24 Septembre

24 septembre 1944, Bianca

- Tu ne vas pas me dire qu'on est déjà perdu ! M'écriais-je.

- C'est bon, il faut juste que je sache où nous nous trouvons sur cette dam carte !

Je me tournai vers elle en fronçant les sourcils. Ensuite, j'ignore si c'était à cause de la fatigue et du stresse accumulés pendant le voyage mais j'éclatai de rire en entendant le mot "dam".

- Toi non plus tu ne vas pas te moquer à chaque fois que je dis ce mot !

- Me moquer ? Mais voyons, je ne vois aucune dam raison de faire cela !

Je rigolai encore plus fort, je riais tellement que j'en avais mal au ventre et que je devais le tenir avec mes bras. Zoë soupira, agacée, ne comprenant pas la raison de mon fou rire.

- Au lieu de faire l'idiote, aide-moi plutôt à trouver dans quelle ville nous sommes.

Je voulus répondre une plaisanterie mais m'arrêtai net de rire en voyant une silhouette passer. Je fixai dans le vide quelques instants, là où elle se trouvait deux minutes plus tôt, dans un silence troublant.

- Tout va bien, Bianca ?

Zoë essayait de voir ce que je regardais mais n'apercevait rien.

- Ce n'est rien, j'ai simplement cru voir quelque chose. Ça ne devait être qu'un animal.

- Si tu le dis, Elle me regardait inquiète.

- Regardons plutôt si nous ne pouvons pas trouver un panneau ou quelqu'un qui pourrait nous aider.

Elle hocha seulement la tête et me suivit à travers les rues sinueuses. Nous marchâmes quelques minutes dans cette ville atrocement calme. Aucune de nous deux n'osa parler, de peur de briser le silence pesant. Je regardais autour de moi et aperçu des devantures de magasin brisées, vandalisées, des objets trainaient par terre et ce qui attira le plus mon attention fut une poupée de chiffon gisant sur les pavés. Je la ramassai en tremblant, commençant doucement à comprendre ce qu'il s'était passé. Des cris résonnèrent plus loin et Zoë me tira dans l'ombre d'une ruelle. J'avais laissé retomber la poupée dans son mouvement brusque et la suivais maintenant dans un dédale de petites rues. Etant comme dans un état second, je ne vis pas qu'elle s'était arrêtée devant moi et je lui rentrai dedans. Elle se retourna en grimaçant et me fit signe d'être silencieuse. Depuis notre cachette, j'entendais des bruits de la rue. Principalement des cris en Allemand, des hurlements de femmes et des pleurs. Je risquai un léger coup d'œil et ce que je vis m'horrifia. Nous étions probablement arrivées vers la fin d'un rafle. Mais ce qui me choqua le plus n'était pas la horde de personnes rassemblée au milieu de la rue, avançant menacés par des soldats SS mais bien les visages enfantins, chantant innocemment un chant Hébreux malgré la peur teintée dans leurs yeux, suivant docilement leur professeur qui essayait de les rassurer comme il pouvait. Je perdis l'équilibre et m'affaissai contre le mur de pierre, laissant les larmes rouler silencieusement sur mes joues. Zoë se tourna vers moi puis, après une hésitation, s'agenouilla et me prit dans ses bras. Je n'arrivais plus à parler et l'air refusait d'accéder à mes poumons. J'essayais de prendre de longue inspiration pour me calmer mais ça ne faisait qu'empirer mes sanglots. Je ne pouvais toujours pas comprendre l'atrocité de cette guerre, c'en était trop pour moi. Ce n'était pas la première fois que j'étais témoin de ce dont les Hommes étaient capable alors pourquoi je craquais maintenant ? Le moment où je devais me montrer la plus forte, j'étais aussi vulnérable qu'un nourrisson. Je me laissai aller dans l'étreinte de ma compagne de route puis finis par articuler quelques mots.

- Où les emmènent-ils ?

- Je n'en sais rien, Répondit-elle doucement.

Mais sa voix avait tremblé, je pouvais reconnaitre quand quelqu'un mentait.

- Tu le sais, dis le moi.

Elle fixa alors son regard dans le miens, cachant sa peine mais ses yeux exprimaient de la tristesse.

- Bianca, crois-moi, il y a des vérités qu'il vaut mieux ne pas savoir.

- Il y avait des personnes que je connaissais.

- J'en suis désolée.

- Pas dans les prisonniers, parmi les boches.

- Beaucoup d'entre nous ont préféré rejoindre les rangs de l'Allemagne après la séparation de l'Italie, par conviction ou par sécurité, surtout les habitants du Nord. Je ne peux pas leur en vouloir, nous sommes imprégnés dans le fascisme et l'antisémitisme depuis le berceau.

- C'est ironique, tu ne peux pas leur en vouloir mais tu les chasses depuis le début de la guerre, allant jusqu'à leur ôter la vie ?

Elle eut un rictus amer.

- Tu as raison, je les hais. Mais il n'est pas bon de rester là, allons-y. 

Je me levai difficilement avec son aide. Je la suivais simplement, la tête dans les nuages. Chaque rouage de mon cerveau tournait à plein régime, réfléchissant à ce que je venais de voir. Je n'avais pas tout dit à Zoë, l'ombre que j'avais aperçu, les visages des boches, enfin d'un en particulier. Je n'avais plus aucun doute, ce n'était pas quelqu'un que je connaissais depuis l'enfance comme Zoë l'a supposé mais une personne que je n'avais pas tellement envie de revoir. Nous nous arrêtâmes brusquement comme prises au piège, nous tenant face à ce qui confirma mes doutes.

- Mais c'est pas vrai, tu nous suivais ? M'exclamais-je, commençant la discussion en anglais.

Zoë se tourna vers moi en fronçant les sourcils, me demandant silencieusement si je le connaissais. Je lui fis signe que j'expliquerai après et me tournai pour écouter la réponse.

- C'est pas ce que tu penses, je vous ai vu toutes les deux à Trento et...

- Et tu nous as suivi jusqu'ici ! 

Je croisai les bras sur ma poitrine.

- Qu'est-ce que tu nous veux ? Continuai-je.

- Simplement vous aider !

- Pourquoi nous ferions confiance à un boche ? Demanda calmement Zoë.

- Je sais beaucoup de choses sur toi que tu ne voudrais pas qui s'ébruitent. Il faut dire que vous n'aviez pas été très discrètes à Trento.

Je remarquai qu'elle serra les dents, je lui fis signe de se calmer et le boche continua.

- Pour faire court, si je vous voulais du mal, j'aurais très bien pu vous dénoncer il y a longtemps, crois-moi. Et puis je suis armé, pas vous, j'aurais très bien pu vous tuer en ce moment même, mais je n'en ai rien fait. Bianca, on se connait, tu sais que tu peux me faire confiance.

- On s'est croisé qu'une soirée.

- Et j'ai été sympa avec toi !

- Tu ne m'as pas tuée, c'est déjà ça.

- Alors que j'aurais du, selon les ordres.

- Pourquoi tu nous aiderais ? Cela voudrait dire trahir les tiens.

- Je peux vous expliquer mais pas ici, suivez-moi plutôt. Je connais un endroit sûr.

Zoë et moi nous regardâmes, débattant une décision en silence. J'étais impressionnée de voir à quel point l'on pouvait se comprendre par un simple regard malgré que l'on se connaisse depuis quelques jours seulement.

- Très bien, Commença Zoë, Mais tu marcheras devant nous avec une certaine distance.

- Deux jeunes filles qui marchent derrière un boche, c'est pas suspect comme situation ? Commentais-je.

- Elle n'a pas tord, si je marche derrière vous, un boche qui oblige deux jeunes filles à marcher devant lui vers un lieu reculé, il n'y a rien de bizarre à ça. On nous laissera même tranquille.

- Mais je n'ai pas confiance de te laisser derrière, je veux pouvoir te surveiller, Asséna Zoë.

- Parce que tu crois que je suis très en confiance de laisser une résistante qui me déteste marcher derrière moi ? Mais si ce n'était pas suspect, je consentirais à le faire car nous devons nous faire confiance.

- Et pourquoi ça ? Si tu nous fais confiance, tant mieux, mais laisse-moi la liberté de me méfier.

Je les regardais débattre sans un mot, comme si j'assistais à un match de tennis.

- Tu sais quoi ? La meilleure solution est que je reste derrière vous mais si tu préfères, je te donne mon arme. C'est la seule que j'ai. 

Il lui tendit un pistolet chargé. Zoë hésita quelques secondes avant de finalement le prendre et de le cacher sous ses vêtements.

- D'accord, tu as intérêt à ce que j'ai raison de te faire confiance.

- Je ne sais pas pourquoi mais j'ai l'impression de ne pas l'avoir entièrement.

- Sois déjà content que je ne te tue pas sur place.

- Arrête de parler et avance.

- Tu n'as aucun ordre à me donner !

- Zoë, Intervins-je, On nous entend peut-être, nous devons jouer les otages pour ne pas attirer les soupçons.

Elle grommela mais finit par accepter, voyant que j'avais raison.

- Il comprend l'italien ? Demanda-t-elle dans notre langue.

Je lui fis un signe de tête signifiant que non.

- Très bien, tu vas donc pouvoir me dire ce que tu sais de lui pendant que nous marchons.

- Je venais de passer la frontière Suisse quand je l'avais aperçu m'observer. Au début je n'avais pas porté attention puis pendant que je marchais au milieu de nulle part, la nuit -

- Tu te promenais dehors en pleine nuit ? Mais tu es inconsciente ! Tu aurais pu te faire attraper !

- Je le sais et c'est ce qui est arrivé, je suis tombée sur lui.

- Il aurait du te tuer ou t'arrêter.

- Mais il ne l'a pas fait.

- Pourquoi ?

- Je ne sais pas précisément, il disait que je n'avais pas l'air dangereuse. Il m'a conduite jusqu'au village suivant pour que je sois en sécurité.

- Ces vermines peuvent donc faire preuve de bonté ?

J'haussai des épaules puis ajoutai.

- Pendant le trajet, il s'était arrêté et a tiré sur deux résistants.

- C'est donc ça qui leur est arrivé, Dit-elle pensive.

- Tu les connaissais ?

- Je connais beaucoup de monde étant lieutenante. Nous avions envoyé deux filles en Suisse mais elles ne sont jamais revenues. Je pensais qu'elles s'étaient faites arrêtées mais maintenant je sais. Cet homme derrière nous a tué deux de mes amies.

 Sa voix s'était brisée en disant ces mots. Je voulus lui dire quelques mots pour la réconforter mais elle m'interrompit.

- Quel est son nom ?

- Il dit s'appeler Percy Jackson.

Il tressauta à l'entente de son nom.

- Nous sommes arrivés, Ajouta-t-il simplement.

Je n'avais pas remarqué mais nous étions sortis de la ville. Un vieux bâtiment nous faisait face dans une clairière vide de toutes vies humaines. Percy nous conduisit à l'intérieur et d'un geste, redemanda son arme à Zoë. Celle-ci, déjà un peu plus en confiance, n'hésita que quelques secondes avant de la lui rendre. Il lui fit un léger sourire pour la remercier puis se mit en face de nous. Un silence lourd suivit et lentement il pointa son pistolet dans notre direction. Instinctivement, Zoë et moi levèrent les mains.

- Je savais qu'il ne fallait pas lui faire confiance. C'est un boche comme un autre, Marmonna celle-ci entre ses dents.

- Tu as raison, Zoë, vous avez été naïves. Cela me surprend de la part d'une résistante.

- Qu'est-ce que tu veux ?

- Rien de spécial.

Et aussi nonchalant que son intonation, il tira deux coups. Par réflexe, je me bouchai les oreilles et fermai les yeux, attendant mon sort. Mais rien ne vint. J'ouvris les yeux et aperçu Zoë le regarder perplexe. Il nous avait raté d'au moins deux mètres. Venant d'un soldat entrainé, il devait certainement l'avoir fait exprès. Il nous fit signe de se taire et s'accroupit avec nous dans un coin caché derrière des caisses.

- Il y avait un gars de la Gestapo derrière nous, Chuchota-t-il. Il y a déjà des soupçons d'une éventuelle traitrise de ma part. J'espère qu'ils marcheront dans le panneau en pensant que je vous ai tuées. Si mon plan fonctionne, ils ne seront plus à vos trousses. Je ne suis pas le seul à vous avoir remarquées à Trento.

- C'est pourquoi tu nous as suivies, pour nous avertir, Chuchota également Zoë.

Il opina de la tête.

- Mais pourquoi vouloir nous aider ? Continua-t-elle.

- Parce que j'ai jamais voulu combattre pour l'Allemagne. J'y ai été forcé au début de la guerre et chaque jour je me déteste pour ce que font les miens. Vous, la résistance, je vous admire, votre but est beaucoup plus beau que le miens alors à choisir, je préfère vous aider, peu importe si ça me coute la vie, que de continuer à servir des criminels.

Zoë voulut répondre mais je plaquai ma main contre sa bouche en entendant des bruits de pas. Percy se leva précipitamment, se positionnant comme s'il avait toujours été debout et fit un salut militaire au Untersturmführer se tenant devant lui.

- Percy Jackson, j'ai beaucoup entendu parler de toi, en négatif, malheureusement. Quel beau salut, on y croirait presque.

Je ne voyais pas bien depuis là où j'étais mais j'arrivais à distinguer Percy se tenant parfaitement droit, cachant ses tremblements.

- Alors comme ça tu as arrêté les filles ?

- C'est exact, Untersturmführer !

- J'ai entendu, deux beaux coups de fusil. Mais je n'ai entendu aucun cri.

Percy se figea.

- J'ai été troublé par ce silence radio, de plus il me semble que tu ais agi de ton propre chef alors que ton grade ne t'y autorise pas, ne te demandant même pas si nous, la Gestapo, voulions les interroger. Tu n'as pas l'air d'être entièrement idiot, tu sais ce que nous aimons faire à ces traîtres. Puis-je voir les corps ?

Le pauvre feldgendarme déglutit et commença à bégayer des propos incompréhensibles.

- Si bien sûr il y en a.

Il s'approcha lentement de Percy.

- Ecoute Jackson, nous ne sommes pas idiots, nous sommes la police secrète. Nous avons l'habitude des interrogatoires et des coups fourrés. Tu ne pensais quand même pas nous avoir de manière aussi basique.

- Les coups les plus simples sont parfois ceux qui fonctionnent le mieux.

- Ne joue pas au plus malin. Je vais droit au but, où sont-elles ?

- Je ne dirai rien.

- C'est un ordre d'un supérieur, dis moi où elles sont. Par cette conversation, j'ai les preuves de ta trahison au Reich, "Les soldats peuvent mourir, les déserteurs doivent mourir" C'est ce que nous a toujours enseigné notre führer, tu le sais, n'est-ce pas ? Déserter est une forme de trahison, tu ne veux pas savoir ce qu'on fait aux traitres comme toi alors dis moi où je peux les trouver et j'oublierai ce qu'il s'est passé ici. Mais si tu t'obstine, je vais devoir te tuer. Je te laisse le choix.

À mon plus grand effroi, je vis Percy s'agenouiller au sol, les mains dans le dos.

- Allez-y, je préfère mourir plutôt que de servir des assassins.

- Tu oses traiter ton propre pays d'assassin ? Nous ne voulons que le bien de l'Allemagne. Cette guerre, c'est eux qui l'ont cherchée avec le traité de Versailles et toutes les humiliations qu'ils nous ont fait subir. Tu ne t'en rappelles pas, non, tu n'étais pas encore né mais je me souviens de la honte que nous avons tous ressentie à notre défaite. Le Führer a relevé l'Allemagne, nous avions faim, froid, il nous a donné du travail et de quoi manger ! Il nous a libéré de ces dettes injustes qui nous mettaient à genoux.

- En tuant des milliers d'innocents qui n'y sont pour rien ! En nous privant de nos droits !

- Il y a toujours des sacrifices à faire lorsque l'on reconstruit un pays !

- Sauf que ce n'est pas lui qui les paye.

L'Untersturmführer soupira et pointa son arme vers Percy.

- J'en viens donc à la conclusion que tu ne changeras pas d'avis, que tu ne nous livreras pas les résistantes. 

Un silence pesant lui répondit.

- Très bien, c'est dommage de mourir pour si peu.

Je plaquai ma main contre ma bouche pour étouffer tous bruits. Je murmurais pour moi-même des paroles l'interdisant de faire ça. Je sursautai en entendant le bruit d'un tir. Je fermai les yeux, refusant de voir, des larmes coulant sur mes joues. Seul le bruit de la douille tombant au sol brisa un instant le silence lourd, m'avertissant que cette fois-ci, ce n'était pas pour du semblant.

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