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Hope
Je n'en reviens pas qu'il n'ait pas saisi que sa sœur allait m'accompagner, à l'intérieur. En attendant, je vais devoir prendre la parole, me mettre en avant et je déteste ça. Quel con ce mec, je vous jure! Je prends une brève inspiration, pousse la porte.
Il s'agit en fait d'un petit diner, où les personnes y mangent avant d'aller bouloter. La décoration est assez moderne, ce qu'il me plait et l'endroit a l'air de bien marcher.
Je me faufile entre les tables, mon cv entre les mains et me dirige au comptoir. Une serveuse de la cinquantaine, avec une coupe très masculine me toise et je déglutis.
Ca commence bien.
Elle remonte ses lunettes aux épaisses montures rouges, verse du café dans la tasse d'un homme au bar.
—C'est pour ?
—Un travail. Euh. Enfin, j'ai un cv et...
—Charles !
Je sursaute quand elle crie. Putain mais elle est folle en plus d'être antipathique ?
Un homme chauve, avec un tablier noué autour de son ventre bien gonflé sort de l'arrière salle. Il n'a pas l'air plus commode que la femme, en fin de compte.
—Quoi encore ?
Elle ne répond pas, se contente d'un signe du menton vers moi et l'homme me regarde, de la tête aux pieds.
—C'est pourquoi ?
—Euh...Du travail, on m'a dit que...
—Je m'en fous de ce qu'on t'a dit. T'es d'où ? Je n't'ai jamais vue.
Je tremble, mal à l'aise. Je crois que je pourrais tomber là s'il continue à me parler comme ça.
—De Jools, dis-je en balbutiant.
—Bah vas trouver du boulot à Jools.
Je soupire longuement, au bord des larmes. L'homme retourne dans sa cuisine tandis que la femme ne me calcule déjà plus. Mon avenir ici promet d'être radieux, je le sens.
Je ne sais pas comment mais j'arrive à sortir de ce restaurant de merde, sans tomber ni pleurer. Moi qui pensais que les habitants d'ici seraient sympas, je me suis bien trompée. Je prends une longue inspiration en essayant de calmer mes nerfs à fleur de peau. Et dire que je n'ai pas le choix d'aller rejoindre le gros lourd à son travail.
Note à moi-même : La prochaine fois, je viens avec ma bagnole.
Je traverse la rue et frémis en sentant le soleil qui se réchauffe. Je finis par enlever mon pull, et me laisse guider par les bruits de boulonneuses.
Le garage n'a pas de marque spécifique, et je jette un œil aux voitures sur le devant. Il y en a de vraiment belles, mais sans boulot, je peux rêver avant de remplacer ma Titine.
Je repère facilement Taylor dans la horde de mécaniciens. Enfin, ce n'est pas bien compliqué puisqu'il est le plus grand. Il travaille sous un capot et je m'avance sans faire de bruit entre les pneus sur le sol.
Quand j'arrive derrière son dos, je le tape en criant. Sa tête heurte violement le capot et ses collègues se marrent.
—Putain mais t'es vraiment pas normale, toi !
Je ris de bon cœur alors qu'il se tient la tête. C'était trop drôle, et à refaire.
—Désolée, dis-je en riant. C'était trop tentant.
Il se met à rire aussi et replonge dans son moteur.
Je m'appuie sur la voiture, le regarde à l'œuvre.
—Tu fais quoi ?
Ses yeux gris remontent vers les miens et je souris. Je ne veux pas qu'il soit fâché et refuse de me ramener chez moi. Autant me montrer docile, aujourd'hui.
—Je fais un entretien.
—Ah.
—Ah, répète-t-il.
Il enlève une pièce que je ne connais pas et je le regarde. Il est beau, il n'y a rien à dire là-dessus. Sa barbe rasée de très près le rend même sexy. S'il n'était pas aussi mesquin, je pourrais craquer pour lui.
—Et ton job ? demande-t-il en fouillant un tiroir.
Je m'assois sur des vieux pneus, soupire en croisant les bras sur mes cuisses.
—Non.
—Non ?
—T'as mangé un perroquet ou bien ? Je t'ai dit que c'était non.
Il secoue la tête, saoulé par mes piques.
—Pourtant ils engagent. Lisa me l'a encore répété ce matin.
—Bah écoute... Ils n'ont même pas pris le temps de regarder mon cv.
Il hausse un sourcil et ses yeux deviennent sombres. Qu'est-ce qu'il a encore ?
—Comment ça ? File- moi ton cv.
—Pas avec tes mains dégueulasses.
Il ronchonne, comme à son habitude et s'essuie les mains. Je lui tends mon cv qu'il lit.
—T'as déjà été serveuse.
Ce n'est pas une question mais j'acquiesce. Ce n'est pas un secret, ça.
—Reste là, j'arrive.
Il jette le drap à terre et je panique en voyant qu'il part vers le restaurant. Non mais il est fou ?!
—Taylor, non !
Je me précipite devant lui, paniquée.
Il me domine de sa taille et je dois presque me faire un torticolis pour pouvoir le regarder.
—Pourquoi ils ont dit non ?
Je ne sais même pas pourquoi il se met dans tous ses états. Il n'y a pas mort d'homme à ce que je sache.
—Parce que je ne suis pas d'ici. Peut-être mon accent, je n'en sais rien.
—Et bien justement. Tu vas l'avoir cette place.
Il avance et je recule pour lui barrer le chemin.
—Arrêtes. J'aurais même la place que je n'irais pas. Ils ne sont vraiment pas sympas.
—T'es une emmerdeuse. Tu veux pas un boulot ou non ?
Je le fixe droit dans les yeux, pose mes mains sur son torse pour lui éviter d'avancer.
—Pas de cette façon, non. Je vais aller voir ailleurs ! Tu ne mets pas ton nez dans mes affaires.
Il regarde mes mains posées sur son ventre, un sourire en coin. Et merde. Je les enlève rapidement avant qu'il ne se fasse des idées.
—Remets tes mains. J'aime bien quand elles sont sur moi.
—Et puis quoi encore ? Faut te faire soigner mon pauvre.
—Je vais aller les trouver alors.
Je fronce les sourcils, me mords l'intérieur de la joue. Il est dingue.
—Vas les trouver, je m'en fiche. Et rends-moi ça, dis-je en prenant mon cv de ses mains, j'ai du boulot à trouver.
Je pars sans attendre mon reste, le sourire aux lèvres. J'ose me retourner et lui fais un petit signe quand je remarque qu'il me mate. Ce mec est un obsédé. Il ne pense qu'à ça et à chaque fois que je le surprends à me regarder, ses yeux sont rivés sur mon cul ou mes jambes. Il est vraiment bizarre.
—Reviens à midi trente, on déjeunera ensemble, bébé.
Je lève mon majeur vers lui, et l'entends rire.
******
A midi pile, je sors souriante de chez la fleuriste. Elle est vraiment hyper gentille et même si je ne m'y connais absolument rien dans les fleurs, elle a accepté de me donner ma chance. Je commence donc le lundi qui suit, avec trois jours d'essai. J'ai hâte de commencer, vraiment mais d'un côté cette semaine à chômer me permettra de ranger mes affaires.
En plus, je suis à deux rues du garage où bosse tête de cul. Je me réjouis de lui dire que j'ai trouvé un boulot, je pense qu'il s'en fout mais bon. Quoi que sa réaction au matin m'a perturbée. J'aurais été mal à l'aise s'il avait été trouvé les restaurateurs. Et puis, je ne veux pas devoir le remercier pour quoi que ce soit.
Je m'avance vers le garage, m'arrête quand je le vois avec la blonde de l'autre fois. Il est tout sourire, là. Et à en croire le sourire qu'elle lui rend, je suis certaine qu'il doit être sympa avec elle.
Ouais, tu m'étonnes. Si elle écarte ses cuisses aussi facilement pour lui, normal.
Il se penche et elle l'embrasse sur la joue, enfin sur la joue... C'est presque sur la bouche.
Elle remonte dans sa voiture de "Barbie je me la pète" et klaxonne en partant.
Je m'approche alors et Taylor me remarque avant que je ne lui fasse encore peur.
—T'en tire une de ses gueules. T'as pas trouvé ?
—J'ai un visage, pas une gueule, lui dis-je froidement. Merci. Si j'ai trouvé.
—Bah bordel, souris alors. On dirait que tu viens d'enterrer quelqu'un.
Il retourne à son travail et je le regarde enlever un pneu d'une jante.
—C'est où ?
Je me rappelle que je n'ai pas cinq ans et que je ne dois pas répondre « dans ton cul ».
—Chez la fleuriste.
Il rit. Il se fout de ma gueule ? Sérieux ? Je pourrais bien me foutre de lui moi aussi, avec sa combinaison bleue nouée autour de sa taille. Je suis sûre qu'il ne sait même pas la mettre normalement tellement il est grand.
—Bon Mario Bros, t'as fini ? On peut aller manger ?
—Je finis ça et après je suis toi, chérie.
Je lui fais un doigt d'honneur en guise de réponse. Chérie ? Qu'il aille se faire foutre avec sa Barbie oui.
J'essaie de me calmer, parce qu'au final je m'énerve toute seule. Je ne sais même pas ce que j'ai. J'étais de bonne humeur jusqu'à... Jusqu'à ce que je les voie ensemble. Et je m'énerve encore plus. Je ne veux pas être jalouse. Je ne peux pas être jalouse. Il n'est rien, absolument rien pour moi et je ne suis rien pour lui.
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