28


Quand je gare la voiture devant un vieil immeuble, Hope se crispe. Je coupe le moteur, retire la clé, pose ma main sur sa cuisse alors qu'elle regarde par la vitre.

—Ca va bien se passer, bébé.

Elle se retourne vers moi et son sourire forcé ne me trompe pas. Elle est pâle, son front perle de sueur.

—Tu fais une crise d'angoisse ?

Elle hoche difficilement la tête. Et merde. Je n'avais pas prévu ça. Je détache sa ceinture, la mienne et l'attire sur moi. Mes bras l'enlacent, je veux qu'elle sente que je suis là, avec elle mais surtout pour elle. Je sais qu'elle ne m'a pas tout dit, trop d'ombres restent dans le tableau pour que je puisse comprendre absolument tout.

Mais elle est là, blottie dans mes bras à la recherche de réconfort. Et qui de mieux que moi, l'homme qu'elle aime –bordel, elle l'a dit ! – pour lui offrir cela ?

—Je suis là, Hope. Il ne t'arrivera rien.

—Je... Je sais.
—Regarde-moi.

Je prends son visage entre mes mains, la regarde tendrement.

—Je suis là pour toi, uniquement. T'as peur de quoi ? C'est ta mère, ta sœur.

—Tu ne la dragueras pas ? 

—Qui ?
—Ma sœur !

J'hausse un sourcil, me demande si elle est sérieuse avant de rire.

—Putain t'as peur pour ça ? Tu crois que je vais draguer ta frangine ?

—C'est pas marrant, Tay. Nora est vraiment canon.

—Je m'en branle. C'est toi mon pot de terre, pas Nora.

Elle rit et presse sa bouche divine à la mienne. Ma langue caresse la sienne, mes mains se posent naturellement sur son fessier délicieux quand elle approfondit encore notre baiser.

—On y va ? demande-t-elle doucement.

—Ouais, on peut y aller, l'emmerdeuse jalouse.

Elle secoue la tête en réprimant un rire et retourne à sa place avant de sortir de la voiture.

*****

Le numéro huit doré brille sur la porte de l'appartement. Je me demande si c'est ici qu'a vécu Hope pendant les années qui ont suivies l'affaire. Je suis un peu nerveux, parce que je ne sais pas vraiment comment sont les relations entre elles trois et que j'ai peur de fauter. La porte s'ouvre sur une Hope un peu plus âgée et aux cheveux décolorés. Nora je présume. Hope lui saute dessus et elles pleurent toutes les deux en s'étreignant alors que je reste comme un con, derrière à porter les bagages.

—Tu m'as manquée ! crie la fille.

—Toi aussi, Nora.

J'avais raison, c'est bien sa frangine. Je la regarde – pas trop, pour éviter l'égorgement – et me demande comment ça se fait qu'Hope trouve sa sœur plus canon qu'elle ? Ma Hope est naturelle et j'aime vachement mieux ses cheveux bruns que ceux de sa sœur.

—Taylor, je présume.

Elle se hisse sur la pointe des pieds pour me claquer la bise.

—Tu présumes bien.

—Ma sœur a du goût, c'est bien.

J'observe Hope qui lance un regard noir à sa sœur. On pourrait presque voir la fumée sortir de ses oreilles et ça me fait sourire.

C'est mal, je sais. Mais... Mais Steph n'était pas jalouse, et les autres savaient qu'elles ne devaient rien espérer de moi mis à part du cul. Hope, elle marque son territoire. 

Une lionne prête à défendre son roi –moi –sommeille en elle. Et j'aime ça.

Quand Nora s'efface pour nous laisser entrer, je suis Hope dans l'appartement. C'est assez spacieux, contrairement à ce que j'avais pensé. Ça pue la clope, aussi. Moi qui ne fume pas, je ne tolère que difficilement cette odeur dans une pièce, mais bon, ce n'est pas chez moi et tant que je sais encore respirer, c'est le principal.

Nora m'ouvre une porte et me dit que je peux déposer nos affaires là. J'entre dans la petite pièce, souris en reconnaissant le bordel qui reste. C'est sa chambre. Celle où elle a dormi avant que je ne la rencontre. Je pose les sacs sur le sol, lève les yeux au ciel en voyant un poster d'Usher à moitié à poil sur le mur turquoise et ressors de cet antre.

—Bon anniversaire, maman !

Je rejoins les femmes dans le salon, retiens mon souffle quand je découvre la mère d'hopi.
Hope lui ressemble énormément. Sauf... Que sa génitrice est ivre morte, que ses yeux rouges ne croisent même pas ceux de ma copine accroupie devant elle.

—Elle ne boit que rarement, soupire Nora. Tu sais que c'est difficile pour elle.

Hope se redresse, et je devine à son visage qu'elle est blessée de cet accueil. Tu m'étonnes. 

—Je sais, souffle-t-elle.

Ses yeux bruns vont de Nora à moi et inversement et je devine que c'est ça qui la fiche mal à l'aise : pas que sa mère ait bu non, mais que je sois là pour constater la vie étrange qu'a été la sienne.

****

—Si on allait faire un tour en ville pour se détendre ?

Hope refuse de suite, alors que moi je trouve cela plus sympa que de rester là, à regarder sa mère roupiller.

—Allez, Hope, insiste Nora.

—Je ne peux pas, non.
Elle croise ses bras comme une gamine récalcitrante alors que sa sœur part dans le couloir qui mène aux chambres. On est là depuis deux heures déjà et je m'emmerde comme un rat mort. 

—Allez, Hope.

Je la taquine un peu avant de la chatouiller, ce qui me donne le droit de voir réapparaître son sourire.

—Je suis là pour gérer le moindre dérapage.

—Tu n'as pas à faire ça, grogne-t-elle. On va te regarder de travers alors que t'y es pour rien.

—Je m'en fous.

—Pas moi.

Un rapide coup d'œil vers le couloir pour m'assurer que l'autre ne débarque pas et je m'allonge sur elle.

—Si ma mère se réveille...

—Tu me rends fou quand tu tires la gueule. Viens te balader avec moi, bébé. Le premier qui te regarde mal aura affaire à moi.

—T'es mignon quand tu fais l'homme méchant, Tay, mais non, tu ne feras rien, s'il te plaît.

Je souris quand elle caresse ma barbe, l'embrasse doucement. Ses mains glissent sous mon t'shirt et je frissonne à son contact. 

—Ah ben ! Ne vous gênez pas hein !
Je soupire quand Nora entre dans la pièce, me relève et réajuste mon t'shirt  soulevé par Hope.

—C'est bon, on peut se balader, déclare Hope. Mais...

—Si ça ne va pas, on rentre, je sais.

Hope se relève et je lui prends la main quand nous nous dirigeons vers la porte.

*****

Le soleil est étouffant ici, bien plus qu'à Sakloi. Il faut dire que chez moi, les forêts denses nous apportent assez bien de fraîcheur. C'est dingue comme seulement quatre-cent kilomètres peut rendre différentes deux villes. Chez moi la ville ressemble vraiment à une ville. Avec ses tours et ses commerces des deux côtés de la rue. Ici à Jools, la ville est en fait une sorte de gros village et bien vite, je sens qu'on se retourne sur notre passage.

Mes poings se serrent à chaque chuchotement, à chaque regard, à chaque personne qui change de trottoir. Je me force de ne pas réagir parce qu'elle me l'a demandé mais l'envie de mettre des poings dans des gueules ne m'a jamais autant fait de l'oeil.  Hope marche la tête baissée, comme si elle avait honte d'être celle qu'elle est.

Quant à Nora, elle fait sa vie en se moquant des autres, s'arrête devant chaque vitrine qui l'intéresse.

On finit par s'installer en terrasse et je décide d'être franc, j'en ai ma claque, je veux savoir.

—Pourquoi on te regarde comme ça ?

Nora pâlit et Hope regarde partout sauf dans ma direction.

—Ca ne te regarde pas le géant, me crache Nora.
Je décroise mes bras, saisis le poignet d'Hope.

—Bébé ? Putain mais ne me dis pas qu'ils ne sont pas de ton côté ?
Quand elle relève enfin son visage vers le mien, mon cœur se déchire. Elle n'est pas bien, en larmes et sa sœur commence à s'emballer sur moi.

—Arrêtes, Nora, lui demande Hope. Il sait. Il sait tout.
La blonde se rassied, bouche ouverte et je jubile. Connasse, va.

—Ils ne savent pas que cet homme était un pédo...

—Non, me coupe Nora en me faisant les gros yeux. Et il ne faut pas que ça se sache.

Je fronce les sourcils et me masse les temps quand je sens le mal de crâne arriver. C'est quoi ce bordel ?

—Pourquoi ?

—On peut en parler autre part qu'ici ? demande Hope.

—Ben moi je vous laisse, Jill doit passer me prendre ici dans dix minutes.

—Ok.
Hope se lève et je l'imite, de plus en plus intrigué. Pourquoi est-ce qu'on ne peut pas en parler ? Ca n'a aucun sens !

******

Quand Hope et moi, nous nous éloignons en empruntant les chemins moins fréquentés, je la plaque contre le mur d'une vieille maison.

—Pourquoi ? Je deviens malade de te voir comme ça !

Son regard fuit le mien, m'énervant. Mon sang boue dans mes veines et je sens que ma patience ne sera bientôt plus des nôtres. 

—Parce qu'il était le maire de cette putain de ville, Taylor. Et que si je promettais de ne rien dire, le juge allégerait ma peine et la famille de ce connard donnerait du fric à ma mère.

—Et t'as accepté ça ?!

Je la relâche, déçu. Putain! Pourquoi a-t-elle fait ça?! 

—Comment t'as pu accepter ça ? Regarde maintenant ta vie de merde ! Personne ne comprend ton geste, c'est normal qu'ils te jugent ! Tu aurais dû refuser, tu aurais dû gueuler haut et fort quel monstre il était, Hope !

Elle pâlit sous mes yeux mais je suis dérouté, vraiment. Pas étonnant que son frère a coupé les ponts. Fait chier merde ! Et maintenant elle doit vivre avec cette image erronée que les gens se font d'elle! Et comment est-ce qu'elle peut dire que sa mère n'est pas mauvaise ? Je l'aurais butter moi-même s'il avait touché à un de mes gosses! 

Je ferme les yeux, me passe nerveusement les mains dans les cheveux. Je vais tomber là, je le sens. 

Putain de merde !

—Tu vois, dit-elle en retenant ses larmes. T'es comme les autres, dans le fond. Tu me juges alors que tu ne sais rien de moi, que tu n'étais pas là.

Et merde.

—Hope...

Et merde, merde, merde.

—Ferme-la ! Rentre chez toi, va où tu veux mais laisses-moi vivre ma vie de merde, comme tu le dis si bien !

—Hope, tu sais que c'est faux. Viens ici! 

Elle m'adresse son majeur et je reste planté là, à la regarder partir, incapable de courir après elle tant je m'en veux. 

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