Chapitre 22

En entrant dans l'appartement de Rogue – celui-ci lui avait donné une clef –, Harry soupira. Il avait passé un bon après-midi et s'était rendu compte que le Poudlard de pendant la guerre était nettement moins libéré. Aujourd'hui, les professeurs organisaient des jeux le vendredi soir et même qu'ils étaient eux-mêmes les victimes ! C'était à ne plus rien y comprendre !

S'affalant dans le canapé, Harry regarda la cheminée flamboyante. Il soupira et avisa un cadre photo sur le manteau de la cheminée. C'était la première fois qu'il le voyait, il ne l'avait pas remarqué auparavant, pourtant il était là depuis un bout de temps s'il en croyait le rectangle de couleur différente contre le mur derrière-lui.

Se levant, Harry le prit délicatement dans sa grande main et regarda la photo sous le verre un peu poussiéreux. Elle montrait trois personnes, deux adultes et un bébé et Harry sourit légèrement : c'était une photo prise le jour de la naissance de Jason, onze ans plus tôt. Allongée sur son lit à l'infirmerie, Hermione tenait le bébé au creux de son bras et, assit sur une chaise près d'elle, Rogue caressait la main du nouveau-né tout en regardant la jeune mère.

- Vous pourrez dire ce que vous voudrez professeur, mais vous avez bel un bien un cœur caché quelque part en vous...

- Un cœur en mille morceaux alors...

Harry tressaillit violemment et faillit lâcher le cadre. Il le saisit à plat entre ses deux mains puis le reposa sur la poutre qui ornait la cheminée en se retournant pour faire face à Rogue.

- Oh professeur, je ne vous avais pas entendu...

- J'arrive à l'instant, dit l'homme en repoussant le battant de la porte.

Harry jeta un œil sur la pendule. Elle indiquait vingt heures et trente.

- Je pensais que vous rentreriez plus tard... Ça s'est mal passé à la prison ?

- Mal passé ? Comment voulez-vous qu'une discussion monologue se passe mal, Potter ?

Le visage pâle de Rogue se tordit en une grimace douloureuse et, soudain, il soupira profondément en fermant les yeux. Il posa ensuite une main sur sa bouche en inspirant.

- Hey... dit Harry en s'approchant.

- Ça va... répondit Rogue en levant une main. Ça va aller... Excusez-moi...

Le professeur tourna soudain les talons et disparu dans un étroit couloir qui menait au reste de l'appartement, à savoir deux chambres et une salle de bains. Harry entendit une lourde porte se fermer et il soupira. Regardant à nouveau l'heure, il endossa une cape et quitta l'appartement, se dirigeant à grands pas vers le bureau de McGonagall.

- Entrez ! Ah, Potter... Que me vaut votre visite si tardive ?

Harry referma la porte dans son dos puis dit :

- Le professeur Rogue vient de rentrer de la prison...

- Hm... Laissez-le tranquille alors, dit la vieille sorcière. Il va rester seul un moment puis il redeviendra comme avant.

- Est-ce que... ?

Harry agita une patte et s'assit sur le tapis.

- Ah oui, il est vrai... Vous ne savez pas tout...

- Je sais simplement que Lucius Malefoy est à Azkaban depuis vingt ans mais...

- Azkaban a changé ces dernières années, Potter, dit McGonagall en croisant ses mains sur son sous-main. Après la chute de Voldemort, les Détraqueurs ont été renvoyés dans leurs contrées d'origines, non loin de l'Albanie. Ils montent la garde autour du sanctuaire de Voldemort, dit-on.

- Ah oui ?

McGonagall hocha la tête et reprit :

- Ce sont des Aurors spécialement entraînés qui gardent Azkaban depuis environ quinze ans. Avant, c'était des Sphinx.

- Des Sphinx !

- Vous connaissez l'étendue de leurs pouvoirs, n'est-ce pas ?

- Je l'ai lu dans un livre quand j'étais plus jeune mais... Ce sont des créatures pacifiques, non ?

- Oh oui... Jusqu'à un certain point. Lorsque le Ministre a fait venir ces Sphinx d'Égypte, dès qu'ils ont su qu'ils avaient été mandés pour garder une prison de haute surveillance, ils ont adapté leurs pouvoirs. C'est ainsi que pendant cinq ans, les prisonniers étaient surveillés par ces créatures effrayantes.

- Comment empêchaient-ils les sorciers de s'échapper ? Ce ne sont que des animaux...

- Des animaux d'une puissance extrême. Leur Magie se nourrit de la nôtre, Potter. Plus les prisonniers faisaient usage de la leur sur eux, plus les Sphinx étaient forts et les sorciers faibles, jusqu'à ce qu'ils finissent par ne plus du tout pouvoir se servir de la magie.

- Ils avaient leur baguette ?

- Merlin non ! se récria la vieille femme. Le Magenmagot la leur retire dès l'annonce de la sentence lors du procès, mais certains sorciers sont très doués. À l'instar de Miss Granger qui n'utilise plus sa baguette magique, par exemple. Elle pense et sa magie s'exécute. Certains sorciers savent aussi modeler des choses en sable, en eau, en pierre, ou se transformer eux-mêmes, mais les Sphinx ne se laissent pas berner comme les Détraqueurs, par un Animagus. Ils bloquent la magie jusqu'à ce qu'elle finisse par disparaître totalement chez le sorcier.

- Sirius ? hasarda Harry en serrant les mâchoires.

McGonagall eut un bref haussement de sourcils. Elle ajouta :

- En cinq ans, plusieurs centaines de sorciers sont morts suite à l'épuisement de leur magie et le Ministère a décidé de changer les gardiens qui étaient décidément trop puissants. Des Aurors ont donc été spécialement entraînés, apprenant des sortilèges pour se protéger de ceux des prisonniers qui pouvaient encore faire de la magie sans leur baguette.

- Je vois...

Harry serra les mâchoires.

- Le Professeur Rogue m'a dit un jour que les prisonniers étaient enfermés dans leur propre corps... Qu'est-ce que cela veut dire ? demanda-t-il.

- C'est un sortilège très puissant, ou une potion, cela dépend, qui leur est jeté au moment même où ils passent le seuil de la prison, répondit McGonagall. Il transforme le prisonnier en autiste qui passe ses journées et ses nuits à regarder le vide et à balbutier des suites de mots inintelligibles. C'est une situation très douloureuse pour la famille dont certains ont encore la visite, surtout s'ils sont dans cette catalepsie depuis de nombreuses années...

- Comme Monsieur Malefoy...

- Ni Drago ni sa mère ne vont plus le voir depuis une dizaine d'années, reprit la sorcière. Ils n'en ont plus la force. Narcissa a sombré très profond quand son époux lui a été arraché. Drago a fait de son mieux pour l'aider, elle s'est même remariée, mais cela n'a pas duré.

- Que fait-elle à présent ?

- Elle survit, au Manoir Malefoy, entourée de trois Elfes de Maison qui sont devenus son unique famille. Parfois Drago lui amène ses petits-enfants mais jamais ils ne mentionnent le nom de Lucius.

- Vous saviez que Drago et sa femme ne s'entendent pas ?

- Oh que oui, cela n'est pas une nouveauté... soupira McGonagall. Quand Rodolphus est né, Segma a expressément émis le souhait de ne plus jamais avoir un autre enfant mais la famille n'était pas de cet avis. Il leur fallait une fille. De mauvaise grâce, elle s'est plié au rituel amoureux pendant plusieurs semaines jusqu'à ce qu'elle tombe enceinte mais ni elle ni Drago n'étaient enthousiastes. Les commères disent même qu'elle aurait un amant depuis plusieurs années et qu'elle ne s'en cacherait pas...

- Drago n'a qu'une envie, se séparer d'elle, mais il dit qu'il ne le peut pas.

- Les Malefoy ne divorcent pas, dit McGonagall. Comme la majeure partie des vieilles familles de sorciers au sang-pur, du reste. Pour eux, parler séparation est une catastrophe, mais alors divorce ! Les enfants de Drago risquent de perdre leur héritage si leurs parents divorcent.

- Drago sait que Segma a un amant...

- Comme je l'ai dit, ce n'est pas un secret, Mrs Malefoy et lui ne se cachent même plus...

La vieille Directrice tordit sa bouche en une grimace montrant clairement qu'elle trouvait cette attitude dégoûtante, mais Harry dit :

- Et si Drago se trouve quelqu'un d'autre ?

- Qui donc voudrait d'un homme portant le nom si lourd des Malefoy et étant un Mangemort ? Vous peut-être ?

Harry retroussa ses babines comme il aurait plissé le nez et McGonagall soupira.

- Potter, je sais que Malefoy et vous avez été très proches quand votre « maladie » s'est déclarée, mais je vous en conjure, ne ternissez pas le nom des Malefoy. Ils ont suffisamment trimé pour redorer leur blason. Prenez patience...

- Je ne... Professeur, je n'ai aucune envie de me caser avec qui que ce soit dans l'immédiat. Je ne souhaite qu'une seule chose, redevenir humain au plus vite. J'ai perdu un quart de ma vie à fuir les gens, je veux que cela change... Je suis revenu parmi les miens, je veux y rester...

- Cela changera, Severus est un grand chimiste, il fera tout ce qu'il pourra pour vous aider, quitte à user de la Magie Noire.

- Je lui en ai déjà donné l'autorisation, mon corps est habitué, cela ne me fera rien. Il n'empêche que s'il est perturbé...

- Depuis vingt ans qu'il va voir Lucius Malefoy chaque mois, Severus s'est toujours parfaitement remis. C'est très dur psychologiquement, j'en conviens, mais mon professeur de Potions est un homme fort et solide.

Harry hocha la tête. La conversation était terminée. Il tourna alors les talons et redescendit dans le château, pensif. Il songea soudain à Miss Maya. Il savait qu'elle pourrait aider Rogue à mieux vivre, il en avait le pressentiment. Cette jeune femme était une mine d'or pour lui, malheureusement, il ne semblait pas en vouloir... et elle semblait également, non pas réticente, mais plutôt distante à l'endroit de Harry...

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