- Professeur Rogue ?

- Là...

Harry tourna la tête vers le salon. Rogue était assis dans un fauteuil en train de lire le journal du jour et le brun jeta un regard sur la pendule. Il prit une inspiration pour parler mais Rogue le devança, secouant le verre vide de Xérès qu'il avait dans son autre main et qui contenait des glaçons encore entiers.

- À quelle heure arrive-t-elle ? soupira-t-il.

- Dix-sept heures, dit Harry avec un petit sourire.

- Vous êtes incorrigible, Potter...

- Je sais. Et n'essayez pas de vous défiler, hein ? Je vous connais...

Rogue se renfrogna aussitôt.

- Elle vient juste boire le thé avec moi, je ne lui ai pas dit que vous seriez là, plaida Harry.

- Oh, habile comme vous êtes, elle doit s'en douter, grinça l'homme.

La langue rose d'Harry pointa entre ses canines dans une moue comique puis il alla s'asseoir sur son tapis et fit apparaître une brosse dans sa grande main droite.

- Ah, vous vous décidez enfin ? dit l'homme en le regardant par-dessus son journal.

- J'ai trop chaud, il faut bien que j'aère un peu cette fourrure...

- Vous n'oublierez pas de nettoyer quand vous aurez terminé, dit Rogue en pliant son journal.

- Où allez-vous ? Je vous ai demandé de...

- Ais-je le droit d'aller au petit coin ? dit Rogue, mauvais.

Harry baissa la tête. Il assura sa main sur sa brosse puis entreprit de peigner sa dense fourrure noire.

Il fallut une bonne heure au Gryffondor pour se brosser du museau jusqu'au bout de la queue. À présent, un tas de poils noirs emmêlés plutôt conséquents formait un petit monticule près de lui. Posant sa brosse, Harry se posa sur ses quatre pattes et s'ébroua violemment.

- Frais ! s'exclama-t-il.

- Moins gros, répondit Rogue, assis au petit bar qui fermait sa cuisine. Quelle heure est-il ?

- Seize heures trente.

Rogue posa son verre de scotch – Harry avait remarqué qu'à cette période du mois, son ancien professeur avait tendance à lever le coude plus souvent que d'habitude – près de la bouteille qui avait diminué de moitié en une demi-heure, puis il ferma son livre et pivota sur le tabouret.

- Vous voulez sérieusement caser cette maladroite avec moi ? demanda-t-il. Je ne l'ai vue qu'une seule fois, mais elle n'a rien de commun avec Hermione...

- Justement, répondit Harry. Je souhaite que vous parveniez à oublier Hermione afin qu'elle puisse se reposer de sa grossesse, élever ses enfants puis éventuellement revenir travailler ici sans craindre sans cesse de retomber dans vos bras à chaque coin de couloir... Cela lui fait du mal, ainsi qu'à son mari, et à vous.

- Vous l'avez donc senti vous aussi...

Harry fronça les sourcils.

- Je n'ai jamais éprouvé quoi que ce soit pour une sorcière...

- Même pas la petite Weasley ?

- Bon si, mais autrement, je ne suis jamais réellement tombé amoureux. Mais même sans le savoir, je savais que vous avez aimé Hermione à la limite du décent et elle aussi. Vous vous complétiez parfaitement, à ce qu'a dit le professeur McGonagall. Et il aurait peut-être mieux valu vous séparer en cassant de la vaisselle plutôt qu'en étant d'accord l'un et l'autre, vous auriez peut-être moins souffert.

Rogue parut pensif. Il pinça fortement les lèvres puis demanda :

- Comment est cette fille ?

Les yeux d'Harry sourirent. Il se leva, fit disparaître brosse et tas de poils puis il alla s'asseoir à une chaise de la table qui ornait la partie salle à manger de l'appartement. Dans son dos, une lourde bibliothèque cachait le long mur sans fenêtres.

- Elle s'appelle Maya Barjow...

- Hum oui... La petite sœur de ce grand échalas de chez Barjow&Beurk...

Harry hocha la tête.

- Elle est blonde comme le soleil et a les cheveux jusqu'au milieu du dos, en général tressés grossièrement. Elle s'habille souvent à la Moldue avec une robe de sorcier par-dessus. J'ai remarqué qu'elle n'avait aucuns bijoux, ni bagues, ni colliers, ni boucles d'oreilles, pourtant elle a les oreilles percées. Elle ne se maquille pas ou alors cela ne se voit pas...

- Comme Hermione.

- Peut-être. Elle doit mesurer un mètre soixante environ, mais c'est difficile de savoir avec la taille que j'ai... Elle sourit tout le temps et elle n'a aucune ténacité. Elle cède très vite pour peu que l'on soit gentil.

- Vous avez mentionné une maladresse hors du commun...

- Oui. Je pense que c'est ce qui la différencie des autres femmes. Elle trébuche sur son ombre presque... Chaque fois que je me pointe dans sa librairie, elle casse quelque chose.

- Elle est libraire ?

- Oui, sur le Chemin de Traverse. Sa boutique est grande et très encombrée. Il y a des piles de livres de partout en plus d'immenses étagères qui croulent sous le poids des bouquins. Croyez-moi, elle est vraiment adorable.

- Si vous le dites... Mais si je dois passer mon temps à l'empêcher de se tuer...

- Allons...

Rogue pinça les lèvres. On frappa soudain à la porte et les deux hommes regardèrent l'horloge. Elle indiquait dix-sept heures moins une.

- C'est elle, dit Harry. Restez ici, je vais la chercher. Quand je reviendrais, je ferais mine de ne pas vous savoir ici, je vous inviterais à rester boire le thé et vous accepterez.

- Hum...

Harry lui fit un signe de tête et Rogue soupira. Le brun alla alors ouvrir et tomba face à face avec un Elfe de Maison.

- Monsieur, une jeune femme vous demande à l'entrée du château, couina la petite créature.

- Je viens, je l'attendais.

L'Elfe hocha la tête puis disparu dans un « pop » et Harry se hâta de remonter dans le hall d'entrée, sur ses quatre pattes.

- Maya ! appela-t-il en voyant la jeune femme regarder avec nostalgie l'architecture de l'endroit.

La jeune femme sursauta et pivota aussitôt.

- Oh, vous êtes là !

Harry se redressa sur ses pattes arrière et la jeune femme sourit.

- Vous voyez, je suis à l'heure, dit-elle avec un clin d'œil.

Harry hocha la tête. Il offrit ensuite son bras à la jeune femme qui dit :

- Je me souvenais que cet endroit était bien plus grand...

- Vous étiez plus jeune à l'époque, ça fait cela à tout le monde, dit Harry. Aller, filons d'ici, les élèves vont arriver d'une seconde à l'autre et nous ne pourrons plus mettre un pied devant l'autre.

Miss Maya sourit puis Harry l'entraîna dans les couloirs des cachots.

- Je loge chez le professeur Rogue pour le moment... dit-il en réponse à la question muette de Maya.

- Oh, voyez-vous cela... dit Maya en grimaçant. Quelle coïncidence...

- Je vous en prie... Il est le seul qui peut m'aider.

- Vous aider ? À quoi donc ?

- Entrez, je vous expliquerais. Je vous dirais tout, je vous l'ai promis.

Harry ouvrit alors la porte de l'appartement, poussa la jeune femme à l'intérieur et la referma.

- Oh ! dit-il en se redressant, feignant la surprise. Professeur Rogue, déjà rentré ?

Rogue le regarda, déposant une cape sur le dossier d'une chaise. Son regard noir se posa sur la jeune femme blonde qui frissonna violemment et Harry dit :

- Professeur, je vous présente Miss Maya Barjow... Maya, voici le professeur Rogue...

- Je me souviens de lui, dit-elle d'une petite voix.

- J'ignorais que vous aviez invité une amie... dit Rogue, visiblement grognon.

- Pour le thé, dit Harry. Joignez-vous à nous...

- J'ai à faire, répliqua Rogue.

- Professeur... Les livres seront encore là demain...

Harry lui jeta un regard noir et l'homme soupira.

- Bon d'accord, mais pas longtemps, j'ai un travail monstrueux, fit-il.

- Tu parles... siffla Harry.

- Pardon ? demanda Maya. Vous avez dit ?

- Je disais, allons par-là, répondit Harry. Prenez place, je vous en prie...

Le Gryffondor poussa Miss Maya vers le salon et, d'un claquement de doigts prépara du thé pour trois personnes. Il amena ensuite le plateau sur la petite table et intima à Rogue de venir.

Raide, l'homme obéit et se posa, le dos droit, dans son haut fauteuil en cuir de dragon vert. Maya prit place au bout du divan, et Harry s'accroupit sur le sol.

- Maya, vous vous souvenez ce que je vous ai promis si vous m'accompagniez au château ? demanda-t-il en commençant à servir le thé.

- Bien sûr... Mais ce n'est pas pour satisfaire ma curiosité que je suis venue, dit la jeune femme avec un sourire. Enfin pas totalement...

Elle jeta un regard à Rogue qui se bornait à détailler les dessins de son accoudoir gauche, les mains jointes.

- Je vous avais dit que je répondrais à vos questions, reprit Harry. Et je vais le faire.

- Dois-je prendre cela comme une invitation à poser des questions ? demanda Maya en souriant toujours.

Harry hocha la tête. La jeune femme pinça les lèvres puis elle agita sa baguette magique qu'elle tenait, brusquement, dans sa main. La théière se souleva et rempli les trois tasses qui glissèrent vers chacun des convives en silence. Le sucrier flotta devant chacun en proposant son contenu, tout comme le pot à lait et Rogue le prit par l'anse en demandant :

- Et... Quel genre de questions aimeriez-vous poser à notre ami canin ?

- Et bien, pour commencer... Qui êtes-vous, monsieur le loup ?

Le pot de lait dans la main de Rogue se tordit brusquement. L'homme avait serré ses doigts sur l'anse et le pot n'avait pas vraiment apprécié. Se servant, Rogue le reposa et il sautilla jusqu'au plateau, comme vexé, le bec en l'air.

- Qui je suis ? Comment cela ? demanda Harry.

- Vous n'êtes pas un véritable Loup des Montagnes, dit Maya. Mis à part le fait que vous soyez à moitié sorcier, vous n'avez rien d'un vrai loup.

- Un vrai loup ? dit Rogue. À moitié sorcier ?

- Professeur, je vous en prie, c'est à moi qu'elle a posé la question, et je lui ai promis de lui répondre...

- C'était du chantage, si vous voulez mon avis, répondit l'homme.

- Je le crois aussi, dit Maya. Et ma curiosité me perdra un jour... Alors ? reprit-elle en regardant Harry.

- Bien... Je vous l'avais promis après tout.

Il y eut un silence puis Harry posa sa main droite bien à plat sur la table près de sa tasse.

- Vous avez raison, je ne suis pas un vrai Loup de Montagnes, je n'en ai que l'apparence, dit-il. De même que je suis un vrai sorcier, complet. J'ai deux parents humains et sorciers.

Maya hocha la tête, contente d'avoir percé le secret de cette immense créature.

- Je vois... Qui êtes-vous alors ? demanda-t-elle.

- Je suis né il y a quarante-trois ans sous le nom de Harry James... Potter, lâcha alors Harry avec un regard pour Rogue.

Un silence tomba sur la pièce et Miss Maya jeta un regard affolé à Rogue puis à Harry. Elle chercha son air un instant puis inspira profondément.