21 Septembre

21 Septembre 1944, Bianca

Je vous épargne tout le voyage en Suisse. Il ne s'est pas passé grand chose, seulement des voyages en train, la rencontre d'une famille très gentille, une anecdote assez gênante sur la mauvaise prononciation d'un mot français que je ne raconterai pas et rien de bien amusant. 

Me voici afin à la partie intéressante du voyage, enfin la partie où je suppose qu'il y aura le plus d'actions. Ça faisait maintenant quinze kilomètres que je marchais sous un soleil de plomb. J'étais fatiguée, j'avais soif et m'arrêtai seulement quand je vis enfin le panneau "Italia". Je m'assis un peu devant pour boire un coup. Lorsque j'étais de nouveau debout, je soufflai un bon coup, chassant le stresse et l'excitation d'être enfin de retour dans mon pays natal. Je ne cacherais pas non plus que j'étais soulagée de pouvoir de nouveau parler dans ma langue maternelle. J'avançai d'un pas, il ne se passa pas grand chose, évidemment, mais pleins d'émotions me traversèrent alors que j'avais franchi la ligne séparant la Suisse de l'Italie.

Je marchai un peu et rien ne me semblait bien différent de la Suisse finalement. Pourtant, je ne pouvais m'empêcher de me sentir comme une bête traquée. Je ne savais pas comment serait vu une personne traversant la frontière alors je fis attention d'attirer les regards le moins possible. Normalement il y a des contrôles à la frontière mais j'avais fait en sorte de ne pas passer par la route afin de les éviter. 

Je rejoignis un petit village en pleine campagne. Du coin de l'œil, je vis rapidement un Feldgendarme regarder dans ma direction. Je décidai de l'ignorer et faire comme si j'avais toujours été ici. J'essayais de garder une respiration calme, toute peur sur mon visage ou air suspect pouvait me donner des ennuies. Nous approchions de la fin de la guerre et les allemands étaient beaucoup plus sur leur garde. Ils savaient qu'ils allaient sûrement perdre, ils ne voulaient pas refaire comme le traité de Versailles qui les avait plongé dans une crise horrible. Alors ils tentaient le tout pour le tout, essayant de dénicher les réseaux de résistance le plus vite possible avant que leur fin ne soit vraiment inévitable. Je pense qu'à ce stade, certains ne se préoccupaient même plus de gagner la guerre mais simplement d'avoir le moins de problèmes possible. Dit comme ça, j'aurais presque envie d'avoir pitié d'eux, j'ai bien dit "presque". Je n'oubliais pas tout ce qu'ils avaient fait, ainsi que la mort de Mama, mon frère disparu, les familles déchirées. Toutes ces personnes disparues envoyées à l'Est, nous n'avons jamais su ce qui s'y déroulait et je n'étais pas sûre de vouloir le savoir. Nous devinions qu'ils avaient trouvé un moyen de se débarrasser des juifs en masse mais comment ? Seule la curiosité veut le savoir, ma conscience préfère rester dans l'ignorance. C'est peut-être égoïste pour la misère que doivent vivre toutes ces personnes mais j'ai déjà vu beaucoup trop pour un trop jeune âge, je ne sais pas si je supporterais d'apprendre encore plus d'horreurs. Ironique pour moi qui me suis lancée dans un voyage en plein cœur du IIIe Reich, là où la morale n'existe plus. J'ai découvert avec le début de la guerre l'ampleur que pouvait prendre l'horreur humaine et la folie des dirigeants. Jamais je n'aurais imaginé que des personnes pourraient aller aussi loin pour des idéologies. Le pire c'est que tout est venu tellement petit à petit sans prévenir que seulement lorsque l'on s'est rendu compte de toute l'horreur, il était trop tard. Nous sommes arrivés à un stade où le bien et le mal n'existent plus et s'en était effrayant. Je secouai la tête pour penser à autre chose, je devais me concentrer sur ma mission.

Je continuai à marcher tout en surveillant le Feldgendarme derrière moi qui semblait ne pas vouloir me lâcher du regard. Je fis quelques pas avant de me retourner, une idée derrière la tête. J'avançai vers lui, je devais vérifier un truc. Il se redressa en me voyant approcher et me salua d'un mouvement de képi.

- Buongiorno, Commençais-je en italien.

Il me fit un signe de tête tout en répondant en italien avec un accent allemand très prononcé. Je commençai alors une discussion tout en continuant de parler italien. Il me regardait avec de grands yeux, hochant par-ci par-là la tête. C'était bien ce qu'il me semblait, il ne comprenait pas un mot d'italien. Alors je lui dis au revoir et m'en allai. Je changeai de temps en temps de rue sans vraiment réfléchir à où j'allais, juste pour brouiller mes déplacements et rendre plus difficile de me suivre. Ce soldat ne m'inspirait pas confiance, il y avait quelque chose... J'avais l'impression qu'il me surveillait. Je continuai mon petit manège encore quelques minutes avant d'enfin tomber sur une dame. Je m'avançai vers elle.

- Bonjour Madame, désolé de vous déranger, puis-je vous poser une question ?

Elle se tourna vers moi surprise avant d'hocher la tête. Elle portait une robe longue et délavée, ses boucles brunes étaient relevées dans un chignon serré. On pouvait voir sur son visage toute la souffrance de la guerre, surtout marquée par ses cernes et ses joues creuses.

- Qu'y a-t-il ?

- Savez-vous où nous sommes ?

Je pris une carte que je gardais dans mon sac et la lui tendis. Elle l'examina quelques minutes avant de me répondre.

- Nous sommes plus ou moins dans cette région, je ne saurais pas t'en dire plus. La prochaine fois, prends une carte un peu plus précise.

J'hochai la tête et la remerciai avant de m'éloigner, la laissant vaquer à ses occupations. Je marchai un peu tout en prenant ma boussole, réfléchissant dans quelle direction aller. Je m'assis contre un arbre et regardai la carte plus attentivement. J'étais encore à presque trois cents kilomètres de Venise. Si j'avais une voiture, j'aurais pu le faire en une journée mais malheureusement j'étais à pied. À ce rythme j'arriverai beaucoup trop tard. Je devais trouver un transport.

Ça faisait trois heures que je marchais et j'étais perdue au milieu de nulle part. Je supposais que la vie devait être plus dure près des frontières comme les Allemands s'étaient donnés comme mission de ne laisser personne sortir. Pourtant j'étais à la campagne, j'avais entendu qu'ils avaient été moins touchés par la guerre mais en même temps plusieurs raisons pourrait laisser croire que c'était eux qui souffraient le plus. Enfin peu importe, ce n'est pas un concours de qui souffrira le plus, je pense que chacun a été touché à sa manière, de manière plus ou moins violente. Il est vrai que certains sont plus à plaindre que d'autres mais nous sommes tous dans la même misère à devoir s'entre-aider comme on peut. En attendant le soleil commençait déjà à s'approcher de l'horizon, je devais donc trouver un endroit où dormir, seulement il n'y avait toujours personne ici. D'un côté je me disais qu'étant au milieu de nulle part, je ne risquais pas d'avoir d'ennuie avec le couvre-feu ni de croiser quelqu'un mais en même temps, je ne voulais pas prendre de risque inutilement. Si je continue à marcher tout droit, je devrais finir par trouver un village et quelqu'un pour m'héberger.

Je ne voyais toujours rien et les étoiles commençaient déjà à s'allumer dans le ciel. Je n'étais pas du genre à avoir peur du noir mais je n'étais pas à l'aise de marcher dans la nuit avec tous les petits bruits et le risque de me faire prendre. J'avais entendu des histoires atroces sur des personnes s'étant aventurés dehors la nuit sans autorisation. C'était arrivé plus d'une fois de trouver des corps par terre, pendu ou des personnes tout simplement portées disparues pour avoir tenté de fuir le pays ou d'agir contre le gouvernement. Le matin était le pire moment pour moi, je n'aimais pas m'endormir. J'avais toujours peur en me réveillant de découvrir ce que les Allemands avaient fait pendant que je n'étais pas consciente. J'avais cette peur ancrée en moi de me laisser à la protection de quelqu'un d'autre, je détestais perdre conscience de ce qui m'entourait. Une peur qui me venait de la guerre, je n'avais pas ça enfant. Je continuais à marcher, essayant de calmer la panique qui montait en moi quand j'entendis un bruit juste derrière. Je sursautai et voulus crier mais une main se plaqua contre ma bouche pour me faire taire.

Je me retournai lentement pour faire face au Feldgendarme de tout à l'heure. Je ne pouvais que distinguer son regard agacer dans le noir de la nuit. Il commença à parler en Allemand d'une voix autoritaire puis s'interrompit voyant que je ne comprenais pas. Il soupira puis repris en anglais.

- What are you doing here ? (Que fais-tu ici ?)

- I-I'm lost, Répondis-je d'une petite voix, feignant la détresse ce qui n'était pas compliqué vu que j'étais terrifiée. (Je suis perdue)

- You can't stay outside alone at night, Il essayait de paraître rassurant mais je sentais bien que ce n'était qu'une façade. Je ne pouvais pas m'empêcher de trembler. (Tu ne peux pas rester dehors seule la nuit.)

- I know, I would like to go home but I don't' know where - (Je sais, j'aimerais rentrer à la maison mais je ne sais pas où -)

- Come with me. You're lucky it's me. If you stay here, you'll be in trouble. (Viens avec moi. Tu as de la chance que ce soit moi. Si tu restes ici, tu vas avoir des problèmes.)

Il ne me laissa pas le temps de répondre qu'il m'empoigna par le bras et descendit rapidement le sentier. Je devais faire des efforts pour réussir à suivre son rythme. Nous arrivâmes à un véhicule typique de l'armée allemande. J'hésitai un instant mais il me força à monter dedans. Il alla du côté conducteur et mit le moteur en route.

- The nearest village is far. I'll take you there and then I'll let you fend for yourself. You don't look dangerous, so I'll get off your back but I don't want to see you outside at night again. (Le village le plus proche est loin. Je t'y conduis et après je te laisserai te débrouiller. Tu n'as pas l'air dangereuse, donc je te laisserai tranquille mais je ne veux plus te voir dehors la nuit de nouveau.)

J'hochai la tête en tremblant puis fixai mon regard dehors, le plus loin possible de sa personne. 

- You have to be careful, it's dangerous to stay outside at night. I'm saying that for you. I didn't choose the rules but I have to respect them. I didn't want this war. I'll be cool this time but I can't be cool everytime. If it was not me, you would be dead. (Tu dois faire attention, c'est dangereux de rester dehors la nuit. Je dis ça pour toi. Je n'ai pas choisi les règles mais je dois les respecter. Je n'ai pas voulu cette guerre. Je serai cool cette fois-ci mais je ne peux pas l'être à chaque fois. Si ce n'était pas moi, tu serais morte.)

Je me tournai vers lui. Qui était-il pour me faire la morale ? J'ai perdu ma famille à cause d'eux et il ose essayer d'être protecteur avec moi ? Il ose me dire quoi faire ? Et en plus il essaye de se faire passer pour un gentil. J'ignorais ce qu'il a fait dans sa vie mais je suis sûre qu'il est l'auteur de beaucoup d'atrocités. De toute façon, rien que de travailler avec les allemands le rend immédiatement un criminel. Je tentai de me calmer, ça ne servait à rien de s'énerver. J'étais seule dans une voiture avec un soldat nazi armé, valait mieux le garder de mon côté. Je pris un regard de jeune fille perdue.

- I know, I'm sorry... (Je sais, je suis désolée.)

Il soupira. Il n'avait pas l'air entièrement convaincu par ma performance.

- That's okay. (Ce n'est rien.)

Nous longions une forêt à présent. Il ouvrit la bouche pour rajouter quelque chose mais des bruits se firent entendre dehors. Il arrêta alors brusquement la voiture, prit son arme et sortit doucement.

- Stay here, Me chuchota-t-il autoritairement. (Reste ici.)

Je ne comptais pas partir de toute façon. Un transport gratuit et en toute sécurité, enfin façon de parler, vers le prochain village. Vu le temps depuis lequel on roule, j'ai déjà gagné pas mal de distance.

Je jetai un coup d'œil par la vitre mais ne voyait rien à cause du noir. Il faisait silencieux, seuls des bruits de pas se faisaient entendre de temps en temps. Soudain il y eu des cris. Je me bouchai les oreilles et fermai les yeux. Je savais que ça ne servait à rien mais je redoutais la suite. Un coup de feu. Suivi d'un deuxième. Un silence de mort. Tout mon corps tremblait et je sursautai quand j'entendis des pas revenir. Le Feldgendarme rangea son arme et se rassit devant le volant comme si rien ne s'était passé. J'appuyai ma tête contre la vitre tout en essayant de contrôler mes tremblements pendant qu'il démarra la voiture. Il me jeta un coup d'œil.

- It was nothing, armed resistance fighters. (Ce n'était rien, des résistants armés.)

Il avait parlé d'une voix calme et détachée, comme si tout était normal. Je me tournai vers lui et répondis d'une petite voix.

- Why ? Why did you kill them ? (Pourquoi ? Pourquoi tu les as tués ?)

- Because if I didn't kill them, they would kill me. Kill or be killed, this is the rule. (Parce que si je ne les avais pas tués, ils m'auraient tué. Tuer ou être tué, c'est la règle.)

- I don't like this rule... (Je n'aime pas cette règle...)

Il ne répondit pas, se concentrant sur la route. Finalement, après plusieurs minutes dans un silence lourd, il arrêta la voiture dans un petit village. Il fit mine d'aller m'ouvrir la portière mais je m'empressai de le faire, lui lançant un regard de défi.

- It's the end of the trip ! (C'est la fin du voyage !)

- Not for me, Répondis-je sur la défensive. (Pas pour moi.)

Il me lança un regard prudent en fronçant les sourcils puis finit par hausser des épaules.

- So, good luck for the next. (Du coup, bonne chance pour la suite.)

Il me salua avec son képi en s'éloignant puis revint rapidement.

- And I'm Percy Jackson. (Et je m'appelle Percy Jackson.)

- Bianca, Dis-je en répondant à sa poigné de main.

Il s'éloigna alors pour de bon et je partis de mon côté. C'était un soldat bien curieux. J'avais déjà croisé beaucoup de soldats allemands mais jamais des comme ça. Peu importe, c'était le milieu de la nuit et il fallait que je trouve un endroit où dormir sans me faire chopper. Il avait raison, j'ai eu beaucoup de chances d'être tombée sur lui, je n'en aurai pas autant pour la suite.

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