Chapitre 1

                     Je me dépêche de passer le chiffon sur la commode pour enfin finir avec cette chambre. J'ai encore dû faire des heures supplémentaires, et encore une fois je ne serai pas rémunérée. C'est devenu une habitude depuis que j'ai commencé à travailler dans ce motel minable à une demi-heure de route de Gravemeadow. Il est tenu par une femme d'âge mûr, Jane. Toujours tirée à quatre épingles, elle excelle dans les paroles passives, agressives. Elle gère cet endroit seule avec son fils, Joan. Il doit avoir dans la trentaine, plutôt joli garçon, mais il est complètement assouvie a sa mère. Sa personnalité en apparence calme cache un côté dérangeant. Dès qu'il se trouve près de moi une sensation de mal être m'envahit et ne me lâche pas.

Trois mois se sont écoulés depuis que j'ai quitté le centre psychiatrique avec le soutien du Dr Browns. Elle m'a aidée à aller mieux, même s'il ne se passe pas une nuit où je ne fais pas de cauchemars. On m'a prescrit des anxiolytiques pour me permettre de réduire les symptômes du trouble de stress post-traumatique.

Je suis repartie dans ma ville d'origine, dans la vieille roulotte de ma mère. Là où j'ai vécu mon enfance. Les habitants m'ont tous regardée avec dédains, me jugeant sans aucune gêne. J'entends leur messe basse à longueur de journée. Ils répandent des rumeurs, certaines plus sombres que d'autres. Dans ce genre de petit village, l'ennui survient rapidement, et le moindre changement devient pour eux une source de distraction. À cause de certains médias, mon visage est connu, j'étais la survivante du massacre d'Harbor Haven. Bien que les entrepôts aient été incendiés, plusieurs cadavres ont été retrouvés. Selon eux, il n'y a qu'une vingtaine de femmes victimes de leurs sévices. Ils sont tellement loin de la vérité.

Candace est la seule qui m'a accueillie à bras ouverts. C'est grâce à elle que j'ai trouvé ce travail de femme de ménage. Il faut dire que dans les parages, l'emploi est rare, beaucoup se mettent à vendre de la drogue pour pouvoir survivre. Candace, elle a choisi une voie plus simple, la prostitution. Son mac, Chester, est un individu répugnant. Âgé d'une trentaine d'années, il a la mainmise sur la plupart des filles du coin. Il se prend pour un caïd, il s'adonne régulièrement à la cocaïne, ce qui le rend encore plus impulsif et irritable. Dès qu'il m'a aperçue, il a tenté de me convaincre de travailler pour lui. Il n'a pas apprécié que je refuse son offre. Il m'a dit que j'allais le regretter, mais ces menaces n'ont aucun effet sur moi.

Je saisis le sac poubelle et lance un dernier coup d'œil dans la chambre avant de quitter les lieux. En sortant, je manque de bousculer un jeune homme.

— Excusez-moi, bafouillé-je gênée.

— Ce n'est rien, me répond-il avec le sourire.

Le garçon, accompagné de ses amis, me regarde amuser, puis s'éloigne après m'avoir fait un clin d'œil. Je n'y prête pas attention et va jusqu'aux bennes pour y jeter le sac. Je ne prends pas la peine de passer par le bureau de Jane. Moins je la vois, mieux je me porte. La journée m'a épuisée, je n'ai aucune envie qu'il me rajoute du travail supplémentaire pour ce soir. Je rejoins la Chevrolet de ma mère garée sur le parking du motel. J'enlève le tablier que je balance sur le siège passager et libère mes cheveux de l'élastique qui les maintenait ensemble.

Je ne perds pas de temps et tourne la clé dans le contact. Le moteur se met à vrombir immédiatement. Malgré que cette voiture ait plus de vingt ans, elle roule parfaitement.

Je m'engage sur la route sans jeter un regard en arrière. Je baisse les vitres, laissant le vent s'engouffrer dans l'habitacle, tandis que les paroles de « Stayin' Alive » des Bee Gees se mettent à résonner. Dès que le refrain se lance, je ne peux m'empêcher de fredonner. C'était la chanson préférée de ma mère. Qu'est-ce qu'elle pouvait l'écouter en boucle.

Je me rappelle, on l'a chantée à tue-tête toutes les deux dès qu'elle passait à la radio. J'avais réussi au lycée à mettre assez d'argent pour pouvoir lui acheter le disque. Pour Noël, je lui avais offert ce cadeau avec l'espoir qu'elle serait contente. Mais cela a été tout le contraire. Elle m'a réprimandée, en colère que j'aie dépensé mon argent de manière futile pour elle. Ma mère a tout fait pour économiser autant que possible, elle souhaitait me garantir un avenir radieux. Ça, je l'ai compris bien plus tard.

Le début de l'été se fait sentir alors que je traverse le centre-ville en voiture. Les rues sont animées, avec des passants qui vaquent à leurs occupations sous le soleil chaud. La plupart des bâtiments montrant des signes de décrépitude. Des immeubles abandonnés, aux vitres brisées et aux murs décrépis, donnent l'impression que ce quartier a été oublié par la modernité.

Je me dirige vers le parc de roulottes, situé à plusieurs kilomètres de là. Cet immense terrain s'étend devant moi, abritant des centaines de familles. Les roulottes, toutes marquées par le temps et l'usure, sont alignées en rangées désordonnées. Leur peinture s'effrite par endroits, et leurs toits sont fatigués, portant les stigmates des intempéries et du manque d'entretien. Les allées en terre battue sont tracées entre les habitations, cahoteuses et irrégulières. Les parcelles sont couvertes de mauvaises herbes, avec peu d'espaces aménagés pour la détente. Les bancs sont rares, et les aires de jeux semblent délaissées et abîmées par le temps.

Je gare la voiture sous les aboiements du chien de mon voisin. Je jette un regard noir à la bête attacher à un piquet et me dépêche de rentrer. Après l'effroyable rencontre avec ces créatures qui auraient pu me dévorer, j'ai développé un certain éloignement vis-à-vis de ces animaux.

Je dépose mes affaires sur le comptoir de la cuisine et pars chercher une bouteille d'eau dans le réfrigérateur. Il fait une de ses chaleurs à l'intérieur. J'ai à peine le temps d'avaler une gorgée que Candace rentre précipitamment dans le salon avec sa fille. Son visage en sueur fait couler son l'eye-liner rendant ses iris vert plus intense, ses cheveux blonds lisser s'arrête au niveau de ses épaules. Ses joues sont creusées et malgré qu'elle essaye de les dissimuler sous le maquillage on peut apercevoir des cernes sous ses yeux.

Elle est vêtue d'un short trop court qui laisse entrevoir la naissance de ses fesses, et d'un débardeur beaucoup trop grand pour elle. Son soutien-gorge en léopard est rendu visible. Ses vêtements flottent sur son corps mince, pratiquement squelettique. Les contours de ses épaules et de ses bras sont saillants, donnant l'impression que chaque mouvement pourrait la briser. Le tissu délavé de ses habits s'accorde tristement avec son teint pâle, accentuant le contraste entre la jeune femme que j'ai connue et celle qui se tient devant moi, marquée par la vie.

À quinze ans, elle est tombée enceinte de Sadie. À l'époque, elle fréquentait un garçon plus âgé. Ce n'était pas quelqu'un de bien ; il avait six ans de plus qu'elle. Il fumait beaucoup d'herbe, sortait avec plusieurs filles en même temps et traînait avec des personnes peu recommandables. Candace, aveuglée par son amour pour lui, ne voyait rien. Dans l'espoir de le retenir, elle a décidé de lui donner un enfant. Cependant, quand elle lui a annoncé sa grossesse, il l'a abandonnée sans remords.

Sa fille est adorable, toujours souriante, ses yeux pétillent de malice. Sa chevelure brune rebelle encadre son visage rond. À sept ans, elle possède déjà une curiosité insatiable et une énergie débordante. Ses joues rosées s'animent d'un sourire timide, révélant sa dentition encore incomplète.

— Je suis grave à la bourre, il faut que tu me gardes Sadie, s'exclame Candace en déposant un sac en forme d'ours sur la table de la cuisine, je n'ai pas eu le temps de la faire manger, je te promets que je te revaudrais ça.

— Ne t'inquiète pas, je m'occupe d'elle.

— Oh, merci, tu me rends un grand service, soupire-t-elle soulagée. Sois gentille avec tata Peyton.

— Ne t'en fais pas, on va bien s'amuser tous les deux, la rassuré-je.

Sans donner à Sadie l'occasion de répondre, elle embrasse son front et s'éclipse aussi rapidement qu'elle était apparue. La tristesse qui emplit le visage de la petite me fait mal au cœur.

— On dirait qu'on va se faire une nouvelle soirée pyjama toutes les deux, souris-je en m'abaissant à sa hauteur.

— Moui, marmonne-t-elle en gardant son regard fixé sur la porte.

La moue sur sa figure ne semble pas vouloir s'en aller. Je la prends par surprise et viens la chatouiller. Son corps réagit aussitôt et son rire cristallin envahit la pièce. Ce petit instant de joie me fait presque oublier tout le reste. Je finis par m'écarter et me redresse sur mes jambes.

— Que dirais-tu d'aller dessiner un peu pendant que je prépare le dîner ?

— D'accord ! je vais te faire le plus beau dessin, s'écrit-elle toute exciter.

Elle se précipite vers son sac ourson et le traine jusqu'à la table basse. Elle y sort un cahier et sa boite de feutre. Quant à moi, je me dirige vers les placards pour voir ce que je peux mijoter. Une grimace m'échappe en constatant qu'ils sont presque vides. Si j'avais su que j'allais m'occuper de Sadie, j'aurais sûrement fait un arrêt pour acheter de quoi préparer un repas décent. Tant pis, ce soir ça sera soupe de tomate et sandwich au fromage grillé.

Je garde un œil sur Sadie pendant que je verse le contenu de la conserve dans une casserole que je mets sur le feu. Au moins ça, je ne peux pas le rater, enfin normalement. La cuisine n'a jamais été mon point fort. Rapidement, je prépare les restes.

Une fois le repas chaude, je mets le tout sur un plateau et rejoins Sadie sur le canapé.

— Tu as fait de beaux dessins ?

— Oui, regarde !

Elle se redresse avec une fierté éclatante pour me montrer son chef-d'œuvre, un sourire radieux éclairant son visage.

— Il est magnifique ma puce, je vais l'accrocher sur le réfrigérateur avec les autres.

La petite engloutit son diner comme si elle n'avait rien avaler depuis des semaines. Au moins, mon repas a l'air de lui plaire. N'ayant pas très faim, je croque une bouchée dans le sandwich. Après qu'elle est finie son assiette, je choisis de mettre un dessin animé pour qu'on puisse toutes les deux se poser sur le canapé. Alors que l'histoire se déroule à l'écran, ses yeux se ferment lentement, et avant même que le film ne se termine, elle est déjà profondément endormie. Malgré son âge, elle ne pèse pas lourd, je la prends dans mes bras et pars la coucher dans mon lit après avoir éteint la télévision. Je lui enlève délicatement ses vêtements et ses chaussures et la recouvre avec la couette.

— Maman... bredouille-t-elle à peine consciente.

— Dors ma puce, maman sera là à ton réveil, murmuré-je en venant l'embrasser sur le front.

Je laisse la porte de la chambre entrouverte au cas où elle aurait un cauchemar, puis je m'éloigne. Je ramasse la vaisselle sale pour la mettre dans l'évier sans entrain. Je n'ai pas le courage de la faire ce soir, la journée m'a épuisée. J'ai juste envie d'aller me coucher.

Je me crispe en entendant les aboiements féroces des chiens du voisin. Avec une certaine appréhension, je tire doucement sur les rideaux pour observer ce qui se passe à l'extérieur. Mon cœur se met à battre à tout rompre. Je ne discerne aucune personne. Hormis deux hommes qui sont en train de boire. Un soupir de soulagement m'échappe, dissipant un peu ma nervosité.

Je pars instinctivement verrouiller ma porte à double tour et la bloquer avec une chaise. C'est une habitude que j'ai développée, sans ça je n'arrive pas à fermer l'œil de la nuit. Avant d'aller m'allonger sur le canapé, je jette un ultime regard par la fenêtre. Je sombre rapidement dans le sommeil, épuiser.

La chaleur oppressante de la pièce semble se confronter à une brise glaçante qui effleure ma peau. Un frisson se faufile le long de mon dos, une sensation à la fois désagréable et terrifiante. J'entrouvre les paupières et aussitôt mon sang fait un tour. La porte est grande ouverte. Sans perdre de temps, je me lève brusquement et je cours vers ma chambre en remarquant des traces de boue menant dans sa direction.

-SADIE !

La panique m'envahit en constatant que mon lit est vide. Elle a disparu. Soudain, un craquement retentit derrière moi. Avant même que je puisse réagir, je suis violemment projetée sur les draps. Je me redresse précipitamment sur le lit, mais il n'y a personne. Le silence ambiant me glace, seul le son de ma respiration résonne dans la pièce. Mes yeux dévient jusqu'à un espace sombre. Un frisson parcourt ma colonne vertébrale en moment où je remarque qu'il y a qu'il est là. Ulrik apparait des ténèbres. Son regard imperméable et intense ne me quitte pas. Je suis pétrifiée en le voyant. Il avance lentement et monte sur mon lit, m'obligeant à m'allonger alors qu'il se place au-dessus de moi.

— Où... Où est Sadie ? bégayé-je alors que ses doigts effleurent mon visage, glissant jusqu'à mes cheveux.

Sans un mot, il pose ses lèvres sur les miennes. Son baiser tendre s'intensifie et, malgré mes efforts pour le contrôler, mes paupières se ferment d'elles-mêmes. Mon corps réagit à son toucher de la même manière qu'un drogué prendrait sa dose de crack.

— Tu m'as manqué.

Un frisson d'anticipation parcourut mon échine, mêlant le désir à l'anxiété. Tout se mélange dans mon esprit et je n'arrive plus à résonner. Avant que je puisse répondre, une souffrance aigüe et brève jaillit dans le bas de mon ventre. Les dents serrées, je baisse le regard horrifié sur le couteau enfoncer dans ma chair. La main tremblante je lui agrippe la siennes tandis qu'il tourne la lame dans mon abdomen, m'affligeant une douleur incommensurable. Les muscles de mes jambes se mettre à se contracter si fort que j'ai l'impression que les tendons vont lâcher. Des larmes s'écharpent de mes yeux et roulent sur mes tempes. Alors que je sens que je pourrais m'évanouir à tout moment, il se penche doucement vers moi, son souffle chaud effleurant mon oreille pendant qu'il me murmure sensuellement ;

— Je t'avais dit que je te retrouverais.

Je m'éveille en sursaut, mon corps tremblant violemment, ma peau trempée de sueur. Mes yeux se dirigent instinctivement vers la porte, et je constate avec un soupir de soulagement que celle-ci est toujours fermée à clé. Ce n'était qu'un cauchemar. Je devrais m'être habituée maintenant, c'est comme ça quasiment toutes les nuits. Le cœur encore affolé, je vais dans ma chambre. Sadie est blottie dans les couettes, plongée dans un sommeil profond. J'aimerais pouvoir être aussi apaisée qu'elle. J'ai besoin d'aller me rafraichir un peu. Je me rends à la salle de bains et laisse l'eau couler sur mon visage et ma nuque. Je passe nerveusement mes doigts dans ma chevelure, fatiguée de tout ça. Je voudrais tellement pouvoir tout oublier. Balder, Cyriane... Ulrik... Salina.

J'évite de croiser mon regard dans le reflet du miroir, et ouvre l'armoire pour attraper la boite d'anxiolytiques. Je la fixe pendant plusieurs secondes avant de finalement la ranger. Avec Sadie, je dois garder les idées claires. Soudain, des cris venant de l'extérieur attirent mon attention. Reconnaissant la voix de Candace, je me précipite à récupérer le 9 mm dans mon sac à main et sors hâtivement.

Candace titube dans ma direction. Chester derrière elle, lui agrippe brutalement le bras et la tire vers lui et la faisant vaciller. Son visage est rouge de colère, plusieurs veines apparentes sur son front palpitent.

— Lâche là ! M'interposé-je en le visant avec l'arme alors qu'il s'apprête à la frapper.

Les deux se virent immédiatement vers moi. Les pupilles de Candace sont dilatées, dévoilant clairement les effets de la drogue qu'elle a ingérée.

— Comme tu voudras, ma beauté, me répond-il en levant ses mains en l'air de manière ironiquement innocente, a ton tour maintenant.

Je laisse lentement retomber mon bras tout en remettant en place le cran de sécurité de mon arme.

— Bonne fille, sourit-il alors que Candace s'éloigne avec difficulté, peinant à garder son équilibre sur ses jambes.

Mon corps tressaille en l'entendant prononcer ses mots. C'est comme ça que Balder m'appeler aussi. Ses gestes sont erratiques et tremblants.

— Qu'est-ce qui se passe ?

— Ta chère amie a essayé de sectionner le pénis d'un client.

Je me tourne décontenancer vers Candace, mais celle-ci m'adresse un regard sombre. Je baisse les yeux sur sa tenue et remarque que son débardeur a été arracher et plusieurs marques sont apparentes.

— Je suis lasse de ses frasques à répétitions, à force mon business commence à avoir mauvaise réputation, poursuit-il en allumant une cigarette, cette putain me doit un paquet de pognons.

Il a à peine le temps de terminer sa phrase que Candace tente de se jeter sur lui. Heureusement, j'arrive à l'empêcher en l'attrapant.

— VA TE FAIRE FOUTRE CHESTER ! hurle-t-elle en essayant de se dégager de mes bras, NE ME TOUCHE PAS SALOPE !

Ses cris résonnent si fort que les lumières des roulottes qui nous entourent s'allument. Plusieurs voix s'élèvent de loin pour nous injurier.

— Rentre ! lui ordonné-je lorsqu'elle s'est enfin calmée.

Elle me lance un regard noir et me pousse loin d'elle.

— Ouais, c'est ça, occupe-toi s'en, prononce-t-elle d'un ton acerbe.

— Et bah dit donc ça, c'est une amie, ironise Chester.

La fureur s'enivre dans mes veines. J'avance à grands pas jusqu'à lui, arrache la cigarette qu'il vient d'allumer et la jette plus loin. Aussitôt, la colère s'empare de lui. Il se redresse pour me faire face, cependant je ne me démonte pas.

— Tu as vu dans quel été elle se trouve, elle s'est fait agresser par ton cher client, lui lancé-je sèchement, elle ne devait pas être en sécurité en bossant pour toi ! ce n'était pas ça ton putain d'arrangement !

— OH ! Tu baisses d'un ton ! s'emporte-t-il en me dominant de toute sa hauteur. Ce n'est pas ma faute si elle a tendance à tout se mettre dans le nez.

Son haleine chargée d'alcool se mêle à l'odeur désagréable du tabac, me donnant la nausée.

— Combien te doit-elle ?

— Mille dollars, articule-t-il lentement alors qu'un sourire malsain s'étire sur sa bouche.

Je ne peux m'empêcher de laisser échapper un léger rire d'agacement face à la somme conséquente qu'il vient de prononcer.

— Attends-moi ici.

Je me dépêche d'aller dans ma chambre pour récupérer le dictionnaire, veillant à ne pas réveiller Sadie qui parvient à dormir malgré le tumulte. J'ouvre le livre et prends mes économies soigneusement cachées à l'intérieur, avant de retourner voir Chester pour les lui remettre.

— C'est tout ce que j'ai, lui dis-je en lui tendant l'argent.

Il le récupère et compte de la somme, mais la contrariété se manifeste rapidement sur son visage.

— Eh bien, ce n'est même pas le prix d'une pipe convenable, réplique-t-il avec mépris.

— Je te donnerai le reste dès que possible.

— Si tu veux aider, tu peux toujours bosser pour moi. Avec ton physique, je suis sûr que les clients feraient la queue pour toi, me lance-t-il d'un ton cynique.

Je le regarde droit dans les yeux, refusant de laisser sa provocation m'atteindre.

— Je trouverai l'argent, répliqué-je déterminée.

Chester s'approche de moi, nos visages à quelques centimètres l'un de l'autre. Il devient menaçant.

— J'attends mon fric pour demain soir. Sinon, je couperai un par un les doigts de Candace et de sa putain de môme illégitime, murmure-t-il d'une voix glaçante.

D'un geste brusque, il se recule et ajoute avec sarcasme.

— À demain beauté.

Je le fixe alors qu'il s'éloigne, la gorge serrée. Comment vais-je réussir à rassembler huit cents dollars. Soudain, une sensation inexplicable me donne la chair de poule. Je balaie rapidement du regard les environs, mais il n'y a personne. Pourtant, cette étrange impression persiste, collée à moi comme une ombre indéfinissable.

— Il est mort Peyton, me murmurai-je à moi-même en enlaçant mes bras autour de moi, il est mort.  

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top