1.
Hope
Je regarde le paysage défiler par la vitre de ma voiture. Il n'y a pas grand-chose à voir mis à part des arbres, des arbres, et des arbres. La pluie s'abat sur le pare-brise et mes essuies glaces suivent le mouvement, dans un rythme effréné.
Je me reconcentre sur la route, monte le son de la radio quand une des chansons phares du moment retentit dans l'habitacle.
Je me casse, enfin !
Il était plus que temps que je parte de là, plus que temps que je vole de mes propres ailes et que je déménage de ce bled perdu dans lequel j'ai grandi !
Adieu appart pourri ! Adieu boulot de merde ! Adieu gens casse burnes !
La route devant moi me mène tout droit vers la liberté, cette chose que je ne pensais ne jamais connaitre un jour.
Cela fait cinq ans que je mets de côté pour pouvoir m'exiler.
Looj est une ville où on nait, où on vit et meurt. Les gens ne partent jamais de là, parce que c'est familial, que tout le monde se connait depuis toujours. C'est comme ça que vous savez exactement de quel mal souffre votre voisin, que Paul l'épicier a été constipé pendant près d'une semaine et que votre ancien prof de français a trompé sa femme au moins trois fois.
Je ne veux plus de cette vie-là, où les gens savent ce que j'ai fait, ni qu'on continue de me lancer des regards noirs, en criant à l'injustice.
Il me fallait autre chose, j'avais besoin de m'éloigner de ce passé, de mes souvenirs et de reprendre ma vie à zéro, dans une ville à quatre cent bornes de la mienne.
Un frisson d'appréhension parcourt mon échine quand j'imagine ce que sera ma nouvelle vie. J'ai trouvé sur le net une petite maison là-bas à louer. J'ai de suite contacter la propriétaire, qui commençait à désespérer de ne pas savoir la louer. Alors, autant dire que mon appel a été très bien accueilli.
La maison est franchement rustique, et j'ai bien vite compris pourquoi elle n'intéressait personne : elle est paumée au bord d'un lac, entourée d'arbres énormes. Pour accéder à la ville la plus proche, il faut au minimum vingt minutes. Mais je m'en fous. C'était exactement ce qu'il me fallait. Du calme. J'ai besoin d'être seule, de me recentrer sur moi-même et sur la nouvelle vie dont j'ai besoin. Parce que oui, c'est devenu vital pour moi.
*****
La pluie cesse de tomber quand j'arrive à ma destination, laissant petit à petit place à la lune et à sa lumière pâle. Ca fait trois heures que je roule, je n'en peux plus. Mes yeux commencent à fatigué, à force de les avoir plissés un million de fois.
Je me gare dans l'allée, coupe le moteur et m'enfonce dans mon siège en soupirant. Ca y est, on y est. Je ne peux plus revenir en arrière même si j'ai la trouille de repartir de zéro. Et puis, je ne veux pas. Je veux me montrer plus forte en assumant mon choix. Pourtant ma mère en a versé des torrents de larmes, pour que je reste. Mais je ne pouvais plus, je ne pouvais plus vivre avec ses souvenirs.
Il fallait que je parte.
La maison parait encore plus petite en vrai qu'en photo. Mais elle me plait bien avec son bois défraichi. On dirait un vieux chalet abandonné avec les tueurs en série en moins.
J'ouvre ma portière, me précipite hors de la voiture pour prendre mes affaires. Mes pieds pataugent dans la boue, s'enfoncent dedans. Je grimace jusqu'à ce que je grimpe les marches du porche en me tenant fermement d'une main à la rampe. Elles grincent sous mes pieds, me donnant l'impression de vouloir céder à tout moment. Je suis fatiguée, et j'ai hâte de m'allonger tranquillement, avec mon ami l'ordinateur. Mais d'abord, je rêve de prendre un bon bain bien chaud, de me relaxer.
Je dépose mes valises et enlève mes bottes avant d'ouvrir la moustiquaire jaunie par le temps.
Comme me l'avait indiqué la propriétaire, le pot de terre à côté de la barrière contient un jeu de clés. Je les prends, souffle dessus et les frotte sur mon jeans.
Quand la porte s'ouvre, je savoure. Ma nouvelle vie va enfin commencer. Je referme derrière moi, et me dépêche d'aérer. L'odeur de moisi semble imprégner la pièce et c'est très désagréable.
Le salon est plutôt confortable avec son vieux poêle, ses deux gros fauteuils et sa petite table basse. J'y ajouterai peut-être un tapis, histoire de ne pas se les cailler en plein hiver mais pour l'été, ça me parait nickel. Si je me retourne, j'ai directement accès au coin cuisine, qui est séparé du salon par un petit muret. Je m'y vois déjà installer deux tabourets hauts, et déjeuner là chaque jour.
Ensuite, il y a un petit couloir et de chaque côté, une porte : la chambre et la salle de bain.
Je sens que je vais adorer cet endroit, même s'il est très loin d'être ce que j'aime d'habitude.
****
Couchée dans mon lit, je tente de fermer les yeux, en vain. C'est comme ça à chaque fois. Je n'arrive pas à dormir. Mes cauchemars me hantent, chaque nuit. Ma sœur m'a offert un attrape-rêve, que je serre dans mes mains quand j'ai trop la trouille mais je crois que ça ne marche pas. Rien ne marche pour m'enlever ces démons, ces images affreuses. Tout ce que je peux faire est d'attendre que ça passe, que la nuit cède sa place au soleil et que mes sanglots se calment.
J'ai peur, encore plus maintenant. Mais ici, je ne crains rien, c'est ce que je ne cesse de me répéter.
Rien ne peut pas m'arriver. J'ai déjà vécu le pire, je suis convaincue que le meilleur m'attend, dorénavant.
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