Chapitre 40

Rogue la regarda puis haussa un sourcil. Soudain il l'agrippa par le cou et la renversa sur le lit.

- Seriez-vous tombée amoureuse de moi si je n'avais pas ce fichu caractère ? dit-il, en appuis sur un coude.

- Qui vous dit que je suis amoureuse ?

- Vous rougissez...

Le teint de perle de la jeune femme vira au rouge brique en un rien de temps et Rogue la serra dans ses bras. Elle se blottit contre son torse un instant puis s'éloigna et tira la montre de gousset de la poche du veston noir.

- Vous avez un rendez-vous ? demanda Rogue en la regardant ouvrir la montre.

- Moi non, mais vous avez vos cours à quinze heures... Il reste une heure et demie, dit-elle en refermant la montre et en la replaçant dans la petite poche prévue à cet effet sur le veston.

- Et que voudriez-vous faire pendant cette heure et demi ? ronronna Rogue.

- Pas ce à quoi vous songez, monsieur l'empressé.

- Oh, je ne pensais pas à mal, loin de moi cette idée.

Maya lui décocha une grimace puis elle roula sur le dos et soupira profondément. Levant les bras à la verticale, elle compara ses poignets blancs comme ses manches tombaient sous l'effet de la gravité. Tournant la tête, elle laissa retomber ses mains sur son ventre.

- Je voudrais entendre votre histoire... dit-elle alors en regardant le plafond.

Les yeux de Rogue s'amincirent et il fit mine de se relever. La jeune femme le retint par la manche de sa veste et il fixa la couverture bleue surpiquée comme s'il lui trouvait un brusque intérêt.

- Il va bien falloir une vous me la racontiez un jour ou l'autre...

- Maya... S'il vous plait...

- Alors laissez-moi la voir...

- La voir ?

- Dans votre tête...

- Je n'ai pas de Pensine...

- Pas besoin, mon Empathie suffira. Pour une fois qu'elle peut servir à autre chose qu'aider les gens...

- Comment vous y prenez-vous ? demanda Rogue, intrigué.

Maya s'assit au bord du lit et fit face au professeur. Elle se pencha vers lui et l'homme resta de marbre. Il frissonna légèrement quand le front frais de la jeune femme toucha le sien et qu'il sentit son souffle sur son visage.

- Détendez-vous, lui dit-elle à mi-voix. Ne bougez surtout pas, je vais m'introduire dans votre esprit...

- Pardonnez-moi d'avance pour le désordre que vous allez y trouver et... ne prenez pas peur si vous voyez des choses qu'il ne faut pas...

- N'ayez crainte... J'ai confiance en vous.

Sa voix n'était plus qu'un murmure et Rogue ferma les yeux. Soudain, il sentit une force surpuissante briser ses barrières mentales, les fracassant comme on fracasse un miroir de colère. La sensation de danger qui l'envahit lui souffla de briser le contact tout de suite mais les mains de la jeune femme s'abattirent sur les siennes et les doigts s'y agrippèrent solidement, exhortant l'homme à ne pas bouger.

Un observateur extérieur aurait pu penser à un doux moment entre époux si ce n'était les visages crispés des deux sorciers, comme sous l'effet d'une vive douleur.

Soudain, Maya lâcha un halètement sonore. Ses sourcils semblèrent vouloir se rejoindre au-dessus de son nez, comme si elle souffrait, et sa lèvre supérieure se retroussa sur ses dents dans une mimique douloureuse. Il y eut alors comme un choc électrique et la jeune femme fut brutalement éjectée contre les oreillers. Elle s'affala sur les coussins et Rogue s'agrippa au montant du lit en haletant, le visage en sueur.

- Maya... dit -il en se retournant. Maya ?

Sonnée, la jeune femme gémit et se redressa.

- Ça va, dit-elle. Je suis juste un peu sonnée...

- Que s'est-il passé ? demanda Rogue en la ramenant vers lui. Vous avez vu ce que vous vouliez ?

- Oui... Mais...

- Mais ?

- Mais quand j'ai voulu sortir de votre esprit, je me suis attardée sur un souvenir où vous étiez un professeur...

- Qu'avez-vous vu ?

Maya déglutit. Son regard bleu se planta dans les onyx de Rogue et elle ânonna :

- J'ai vu Voldemort...

- Voldemort ? Ce devait être un souvenir...

- Non... Non, non, dit Maya en secouant la tête. Il... Je vous regardais donner un cours à des premières années, quand il a surgi dans la salle de classe. Personne ne l'a remarqué mais il m'a vu et il s'est dirigé vers moi. Sa robe noire voletait autour de lui, il était pieds nus et sans armes. Il m'a alors frappée au front et j'ai été éjectée de votre esprit...

- J'avoue ne pas tout comprendre... dit le professeur, incrédule. Peut-être faudrait-il en parler avec le professeur McGonagall ?

- Vous pensez ? Ce n'est peut-être qu'un souvenir particulièrement tenace...

- Voldemort ne m'a jamais frappé... dit Rogue en grimaçant. Les punitions qu'il nous infligeait étaient sous forme de sortilèges...

- Je ne comprends pas, dit la jeune femme. Ce n'est pas la première fois que j'utilise mon Empathie de cette façon... Avant de devenir la gérante de la librairie, j'y travaillais à mi-temps et je passais le reste de mon temps à St-Mangouste... J'aidais les enfants à aller mieux en cherchant directement dans leurs têtes la source de leur mal-être... Voldemort est très probablement la source de votre mal-être mais vous seul savez comment vous en débarrasser...

- Votre don est extrêmement puissant, reconnu Rogue. Vous avez fracassé mes barrières mentales comme du verre... Pourtant je suis un Occlumens de niveau supérieur...

La jeune femme secoua la tête en clignant des yeux. Rogue la prit par les épaules et l'entraîna sur le lit en la prenant contre lui.

- Reposez-vous, fit-il.

Maya hocha la tête et ferma les yeux, le front contre la poitrine de l'homme qui, son menton posé sur ses cheveux, regarda fixement la tête de lit en grimaçant. Pourquoi diable Voldemort avait-il une raison, d'une de se trouver dans son esprit, et de deux, d'en éjecter Miss Maya aussi brutalement ?

Durant l'heure qui suivit, si Maya finit par s'endormir, le professeur lui, continua de cogiter. Ses bras toujours serrés autour de la jeune femme, il tournait et retournait dans sa tête tous les scenarios possibles et inimaginables. Soudain, on frappa à la porte de la chambre et l'homme se redressa. Maya gémit et ouvrit un œil.

- Ne bougez pas, dit-il à mi-voix. Je reviens.

Il se leva et alla à la porte. L'ouvrant, il étouffa un bâillement et tomba nez à nez avec Harry.

- Oh pardon, vous vous reposiez ? demanda le Gryffondor.

- Ce n'est pas grave...

- Miss Maya est avec vous ?

- Elle se repose elle aussi... Elle a été un peu secouée...

- Secouée ?

- Poussez-vous...

Rogue sortit dans le couloir et referma la porte dans son dos.

- Elle a tenu à ce que je lui raconte mon histoire mais je n'ai pas voulu alors elle a décidé d'Allez la regarder en direct... là-dedans, dit-il.

Il pointa son index sur son front et ajouta :

- Apparemment, elle peut se servir de la puissance de son Empathie pour farfouiller dans l'esprit des gens, mais il lui faut un contact.

- Et qu'est-ce qui l'a secoué ?

- Quand elle était dans ma tête, elle m'a expliqué qu'elle regardait un souvenir où je faisais cours à des élèves quand Voldemort a surgi dans la salle de classe avant de la frapper au visage, ce qui a eu pour effet de l'éjecter violemment de mon esprit. Elle s'est affalée sur le lit, sonnée...

- Voldemort ? Surgir et frapper ? C'est un souvenir, rien de plus... répondit Harry en secouant la tête.

- Je suis en train de me poser la question... Que vouliez-vous au fait ?

- Vous prévenir que je pars chez Ron... Annabelle m'a invité à passer l'après-midi chez eux et je crois que je vais rentrer tard...

Rogue hocha la tête. Harry tourna les talons et l'homme demanda :

- Heu, Potter ?

- Oui professeur ?

- Pouvez-vous, avant de partir, demander à Minerva d'assurer mes cours pour cet après-midi ? J'ignore si Miss Maya va aussi bien qu'elle me l'a dit, je souhaiterais m'en assurer...

Harry hésita un moment puis opina.

- Entendu... A ce soir.

- C'est ça...

Harry s'en alla alors en s'enroulant dans une cape à capuche et Rogue retourna dans la chambre, pensif. Il revint vers le lit et regarda la jeune sorcière qui dormait, recroquevillée sur elle-même comme si elle avait froid, ce qui était probablement le cas, on gelait dans cette chambre !

La hissant dans ses bras, Rogue la redéposa sur le lit dans le sens de la longueur et tira sur elle le couvre-lit. Il alla ensuite s'asseoir dans un fauteuil et se remit à méditer en regardant sa compagne dormir paisiblement.

Le ventre creux, Rogue regarda sa montre. Elle indiquait dix-sept heures et des poussières. N'ayant pas tellement mangé à midi, contrairement à Miss Maya qui avait un appétit d'ogre, il commençait à avoir très faim. Soudain la jeune femme gémit.

- Severus... dit-elle en mâchonnant dans le vide.

- Je suis là, dit Rogue depuis son fauteuil. Eh bien, en voilà une bonne sieste...

- Quelle heure est-il ?

- Un peu plus de dix-sept heures...

- Oh... Ne me dit es pas que vous m'avez veillée ? Et vos cours ?

- Le professeur McGonagall s'en est occupée. J'aurais bien entendu un menu « gage » à faire pour ce service... mais bon.

Rogue eut un sourire et la jeune femme se tourna sur le dos en posant son bras sur ses yeux.

- Est-ce que tout va bien ? demanda le professeur. Vous êtes remise ?

- Oui... Oui, merci.

Se levant, Rogue s'approcha du lit. Il se rassit au bord du matelas et Maya le regarda. Elle sourit puis lui caressa le visage et souffla :

- Merci... Je sais maintenant ce que vous avez enduré, la souffrance, la peur... J'étais à votre place face à ce Dragon affamé... J'ai senti les griffes me labourer le dos... vous labourer le dos... et puis la douleur des plaies pourrissantes, la fièvre s'emparant de l'esprit, la douleur des sortilèges lancés par les Aurors... et le soulagement en voyant le professeur McGonagall avec cet acte de libération dans les mains...

- Non... souffla soudain Rogue.

Il abattit ses grandes mains sur les joues de la jeune femme sans brutalité.

- Ne pleurez pas... fit-il. Personne ne mérite les larmes d'une femme... moi encore moins.

- Je pleure parce que je suis contente de vous connaître... dit la jeune femme en souriant. Toute une vie ne me suffira pas pour remercier Monsieur Potter de m'avoir présentée à vous...

Elle ferma les yeux, des larmes roulèrent sur ses joues et se perdirent sous les doigts de Rogue, et elle souffla :

- Je crois que je suis bel et bien amoureuse...

Brusquement, Rogue sentit quelque chose se déchirer en lui et il crut entendre un hurlement de douleur dans sa tête, un hurlement de chien blessé qui redoubla quand il souffla :

- Je vous aime aussi, Maya...

À Londres, une fois de plus, Lewis plongea sur son épouse pour la serrer dans ses bras. Le gémissement qu'elle venait de pousser, le visage ravagé de grosses larmes, effondrée au milieu de la cuisine parmi les débris d'un plat brisé, le laissa complètement sans défenses mais grâce aux explications de McGonagall, il savait que ces crises de larmes avaient à voir avec le fait que l'âme du professeur sombre s'était détournée de celle d'Hermione le plus naturellement de monde : en s'accrochant à une autre âme avec dans l'intention de faire un bout de chemin avec elle...

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