Chapitre 13
Allongée près d'Ulrik, j'observe son visage qui semble dormir paisiblement. La nuit a plongé la chambre dans le noir depuis plusieurs heures, tandis que les rafales martèlent les fenêtres. Je suis immobile depuis plusieurs minutes, incapable de bouger. Une boule s'est formée au creux de mon estomac et ne cesse de grandir à mesure que les secondes s'écoulent. Je suis terrifiée.
Le cœur battant, je me glisse aussi lentement que possible hors du lit, en faisant attention de ne pas le réveiller. Dès l'instant où mon pied se pose sur le parquet se met à craquer. Je retiens ma respiration, tendue, mais en entendant son souffle calme et régulier, je laisse échapper une longue expiration de soulagement. Je récupère mes baskets et en retire le jeu de clés d'Ulrik, que j'avais discrètement pris dans la poche de son pantalon plus tôt.
Lentement, je recule jusqu'à la poignée et l'abaisse avec précaution. Il ne doit pas se réveiller. Alors que la porte finit par s'ouvrir, je lance un dernier regard vers Ulrik. Pardonne-moi, mais je dois tout tenter pour lui sauver la vie.
Aussi doucement que possible, je me précipite dans la cuisine, enfile les chaussures et sors. Je commence à sprinter vers l'atelier quand soudain une lumière m'aveugle. Mon cœur s'emballe et je m'arrête instantanément, figée sur place. Je n'ai pas été assez silencieuse. Je cherche frénétiquement Ulrik du regard, redoutant déjà ce qu'il va me faire. La panique monte, mais l'obscurité de la nuit m'entoure à nouveau. Je tourne la tête, confuse, mais aussitôt je me retrouve de nouveau éclairée. C'est seulement un détecteur de mouvement. Je lâche un soupir et pars récupérer le coupe-boulon.
Pourvu que la lumière ne réveille pas Ulrik. Je me précipite vers la maison d'amis, mais tout est fermé. Je cherche des yeux rapidement un autre moyen d'y pénétrer, mais les fenêtres sont beaucoup trop hautes pour que je puisse les atteindre. La seule qui est à ma portée est celle de la porte d'entrée. Elle ne semble pas solide, je devrais y arriver assez facilement. J'espère que le bruit du vent couvrira le son. Je saisis le coupe-boulons et brise la vitre. Je prends soin de ne pas me blesser en passant mon bras à travers la mince ouverture. Je tâtonne plusieurs secondes avant d'enfin réussi à trouver le verrou que je tourne. Je me monte rapidement les marches et me précipite dans la chambre. Candace est assise sur le lit, son regard est un mélange de panique et de stupeur.
— Qu'est-ce que tu fais ? bredouille-t-elle d'une voix somnolente.
— On doit y aller maintenant.
Je ne perds pas une seconde et sectionne sa chaîne. Ses sourcils se froncent, mais elle reste immobile, figée par la surprise ou la peur.
— Mais qu'est-ce que tu racontes ? On ne peut pas s'enfuir, il va nous traquer ! s'emporte-t-elle.
Immédiatement, je me précipite sur elle et pose ma main sur sa bouche pour la faire taire.
— Ferme là ! m'énerver-je avant de la lâcher, fais ce que je dis et tout ira bien.
Je me dépêche d'ouvrir un tiroir de la commande et lui lance une paire de chaussettes que je trouve. Cela réduira les lacérations des graviers sur sa voûte plantaire.
— Mets-les et suis-moi en silence.
Candace ne jette même pas un regard à ce que je viens de lui donner et le repousse.
— Tu imagines que je vais te croire après ce qui s'est passé tout à l'heure et surtout après que je t'ai entendu hurler de plaisir avec lui. Tu ne me manipuleras pas. Je vois clair dans ton jeu Peyton, tu veux qu'il me tue, car tu crains qu'il se lasse de toi et décide de te trucider.
— Tu ne comprends pas que j'essaie de te sauver la vie ! l'imploré-je en m'approcher d'elle, fais-moi confiance, il vaut mieux qu'on soit à des milliers de kilomètres loin d'ici avant que ses frères arrivent.
Sentant probablement la panique s'infiltrer dans ma voix, Candace obtempére.
— Comment comptes-tu lui échapper ? On est à pied et je n'ai pas de chaussures.
Sans un mot, je lève la main et lui montre les clés de voiture. Les yeux de Candace s'agrandissent, comme si je venais de lui présenter un trésor inespéré.
Je m'approche de la fenêtre de la chambre pour épier l'autre maison, mais je ne vois aucun mouvement suspect.
— On n'a plus beaucoup de temps, enfile ces chaussettes, on doit partir maintenant.
— Et pourquoi c'est à moi de porter ça pendant que toi, tu as des baskets ?
— Parce que je fais du 38 et toi du 40, répliqué-je rapidement, l'urgence perçant dans ma voix.
Candace me lance un regard dédaigneux, mais finit par les enfiler. En passant le pas de la porte, je fais signe à Candace de faire attention au débris de verre. Dès que je sors, je tends l'oreille, guettant le moindre son qui pourrait trahir le réveil d'Ulrik. Mais tout ce que j'entends, ce sont les branches qui craquent sous l'intensité du vent. Mon cœur bat la chamade, chaque bruit me met sur les nerfs. Je me dépêche de rejoindre la Dodge Challenger quand je me rends compte que Candace traine derrière moi. Je me tourne vers elle et remarque immédiatement que les chaussettes ne sont pas assez épaisses. Chaque pas semble être une torture, ses grimaces de douleur trahissant à quel point elle souffre. Elle progresse péniblement, ses mouvements devenant plus lents. Chaque seconde qui s'écoule nous met un peu plus en danger. Je la rejoins rapidement et passe mon bras autour de sa taille, essayant de la soutenir en la soulevant autant que possible. J'avance aussi vite que je peux, mais Candace ne m'est d'aucuns aide, son corps étant presque un poids mort. Chaque pas devient plus difficile, mais je ne ralentis pas.
— S'il te plaît, je ne peux pas, ça fait trop mal, se met-elle à chouiner.
Je souffle d'exaspération, incapable de cacher mon irritation plus longtemps. Si elle ne fournit pas un effort, on est condamnées.
— Concentre-toi sur la voiture, pas sur tes pieds !
Nous sommes presque arrivées lorsque, soudain, la lumière s'allume, arrachant à Candace un cri strident.
— C'est juste le capteur de présence, dis-je en la tirant vers l'avant. Respire, on doit continuer, on n'a pas le temps.
Bien que Candace ne cesse de geindre, nous parvenons enfin à atteindre la Dodge. Je glisse ma main avec hâte dans la poche de mon short, cherchant désespérément les clés. Mais soudain, la voix d'Ulrik déchire la nuit, résonnant comme un coup de tonnerre ;
— Vous ne trouvez pas qu'il est un peu tard pour aller faire un tour ?
Mon sang se glace instantanément. Chaque muscle de mon corps se tend, et je me fige, le cœur battant à tout rompre. La terreur m'envahit, mon souffle se bloque, et je sens un frisson descendre le long de ma colonne vertébrale. La voix d'Ulrik, grave et menaçante, semble suspendre le temps, me clouant sur place, incapable de bouger. Mes doigts serrent si fort les clés, qu'elles s'enfoncent douloureusement dans ma paume.
Pendant une seconde, j'hésite à foncer dans la voiture, mais Ulrik est très rapide. Il nous rattraperait en un instant. En revanche, je peux offrir de précieuses secondes à Candace. Elle doit survivre pour Sadie. Furtivement, je glisse les clés dans sa main, attirant aussitôt son regard rempli d'incompréhension. Mon cœur bat à tout rompre, mais je sais que c'est la seule chance qu'elle a de s'en sortir. Je me tourne vers Ulrik et le vois adossé contre la maison. Les jambes vacillantes, j'avance vers lui, tout en faisant discrètement un signe à Candace pour qu'elle ne bouge pas.
— Ulrik, soufflé-je, peu certaine, mais malgré ses yeux planter sur moi il ne semble pas m'écouter.
— Ce n'est pas ma faute, Peyton m'a obligé !
Ma respiration se coupe en entendant Candace prononcer ces mots. Elle me devance, me bousculant au passage, les bras en l'air. Son visage est baigné de larmes. Tremblante, elle s'avance vers Ulrik, qui, impassible, ne lui accorde même pas un regard. Toute l'animosité le transcendant m'est exclusivement destinée. À l'instant où elle lui tend les clés de sa voiture, il daigne enfin poser ses yeux sur elle. Candace vient de sceller notre sort. Jamais elle ne reverra Sadie.
— Moi je ne voulais pas, je l'ai supplié de ne pas essayer de partir, tu dois me croire, l'implore-t-elle d'une voix chevrotante.
D'un geste désinvolte, il saisit les clés de la Dodge, puis, brusquement, sa main se referme sur la gorge de Candace. Elle n'a le temps que d'émettre un faible gémissement avant qu'il ne serre son étreinte. Apeurée, Candace ne parvient pas à lutter contre la poigne glaciale d'Ulrik, dont le visage reste imperturbablement froid. Je n'arrive pas à bouger pour m'interposer, je ne fais que fixer ce qui se déroule devant moi.
Il finit cependant par lâcher prise, laissant Candace terrorisé, ses doigts tremblants frôlant sa gorge meurtrie.
— Pitié, j'ai eu une fille.
Ulrik l'attrape brusquement et la projette en arrière. Elle s'écrase lourdement dans les graviers, levant les bras pour se protéger.
— Je t'arrache la langue si j'entends encore un son sortir de ta misérable bouche, gronde Ulrik.
Ulrik s'accroupit pour être à la hauteur de Candace. Avec une lenteur calculée, il pose sa main sur son poignet, l'obligeant à baisser les bras. Il glisse ses doigts sur sa joue, essuyant les larmes qui les ont envahies.
— Ne pense pas une seconde que je puisse ressentir la moindre empathie pour toi ou ta pitoyable existence, lance-t-il avec mépris. Tu n'es qu'un morceau de chair insignifiant. Ne t'imagine pas que je te maintiens en vie pour une autre raison que satisfaire mes penchants les plus sombres.
— Laisse-la partir.
Les mots ont jailli de ma bouche sans que j'y réfléchisse, attirant instantanément l'attention d'Ulrik. Ses yeux, désormais rivés sur moi, se durcissent tandis qu'il se redresse lentement. Bien qu'elle m'ait trahie une nouvelle fois, je ne peux pas l'abandonner. Sadie a besoin de sa mère. Désespérée, je m'avance vers lui, déterminée à tout entreprendre pour sauver la vie de Candace.
— Juste elle, l'imploré-je, plongeant mon regard dans le sien. Je pose ma main sur son torse pour tenter de le calmer. Prenons la voiture et partons tous les deux. On fera ce que tu voudras. S'il te plaît, Ulrik. Personne ne nous retrouvera.
Il me fixe, ses traits déformés par une colère qui ne fait que grandir. Son ton, froid et tranchant, claque dans l'air comme un avertissement.
— Rentre avant que je t'oblige à le faire !
Je déglutis difficilement, sentant la haine émaner de lui. Son regard me foudroie.
— Ulrik, pour moi... murmuré-je, ma voix vacillante.
Brusquement, il me soulève avec une force brute, m'entraînant sans ménagement dans la maison. Je lutte de toutes mes forces, mes pieds trainant contre le sol, tentant de résister, mais ses bras sont comme des étaux d'acier.
— Arrête, lâche-moi !
Je parviens avec difficulté à saisir fermement l'encadrement de la porte de la chambre, mes doigts s'y accrochant avec désespoir. Il ne lui faut qu'un instant pour briser ma prise. Il me tire si violemment que je me retrouve jetée sur le lit. Avant même que je puisse me redresser, il m'attache au montant.
— Qu'est-ce que tu fais !
Il ignore mes supplications et s'éloigne d'un pas rapide, je tente de le retenir, en vain. Il me repousse comme si je n'étais qu'un vulgaire insecte. La terreur grimpe en moi comme une vague déferlante. Il va s'en prendre à Candace.
— NE FAIS PAS ÇA !
Je tire frénétiquement sur les menottes, les chaînes cliquetant sinistrement, mais rien ne cède. D'une voix désespérée, je hurle son nom encore et encore, jusqu'à ce que le cri déchirant de Candace résonne dans la nuit avant de s'éteindre brusquement. Un silence oppressant s'abat sur moi, ne me laissant qu'avec mes peurs. Il l'a tuée, et c'est entièrement ma faute si Sadie ne revoit jamais sa mère. Je m'effondre sur le matelas, les larmes inondant mes joues.
Brutalement, la porte d'entrée claque, me faisant tressaillir. Coincée sur le lit, je n'ai d'autre choix que d'écouter les semelles de ses chaussures marteler le carrelage de la cuisine. Les battements de mon cœur deviennent assourdissants, résonnant dans mes oreilles. Je ne sais pas ce qu'il prépare, mais les bruits qui émanent de lui me terrifient.
Après ce qui me semble une éternité, j'entends ses pas lourds s'approcher. Ulrik émerge de l'ombre, mais l'obscurité dissimule les détails de son visage, ne laissant apparaitre que sa silhouette imposante, rendant l'atmosphère encore plus étouffante. Ses mouvements vacillants trahissent son état, et l'odeur âcre de l'alcool envahit la pièce, me donnant la nausée. Il s'avance si près que son souffle chaud caresse ma peau, et je distingue enfin son regard noir. Dans un geste terriblement froid, il efface du revers de son pouce la larme qui s'échappe de mon œil.
— Te rappelles-tu ce que je t'avais dit si tu tentais de t'enfuir encore une fois ?
— Qu'est-ce que tu as fait de Candace ? lui demandé-je d'une voix presque inaudible.
Son expression se durcit instantanément, et il se redresse brusquement. Sans prévenir, il frappe violemment le mur derrière moi. Le choc est si fort que le bruit résonne dans toute la pièce, me faisant sursauter, la terreur grimpant en moi alors que je me rends compte à quel point il est en colère.
— Que tu n'hésiteras pas à me tuer, bafouillé-je précipitamment, la voix tremblante.
Le brillant d'une lame de couteau m'apparait soudainement. Avec l'obscurité, je ne l'avais même pas remarqué. Avec une précision glaciale, il l'approche d'un geste vif de ma gorge, la pointe froide et intimidante se positionnant juste sous mon menton. Il exerce une pression suffisante pour me faire comprendre qu'il pourrait lacérer ma peau en un instant.
— Tu testes vraiment ma patience, murmure-t-il, sa voix un mélange terrifiant de calme et de menaces.
Son regard impénétrable capte le mien, fixant mes yeux avec une intensité qui me cloue sur place.
— Je me devais essayer de sauver Candace de tes frères.
— Je devrais te trancher la gorge, lâche-t-il froidement.
— Et qu'est-ce qui t'en empêche ? lançai-je, me redressant tant bien que mal, défiante. Que je meure sous ta main ou celle de Jørgen et Håkon, ne t'attends pas à ce que je te supplie.
À mes mots, un rire sardonique s'échappe de ses lèvres, son expression se muant en quelque chose de plus sinistre. Puis, aussi brusquement qu'il avait approché la lame, il la retire de sous mon menton, laissant un frisson d'horreur parcourir mon échine.
— Continue à tester ma patience, et je te montrerai que je peux également te faire hurler de douleur, m'avertit-il d'une voix basse et menaçante.
Il sort de la chambre en claquant la porte derrière lui, et aussitôt, j'échappe un profond soupir. Mes muscles, tendus à l'extrême, finissent par se relâcher. La terreur m'envahit à l'idée qu'il ne m'ait épargnée ce soir que pour me livrer à ses frères. Vu le regard qu'il m'a lancé, je doute qu'Ulrik tienne sa promesse de me protéger. Demain, je me retrouverai à la merci de trois monstres.
A suivre...
Alors a votre avis Candace est vivante ou morte ?
J'espère que vous êtes prêtes à accueillir Jørgen et Håkon, car eux ont hâte de se présenter.
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