3.

Hope

Faire rentrer cet homme dans ma voiture est tout une affaire. Il faut dire qu'il doit faire dans les deux mètres, ou pas loin et que sa carrure équivaut à trois fois la mienne. Si je ne flipperai pas, j'éclaterais de rire bien haut et fort jusqu'à me faire pipi dessus. Sauf que le regard qu'il me lance quand je grimpe à mon tour dans l'habitacle, me lance des éclairs et me terrorise.

—Euh... Vous pouvez me guider ? Je suis nouvelle ici et je ne connais rien.
La blonde derrière ricane. Qu'est-ce qu'elle m'énerve ! C'est exactement le genre de filles que j'évite comme la peste. Et à voir qu'elle était prête à se faire sauter sur un capot, ça me montre l'estime qu'elle a réellement pour elle.

—Je sais, râle le grand type.
C'est dommage qu'il soit si bougon parce qu'honnêtement, il est très bel homme. Ses cheveux bruns en bataille le rendent divinement sexy mais ce que j'aime le plus, ce sont ses yeux gris. Oui, je connais la couleur de ses yeux ! Il m'a tellement fixée avec les yeux écarquillés que je ne pouvais pas les louper, de toute façon.

—Vous savez ? M'étonné-je.

Il ne me répond pas et soupire quand j'essaie de faire démarrer ma Titine. Apparemment, elle a décidé d'encore faire des caprices même si elle a roulé toute la journée.
Quand elle démarre, le balèze marmonne dans sa barbe et Barbie cul à l'air s'écrie d'un « Enfin pas trop tôt ». Je l'emmerde, clairement.
Je ne visais pas sa voiture, vraiment pas. Juste sa tête. Quelle idée de se ramener devant chez les gens pour s'envoyer en l'air aussi. Il habiterait à Jools, tous les habitants seraient déjà au courant.
Sauf qu'on n'est plus à Jools. On est à Sakloi. 



Un silence plus que pesant règne dans l'habitacle. Les seuls mots prononcés étant « gauche, droite, avance, va plus vite, et putain ». Charmante balade nocturne. Quand je reçois l'ordre de m'arrêter, la blonde descend. J'attends que monsieur grognon en fasse de même, mais non. Ah...

—Je vais te guider jusqu'à chez moi.
—Okayyyyy...

Il se détend un peu quand je redémarre et ça me déstresse, par la même occasion.
—Je n'arrive pas à croire que tu roules comme une mamie de quatre-vingt-dix ans.

—Je vous emmerde.
Et c'est vrai, bien profondément. Si monsieur n'est pas content, il n'a qu'à reprendre sa bagnole de sport au parebrise fissuré.

Un sourire arrogant étire ses lèvres et je me reconcentre sur la route.

—Ton nom ?

—Ca ne vous regarde pas.

Il se marre. Quel con.

—Je suis Taylor, le fils de ta propriétaire. Alors parle-moi autrement.

Je déglutis, continue de longer la route en attendant ses prochaines instructions.
—Laisse-moi te dire que, ça ne te donne pas une raison pour venir baiser ta copine devant chez moi, Taylor. Je pourrais très bien le dire à ta mère.

Je souris franchement, fière de ma répartie.

—Je n'ai pas quinze ans, mais dix de plus. Alors j'en m'en branle que tu lui dises quoique ce soit.
Mon sourire disparait, un soupire franchit mes lèvres. Il n'y a pas à dire, ma première rencontre avec les gens de cette ville est formidable. J'en arriverai presque à regretter Jools et ces regards noirs.
—Tu prends la prochaine à droite.
Je ne réponds pas, parce que rien ne sert de discuter avec ce sale type. Il a beau être foutrement bien foutu, il a un caractère de merde. Et ça m'horripile.

—Arrêtes-toi.
J'obéis et me gare le long du trottoir. J'observe la rue. Les maisons sont assez jolies, grandes avec de vastes étendues d'herbes autour.

—On y est ! dis-je avec entrain.

Taylor me regarde en fronçant les sourcils, comme si j'étais folle. Ouais, je le suis peut-être mais je suis tellement soulagée de ne plus le supporter que je ne peux pas le cacher.

—Je viendrai récupérer ma caisse demain. Essaye de ne rien lancer dans le parebrise de la dépanneuse, cette fois.
L'envie de lui adresser un doigt d'honneur n'a jamais été aussi forte, cependant je m'abstiens. J'ai vingt-trois ans pas cinq, et je ne pense pas que les adultes communiquent de cette façon. Il ouvre la portière, s'extirpe de ma voiture en soupirant bien bruyamment et se dirige vers la maison. Je ne peux pas m'empêcher de reluquer ses fesses, son dos large et ses bras moulés dans son pull trempé. Il est vraiment beau ce con.

*******

Si j'avais cru un seul instant que de partir de cette ville allait me redonner le moral, je m'étais trompée. Je n'arrive pas à décoller de mon lit, même si le soleil s'est levé depuis déjà plusieurs heures. Je suis dans un jour "sans". Ça m'arrive souvent, et c'est le pourquoi j'ai absolument voulu changer de vie. J'attrape mon téléphone, réponds en vitesse au texto de ma mère qui se demande si je suis bien arrivée. Elle a dû se faire un sang d'encre mais je n'ai pas eu le temps de voir son message hier soir. Il faut dire que l'arrivée d'une bagnole au bruit insupportable m'a tirée de mon chez-moi et qu'après j'ai dû reconduire l'abruti de chauffeur de cette dite voiture et sa pouffiasse, qui l'accompagnait.

Je me blottis dans mes draps, tente de calmer mon souffle qui s'accélère. Est-ce qu'un jour ça finira par passer ? Est-ce que je pourrais oublier tout ça ? Je ne sais pas, j'espère, je prie pour que ce soit le cas.

J'ouvre les yeux quand deux coups puissants retentissent contre ma porte. Je grogne en me levant, marche d'un pas lourd jusqu'à la porte.
Quand je l'ouvre, les yeux métallisés de Taylor balaient mon corps et un frisson me parcourt.

—Salut, Hope, dit-il d'un ton arrogant.
Je lève les yeux au ciel, ai envie de l'applaudir en retournant à l'intérieur. S'il est fier de lui parce qu'il connait mon prénom, grand bien lui fasse. Je m'en tape.

Je prends sur le rebord de l'évier ma tasse, prends le lait et m'en sers. Taylor est entré et j'ai l'impression que mon intérieur est encore plus petit avec cet homme dedans.

—Tu mesures combien ?

Il me regarde bizarrement en écrivant un mot sur le cahier que j'avais déposé la veille sur la table basse du salon. C'est un sans gêne en plus de ça. 

—T' en as encore des questions comme ça ?

Je fais mine de réfléchir avant de secouer la tête. Ça ne me regarde pas après tout. C'est juste qu'il est vraiment grand, comparé à moi et mon mètre- cinquante-deux.

Il se redresse, marche vers moi et j'arrête de respirer. Il met en alerte tous mes sens, jusqu'aux plus intimes. Je n'ose pas bouger quand il s'arrête seulement à quelques centimètres de moi. Ses yeux me dévorent, enfin je crois. Et les miens suivent le mouvement du bout de sa langue qu'il passe doucement sur sa lèvre inférieure. Mon cœur tambourine dans ma poitrine et j'ai peur. Il se penche vers moi et je retiens mon souffle. Je ne sais pas ce qu'il m'arrive, là. Ce n'est tellement pas moi.

—Tiens, dit-il en me tendant le carnet. Mon numéro de compte pour le remboursement de mon parebrise.

—Ah. Euh. Oui, oui.
Un sourire en coin nait au coin de ses lèvres alors que ses yeux gris brillent de malice.
Je prends le carnet, regarde le prix indiqué sans même me rendre compte des numéros marqués. Je me sens horriblement conne d'avoir pensé qu'il allait m'embrasser. Et puis même, pourquoi le ferait -il ? On ne se connait pas mais on ne se supporte déjà pas. 

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