24 Septembre (Suite)
24 septembre 1944, Bianca
J'étais encore tellement sous le choc de ce que je venais de voir que je n'entendis pas les bruits de bottes en cuir avancer vers nous. Mes yeux restaient fixés sur le corps sans vie de Percy Jackson baignant dans une marre de sang. Je n'arrivais plus à penser, tous mes membres tremblaient. C'était presque en me laissant faire que je fus relevée par l'assassin et amenée au centre de la pièce, suivie par Zoë. Il nous fit assoir de force, dos à dos, et nous ligota l'une à l'autre. Il nous regarda un instant satisfait avant de se tourner vers l'entré, faisant signe à deux personnes de venir.
- Qu'allons-nous faire d'elles, Untersturmführer ? Demanda le premier.
- Surveillez-les le temps que je revienne, je dois avertir nos supérieurs de quelques détails.
- Nous ne les exécutons pas ? Ce serait plus simple et rapide, Répondit le deuxième. Je ne vois pas de quelle utilité elles pourraient être pour nous.
- Elles sont avec la résistance, elles doivent connaître des informations intéressantes. Maintenant faites ce que je vous dis et ne posez pas de questions.
Il partit ensuite dehors. De là, je ne pouvais pas voir ce qu'il faisait, je n'entendais que quelques bruits d'une conversation sans comprendre le moindre mot. Les deux hommes avec nous nous regardaient d'un œil autoritaire sans afficher la moindre expression sur leur visage. Je reconnaissais le premier, Pietro Mancini. Il habitait autrefois à Venise. D'aussi loin que je me souvienne, il avait toujours pris parti pour Mussolini. Quand le jour est arrivé de se battre pour lui, il n'a pas hésité et a participé aux campagnes en Afrique. Maintenant que Il Duce a été arrêté et que l'Allemagne occupe tout le nord, ça ne m'étonne pas qu'il ait rejoint leur rang. Il possédait un fait d'arme assez impressionnant et était connu pour sa discipline ainsi que son dévouement pour l'Allemagne-Nazi, ce qui lui a peut-être permis d'accéder à la Gestapo. J'étais petite fille lorsque je l'ai connu, je n'ai donc que très peu de souvenirs mais je me rappelle que Mama ne l'aimait pas, allant jusqu'à changer de trottoir sur son passage. Elle nous avait toujours appris, à Nico et moi, de respecter les lois mais surtout les valeurs qui lui étaient propres. Elle n'a jamais cautionné tous les crimes de l'Italie mais nous a appris l'importance de nous taire pour rester en vie. Je lui dois énormément et je m'en rends compte que maintenant, quand il est trop tard.
Je fermai les yeux pour me calmer, je ne devais pas montrer ma faiblesse. La douleur de la perte de Mama était toujours aussi vive et j'ignore si elle s'estompera un jour. Mais je devais rester forte, forte pour elle, pour mon frère, pour Hazel, pour Zoë. Je ne dois pas me laisser aller, je dois d'abord accomplir ma mission. Nous n'avons pas le temps de pleurer pendant la guerre. Pleurer est un signe de faiblesse et la faiblesse peut nous coûter la vie. C'est aussi une perte de temps, or nous avons en manquons, de temps.
Je revins à la réalité par des bruits de pas s'approchant. C'était l'Untersturmführer qui revenait.
- Nous restons ici avec les filles, nous les amènerons à la base demain.
- Pourquoi ne pas y aller maintenant ? Questionna Pietro.
Son supérieur lui lança un regard d'avertissement lassé, comme si ce n'était pas la première fois qu'il l'ennuyait avec ses interrogations.
- Parce que c'est l'ordre de nos supérieurs, va savoir. C'est la panique au QG, nous devrons peut-être bientôt déguerpir. Nous ignorons quand les Américains seront là et au plus nous les attendons, au plus la tension monte et au plus on fait n'importe quoi. Enfin ce n'est que mon avis, n'allez surtout pas le répéter.
- Ce ne serait pas plus simple de se débarrasser d'elles maintenant ? Surtout qu'on vient de leur dévoiler l'une de nos failles, Reprit le deuxième homme.
- Les ordres sont les ordres, Strauss. Qu'est-ce que tu veux qu'elles aillent répéter de toute façon ? C'est pas ici qu'elles feront grand chose. Et puis je sais que cette guerre, on l'a perdue. Alors si on peut s'épargner des crimes.
- C'est vous qui voulez les épargner ? Rigola Pietro.
- Je voudrais surtout pouvoir rentrer chez moi en sécurité après la guerre auprès de ma femme et de mes enfants.
- Au point où nous sommes, je ne suis pas sûr qu'on nous laissera tranquille. Les vengeances, c'est ce qui me fait le plus froid dans le dos. Ajouta sombrement le dénommé Strauss.
- Si c'était pour faire la mauviette, fallait pas faire la guerre. Maintenant fini de discuter, on est pas là pour faire cocktail, on a du boulot qui nous attend.
- On doit faire quoi à pars attendre demain matin ? Demanda encore Pietro.
L'Untersturmführer le regarda comme si cette fois-ci il allait réellement l'abattre sur place.
- Nous sommes la Gestapo. Qu'est-ce qu'on fait quand on a des traîtres sous la main ?
Je retrouvai toute mon attention en entendant ces mots. Je relevai vivement la tête. La panique devait très certainement se lire sur mon visage. Plusieurs secondes s'écoulèrent sans qu'il ne se passa rien, accentuant mes craintes. L'attente était insoutenable, même aussi courte soit-elle. J'ignorais la suite mais je commençais à vouloir la voir venir d'un espoir malsain, voulant la connaître et que ce soit fini plutôt que de rester dans l'ignorance. Pietro vint vers nous et je sentis mon pouls s'accélérer. Il nous détacha pendant que Strauss nous empêchait de bouger. J'avais du mal à suivre la situation, me laissant submerger par toutes mes émotions, mes pensées s'entrechoquant dans ma tête à une vitesse effrénée. Tout ce que je sais, c'est qu'une minute plus tard, j'étais de nouveau ligotée au sol mais cette fois-ci sans Zoë. Je regardai rapidement autour de moi et la vis debout, entourée de Strauss et de l'Untersturmführer. Ceux-ci la tenait par les bras et l'emmenèrent plus loin. Ce qui m'inquiétait le plus était sa mine sombre. Elle avait perdu toute sa détermination et marchait le visage baissé, se préparant à ce qui allait lui arriver. J'aurais voulu crier ou la retenir mais j'en étais incapable. Mon corps refusait de m'obéir et cette impuissance me rendait folle. Une larme silencieuse coula sur ma joue. Je ne pouvais pas l'essuyer, mes mains étant attachées et de toute façon, je n'en avais pas la force. Zoë tourna rapidement la tête vers moi, je pouvais voir la peur dans son regard. Je lui fis un faible sourire rassurant et elle disparut dans une autre pièce. Pendant ce temps, je restais seule avec Pietro. Je ne lui adressais aucun regard, les yeux fixés dans le vide. Cet homme me dégoutait. Tout son être me donnait la nausée.
Après plusieurs minutes, le temps commençant à être long, il voulut me faire la conversation mais je refusais de lui répondre, ne bougeant pas d'un poil. Il finit par abandonner après une énième tentative en soupirant. Il s'assit dans un coin tout en allumant sa cigarette, gardant un œil sur moi. J'aurais pu essayer de m'enfuir mais je n'en avais pas le courage et je ne voulais pas abandonner Zoë seule entre leurs mains. Je resterai avec elle, peu importe le prix, même si celui-ci est ma vie.
Je finis par craquer après un temps interminable, posant la question qui me brûlait les lèvres depuis le début.
- Que lui font-ils ?
Ce qui m'effrayait, n'était pas d'entendre des cris ou que sais-je, au moins j'aurais été fixée sur ce qui se passait. Non, le pire était le silence de mort qui régnait. Il pouvait se passer n'importe quoi, je n'en avais aucune idée. J'avais peur pour elle.
- Je ne peux pas te le dire.
Je grognai de rage à cette réponse. Evidemment, il ne me dirait rien.
- Ils vont me faire la même chose juste après, j'imagine ?
- Même réponse, je ne peux pas te le dire.
Je soufflai de frustration avant d'enchaîner.
- De toute façon, je le découvrirai bientôt et je ne pourrai rien dire à personne, alors tu peux me le dire !
- Je ne voudrais pas te gâcher la surprise.
Je soupirai de nouveau et, comprenant que je n'obtiendrai rien de lui, me renfermai dans mon silence.
- Ils ne la tueront pas, si c'est ce qui t'inquiète.
Je ne savais pas si je devais être rassurée par cette déclaration mais je ne laissai aucune émotion paraître sur mon visage. L'odeur âcre de cigarette commença à me prendre au nez, je n'avais jamais supporter cette odeur. Je fis une légère grimace avant de reprendre un visage neutre.
- Au fait, comment va ta mère, Bianca ? Enchaina-t-il.
Je me crispai d'un coup à l'entente de cette question. Ma haine envers lui augmenta. J'essayai de rester neutre, de ne pas montrer qu'il avait touché une corde sensible.
- Pourquoi tu demandes ça ? Répondis-je sèchement d'une voix tremblante malgré moi. Je ne prenais même pas la peine de le vouvoyer.
Il sembla surpris par mon ton mais reprit bien vite contenance.
- Je la connais depuis longtemps, je voulais simplement avoir de ses nouvelles.
Je me contentai de regarder le vide, sans répondre. Il finit par soupirer et ajouta :
- Je suis désolé s'il lui est arrivé quelque chose.
Je lui lançai un regard noir. Son ton n'était pas sincère et comment osait-il me dire ça alors qu'il faisait parti des responsables de sa mort ? J'avais envie de lui crier dessus mais n'en fis rien. À la place je fus interrompue par un premier hurlement. Je reconnus aussitôt Zoë. Je regardai paniquée dans la direction du cri sous le rire léger de Pietro.
- Je vois qu'ils passent enfin aux choses sérieuses. Il était temps, je m'ennuie ici.
Je voulais lui lancer de nouveau un regard noir, le frapper, lui crier tout ce que je pensais mais mon regard restait figé sur la porte me séparant de ma compagne de route. De nouveaux cris se firent entendre. Ça dura longtemps, très longtemps, c'en était insupportable. Je voulais venir l'aider et tout stopper tout comme je voulais me rouler en boule dans un coin en me bouchant les oreilles. Comme les deux étaient impossibles, je restais immobile à fixer la porte, retenant mes larmes.
Ce fut seulement après un temps interminable et de longues minutes de silence, faisant monter ma panique en flèche, que la porte s'ouvrit finalement. L'Untersturmführer sortit le premier, suivi par Zoë, soutenue par Strauss. Elle marchait en titubant et était extrêmement faible. Son visage était blême et des signes de coups parcouraient son corps. J'aurais voulu me jeter près d'elle mais je ne pouvais pas bouger, toujours attachée. Il la laissèrent tomber sans aucune douceur à côté de moi, ne prenant même pas la peine de la rattacher. De toute façon, dans son état, elle n'aurait pas fait grand chose. Je voulais m'assurer qu'elle aille bien, enfin, c'était évident qu'elle n'allait pas bien mais je voulais voir la graviter de son état. Je la regardais avec des yeux tristes, je savais qu'elle ne voudrait pas de ma pitié, prendrait ça comme un signe de faiblesse et d'humiliation mais je ne pouvais pas m'empêcher d'être peinée pour elle. Zoë refusait de me regarder, gardant les yeux obstinément fixés au sol, un voile sombre couvrant son visage. Son expression était impossible à déchiffrer, j'ignorais ce qu'elle ressentait ou ce qu'elle pensait. Si elle arrivait encore à ressentir quelque chose. Je vis du coin de l'œil l'Untersturmführer s'éloigner pour noter des choses dans son carnet. J'ignorais quoi, je pris soudain conscience que j'ignorais si Zoë avait parlé ou non, ce qui accentua mes peurs. Si l'on peut mourir de stresse, je sentais que j'arrivais à mes limites. J'en avais même oublié ma mission principale. Strauss s'approcha de Pietro et lui parla en chuchotant. Je n'entendais pas d'ici, comprenant simplement que Pietro voulait savoir ce qu'il s'était passé dans cette pièce. La seule phrase qui arriva à mes oreilles était :
- Nous n'avions pas notre matos habituel alors on a du un peu improviser.
J'ignore ce qu'il voulait dire par là et ne le saurai jamais car Zoë ne voulut jamais me raconter ce qu'il lui était arrivé.
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