Le petit peintre français
Encre ne savait pas trop quoi faire en ce ténébreux matin de novembre. Il ne dormait plus depuis plusieurs heures mais il ne savait pas comment occuper son temps.
Incapable de rester enfermé plus longtemps, il finit par mettre une cape de velours pourpre brodée avant de se rendre jusqu'au marché de l’imposant village où il habitait depuis un an. Une longue année de solitude dans un pays où peu de gens le comprenait et où l’on le dénigrait lorsqu’il avait le dos tourné.
Sans prêter plus attention aux murmures sur son passage, ni au vent frais qui rejetait son capuchon, ni à la pluie froide qui coulait le long de son front et de l'arrête de son nez, il furetait parmi les allées. Seules l’intéressaient les étales colorées des marchands de pigments, de toiles, de bois et de matériel d'art. Ils étaient peu nombreux mais le jeune peintre savait exactement ce qu'il cherchait. Des pigments pour créer sa peinture et ses couleurs. Du rouge, de l'oranger, du blanc, de l'ocre...Il restait émerveillé de voir tout ce que son fournisseur habituel avait dans ses bocaux.
-Toujours fidèle au poste, sir Encre ? fit le marchand dans un français rudimentaire, langue natale du peintre.
-Oui, sourit ce dernier. Vous avez de l'ocre rouge ? De la terre verte ? Du noir d’ivoir ? Du safran ?
-More slowly please...Oui, j’en ai reçu ! Pas beaucoup mais je me suis débrouillé pour en garder pour vous, mister.
-Merci beaucoup !
Le vendeur lui présenta sa marchandise et les yeux d’Encre brillaient d'excitation, comme un gamin devant un nouveau jouet. Puis, il en mit quelques quantités dans de petits sachets de toile avant de les tendre au peintre qui paya ses achat.
-Merci infiniment ! Je n'aurai jamais pensé trouver...tout ce...dont...
Soudain, son regard se figea sur un petit bocal content une fine poudre bleue et un petit morceau de minerai, bleu également.
-Oh...c’est...du lapis-lazuli ? interrogea le squelette en examinant le récipient.
-Yes ! C’est un arrivage très rare, vous savez.
-Il est magnifique...
Puis, à regret, il lâcha la merveille et sourit face à l’incompréhension de son fournisseur.
-Jamais ma bourse ne contiendra l’argent suffisant...Peut être une prochaine fois. Merci pour tout !
Il s'apprêtait à repartir lorsqu'une main se posa sur son épaule, le faisant sursauter.
-Well...It’s rare...Mais je sais que vous en ferez bon usage.
Il lui tendit le bocal et lui fit un grand sourire.
-Good luck for your next masterpieces ! le salua le marchand en s'amusant des remerciements bredouillés de son client.
Ce dernier s'éloigna, plus heureux que jamais. Ils s'arrêta ensuite chez un marchand de toile et dut cette fois fermement négocier son prix. Pareil avec le vendeur de bois. Les pinceaux, en revanche, lui furent facile à acquérir.
Il avait trouvé son bonheur et rentrait chez lui, plus heureux que jamais, lorsqu'une silhouette drapée d'une longue cape sombre le percuta de plein fouet, manquant de le faire trébucher. Un peu sonné, l’artiste bredouilla quelques excuses mais l’inconnu, dont il ne voyait pas le visage, caché sous une cape, le prit de court.
-Sorry, I haven’t seen you...
-Je...c’est moi... je ne...
Mais déjà la silhouette avait disparu. N'y prêtant guère plus d'attention, il poussa la porte de son petit atelier et se débarrassant de son capuchon et de ses achats, les posant en vrac sur la table. Il lui restait un dernier problème à régler, dont il ne perçut l'ampleur que lorsqu'il se retrouva à mélanger ses pigments. Qu’est-ce qu'il allait bien pouvoir peindre ?
-Il y a bien la forêt mais ils disent tous qu’elle est maudite, marmonna Encre en attrapant un fusain pour esquisser les contour d'un paysage.
Une nuit étoilée...avec de subtiles notes argentées...et une atmosphère apaisante et mystique...et une touche de fantaisie...Il le voyait, ce paysage. Bien avant que son croquis ne soit terminé. Il voyait les nuances bleues, les reflets, les reliefs... Il termina son crayonné et attaqua la couleur, l’étape la plus longue et la plus délicate. En mélangeant ses pigments, il en voyait chaque nuances.
L’artiste trempa son pinceau dans la couleur nouvellement obtenue et effleura la toile tendue. Et ce fut une frénésie de couleur et de concentration. Il y passa la journée avant de s’apercevoir que la lumière naturelle du jour déclinait doucement. Absorbé par son tableau, il avait manqué deux repas ! Tant pis, il préférait de loin peindre, encore et toujours, même si les villageois trouvaient cela bizarre. Encre termina son tableau à la lueur des bougies et en admira le résultat. C'était le reflet exacte de son imagination.
-J'espère que quelqu'un sera intéressé cette fois, soupira l’artiste en imaginant le deuxième jour de marché de la semaine, journée où il exposait ses tableaux, espérant gagner un minimum d'argent.
Et, le lendemain, la journée commença mal. Personne ne s'arrêtait devant l'étale du petit français. Du moins, pas pour acheter ses oeuvres. Eterna s’y arrêta, mais elle était plus moqueuse qu’autre chose, même si elle était un peu rude. Ses longs cheveux roux et sa morphologie de poisson ne la laissait pas passer inaperçue.
-So mister Encre, vous allez bien ?
-Peu de clients mais ça va, sourit le peintre en se forçant à être joyeux. Et vous ?
-Ç’aurait pu aller mieux si j'avais eu la tête de ce maudits vampire hier soir ! ragea la chasseuse de vampire auto-proclamée par le village. Il rodait près des habitations. J'étais à ÇA de lui transpercer le coeur ! Et Lofy aurait eu un sujet d'expérience intéressant.
-Il ne nous voulait probablement aucun mal, marmonna le peintre en désaccord.
-Il n’y a bien qu'un étranger pour dire ça ! ricana Eterna en s'éloignant. Good luck mister !
La matinée, puis l’après-midi se passèrent de la même manière. Aucun clients, aucune personne ne venant lui parler. Encre commençait à désespérer lorsqu'une voix l'interpella.
-Excuse-me sir... Is this your paintings ?
Surpris, l’artiste releva la tête et reconnu l'inconnu en cape de la journée précédente.
-Oh c’est vous ! Encore désolé pour hier, j’étais distrait et je ne vous avais pas vu.
-That’s nothing, realy. Can I see this picture ?
Il désigna le tableau peint la veille. Très heureux que quelqu’un s'intéresse à ses oeuvres, Encre lui apporta la toile que l'inconnu sembla détailler.
-It’s realy beatiful...details, colors, impressions...I would like to buy it, can I ?
Le français fut on ne peut plus surpris.
-Bien sûr que vous pouvez ! Ils sont là pour ça !
-Do you have a price ?
-Euh...eh bien...je...tenez.
Encre lui tendit un morceau de papier sur lequel le prix était inscrit. Son mystérieux client émit un petit rire.
-It’s cheap. Too cheap.
-Mais c’est le prix que j'en demande, répliqua l’artiste. L’art ne devrait pas être réservé qu’aux personnes de bonnes familles, ou fortunées.
Surpris, l’inconnu le dévisagea longuement et le peintre sentit ses os se glacer.
-You are strange mister Encre... I respect your opinion but I realy think your price is too much cheap.
Avant que l’artiste n'ait pu protester, son client lui glissa une bourse conséquente dans la main. Il s'apprêtait à repartir, son achat sous le bras, lorsque le squelette, encore ébahi, lui posa une question.
-Pourrais-je connaître votre nom ?
L'inconnu s'arrêta un instant et, avant de disparaître dans une allée, répondit d'une voix sourde.
-My name is...Fallacy...
Le peintre resta un moment encore, espérant vendre une autre toile mais personne d'autre ne s'arrêta. Il rangea ses oeuvres et rentra chez lui, se demandant encore qui pouvait être ce fameux Fallacy, qui lui avait offert une bourse contenant le triple du prix qu'il demandait, pour un simple tableau...
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