Chapitre 29

Dix-huit heures trente sonnèrent à la pendule posée sur la cheminée. Rogue leva la tête et Harry s'interrompit. Buvant ses paroles, Miss Maya se redressa, surprise, et regarda la pendule d'un air surpris.

- Il est si tard ! Je n'ai pas vu passer l'heure ! s'exclama-t-elle en vérifiant la petite montre qu'elle avait au poignet.

- Vous êtes attendue ? demanda innocemment Harry.

- Si c'est le cas, je l'ignore, répondit la jeune femme avec un sourire. Personne ne m'attend chez moi, monsieur Potter, je suis libre comme l'air !

Elle écarta les bras et le Gryffondor remarqua son corsage rouge. Il fronça les sourcils.

- Vous portez un corsage très... vif, fit-il.

- Merci... Pourquoi cette question ?

- Par expérience, je n'ai jamais vu quelqu'un sortant de Serpentard porter des habits de couleurs vives... et encore moins du rouge, symbole de Gryffondor.

Miss Maya pinça les lèvres, non vexée, mais elle haussa un sourcil.

- Et vous, vous avez bien les yeux verts, comme Serpentard, lâcha-t-elle.

Elle sourit et Rogue fit une grimace qui se rapprocha dangereusement d'un sourire. Harry se renfrogna puis la jeune femme se leva et Rogue l'imita.

- Je vous raccompagne jusqu'aux Grandes Portes... dit-il.

- Merci...

Harry haussa un sourcil mais Rogue l'ignora. Les deux adultes partirent alors l'un derrière l'autre et le Gryffondor les suivit dans le couloir avant de filer ventre à terre jusque chez McGonagall.

- Monsieur Potter est vraiment quelqu'un de... particulier, vous ne trouvez pas ?

Rogue regarda Miss Maya et hocha la tête.

- Oh vous ne pouvez pas savoir à quel point...

- J'étais jeune quand il a disparu de la circulation, je n'avais que quinze ans mais je me souviens avoir été ébranlée en apprenant que personne ne parvenait à le retrouver... reprit la jeune femme comme ils cheminaient tous les deux côte à côte.

- Nous avons passé des années à le chercher partout sur la planète. Nous nous doutions que quelque chose s'était passé et qu'il se cachait mais... pas moyen de lui mettre la main dessus.

- On ne peut pas retrouver quelqu'un qui a décidé de ne pas vouloir être retrouvé, dit Miss Maya sur un ton docte.

Rogue soupira.

- En effet... Vous savez, au fil des années, chacun à peu à peu reprit le cours de sa vie, sachant que dès lors qu'un sorcier désire disparaître, il le lui est très facile comme vous dites... Comme vous l'avez entendu vous-même, Potter n'était pas bien loin en fin de compte.

Maya hocha la tête.

- Vous n'avez pas participé aux recherches, si ? demanda-t-elle

- Si, mais pas depuis le début. Disons que j'ai pris le relais une fois sorti d'Azkaban...

- J'avais quatorze ans quand les Aurors sont venus vous chercher, dit Maya, les yeux rivés sur le sol de pierres qu'ils foulaient lentement.

- Vous vous en souvenez ? demanda le sombre professeur, étonné. Cela remonte à nombre d'années pourtant...

- C'est malheureusement le genre de choses que l'on a du mal à oublier... Son Directeur de Maison qui se fait arrêter par les Aurors et conduire manu militari à Azkaban c'est... bouleversant. Surtout quand cela arrive au beau milieu d'un cours...

- À ce point ?

Les joues de la jeune femme rougirent légèrement et elle remercia l'obscurité du couloir. Croisant les bras, elle frissonna et Rogue la regarda. Il pinça les lèvres, se maudit... et passa son bras gauche sur les épaules de la jeune femme, l'entourant de sa cape.

- Ne prenez pas froid, fit-il.

- Merci...

Un silence s'installa entre eux alors qu'ils prenaient un escalier qui leur ferait arriver au niveau du hall d'entrée. L'un devant l'autre, tous deux cogitaient sérieusement, mais pas sur le même sujet. Arrivée en haut des marches, Miss Maya se retourna pour attendre le professeur et quand celui émergea, elle retourna se blottir sous la vaste cape avec un sourire un peu timide.

- J'ai toujours pensé que vous n'aviez qu'un cœur de pierre, professeur, dit-elle comme ils reprenaient leur chemin. Mais en entendant Monsieur Potter et en vous écoutant intervenir, j'ai réalisé que sa disparition vous avait autant ébranlé que tout le monde...

- Je suis simplement humain, répondit Rogue.

- Un humain qui a perdu sa femme...

Rogue pinça les lèvres. Miss Maya reprit :

- Comment est-elle morte ?

- Morte ? Merlin merci elle est encore vivante et ce pour plusieurs décennies je l'espère.

- Ah bon ? Mais vous semblez si abattu pourtant...

- Elle m'a quitté, il y a onze ans, en emportant mon fils avec elle.

- Oh...

La jeune femme s'arrêta de marcher et Rogue lui fit face, surprit. La cape et son bras retombèrent contre se flanc et il tourna la tête vers une tapisserie.

- Mais c'est à cause de Voldemort que je l'ai perdue... fit-il. D'ailleurs, vous avez très certainement entendu parler d'elle...

- Ha ?

- Hermione Granger...

- Non !

- Et si... Vous voulez connaître l'histoire ?

- Cela ne vous dérange pas de remuer des souvenirs ?

Rogue secoua la tête, plus amène qu'il ne le pensait. Étrangement, parler d'Hermione avec cette jeune femme ne lui faisait pas autant de mal qu'en discuter avec McGonagall ou Harry.

- Cependant, il se fait tard, dit Rogue. Nous discuterons de cela une autre fois... si vous le désirez...

- Non, non, parlez-moi d'elle maintenant. Je n'ai personne à la maison si ce n'est un vieux chat qui doit probablement dormir comme un bienheureux sur le canapé, dit Miss Maya en prenant le poignet de Rogue dans ses mains. Venez, asseyons-nous...

Miss Maya se dirigea vers un long banc de pierre posé entre deux statues pas très avenantes. L'une d'elles se gratta le nez et l'autre renifla mais aucun des deux sorciers ne leur prêta attention. Rogue s'assit près de la jeune femme.

- Que s'est-il passé pour qu'elle vous quitte ? demanda alors Miss Maya, sachant que son compagnon ne prendrait pas la parole sans que quelqu'un ne le lance.

- Vous savez que j'ai fait neuf ans de prison... Là-bas, j'ai été torturé, physiquement et mentalement. J'en garde de douloureuses cicatrices morales et celles que je porte sur moi le sont de moins en moins avec le temps.

- Ils vous ont... blessé ?

- Ils s'en amusaient même. Les Gardiens n'avaient aucune pitié pour les prisonniers. Ces années ont été un enfer vivant. Chaque jour, je souhaitais mourir sous les sortilèges de mes geôliers, mais chaque matin j'entendais la porte de ma cellule grincer... Et puis un matin, la porte a grincé, je me suis recroquevillé sur ma litière, attendant le premier sortilège, qui était en général un Doloris, mais rien ne vint. J'ai alors sentit une main sur mon épaule et j'ai consenti à ouvrir les yeux. C'était le professeur McGonagall. Un parchemin à la main, elle avait réussi à obtenir ma libération... Lentement, elle m'a aidé à me lever, elle a passé mon bras sur sa nuque et nous avons titubé jusqu'aux portes de la prison. J'étais sonné. Je ne comprenais pas ce qu'il se passait... Quand elle m'a demandé où je voulais retourner, j'ai dit Poudlard sans même m'en rendre compte. Nous y sommes donc retournés. J'ai été reconduit dans mes appartements, déposé sur le lit et je n'y ai plus bougé...

- Plus du tout ? Pendant combien de temps ? s'étonna Maya, abasourdie par le récit et la douleur qu'elle pouvait sentir dans la voix du sombre professeur.

Celui-ci baissa le nez en pinçant la bouche.

- J'ai été libéré officiellement au mois de mai mais j'ai quitté la prison au début du mois de juin si mes souvenirs sont bons, répondit-il. Je suis resté prostré dans ma chambre, à tourner et retourner ma baguette magique entre mes doigts, pendant environ un mois, il me semble...

Maya sursauta.

- Un mois ! Et personne n'est venu vous voir, pas un professeur, pas un élève ?

- Non. Ils me savaient quelqu'un de fort, ils pensaient qu'il me fallait juste un peu de temps pour me remettre, tout simplement... Seules les Elfes de Maison venait me visiter, ils m'apportaient mon repas, du linge propre, etc... Et puis, début juillet, voyant que je ne mettais toujours pas le nez hors de chez moi, Miss Granger a débarqué. Quand elle m'a trouvé prostré comme ça, comme un autiste, je crois qu'elle a eu peur. Elle m'a parlé mais je ne me souviens pas ce qu'elle m'a dit, ni même si je lui ai répondu. Quand je me suis « réveillé », elle avait pris ses quartiers dans mon appartement et elle y était comme chez elle. C'est la fin du mois d'août...

- Sans elle vous seriez encore dans cet état, vous croyez ? demanda Miss Maya, choquée.

Rogue baissa la tête.

- Probablement non, mais je ne serais pas redevenu le Severus Rogue Professeur de Potions que tout le monde déteste tant, dit-il avec l'ombre d'un sourire.

Maya esquissa un sourire en hochant la tête.

- Et ensuite ? Que s'est-il passé ? demanda-t-elle.

Rogue la regarda avec un haussement de sourcils.

- Ensuite ? Miss Granger a plié bagages en disant que je n'avais plus besoin d'elle mais je l'ai suppliée de rester. Je lui ai demandé de devenir ma compagne. Elle a accepté. Nous avons passé plusieurs mois à nous habituer l'un à l'autre, à connaître les gestes à faire et ceux à éviter. J'ai passé pas mal de nuits sur le canapé...

Miss Maya pouffa et Rogue reprit :

- Nous sommes restés six ans ensemble. Elle est tombée enceinte au début de la sixième année et pendant les neuf mois de sa grossesse, elle n'a pas cessé de me demander, chaque jour, si le bébé allait avoir la...

- La Marque des Ténèbres ?

Rogue hocha la tête. Maya baissa la tête et serra son poing droit.

- Il l'a... C'est pour cela qu'elle vous a quitté, n'est-ce pas ? demanda-t-elle.

- Oui. Elle a tenu trois mois avant de craquer. Nous nous sommes séparés d'un commun accord, en vérité, et le lendemain de notre séparation officielle, elle filait s'installer à Londres, dans l'appartement d'une amie Moldue qui partait vivre chez son mari. Cinq mois plus tard elle rencontrait son actuel mari...

- C'est un Moldu ?

- Non, un sorcier, mais ils vivent dans le Londres Moldu et il a un travail Moldu. De nos jours, vivre reclus comme les vieux sorciers n'est plus possible.

- Je sais, je vois de plus en plus de Moldus dans ma boutique...

Rogue regarda la jeune femme, surpris.

- Vraiment ?

- Les parents, frères, sœurs, enfants, de sorciers qui en ont assez de se cacher. Pas plus tard que la semaine passée, j'ai eu un couple de vieux sorciers d'une bonne centaine d'années qui ont débarqué avec toute leur famille, cinq générations d'enfants et de petits-enfants dans ma boutique ! Je n'en revenais pas. Ce couple avait eu trois enfants dont un Cracmol qui, incapable de faire de la Magie, avait trouvé sa voie dans le Monde Moldu. Il y avait épousé une Moldue et ils avaient eu trois enfants qui en avaient eu à leur tour, etc... Toute une ribambelle de petits Moldus dans ma boutique c'était... magnifique. Jamais je n'ai vu d'enfants avec autant d'étoiles dans les yeux. Ils regardaient tous les livres, les plumes, les encriers, les rouleaux de parchemin... J'en étais bouleversée...

Rogue eut un petit sourire en coin puis il soupira et Miss Maya redevint brusquement grave. Elle posa une main sur l'épaule de l'homme en disant à mi-voix :

- Pourrais-je un jour me rendre compte par moi-même des dégâts que les gardiens d'Azkaban ont causés sur vous ?

- Lesquels ? demanda Rogue. Physiques ou moraux ?

- Les deux ?

- Maya...

La jeune femme sourit.

- C'est la première fois que vous m'appelez par mon prénom... Cela me fait plaisir.

Rogue ferma les yeux. La jeune femme posa son autre main sur la sienne. Elle serra ses doigts un instant puis s'éloigna legèrement.

- Il se fait tard... Je devrais rentrer... dit-elle doucement.

Rogue hocha la tête. Il savait que la jeune femme devait rentrer chez elle mais en même temps, il avait envie qu'elle reste. Elle lui faisait penser à Hermione, calme, inquiète...

Se reprenant, l'homme se leva et la jeune femme le regarda en souriant.

- Quoi ? fit-il.

- Rien, répondit-elle en secouant la tête.

Elle se leva à son tour et retourna sous la cape de l'homme en passant un bras dans son dos. Il ne dit rien.

Le chemin jusqu'aux Grandes Portes fut court et silencieux. Les portes étaient bien entendues fermés à cette heure-ci mais, malgré l'immensité des panneaux de bois renforcés de fer, Rogue n'eut aucun mal à en faire pivoter un suffisamment pour que la jeune sorcière se faufile dehors.

- Je vous remercie pour cet après-midi, professeur. J'ai été ravie que quelqu'un réponde enfin à toutes mes questions...

- À ce propos, dit Rogue.

- Oui ?

- Ne dites à personne qu'Harry Potter séjourne à Poudlard. Il ne tient pas à ce que son retour s'ébruite tant qu'il n'est pas redevenu humain.

- Je le reverrais sur le Chemin de Traverse ?

- Très certainement, il ne fait pas grand-chose de ses journées, vous savez...

Miss Maya sourit puis elle tourna les talons et s'enfonça dans le chemin bordé d'arbres qui ramenait aux grilles du château, d'où la jeune femme pourrait transplaner et espérer arriver en entier dans sa boutique...

Repoussant le battant qui se ferma avec un bruit sourd, Rogue soupira.

- Je rêve ! dit soudain une voix dans son dos.

- Nom d'un Dragon ! jura le professeur en se retournant, une main sur le cœur. Minerva, par tous les Saints, ne refaites jamais cela, je suis un vieil homme à présent...

- Pardon, dit McGonagall avec un sourire derrière sa main. Je ne pensais pas vous effrayer à ce point...

- Mouais...

- Dites-moi Severus, ais-je rêvé ou venez-vous de raccompagner une jeune femme à la porte du château ?

- Vous n'avez pas rêvé...

- Ah. J'aurais espéré que si...

- Pourquoi donc ?

- C'est une connaissance, une amie, une... conquête ?

- Disons une connaissance pour le moment, répondit Rogue. En quoi cela vous surprend ?

- Eh bien... Pardonnez-moi mais, il y a tellement d'années que nous ne vous avions vu... flirter.

Le visage de Rogue se ferma. Ainsi, se promener avec une jeune femme en discutant c'était flirter maintenant ? Pf ! Saleté de modernisme...

- N'importe quoi, Minerva... Et je vous rappelle que je suis resté un an avec une femme...

- Il y a six ans, Severus, dit McGonagall en roulant des yeux derrière ses lunettes carrées. Et vous ne l'avez jamais amenée au château, vous ne nous l'avez jamais présentée...

- Parce qu'il n'était pas nécessaire qu'elle sache où je travaille.

- Savait-elle seulement à qui elle avait à faire ?

- Enfin, Minerva ! Cessez donc ces questions importunes. Je ne me mêle pas de votre vie privée, si ?

- Pour ce qu'elle contient, maugréa la vieille sorcière. Je suis veuve plusieurs fois, moi... Je n'attends plus rien de la vie, alors que vous, vous êtes encore jeune.

- Jeune ? J'ai eu soixante-quatre ans en janvier je vous rappelle...

- Ah! Vous savez bien de quoi je parle. Vous savez que pour nous sorciers, ce n'est pas l'âge qui compte... Ais-je l'air d'une femme de cent-quatre ans ?

- Non, dit Rogue. Excusez-moi. Je suis simplement un peu troublé, j'ai fait remonter des souvenirs douloureux...

Repliant son bras, il posa sa main sur son épaule opposée et Minerva pinça les lèvres.

- Elles vous font encore souffrir n'est-ce pas ? souffla-t-elle.

- Seulement quand je repense aux souffrances que j'ai vécues à Azkaban... Enfin ! dit-il soudain. Vous avez dîné ?

- Non. On y va ?

- Volontiers. Où est Potter ?

- Parti chasser.

- Ah bon ?

- Il avait envie de viande rouge... dit la vieille sorcière en plissant le nez, remuant les mâchoires comme pour goûter un aliment bizarre. Beurk ! dit-elle alors en frissonnant.

Rogue pouffa discrètement puis ils se rendirent dans la Grande Salle où étaient entassés les élèves du collège, joyeusement en train d'engloutir leur dîner.

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