Chapitre 7
Ce fut le soir du premier anniversaire de mort de Voldemort que le brun décida de partir. Dormant dans une chambre privée, n'ayant plus ses entrées à Gryffondor désormais, il avait remarqué en se déshabillant que le noir avait envahi, en l'espace d'une soirée, ses deux pieds et le dos de la main gauche. Lentement, la Magie Noire grignotait ce qui restait de bon en Harry et, dans très peu de temps, le Gryffondor serait méconnaissable.
Alors que tout le château et même toute l'Angleterre célébrait le premier anniversaire de la mort de Voldemort, le Gryffondor lui, faisait ses valises et s'enfuyait par un souterrain de Poudlard, celui qui menait chez Honeydukes d'où il transplana sur la côte, à la recherche d'un endroit sûr où se cacher car il savait que si jamais ses amis découvraient ce qui lui arrivait, jamais plus ils ne le lâcheraient.
Ayant conservé ses pouvoirs magiques et sa baguette, bien qu'il lui fût mal aisé de s'en servir avec des mains dignes de pelles à tarte dotées de griffes démesurées, il usait régulièrement de magie pour aller s'enquérir des nouvelles, celles le concernant l'intéressant principalement.
Durant les six premiers mois de sa vie en ermite, chaque jour il transplanait sur la lande au-dessus de sa grotte, se jetait un sortilège de Désillusion puis se rendait dans la ville la plus proche pour voler la Gazette et de la nourriture. Parfois, il lui arrivait de laisser un peu d'argent à l'épicier qu'il dépouillait, mais rapidement, les fonds vinrent à manquer et il ne songea même pas à se rendre chez Gringotts pour en prendre... question de principe.
Regardant derrière lui, Harry avisa le tas conséquent de journaux qui s'alignaient parfaitement, comme des bûches, le long d'un des murs arrondis de la grotte. Dans les premiers journaux qu'il avait ramenés, au début de son exil, fleurissaient des manchettes appelant quiconque l'aurait vu à signaler sa présence au Ministère directement. Il y avait aussi des articles, écrits par Hermione, Ron, et des amis des deux sorciers. Cela avait duré quelques mois, chaque jour un article nouveau, et puis au fil de semaines, les articles étaient de moins en moins longs avant de finir par disparaître. Harry comprit que ses amis avaient cessé de le chercher officiellement quand il avait vu sur la première page de la Gazette le cours du Gallion...
Songeant au nombre conséquent d'années écoulées, Harry se mordit la joue. Que pensaient ses amis, ses proches, les Dursley ? Même si pour les sorciers vingt-cinq ans ce n'est pas énorme, pour les Moldus cela représentait un quart de leur vie sur Terre. Pétunia et Vernon Dursley étaient-ils toujours vivants ? Sans doute, vieux certainement, mais vivants, ils sont coriaces. Et Dudley ? S'était-il rangé ? Avait-il une famille à présent ?
Harry soupira profondément. Sa large cage thoracique tressauta. Soudain, il décida d'aller s'enquérir des nouvelles de ses amis. On était début novembre et Hermione avait dû reprendre son poste à Poudlard. Ron était lui en vacances, la saison de Quidditch ne reprenant qu'au printemps. Et Malefoy ? Harry n'avait pas souvenir d'avoir eu des nouvelles de sa famille ou de lui par les sorciers alentours, les ragots ou les journaux.
Intrigué, le Gryffondor se décida à quitter sa grotte alors qu'en temps normal, en plein hiver, jamais il n'aurait mis le nez dehors. Ces dernières années, il s'était surpris à dormir énormément, comme à hiberner. Cela ne l'avait guère troublé...
Se jetant un sortilège de Désillusion, le brun s'avança au bord de sa grotte. Le sol tombait en à-pic jusque dans l'océan. Un faux pas et c'était la mort assurée, même pour Harry. Enfin... Quasiment.
Se tordant le cou, le brun lança un bras et planta ses griffes assassines dans le granit. Elles y plongèrent comme dans du beurre et, solidement agrippé, il escalada la falaise vertigineuse telle l'araignée, jusqu'en haut sans même se fatiguer.
Arrivé en haut, il s'arrêta et ne laissa dépasser que le haut de sa tête surmonté d'une broussaille de cheveux noirs. Il tenait à s'assurer qu'aucun randonneur Moldu ou qu'aucun sorcier ne traînait dans les parages car si le sortilège masquait son corps, il n'en supprimait pas pour autant le volume.
La voie étant libre, Harry se hissa littéralement sur l'Ecosse puis transplana à Londres et se faufila sur le Chemin de Traverse. Heureusement, tout monstre qu'il était devenu, il était resté un sorcier malgré tout et avait conservé, au prix de très gros efforts son esprit lucide.
Chaque sorcier d'Angleterre allant au moins une fois de temps en temps dans cette allée marchande, si Drago Malefoy était un jour passé ici, même plusieurs années auparavant, Harry serait en mesure de déceler son odeur et de le retrouver. L'odeur de la peau de Malefoy était une chose qui n'avait pas quitté les sens d'Harry depuis le début de son exil. De même que les quatre mois qu'ils avaient passé ensemble étaient toujours gravés dans l'esprit du brun qui, lors de moments douloureux, se les repassait, comme on repasse en boucle un film de famille pour se rappeler les temps heureux.
Alors qu'il songeait au Serpentard, une odeur piquante chatouilla le nez du brun. C'était une odeur de femme, masquée sous un parfum agressif qui obligea Harry à se couvrir le nez et la bouche de sa main pour ne pas éternuer.
Regardant autour de lui, le Gryffondor grogna. Il y avait bien trop de monde qui se bousculait dans la rue pour y voir quoi que ce soit. Avisant les toits, le brun s'y propulsa d'un fléchissement de jambes. Il se saisit d'une gargouille tout en haut d'une vieille maison et se hissa sur le toit. De là, il avait une vue panoramique sur tout le Chemin de Traverse et, derrière lui, l'Allée des Embrumes avec sa constante humidité qui flottait au-dessus des venelles sinueuses telle une bruine coriace.
Reniflant autour de lui tel un chien, Harry repéra l'odeur piquante. Il chercha des yeux son propriétaire et fut surpris de découvrir une femme brune, grande et sèche, devant un magasin de vêtement pour jeunes sorciers. Elle attendait sous un parapluie noir et argent – alors qu'il ne pleuvait pas –, en regardant la boutique fixement.
Harry fronça les sourcils. Cette femme ne lui inspirait rien de bon mais le pire c'est que sous son odeur personnelle et son parfum si agressif, le Gryffondor découvrit la subtile fragrance de Drago Malefoy. A bien y sentir, l'odeur du Serpentard imprégnait littéralement les vêtements de la femme et sa peau, jusqu'à ses cheveux.
Harry sentit une nausée venir. Soudain la porte de la boutique s'ouvrit sur un jeune garçon d'une quinzaine d'années, aux cheveux courts blonds clair, et une fillette d'une dizaine d'années aux couettes nouées de chaque côté de sa tête.
- J'ai pigé, dit Harry. Cette mégère doit être sa femme et les deux gosses, leurs enfants... Je vais les suivre pour voir...
Harry sauta de toit en toit jusqu'à l'endroit où la femme et les deux enfants disparurent dans une voiture à cheval. Cinq cent mètres plus loin, un peu après la sortie du Chemin de Traverse et à deux pâtés de maisons du monde Moldu, la calèche s'arrêta et les trois sorciers en descendirent. La femme se rua à l'intérieur et les deux enfants montèrent les quatre marches du perron à leur rythme, chaudement enveloppés dans des capes en fourrure.
Harry regarda la maison en face de lui. Grande, blanche, style victorien, elle avait quatre étages et un nombre impressionnant de fenêtres aussi hautes que deux hommes l'un au-dessus de l'autre. Sur le fronton au-dessus de la porte était gravé dans une plaque de marbre noir, le symbole de la famille Malefoy, un serpent enroulé sur lui-même. Le dessin en relief avait été rempli d'argent massif et brillait telle une lanterne sous la blafarde lumière du ciel gris.
- Aucun doute, c'est chez Malefoy, dit le brun en plissant le nez.
Une fenêtre s'ouvrit alors au premier étage et l'ouïe aiguisée d'Harry entendit :
- Laissez ça, Graziella, vous le ferez plus tard, j'attends un rendez-vous d'une minute à l'autre. Oui, monsieur Lambert, excusez-moi, la femme de ménage... Heu... Oui, demain à quinze heures à Paris ? Très bien, oui, oui c'est possible. J'y serais. D'accord, au revoir, à demain alors.
Harry fronça les sourcils quand il entendit un bip, le genre de bip caractéristique des téléphones sans fil quand on coupe la ligne... Il vit alors une grande silhouette s'approcher de la fenêtre pour la refermer et son cœur loupa un battement. Drago Malefoy, celui pour qui son cœur battait encore, se pencha par la fenêtre, jeta un œil dans la rue puis retourna dans la pièce en refermant la fenêtre derrière lui.
Harry sentit sa gorge se serrer. Il fallait qu'il lui parle à présent, qu'il l'approche ! C'était une question de vie ou de mort !
Jaugeant la distance entre le toit où il était perché et la maison de Malefoy, Harry plissa le nez. La rue faisait plus de dix mètres de large... Qu'à cela ne tienne ! Le brun avisa un lampadaire, il y sauta, s'y accroupi puis décolla aussitôt vers le lampadaire juste en face, évitant de ce fait un pliage suspect de l'objet. De là, il sauta contre le mur de la maison et planta ses grosses griffes dans la pierre ciselée – sa puissante magie faisait en sorte que lorsqu'il retirait ses griffes d'un objet solide, il n'y ait aucune marque visible. Il chercha ensuite la fenêtre où il avait vu Malefoy et il s'en approcha sans bruits.
Agrippé au-dessus de la grande fenêtre, il pencha la tête et regarda par le carreau impeccable. Une pièce se dessina sous ses yeux, sans dessus dessous évidemment. Le sol était recouvert de parquet, lui-même recouvert d'un grand tapis de laine vert et argent. Le mur de gauche pour Harry n'était que portes sur toute sa surface, peut-être des placards, tandis que celui d'en face était une vaste bibliothèque. Devant la bibliothèque se trouvait un grand fauteuil en cuir vert de Dragon, et un lourd bureau en bois massif surencombré de dossiers. Entre les deux meubles, Drago Malefoy se tenait debout, un petit boîtier rectangulaire dans la main droite.
- Une télécommande... dit Harry. Allons bon, c'est la meilleure ça... Tiens, et voilà le téléphone sans fil sur le bureau....
Malefoy se rassit soudain et Harry le détailla. L'homme en face de lui n'avait plus rien à voir avec le garçon qu'il avait connu vingt-cinq ans plus tôt. En effet, Malefoy avait dix-huit ans à l'époque, à présent, il devait en avoir dans les quarante-trois, quarante-quatre ans. Il était désormais un homme, un très bel homme...
Secoué par un frisson, Harry se concentra sur le blond et formula dans sa tête :
« Malefoy... »
Aussitôt le blond releva la tête et regarda autour de lui comme si on l'avait appelé.
« Malefoy... » répéta Harry. « Tu ne reconnais pas ma voix ? »
- Qui... Qui est là ? demanda le concerné Montrez-vous !
Harry sourit. Il tenta alors une approche différente.
« Salut mon amour, je suis rentré à la maison ! » lança-t-il dans la tête du Serpentard.
Aussitôt le visage du blond passa du pâle au jaunâtre. Sa mâchoire remua et il bafouilla :
- Po-Potter ?
« Enfin ! » dit Harry. « Oui, c'est moi... »
- Potter mais... Bon sang où es-tu !
« Non » dit Harry. « Ne bouge pas, reste assis, fait comme si de rien n'était... »
Le blond s'appuya contre son dossier et Harry ajouta :
« Je te parles par télépathie, j'en suis doté à présent... Répond-moi dans ta tête, je pourrais t'entendre... »
Il y eut un blanc et Harry reprit :
« Bon sang Malefoy, tu ne peux pas savoir comme je suis heureux de te revoir... »
« Et moi donc » répondit le blond. « Mais où es-tu ? Viens me voir, montre-toi... »
Harry resta silencieux une seconde puis répondit :
« Moi aussi je voudrais te serrer dans mes bras à t'en étouffer mais c'est impossible... Je ne suis pas... présentable »
« Qu'à cela ne tienne, montre-toi, je t'en prie... Potter, ça fait vingt-cinq ans que tout le monde te cherche... Dans cinq ans nous aurions mis en terre un cercueil vide... »
Harry baissa la tête. Il rajusta sa prise sur les pierres du mur puis dit :
« Malefoy, je te demande pardon d'avoir disparu de cette façon, mais c'était le seul moyen de tous vous protéger de moi... »
« Nous protéger de toi ? Mais... de quoi ? »
« Tu as oublié ? Tu ne te souviens plus... On a passé quatre mois ensemble à combattre la Magie Noire en moi... Malheureusement, on a échoué... Le soir du premier anniversaire de la mort du Lord, la « maladie » a grignoté les derniers morceaux de peau blanche de mon corps... J'ai fait mes valises et je me suis sauvé... »
« Potter... » dit alors le blond. « Quoi qu'il te soit arrivé, pourquoi ne pas nous avoir demandé de l'aide ? Rogue et McGonagall auraient pu t'aider... »
Harry secoua la tête puis dit :
« Non, personne à part moi ne pouvait m'aider... Ce que j'ai enduré ces dernières années, je ne le souhaite à personne... Je suis un monstre Malefoy, une bête dotée de griffes redoutables, d'une force herculéenne... Je lacère la plus dure des pierres d'un mouvement du poignet, je monte et descend des falaises en à-pic telle l'araignée, la tête en bas... Non Malefoy, vous n'auriez pas supporté tout ça... »
« Harry... »
Harry ferma les yeux. Des larmes roulèrent sur ses joues et tombèrent sur le balcon sous lui. Le brun resserra sa prise sur la pierre du mur et une fine pluie de gravillons dégringola contre le carreau. La seconde suivante la fenêtre s'ouvrait et Malefoy apparaissait.
- Potter... Montre-toi, je t'en supplie... dit -il en regardant en l'air.
« Non » répondit Harry. « Non, je ne veux pas que tu me voies dans cet état... »
- Potter...
Harry regarda dans la pièce et tendit l'oreille.
« Ta femme approche » dit -il au blond. « Je dois partir... »
- Non ! Non, attends ! Je t'en prie ! Est-ce que tu vas revenir parmi nous ? Hein ? Montre-moi au moins à quoi tu ressembles ! S'il te plait !
Harry ne répondit pas. Il déglutit puis ferma les yeux et propulsa dans l'esprit du Serpentard une image de sa propre main à la peau noire, carbonisée, pourvue de ses longues griffes noires et luisantes, acérées comme des poignards. Il grimpa ensuite en quelques secondes sur le toit de la maison puis dit :
« Je dois partir... Je t'aime Malefoy, je n'ai jamais cessé de t'aimer, sache-le... »
- Potter ! Attend...
On frappa soudain à la porte et le blond se retourna. Il sentit la présence de son épouse de l'autre côté du panneau et regarda à nouveau vers la rue. Il n'y avait pas de trace d'Harry. Dépité, la gorge nouée, le blond rentra dans la pièce et referma la fenêtre. Sa femme entra alors et lui parla de quelque chose mais il ne retint pas la moitié de la discussion...
A suivre...
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