23 Septembre

23 septembre 1944, Bianca

Je me réveillai en sursaut, une lumière vive dans les yeux.

- Qu'est-ce que tu fais là, toi ? Tonna une grosse voix.

Je me levai précipitamment. Je m'étais endormie la veille dans une vieille grange qui semblait abandonnée. Apparemment, je m'étais trompée. Je n'avais pas trouvé d'autre endroit et je me retrouvais maintenant en face du propriétaire, rouge de colère.

- Sors d'ici et que je ne te revois plus !

Je m'excusai plusieurs fois tout en m'éloignant, laissant ses cris et injures loin derrière. Le soleil se levait à peine à l'horizon, éclairant le ciel de couleurs pâles se mélangeant aux étoiles brillant encore dans la nuit qui s'effaçait. Je retins un bâillement tout en rejoignant la route. Tout était encore paisible. Un léger vent frai me caressait la peau et les oiseaux chantaient dans les arbres. Je fermai un instant les yeux pour savourer le calme, j'en oublierais presque la guerre, la peur, tout ce qui me pèse depuis ces dernières années. C'était comme une pause dans le temps, un moment de délice, de repos avant la tempête. Je rouvris mes paupières et regardai autour de moi. Pas une âme qui vive. Je devrai donc me débrouiller seule pour le moment et commencer le trajet à pied.

Le soleil était presque qu'au Zenith quand je vis que j'étais arrivée à Trento. Je ne m'étais pas rendue compte que j'avais marché autant tellement j'étais perdue dans mes pensées. Je n'avais pas croisé grand monde et me retrouver en ville me fit une impression étrange. Je regardais tout autour de moi. Civils et soldats formaient un curieux mélange. Je fis la grimace en passant devant un bâtiment reconvertit en QG allemand, arborant fièrement les symboles nazis. Je me demandais à quoi il servait avant la guerre, sans doute avait-il meilleur usage que maintenant, une utilisation plus juste. Je continuai à marcher mais fus stopper net en entendant des bruits de coup de feu. J'observai chaque recoin afin de comprendre la situation sous les cris des civils affolés. Les soldats portèrent leur main à leur arme, prêt à dégainer. Il ne semblait pas y avoir de blessés, peut-être étais-ce des balles à blanc. Ensuite des centaines de papiers volèrent dans la ville et se déposèrent sur les dalles. Je les regardai de plus près, c'était des tractes de propagandes. Je souris au fond de moi : La résistance. J'étais heureuse de voir qu'ils agissaient encore sans jamais baisser les bras. J'avais toujours admiré leur courage et leur détermination. Se battre pour ce qui leur semble juste au prix de leur vie pour la liberté des autres. Ils savaient ce qu'ils endureraient s'ils se faisaient prendre mais continuaient malgré tout. Je levai les yeux vers le ciel et aperçu une silhouette féminine courir sur les toits. Je fronçai les sourcils. Nos regards se croisèrent un instant. C'était comme si le temps était en suspension puis, tout aussi brusquement, elle reprit sa course et tous les bruits me revinrent. Il semblait que j'étais la seule à l'avoir remarquée. Je m'écartai discrètement des foules pour rejoindre un recoin calme. Alors que j'étais seule dans une ruelle à l'ombre du Soleil tapant de midi, je fis un tour sur moi-même afin de vérifier qu'il n'y avait bel et bien personne. Soudain, je me fis stoppé dans mon tour par une main se plaquant contre ma bouche. Pas encore ! Je me dégageai puis me retournai pour faire face à une jeune fille. Elle devait avoir à peu près mon âge, un peu plus grande en taille, une silhouette élancée, des yeux bruns perçants et ses cheveux bruns étaient retenus dans une tresse lâche.

- Qui es-tu ? Me demanda-t-elle d'un ton sec.

- C'est plutôt à moi de le demander !

Puis soudain l'évidence me frappa. C'était la fille sur le toit, elle devait sûrement s'assurer que je ne la dénoncerai pas.

- C'est toi tout ça ? Dis-je en désignant la rue d'un geste du menton. Tu es de la rési-

Elle plaqua sa main contre ma bouche, me bloquant entre elle et le mur.

- Le dis pas tout haut, imbécile ! Tu n'imagines pas le nombre de boches à deux mètres ! 

Je lui fis un sourire désolé mais ne pouvais m'empêcher de la regarder avec des étoiles dans les yeux.

- Je dirai rien, je suis une véritable tombe.

- Parler de quoi ? On ne s'est jamais croisées !

Elle s'éloigna mais je la retins par le bras, ne voulant pas finir notre échange.

- J'ai besoin de ton aide, Lâchais-je, redevenant entièrement sérieuse, le regard sombre.

Je ne savais pas pourquoi j'avais dit ça, c'était sorti tout seul. J'ignorais même quel genre d'aide je voulais. J'avais juste envie de partager un peu de temps avec elle, voir le QG de la résistance, je suppose. Elle me regarda un instant, prenant en compte ma demande, les sourcils froncés puis finalement me répondit.

- Rejoins-moi à la fontaine dans trente minutes. Quand je partirai, compte jusque cent avant de toi aussi partir et fais toi discrète. Sinon ce serait jugé suspect, surtout dans cette situation.

Alors elle s'en alla sans un mot de plus. Quand son ombre se perdit dans la foule, je fis exactement comme elle m'avait dit et seulement quand je me retrouvai entourée d'inconnus, je réalisai que je n'avais aucune idée de quelle fontaine elle parlait. J'avais donc une demi-heure pour la trouver.

Après un tour complet de la ville, je vis finalement le jet d'eau dans un parc à l'ombre des arbres. Il n'y avait presque personne aux alentours à pars la jeune fille appuyée contre le rebord en pierre.

- Tu es en retard de cinq minutes, Me dit-elle quand je la rejoignis. Elle se retourna puis ajouta, Suis-moi.

Nous nous enfonçâmes entre les arbres, quittant la ville. Nous marchâmes longtemps, éloignées de toutes civilisations avant de finalement voir un bâtiment en bois. De loin, on pourrait croire qu'il était abandonné mais en approchant, je pouvais apercevoir plusieurs jeunes filles vaquer à leur occupation tout autour.

- Bienvenue à notre QG ! En fait, je m'appelle Zoë Nightshade et toi ?

- Bianca di Angelo.

- Viens avec moi !

Elle m'emmena à l'intérieur. Plusieurs têtes se tournèrent vers moi et me dévisagèrent. Je remarquai qu'il n'y avait aucun garçon.

- Il n'y a que des filles, ici ? Demandais-je.

- La première résistance entièrement féminine ! On nous appelle les chasseresses car depuis le début de la guerre nous chassons notre ennemi sans relâche et avec une précision que jalouserait Apollon lui-même !

- Et aussi parce que notre cheffe nous a appris la chasse afin de pouvoir nous procurer notre nourriture nous-même, Ajouta une fille aux cheveux roux.

- Aussi, merci Phoebe pour la précision. Asseyons-nous ici. Je vais t'expliquer tout ce que tu dois savoir et tu me diras ce que tu désires de moi.

Elle se tira une chaise et je m'installai en face d'elle. Il y eu d'abord un silence gênant puis finalement Zoë se lança.

- Si tu veux savoir, on n'est pas seulement un groupe de résistance. En fait, beaucoup ont tout perdu pendant la guerre. Notre cheffe, Artémis, a décidé de créer ce lieu pour toutes les jeunes filles se retrouvant sans rien ou voulant simplement échapper à la guerre. C'est après qu'on a eu l'idée de se rebeller contre notre système. On ne voulait pas rester les bras croisés. Alors on a agrandi notre groupe, accueillant toutes les filles qui désiraient nous rejoindre. Phoebe et moi faisons partie des plus anciennes. Elle est notre meilleure traqueuse, elle flaire l'ennemi et les bons coups à des kilomètres à la ronde. Quant à moi, je suis la lieutenante. Je remplace Artémis quand elle doit s'absenter. Elle a des contacts avec d'autres réseaux de résistance.

- Pourquoi seulement des filles ?

- Parce qu'on n'a pas besoin d'hommes ! Et aussi pour éviter les amourettes, en venant ici, on doit renoncer aux garçons.

Je fronçai les sourcils, ne comprenant pas.

- Je connais cette tête, on me la fait à chaque fois. "Mais pourquoi renoncer aux garçons ?" C'est simple, imagine que tu tombes amoureuse. Cette personne se fait arrêter ou je ne sais quoi, qu'est-ce que tu fais ? Tu ne dois pas trop t'attacher pour pouvoir garder ton sang-froid dans n'importe quelles situations. S'ils t'attrapent, ils peuvent facilement retomber sur les personnes qui te sont les plus chères comme par exemple par des lettres,... Et puis tu as plus de risque de lâcher le nom de la personne sous la torture. C'est pour ça que dans la plupart des groupes résistants, tu ne peux même pas connaître le nom ni l'adresse des autres. Ici c'est un peu raté puisque nous vivons toutes ensemble. 

J'hochai la tête, c'était parfaitement claire. Ça semblait même évident sur le coup. Il y avait tellement de détails qui semblaient insignifiants mais auxquels il fallait penser.

- Et puis il faut faire attention à qui on fait confiance, il y a déjà eu des histoires qui ne sont pas agréables à raconter, encore moins à vivre. Mais parlons d'autre chose, qu'est-ce qui t'amène ici ?

- Je cherche mon frère.

- C'est pas ici que tu le trouveras.

Elle fit la grimace, désolée.

- Je m'en doute. La dernière fois que je l'ai vu, c'était à Venise, il y a plus d'une semaine.

Elle fronça les sourcils, réfléchissant puis me regarda droit dans les yeux.

- C'est au moment où il y a eu les bombardements, n'est-ce pas ?

J'hochai tristement la tête.

- C'est à ce moment-là que je l'ai perdu. Mais je sais qu'il a survécu !

- Tu as cherché parmi les décombres ? J'ai entendu dire qu'il y a eu énormément de personnes arrêtées de jour-là.

- Je n'ai pas pu, à cause de mon père. Longue histoire.

- Qu'est-ce que tu veux qu'on fasse pour toi ?

- Je ne sais pas trop...

Elle soupira en se laissant retomber contre le dossier de sa chaise.

- Pendant un instant j'ai cru que tu voulais nous rejoindre.

- J'ai toujours voulu aider mon pays mais d'abord je dois retrouver mon frère.

- Je comprends. 

- Mais peut-être après, je serais heureuse de vous rejoindre !

- Et nous serions heureuse de t'accueillir !

Nous nous serrâmes la main en entonnant en chœur "Marché conclu".

- J'aimerais pouvoir te dire que tu retrouveras ton frère mais on n'est sûr de rien, surtout par les temps qui courent. Elle fit une pause puis reprit, voyant ma mine déconfite, Je comptais aller à Venise.

Je relevai la tête et la regardai avec espoir.

- Artémis y est allée peu avant les bombardements pour une réunion importante. Elle devait rentrer déjà il y a quelques jours. Elle ne voulait pas qu'on aille à sa recherche s'il lui arrivait quelque chose mais je m'inquiète pour elle. On pourra faire le chemin ensemble.

J'acquiesçai, un sourire aux lèvres. Je m'étais enfin trouvée une compagne de route.

- Mais tout d'abord tu as besoin de repos, ça se voit. Nous resterons ici l'après-midi pour préparer notre route et partirons demain à l'aube.

Elle se leva, j'en fis de même, et sortit dehors.

- Thalia ! Appela-t-elle.

Une jeune fille aux cheveux noirs hérissés apparues en face de nous.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Oh, bonjour, une nouvelle ? Moi c'est Thalia !

Je lui serrai la main tout en me présentant.

- Elle ne rejoint pas les chasseresses, du moins pas pour l'instant. Je pars avec elle à Venise pour voir comment va Artémis -

- Mais, elle a dit -

- Je sais ce qu'elle a dit mais je sens qu'elle est en danger. En attendant, tu me remplaceras pendant mon absence, tu es la mieux qualifiée et je te fais confiance.

- Et Phoebe ?

- Elle n'a pas l'âme d'une leader. N'ais pas peur, tu t'en sortiras très bien !

- C'est toi qui le dit...

Elle continua à marmonner tout en s'éloignant.

- Une dernière chose, préviens tout le monde qu'il y aura une réunion ce soir, il faudra que j'explique un peu tout ça.

Thalia fit le geste militaire, signifiant qu'elle avait bien reçu le message puis retourna à ses occupations.

- À nous deux, donc, on a du pain sur la planche !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top