Chapitre 17
Quatre jours se sont écoulés depuis ma dernière conversation avec Ulrik. J'ai passé ces quatre jours recluse dans ma chambre, me laissant le temps de me remettre.
J'ai terminé de boutonner mon chemisier, mais une angoisse grandissante m'envahit. Pendant plusieurs jours, je n'ai pas vu Candace. La peur de découvrir dans quel état elle se trouve me paralyse. L'idée qu'Håkon se soit installé avec elle me terrifie encore plus. Chaque fois que je pense à lui apporter de la nourriture ou des vêtements propres, mon cœur s'emballe. Je suis prise de panique à l'idée de le trouver étendu par terre, couvert de sang. Il est certain qu'elle est vivante, puisqu'Ulrik s'occupe de préparer un repas pour elle chaque soir...
Je dois absolument aller la voir et m'assurer qu'elle va bien. Dès mon entrée dans la pièce, une odeur pestilentielle d'alcool mélangée à celle de la fumée de cigarette m'assaille. À travers la fenêtre, je distingue Håkon qui boit, tandis qu'Ulrik et Jørgen semblent avoir disparu. Sans plus attendre, je m'engouffre dans la cuisine pour griller quelques tranches de pain. J'étale du beurre de cacahuète et de la confiture de fraise sur deux tranches de pain blanc, puis les empile délicatement. C'était notre rituel, à Candace et moi, après nos soirées en ville. Ces moments simples, ces souvenirs partagés, me reviennent en tête, teintés d'une certaine amertume. Tandis que je termine, une porte s'ouvre derrière moi. Mes mains continuent de s'activer, mais mon cœur s'accélère légèrement. Les pas s'approchent. Je sens sa présence avant même qu'il n'ouvre la bouche. Ulrik est à mes côtés, les bras croisés. Je reste concentrée, évitant de rencontrer ses yeux. Il saisit un des sandwichs et l'approche de ses lèvres, mordant une bouchée.
— Ce n'est pas pour toi, lui dis-je d'un ton sévère en le regardant droit dans les yeux.
— Ce n'est pas si mal pour un premier repas, réplique Ulrik avec un sourire moqueur, avant de reprendre son sérieux et de me demander :
— Veux-tu m'accompagner en ville ?
Je reste silencieuse, empilant les sandwiches sur une assiette. Sans même jeter un coup d'œil à Ulrik, je saisis une canette de soda dans le réfrigérateur. Il demeure impassible, m'observant alors que j'ouvre la porte. Je traverse la cour sans un coup d'œil en arrière et pénètre la maison d'amie.
Curieusement, une odeur de propreté m'assaille subitement. Mon dernier passage ici était marqué par une odeur de transpiration acide et d'air étouffant, envahissant chaque recoin. Aujourd'hui, tout a été soigneusement nettoyé. J'emprunte les escaliers quand la douce voix de Candace me parvient :
— Prêt à recommencer déjà ?
Dès que nos yeux se rencontrent, quelque chose se produit en elle. Sa posture, qui exprimait de la provocation, change soudainement. Ses épaules deviennent un peu rigides, tandis que son regard s'assombrit. Ce changement abrupt me perturbe.
Je regarde la main de Candace, où un pansement semblable à celui de Jørgen recouvre sa plaie. Une vague de remords m'envahit et me rend incapable de parler. Elle ne porte que son tee-shirt et sa culotte. Le haut me semble familier. Je suis certaine de l'avoir vu dans mon placard. Mon cœur s'emballe, espérant que c'est Ulrik qui lui a donner, et non Håkon. L'idée qu'il ait pu entrer dans ma chambre pendant mon sommeil me glace d'effroi.
— Qu'est-ce que tu fais ici ? demande-t-elle, le mépris perceptible dans sa voix.
— Je... Euh... J'ai apporté ton repas.
Son regard balaie rapidement l'assiette, puis se pose à nouveau sur moi. Ses gestes semblent calculés, tout comme ses intentions. Entre nous, l'atmosphère est tendue, presque irrespirable.
— Vraiment, des sandwichs ? s'exclama-t-elle, les yeux étincelants de rage. Crois-tu vraiment que cela suffira à faire repousser mon doigt ?
Sa voix trahissait une profonde irritation, teintée d'amertume, tandis que son ton ironique me transperçait. La culpabilité qui m'accablait ne faisait qu'augmenter sous son regard accusateur. Dans un geste soudain, Candace arrache l'assiette de mes mains et la jette violemment dans la pièce. Elle s'écrase contre le mur dans un fracas assourdissant, les sandwichs et les morceaux de porcelaine se dispersant sur le sol.
— Tu es responsable de tout cela ! s'exclame-t-elle. Je n'ai pas besoin de ton aide pour m'en sortir !
— Est-ce que tu penses vraiment que Håkon viendra à ton secours, Candace ? Ce type n'a pas une once de pitié. C'est un psychopathe, à l'instar du reste de sa famille dysfonctionnelle. Tout ce que tu perçois, c'est ce qu'il choisit de te montrer, mais moi, j'ai vu sa vraie nature. J'ai assisté à ses actes répréhensibles, y compris la vente d'une adolescente de quinze ans, une enfant innocente, comme si elle n'était qu'un simple morceau de viande. Il est insensible, dénué de tout sentiment de culpabilité ou d'empathie. Ils jouent avec la vie des autres, et toi, tu seras la prochaine sur leur liste.
— Toi, l'hypocrite par excellence ! s'exclame Candace, son visage tordu par une colère visible. Tu te fais baiser comme une chienne, et tu refuses que je fasse de même !
Ses mots sont des flèches qui percent mon cœur, me paralysant sur place. La douleur m'étreint comme un étau.
— C'est différent Candace, lui dis-je, la voix tremblante, alors que mes yeux se remplissent de larmes.
Elle éclate de rire.
— Tu te moques de moi, hein ? demande-t-elle, la mine dédaigneuse. C'est parce que, toi, tu es trop conne pour avoir pu tomber amoureuse d'un monstre !
— Pas du tout ! J'ai répondu. Ce n'est pas de l'amour, mais juste...
— Du sexe ? s'exclame-t-elle, amère. Tu n'en es pas capable. Tu es trop romantique pour ça.
Je sens mon corps se contracter, chaque syllabe qu'elle énonce me transperçant comme une aiguille.
— Comparé à toi ! répliqué-je, ma voix s'élevant, une flamme de défi s'allumant en moi. Après tout, c'est toi, la spécialiste, parmi nous deux !
— Je ne suis certainement pas aussi ingénue que toi, lance Candace, son regard empreint de suffisance. Pour Ulrik, tu ne représentes absolument rien ! Quant à moi... « Je suis déterminée à exploiter toutes mes ressources pour survivre », s'exclame-t-elle, mélangeant colère et résignation.
Ses mots résonnent comme un fouet, m'arrachant le souffle. Elle me fixe avec répulsion, son mépris perçant en moi. Chaque phrase qu'elle prononce semble être une tentative pour me rabaisser. C'était exactement la même chose lorsqu'on était plus jeunes. Ce même ton méprisant, ces mêmes remarques qui faisaient tout pour me faire sentir inférieure, pour me rappeler que je n'étais pas à la hauteur. Rien n'a changé, on dirait que nous sommes revenues à l'époque où elle devait toujours me dominer pour se sentir supérieure. Pourtant, les choses ont évolué, et je ne suis plus aussi fragile.
— Si je dois te trahir pour assurer ma survie, sache que je n'hésiterai pas, déclare-t-elle d'un ton glacial, mais ses yeux trahissent une pointe de détresse. Je suis prêt à tout sacrifier pour protéger Sadie.
Je reste immobile, les poings serrés, mais je me tais. Je me tourne pour partir, mais une impulsion me fait m'arrêter net. Sans réfléchir, je lui lance la canette avec force. Elle l'esquive de justesse. Elle me fixe avec stupéfaction, un éclair de surprise illuminant son visage, comme si elle ne s'attendait pas à ma réaction ni à ma capacité de violence. Mais elle ne me comprend plus. La part de moi qui encaissait tout en silence est morte avec Salina. Je ne le réalise que maintenant.
— Ne te cache pas derrière Sadie, tu n'as jamais eu le comportement d'une vraie mère pour elle, répliqué-je, la voix pleine d'amertume.
Pendant un instant, son masque de froideur se fissure, laissant entrevoir une émotion jusque-là inconnue. Un profond silence s'installe, chargé de tension. J'aurais souhaité pouvoir rediriger cette rage qui s'embrase dans mes veines et m'excuser. Je ne peux pas admettre que mes propos ont dépassé mes intentions. Je refuse de laisser l'empathie me submerger une fois de plus. Pas cette fois-ci. Ses yeux me fixent, attendant une réponse, quelque chose. Mais elle n'obtiendra rien. Je m'éloigne d'elle, laissant tinter doucement la chaîne accrochée à sa cheville.
— Peyto...
Sa voix tremblante me parvient, mais je reste insensible. Sans un mot, je descends les marches, le cœur lourd, et je claque violemment la porte derrière moi, mettant fin à ses propos. À l'instant même où je me retrouve à l'extérieur, l'étau oppressant qui me comprimait l'estomac disparaît, presque miraculeusement. Une vague de soulagement intense m'envahit, comme si mes poumons pouvaient enfin respirer à nouveau.
Au moment où Ulrik sort de la maison et se dirige vers sa voiture, mon instinct me pousse à me rapprocher de lui. Cependant, la voix moqueuse de Jørgen interrompt mon mouvement :
— Tu as fini de te chamailler avec ta copine ? Tu penses qu'elle voudrait que je la console ? J'aurais bien besoin de me vider les couilles.
Il me lance un regard insolent avant d'aspirer une longue bouffée, manifestement ravi de sa taquinerie.
— Tu es un individu abject, m'écrié-je.
— Vraiment ? Tu veux aborder ce sujet ? Il perçoit ton ardent désir de t'exprimer, te taquine-t-il.
— Va te faire voir !
Jørgen se met à rire de manière moqueuse, sa cigarette coincée entre ses dents, puis ajoute d'un ton insouciant :
— Oh, madame a retrouvé son tempérament !
Je le fixe intensément, mais je me retiens de répliquer. Sans un mot, je me détourne de lui et me dirige vers la Dodge. Au moment où Ulrik ouvre la portière, ses yeux provocateurs se posent sur moi.
— Tu as changé d'avis ?
Je préfère me taire et prendre place sur le siège passager. Alors qu'il s'installe au volant, jetant un regard furtif vers moi, son sourire s'étire imperceptiblement, mais reste silencieux. Le moteur vrombit, suivi de près par le crissement des roues sur l'allée bordée de pins.
Je contemple le paysage, avec ses forêts denses et ses collines abruptes qui défilent sans fin, comme une toile animée. Plus nous progressons sur cette route, plus je réalise pourquoi Ulrik a choisi cette maison. Elle est complètement isolée, au beau milieu de nulle part, perdue au milieu d'une forêt si dense qu'on pourrait y perdre son chemin. Nous roulons sur une dizaine de kilomètres avant d'enfin rejoindre une route nationale. La main réconfortante d'Ulrik dépose délicatement sa paume sur mon genou. Mon corps se raidit instantanément. Je me tourne lentement vers lui, mais ses yeux restent rivés droit devant. Son visage reste imperturbable, ne se retournant pas vers moi.
Un malaise croissant s'installe dans l'habitacle, amplifié par le mutisme ambiant. Finalement, je ne peux retenir ma curiosité et j'ose poser la question :
— Où allons-nous ? demandé-je, ma voix un peu plus rauque que je ne l'aurais voulu.
Ulrik ne répond pas tout de suite, gardant son attention fixée sur la route. Ses doigts commencent à tracer des cercles sur le tissu sombre de mon jean. Chaque seconde qui s'écoule rend l'atmosphère plus oppressante.
— On doit aller au magasin pour faire des provisions.
Je hoche la tête, me concentrant à nouveau sur le paysage. Des arbres bordent la route, créant un tunnel végétal à travers lequel nous progressons. Cependant, lorsque j'aperçois un panneau au loin, une bouffée de perplexité m'envahit : « 80 kilomètres de Charlotte ». Ma respiration s'arrête. Charlotte... en Caroline du Nord ?!
Au moment où nous pénétrons à l'intérieur de Ravenhill, Ulrik détache sa main de ma cuisse, concentrant toute son attention sur la route. Son visage est plus tendu que d'habitude, une légère tension visible sur sa mâchoire. Je feins l'ignorance de son changement d'humeur et fixe mon regard sur la ville qui défile sous mes yeux.
Les arbres et les maisons à l'architecture simple, dont les façades sont peintes en rouge brique, bordent des avenues spacieuses. Plus loin, quelques magasins animent la rue principale : une ancienne pharmacie, une quincaillerie au nom presque illisible, et un restaurant où des personnes âgées semblent passer leur après-midi. Le long de la route se succèdent des stations-service et de petits magasins de vêtements. Finalement, Ulrik s'arrête au parking d'un supermarché. Seulement quelques véhicules se trouvent là, dispersés ici et là.
Je me détache de ma ceinture de sécurité, prête à descendre, lorsque la main d'Ulrik me saisit brutalement le bras. Son regard, glacial et dénué d'expression, me fige sur place.
— Si tu oses quoi que ce soit, je n'hésiterai pas à éliminer chaque client, homme, femme ou enfant, souffle-t-il d'un ton glacial.
Ma gorge se serre et ma poitrine se resserre, tandis que je sens une boule de peur dans mon ventre. Je hoche doucement la tête, conscient de sa capacité à le faire. Il renforce légèrement sa poigne.
— Répète-le à voix haute, ordonne-t-il.
— Je... je ne ferai rien, balbutié-je, la voix tremblante.
Il s'incline tendrement vers moi, et je perçois sa respiration chaude sur ma peau, tandis que ses lèvres déposent une caresse légère sur les miennes.
— Ce sont les seuls mots que j'attendais, susurre-t-il, d'une voix grave et intimidante.
Il me relâche aussitôt, laissant sa menace planer dans l'air, avant de sortir de la voiture sans un mot de plus. Je fais de même et le suis jusqu'au magasin. Nous entrons dans le magasin par des portes automatiques. Une brise rafraîchissante nous accueille, contrastant avec la chaleur estivale. Il attrape un panier en plastique rouge et commence à se déplacer dans les allées. Je le suis en silence, observant tandis qu'il prend plusieurs articles sur les étagères. Mon regard est attiré par un pot de crème à la pistache, qui me rappelle mes repas quand j'étais dans l'Oklahoma, parfois mon seul repas de la journée. Je la mangeais parfois sur des tranches de brioche, mais, dans la plupart des cas, c'était à la cuillère. Tout à coup, le bras tatoué d'Ulrik surgit près de ma tête, saisissant l'un des pots.
— Pistache ? C'est un goût assez particulier, me taquine-t-il en se penchant vers mon oreille. Si tu en as envie, prends-le. Prends tout ce qui te fait plaisir.
Je me tourne vers lui, les sourcils froncés, perplexe quant à ses intentions et me demandant ce qu'il a en tête.
— Je suis sérieux, Peyton, chuchote-t-il, sa voix prenant une tonalité presque hypnotique. Tu peux acheter tout ce qui te fait envie.
Il dépose le pot dans son panier et, avec une lente et douce délicatesse, il repousse une mèche de mes cheveux derrière mon oreille, son geste effleurant ma peau.
— Dis-moi, qu'est-ce qui te fait vraiment envie ?
— De sucre, dis-je sans hésitation, ce qui fait froncer les sourcils d'Ulrik, surpris par ma réponse.
Si je dois rester coincée ici avec ces frères pendant une période prolongée, j'en aurai besoin de grandes quantités. Ulrik recule, un sourire malicieux aux lèvres, et, d'un geste théâtral, il m'invite silencieusement à passer devant lui. Je me faufile entre les rangées jusqu'à trouver celle qui m'intéresse.
Je m'arrête devant un étalage infini de chocolat, décliné sous toutes ses formes et saveurs. Ulrik observe la scène avec amusement, tandis que je prends mon temps pour faire mon choix. J'ai trop d'options et chaque saveur me donne envie de la goûter. J'opte finalement pour un délice framboise-fondant, mais je le repose aussitôt pour prendre celui au caramel au beurre salé. Ulrik s'avance vers moi en silence et me prend délicatement les deux tablettes que j'avais posées. Il les dépose dans le panier en y ajoutant quelques autres au passage. Je ne peux m'empêcher de sourire en le regardant faire. Je le suis dans les allées, continuant nos achats alors qu'il attrape ici et là quelques articles. Une étrange connivence semble nous lier, comme si nous étions réellement un couple. Cette idée ne cesse de me hanter, me perturbant profondément. J'essaie cependant de ne pas le montrer à Ulrik.
— Il ne reste plus qu'à trouver le whisky, et ça sera bon, prononce-t-il en s'avançant dans le rayon des spiritueux.
— L'alcool, associé aux personnes atteintes de troubles de la personnalité antisociale, rien de tel pour créer un mélange explosif qui promet une nuit sanglante, murmurai-je à moi-même avec consternation.
Ulrik réprime son envie de rire, avant de se rapprocher doucement, inclinant sa tête vers ma tempe pour chuchoter :
— Peyton, sois prudente dans tes souhaits. On ne sait jamais ce qui pourrait arriver...
Ulrik contient son sourire en s'éloignant légèrement et en se dirigeant vers l'étagère. Il y prend deux bouteilles de Jack Daniel's et les dépose dans son panier déjà bien rempli.
— As-tu faim ? J'ai repéré un steakhouse qui semble plutôt intéressant. On pourrait y aller pour manger.
Voyant les deux agents de police arriver par l'allée, ma poitrine se serre, mes membres deviennent rigides, et mon pouls s'accélère. Je suis prise au dépourvu, immobile, sans pouvoir ni agir ni m'exprimer. Les coups précipités de mon cœur retentissent dans mes oreilles, éclipsant tous les autres sons. Ulrik, percevant mon mutisme, se tourne vers moi. Avec un visage impassible, il s'approche lentement, enroulant un bras protecteur autour de ma taille et m'attirant contre lui.
— Garde ton calme et tout se passera bien, chuchote-t-il à mon oreille, sa voix basse et glaciale.
Avec une douceur trompeuse, il me pousse à avancer, son geste aussi apaisant qu'implacable, comme s'il maîtrisait chacun de mes mouvements sans effort.
Je baisse la tête, mes dents mordant l'intérieur de ma joue à m'en faire mal alors que nous marchons à côté des policiers. Mon cœur s'emballe, et chaque pas me semble insurmontable, tandis qu'Ulrik reste impassible. Je m'efforce de me tenir aussi discrète que possible, mais, malgré mes efforts, ma main entre en contact avec celle du policier le plus imposant.
— Pardon, murmurai-je, la voix empreinte de crainte.
— Ce n'est rien, répondit-il avec gentillesse en esquissant un léger sourire.
Son sourire amical disparaît presque instantanément, remplacé par une expression prudente et suspicieuse. Ses yeux scrutent attentivement Ulrik, mais ce dernier semble ne pas le remarquer, nous faisant avancer vers la file d'attente du comptoir de caisse. Ses doigts serrent légèrement mon corps, exprimant sa domination sans dire un mot. Nous nous tenons derrière deux autres clients qui attendent de régler leurs achats. Il regarde en direction des agents de police. Tandis que les secondes s'égrènent, je perçois progressivement les muscles de son corps se tendre, une tension grandissante qui s'installe en lui. Un profond silence nous entoure, mon ventre se serre et l'air devient de plus en plus étouffant.
Je lève les yeux et je vois les deux policiers, qui semblent échanger des regards inquiets tout en continuant leur discussion. Ils nous lancent des regards de plus en plus fréquemment. Je me sens submergée par l'anxiété. Je sais avec une effrayante certitude qu'Ulrik n'hésiterait pas à tuer tout le monde ici sans la moindre once de remords s'il se sent piégé. Chaque seconde qui passe alourdit l'atmosphère, rendant l'air presque irrespirable.
Enfin, après un temps qui me semble interminable, c'est enfin notre tour. Une jeune femme, visiblement âgée de moins de vingt ans, est postée derrière son comptoir. Son visage est d'une pâleur saisissante, parsemé de taches de rousseur, et ses cheveux courts à la garçonne mettent en évidence sa jeunesse. Un homme corpulent à la face ronde et rosée est là. Il ne dit rien, mais il emballe rapidement les achats dans des sacs en papier brun pendant qu'Ulrik sort son portefeuille. Avec un geste habile, il attrapa les sacs et entama une démarche résolue vers la porte, m'entraînant avec lui en me tenant fermement par la main. Je le suis de près. En quittant le magasin, je tourne une dernière fois la tête vers l'allée où se tenaient les agents de police quelques instants auparavant. Ils ont disparu, ce qui m'a laissée à la fois soulagée et nerveuse.
Nous filons sans attendre sur le parking, atteignant finalement notre véhicule. Tandis qu'il s'apprête à ranger les courses dans le coffre, son ton grave résonne dans l'air.
— Monte dans la voiture, tout de suite !
Je fronce les sourcils devant son ton agressif, mais je m'y plie sans rien dire. À peine, la portière est-elle fermée que, dans le rétroviseur, je vois les deux policiers se diriger vers Ulrik.
Je m'enfonce dans mon siège, essayant de me faire la plus petite possible, pendant qu'un des policiers s'arrête à la hauteur d'Ulrik et entame la conversation. Je remarque que l'autre policier commence à s'approcher du côté de la voiture où je me trouve. Chaque seconde me paraît interminable et la peur m'envahit, me submergeant. Alors qu'il arrive à ma hauteur, je sens son regard posé sur moi. Je feins l'indifférence, tentant de maîtriser ma respiration, mais chaque seconde qui passe semble interminable. Soudain, la portière côté conducteur s'ouvre brusquement, et Ulrik s'engouffre dans l'habitacle. Il met le moteur en marche et s'éloigne rapidement.
— Qu'est-ce qu'ils te voulaient ? demandé-je d'une petite voix.
— Ulrik ?
— Ça n'a pas d'importance, répond-il sévèrement, fixant la route.
J'incline ma tête vers la vitre arrière et aperçois l'un des agents de police, le visage sérieux, en train de communiquer avec son talkie-walkie. Une amère sensation me prend à la gorge, je sais que cela ne s'arrêtera pas là. Je jette un regard à Ulrik ; ses doigts sont crispés sur le volant, sa mâchoire est tendue. Il n'a pas besoin de dire quelque chose pour que je comprenne : il pense la même chose que moi.
A suivre...
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