toute la résistance.

Je relevai vivement la tête, soudainement intéressée. J'avais promis à Zoë, Artémis ne peut pas avoir été arrêtée, je refuse de le croire.

 - Ils étaient l'espoir de la ville, ce qui nous poussait à croire que nous gagnerons bientôt. C'était un joli coup de la part des Allemands, en les arrêtant, ils ont sapé le moral d'une centaine de personnes.

Tout alors était donc vain ? Zoë était morte pour rien ? Tout mon corps se mit un trembler.

- M-Merci, Articulai-je difficilement.

Je m'éloignai en chancelant, incapable de regarder devant moi. J'entendis l'homme m'appeler derrière, me demander si j'allais bien mais les sons devenaient de moins en moins audibles. Tout tournait autour de moi. Je trébuchai je ne sais sur quoi, peut-être dans le vide et me rattrapai de justesse à un mur de briques donnant sur une petite ruelle. Je tombai à genoux et me mis à vomir. Ce n'était pas très glorieux, je sais, mais je ne m'en souciais pas sur le moment. Je sentis alors une main passer doucement dans mon dos puis tenir mes cheveux. Je crus un moment que c'était Zoë, comme quand nous étions dans cette ville lugubre il y a seulement deux jours mais ce souvenir me ramena brutalement à la réalité. Ça ne pouvait pas être Zoë et mon cœur se déchira une nouvelle fois, augmentant ma peine. Je m'assis contre le mur et éclatai en sanglot. Du coin de l'œil, j'aperçus une jeune fille, la vingtaine, s'assoir à mes côtés. Elle resta silencieuse, le temps que je me calme, me regardant avec douceur. Il n'y avait aucune pitié ni animosité dans son regard. Je me sentais en confiance avec elle alors que je ne le connaissais même pas. Après un moment, elle commença à me parler d'une voix douce.

- Ça va mieux ?

J'hochai lentement la tête mais ça n'allait pas mieux, plus rien ne pouvait aller maintenant !

- J'imagine que tu as vu ce qu'ils ont fait ce matin.

Je secouai négativement la tête.

- Je viens d'arriver. Je suis venue chercher mon frère mais j'ignore où il se trouve et j'ai promis à une amie de trouver quelqu'un pour elle.

- Tu as du faire un long et éprouvant voyage, que s'est-il passé pour que tu te retrouves dans cet état ?

Alors je lui racontai tout, depuis la mort de ma mère, l'Angleterre, Hazel, la recherche de mon frère, mes rencontres en France et en Suisse, Percy Jackson et surtout Zoë. Ma rencontre avec les chasseresses, le bout de chemin qu'on a fait ensemble, le bruit de son rire, son tique de dire "dam" quand elle est contrariée, son courage, ses mots étranges qu'elle seule utilisait et il y avait encore tellement de choses à dire sur elle. Je lâchai quelques sanglots durant mon récit mais ne m'en sentais pas gênée. Je pleurais une amie proche. Je m'étais retenue trop longtemps. Le pire dans mon récit, était quand j'ai raconté notre arrestation, quand elle a été torturée et que je n'ai aucune idée de ce qu'il s'est passé dans cette pièce, et pour finir, sa mort, ses derniers mots. Plus jamais je ne pourrai revoir les étoiles sans lâcher une larme et penser à elle. Je la revoyais danser parmi les astres dès que la nuit tombait.

- Et je t'ai tout raconté, Terminai-je d'une petite voix.

Elle hocha lentement la tête, de la peine dans les yeux. Je voyais qu'elle compatissait pour moi mais qu'il y avait autre chose, comme si elle était touchée personnellement. Vivant à Venise, elle devait savoir de quoi je parlais. Sûrement qu'elle a perdu des proches dans les évènements de ce matin.

- Au fait, Dit-elle après un silence, Comment t'appelles-tu ?

- Bianca et toi ?

- Artémis, ravie de faire ta connaissance.

Quand j'entendis son nom, mon sang ne fit qu'un tour. Je me rappelais tout ce que j'avais dit, comment j'avais expliqué la mort de Zoë partant du principe qu'elle ne la connaissait pas. Ça devait être un choc pour elle de l'apprendre aussi brutalement.

- J-Je suis désolée, si j'avais su, je t'aurais annoncé pour Zoë d'une autre manière, je ne voulais pas, je-

- Ne t'en fais pas, M'interrompit-elle d'une voix qu'elle voulait assurée, Il n'y a pas de bonne façon d'annoncer ce genre de chose. Tu as parlé d'elle magnifiquement bien, digne de sa personne. Je suis contente qu'elle ait pu faire ta rencontre, Bianca. Je suis très attachée à toutes mes chasseresses mais j'ai appris que certaines ne verront jamais la fin de ces temps rudes. Évidemment, on ne s'habitue jamais à ce genre de choses mais dès le moment où j'en accueille une nouvelle, je dois me préparer à peut-être la perdre un jour. Tout cela fait parti de notre réalité et nous devons l'accepter même si c'est dur.

Je la regardai impressionnée. Elle avait un tel sang-froid lorsqu'elle parlait mais je sentais que ce n'était pas par désintéressement, mais qu'elle se souciait réellement de chacune des jeunes filles sous son aile.

- Merci d'avoir été là pour elle, il n'y a rien de pire que de mourir seule. Tu l'as accompagnée, je t'en suis très reconnaissante. Va, Bianca, ne doute jamais de ta force, retrouve ton frère et vis une vie heureuse, tu le mérites.

Je sentais les larmes me monter aux yeux, elle était si gentille et calme alors que je venais lui annoncer la mort de l'une des siennes.

- J'ai compris que tu désirais te joindre à nous. Fais d'abord ce que tu as à faire, revois ta sœur et viens quand le temps sera venu. Il y aura toujours une place pour toi et je serai ravie de te compter dans nos rangs.

Je lui souris faiblement, le cœur un peu plus léger. Elle m'adressa un dernier sourire avant de se lever et de se préparer à partir.

- Je serais bien restée avec toi mais je dois retourner. La bataille n'est pas finie et les filles ont besoin de moi. Nos chemins se séparent déjà. Je sens que notre voyage ne sera pas facile à toutes les deux, n'est-ce pas ?

J'hochai la tête en accord. Artémis dégageait une telle aura de puissance et de confiance que j'avais du mal à parler en sa présence.

- J'ai une dernière question !

Elle se tourna vers moi et m'encouragea à continuer.

- On m'a dit que toute la résistance s'est faite arrêtée...

Son regard s'assombrit.

- C'est le cas, mais j'étais déjà partie à ce moment. 

- Zoë est donc morte pour rien ?

Ma voix trembla et je vis qu'Artémis était mal à l'aise. 

- Je ne sais pas, elle s'inquiétait pour moi et elle a bravé mes ordres pour me retrouver. J'en suis honorée mais j'aurais préféré qu'elle reste à la base.

Ça ne répondait pas vraiment à ma question mais je m'en contentai. 

- Soit, le temps presse et chaque minutes qui passent sont peut-être les dernières pour ton frère, si tu veux le retrouver, tu dois te dépêcher.

J'hochai la tête et Artémis se retourna, partant de son côté. J'étais de nouveau seule. Cette rencontre m'avait donné une bouffé d'espoir mais m'avait mise face à la réalité. C'est avec une détermination nouvelle que je parcourus les rues de Venise. En fin de compte, j'avais tenu ma promesse, Artémis était saine et sauve. Mais ma mission n'était pas finie, je devais maintenant me concentrer entièrement sur Nico. J'avais un plan clair dans ma tête ; je retrouve Nico, je retourne avec lui en Angleterre, je tiens ma promesse à Hazel, c'est-à-dire que je retourne la voir puis je rejoins les chasseresses. Le chemin sera plus difficile qu'à l'aller, j'étais maintenant une fugitive. La Gestapo devait certainement être déjà à mes trousses. C'est pourquoi je devais me dépêcher, le temps était compté.

Je fis un petit tour des environs mais il n'y avait rien, les rues étaient vides. Je n'avais aucune idée de où aller. Alors une idée me vint. Il y avait ce petit parc pas très loin, j'y allais souvent jouer. C'était notre refuge à Nico et moi. Nous y allions presque tous les jours, quand on s'ennuyait, quand nous avions envie d'être seulement à deux, quand nous étions tristes ou perdus. C'était devenu un repère, dès que nous nous perdions de vue, c'est là que nous allions et alors nous nous retrouvions à chaque fois. C'était l'époque où nous étions encore insouciants. Maintenant que les temps ont changé, que nous sommes plus éloignés que jamais, s'est-il réfugié là-bas en m'attendant ? Serait-il resté aussi longtemps ? Je ne savais pas, peut-être m'avait-il laissé au moins une trace. Tout ça, je le découvrirai quand j'y serai. Je sentais que j'arrivais à la fin de l'aventure et quelque chose se libérait enfin en moi.


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