Dring !

- Je viens !

Miss Maya posa son torchon sur le rebord de l'évier – elle était occupée à faire sa vaisselle, aimant bien la faire à la main plutôt que de regarder la brosse le faire toute seule –, et elle traversa son appartement jusqu'à la porte d'entrée.

Dring !

- Voilà, voilà !

Tirant le verrou, la jeune femme entrouvrit la porte et tomba nez à nez avec Rogue.

- Severus ? Que faites-vous ici ? Vous aviez dit que vous enverriez un hibou...

- Puis-je entrer ?

- Oui... Oui, bien entendu, dit la jeune femme en ouvrant la porte plus grande pour laisser entrer Rogue. Vous avez de mauvaises nouvelles ?

- Non, non. Vous avez fermé la boutique aujourd'hui ?

- Non, le samedi je n'ouvre que l'après-midi... Mais qu'est-ce que vous venez faire ici ? répéta la jeune femme.

- J'étais à Londres pour parler avec des collègues professeurs au sujet de Potter...

- Ha... Donnez-moi votre cape...

Rogue acquiesça, donna sa cape à la jeune femme qui alla la suspendre à une patère dans l'entrée en demandant :

- Et alors ? Des nouvelles de Potter ?

- Pas que je sache... Par contre, Mrs Pomfresh a peut-être trouvé ce qui a provoqué cet état statufié chez Potter...

- Ha oui ? Notre potion ?

- Non... Du poison.

- Quoi ? couina Miss Maya. Du poison ? Mais où !

- Dans le pichet d'eau que j'ai ramené des cuisines en arrivant...

- Merlin... Et dire que j'ai failli en boire...

La jeune sorcière noua ses mains sur sa gorge et Rogue lui prit les poignets.

- Poppy va trouver pourquoi l'eau du pichet était empoisonnée et elle va régler le problème... Seulement, si cela n'améliore pas l'état de Potter...

- Il est en danger de mort ?

- Je l'ignore...

Rogue secoua la tête et la jeune femme soupira avant de se blottir dans ses bras. L'homme la serra un instant et soudain, il y eut un grattement au carreau derrière eux. Maya releva la tête.

- Tiens, une chouette, dit-elle. Je ne la connais pas...

- Moi si, c'est celle de Poppy justement. Faites-la entrer, vous voulez ?

Maya obtempéra et alla basculer la fenêtre pour faire entrer l'oiseau qui se percha sur un meuble en tendant une patte vers Rogue qui s'empara de son pli.

- C'est bien Poppy, dit-il en le lisant dans sa tête. Apparemment, le poison a été provoqué par le mélange de la fumée verte de la potion et de l'eau du pichet... Elle pense que de la mousse est tombée du plafond directement dans le pichet et comme elle se dilue en quelques centièmes de secondes, nous n'avons rien vu faire. Selon elle, ce serait un dérivé du Cyanure...

- Et pour Potter ?

- Elle ne dit rien, mais elle me dit de rester où je suis. Elle pense à juste titre que je suis avec vous...

Maya hocha la tête. Elle regarda par-dessus son épaule, dans la cuisine et dit :

- Allez au salon pendant que je termine ma vaisselle...

- Vous êtes du genre têtu vous, non ? Avec votre maladresse, la magie devrait régir toutes vos tâches ménagères.

Maya tira la langue à l'homme qui lui planta brusquement un doigt entre les côtes. La jeune femme se déroba en se tortillant puis elle revint vers l'homme en disant :

- Je vous aime mais pas quand vous faites ça, Severus Rogue.

Le professeur plissa les yeux puis la jeune femme quémanda un baiser et il l'embrassa, non sans avoir levé les yeux au ciel avant. Ils avaient échangé leur premier baiser moins d'une semaine plus tôt alors que la jeune femme, perturbée par ce qu'elle avait vu dans l'esprit de son compagnon, peinait à trouver le sommeil la nuit dans son appartement désert. Rogue l'avait alors emmenée à Londres se changer les idées et c'est en revenant qu'il l'avait embrassée, d'abord doucement puis plus longtemps, avant de rentrer à Poudlard, ses sentiments faisant du grand huit.

Rogue secoua la tête et tourna les talons. Il passa dans le salon où il s'affala dans le canapé en velours vert, prenant un gros livre qui traînait à ses côtés...

La fin de la journée, la nuit, puis une autre journée s'écoulèrent si lentement que tous les habitants de Poudlard crurent que le temps avait été ralentit.

Rogue et Maya, qui avaient rejoint le château tard dans la soirée de samedi, une fois que la jeune femme eut bouclé sa boutique, tournaient en rond dans l'appartement du professeur de Potions.

- J'en ai marre de cette attente ! pesta soudain Maya en passant ses mains dans ses cheveux en bataille. Quand est-ce que l'antidote va faire effet ?

- Je ne sais pas, cela est instantané normalement...

- Mais ça fait deux jours, Severus ! gémit la jeune femme.

Elle s'affala sur une chaise et soudain, Rogue se leva de son fauteuil et s'approcha vivement d'elle. Il la hissa dans ses bras et Maya se débattit.

- Où m'emmènes-tu, grand sot ? Pose-moi sur le sol tout de suite ! dit-elle en oubliant de nouveau le vouvoiement.

Rogue resta de marbre. Resserrant sa prise, il entra dans sa chambre et jeta la jeune femme sur le lit avant de venir sur elle en disant :

- J'ai un moyen miraculeux pour faire passer le temps, tu sais ?

- Quoi ? Severus !

La jeune femme le repoussa et Rogue roula sur le dos en rigolant, un bras sur les yeux. Maya s'assit prestement au bord du lit en grommelant et soudain elle siffla :

- Tu te fichais de moi ? Saleté !

Saisissant le coussin le plus proche, elle le lui balança dessus et Rogue le dévia d'un geste du bras. L'oreiller alla s'écraser sur le sol.

- On se tutoie maintenant ? demanda-t-il avec un sourire.

Maya rougit et grommela. L'homme revint vers sa compagne et lui entoura la taille de ses grands bras en l'embrassant dans le cou.

- Pardon, dit-il avec un sourire dans la voix. C'était trop tentant...

- Crétin... siffla la jeune femme.

Elle ne chercha cependant pas à se libérer de l'étreinte de l'homme. Au contraire, son visage prit une furieuse couleur brique et Rogue lui caressa la joue de son nez en disant :

- Tu es toute rouge... Tu as cru que j'étais sérieux ?

- Tu l'étais ?

- Je le serais quand tu le seras, répondit Rogue sur un ton docte.

Maya haussa un sourcil puis Rogue s'assit en tailleur dans son dos et elle se retourna. Elle le regarda un instant, assis les jambes croisées, la main droite sur le genou, le coude en l'air et soudain, brisant le silence elle dit :

- Je ne peux pas avoir d'enfants, tu sais...

Sa voix était si basse que Rogue cru une seconde avoir entendu des voix. Il sut que c'était Maya qui avait parlé car elle déglutit alors que la phrase se terminait.

- Qu'est-ce que cela vient faire dans la conversation ? demanda-t-il.

- Rien... Je te le dis... C'est tout.

- Maya, bien que je sois fortement navré pour toi, nous n'en sommes pas encore là... J'ai mis six ans à donner à Hermione le bébé qu'elle voulait...

- Si je ne t'avais rien dit, aurais-tu mit aussi six ans avec moi ?

Rogue fronça les sourcils sans répondre. Il n'aimait pas trop le tour que prenait la conversation. Sentant soudain une vague de tristesse émanant de sa compagne, il la prit par les bras et la serra dos à lui en disant :

- Si l'avenir est clément avec nous et nous permet de rester ensemble encore quelques années, je te promets de tout faire pour tu puisses avoir des enfants, artificiellement ou non.

- Ou non ? Aucun sorcier n'a réussi à traiter la stérilité d'une femme, dit Maya. Celles comme moi à qui la vie a refusé son don, prennent des potions pour obliger leur corps à concevoir... Je ne veux pas de ça.

- Pourquoi ?

- Je ne veux pas avoir à expliquer un jour à mon enfant que s'il n'a pas de frères et sœurs c'est parce que c'est une potion qui l'a fait naître en moi...

- Elles fonctionnent plusieurs fois...

Maya secoua la tête.

- Même. Si un jour j'ai un enfant, ce sera selon le bon vouloir de la nature ou pas du tout.

- Tu n'es pas obligée d'être aussi dure avec toi-même, ma chérie...

Rogue resserra ses bras et soupira. La jeune femme appuya son menton sur le bras que l'homme avait passé autour de son cou et elle se mordit la lèvre, se résolvant à ne pas pleurer. Elle y parvint tant bien que mal puis dit :

- Aucune femme de la famille Barjow n'a eu ses enfants naturellement... Nous sommes tous le fruit d'un coup de pouce magique... C'est une sorte de... malédiction. Quand ma mère m'a expliqué ça, je devais avoir neuf ou dix ans, c'était quelques semaines avant qu'ils ne soient tués, je n'ai pas cessé de lui demander pourquoi, si bien qu'elle a fini par me gronder...

Rogue eut un sourire en s'imaginant la scène : une fillette d'une dizaine d'années, blonde comme les blés et aux yeux bleus, poursuivant sa mère dans une maison en demandant « Pourquoi ? Pourquoi ? » à tout bout de champs...

Maya soupira soudain et tout à coup, on frappa vivement contre la porte d'entrée de l'appartement. Aussitôt les deux sorciers furent sur leurs jambes et Rogue se hâta d'aller ouvrir.

- Minerva ! fit-il.

- Allez, venez, Potter est revenu à lui...

- Nous arrivons. Maya !

Attrapant sa cape et celle de son compagnon, la jeune femme se rua dehors et ils trottinèrent rapidement jusqu'à l'Infirmerie où une agitation anormale régnait.

- C'est un miracle ! aboya Hagrid.

- Oui, renchérit la voix de flûte de Flitwick. Incroyable !

Les autres professeurs et les fantômes agglutinés autour du lit qu'avait occupé Harry les trois derniers jours – nous étions lundi après-midi –, discutaient entre eux de manière totalement anarchique. L'arrivée de McGonagall les fit cependant tous taire et ils s'écartèrent pour permettre l'accès de la vieille sorcière au lit du Gryffondor.

- Par tous les Dragons du monde ! jura-t-elle en portant ses mains à sa bouche, choquée.

- Nom de... dit Rogue en se reprenant à temps.

- Monsieur Potter ? demanda Maya. C'est... vous ?

Assit dans son lit, le dos droit, simplement vêtu d'un bas de pyjama, Harry se tenait là, souriant, les cheveux en bataille... et humain.

- C'est tout bonnement incroyable ! s'exclama Pomfresh, debout près de lit. Je n'ai rien vu faire...

- Que s'est-il passé ? demanda Rogue.

- Je... Je ne sais pas ! Il n'avait pas bougé depuis trois jours, j'ai cru que l'antidote n'avait pas fonctionné et je commençais à désespérer quand j'ai entendu sa respiration s'accélérer... Il s'est mis à haleter et à grogner, ses muscles se sont détendus et sous mes yeux, il est redevenu humain... Je ne sais pas... Pour la première fois de ma vie je suis incapable de vous expliquer ce qu'il s'est passé...

- Remettez-vous Poppy, dit McGonagall. Potter ? Comment vous sentez-vous ?

Harry haussa un sourcil. Il leva ses mains devant son visage, les tourna dans un sens puis dans l'autre, tâta son torse et ses épaules, puis son visage et dit :

- Plutôt bien... Je suis entier... Et tout petit... et ma peau est blanche...

Il y eut un silence stupéfait puis soudain Maya se mit à rire et sans prévenir, elle lui sauta au cou.

- Monsieur Potter ! s'exclama-t-elle.

Harry attrapa la jeune femme entre ses bras et serra les poings par réflexe pour ne pas l'écorcher de ses griffes.

- C'est inutile, dit McGonagall avec un sourire. Vous ne risquez plus d'écorcher les gens maintenant... Vous êtes redevenu « vous ».

Elle pencha la tête sur le côté et lui offrit un de ses rares sourires bienveillants. Harry sentit son cœur se serrer violemment et il plongea son visage dans l'épaule de Maya qui le serra contre elle en lui caressant le dos.

- Ça va aller... dit -elle. Tout va aller pour le mieux maintenant...

- Merlin, dit le brun en posant son menton sur l'épaule de la jeune sorcière. Je n'y croyais plus... Après tant d'années... Enfin... La Magie Noire a été repoussée... Je suis enfin redevenu moi... Enfin...

Il frotta son nez contre l'épaule de la jeune femme puis soudain il la repoussa et regarda McGonagall.

- Hermione, Ron, Drago ! Il faut les prévenir.

- C'est fait, grogna Hagrid en faisant se balancer une bourse qui répandait une poussière brillante. Ils sont en chemin.

- C'est tout bonnement étrange, dit soudain Rogue.

Miss Maya s'agrippa à son veston comme il passait un bras sur ses épaules, son autre main dans la poche de son pantalon. Il semblait totalement désarçonné, chose qui ne lui arrivait jamais d'ordinaire.

Harry sourit. Pomfresh chassa soudain tous les professeurs de la pièce et ils s'en allèrent en discutant vivement sur le sujet, sujet qui allait copieusement alimenter les discussions des deux mois de vacances restants.