Chapitre 16
- Quand doivent-ils arriver ?
- D'un instant à l'autre.
Allongé sur le large rebord de la fenêtre qui donnait sur la Forêt Interdite, dans le bureau de McGonagall, Harry était nerveux.
- Stop ! s'exclama soudain Rogue. Cessez de faire ça, martela-t-il, les dents serrées.
Harry serra son poing. Il ne s'était même pas rendu compte qu'il griffait la pierre, y traçant quatre sillons verticaux en arrosant copieusement le tapis de poudre blanche, ni que le bruit qui en résultait était insupportable pour des humains.
McGonagall, si elle ne dit rien, n'en pensait pas moins que Rogue et Harry s'excusa en marmonnant.
Soudain la cheminée rugit et ses flammes jaillirent hors de l'âtre. Lorsqu'elles disparurent, elles avaient déposé sur le tapis Hermione, Ron et Drago Malefoy.
- Miss Granger, Monsieur Weasley, Monsieur Malefoy, les salua la vieille Directrice. Bienvenue à Poudlard.
- Ravi d'être de retour, dit Malefoy de sa voix traînante.
Harry ne put s'empêcher de frémir et la fourrure de son dos se hérissa comme s'il allait attaquer. Ses griffes se plantèrent sauvagement dans la pierre quand il serra sa main droite, étant couché sur son bras gauche replié sous sa poitrine.
Le bruit fit tourner la tête aux cinq sorciers présents et les trois plus jeunes blêmirent aussitôt, s'il était possible d'être encore plus pâle pour Malefoy et Ron.
- Nom d'un Dragon... siffla Hermione. Mais qu'est-ce que c'est que ça ?
- Ça, dit McGonagall en crispant les mâchoires. C'est Monsieur Potter...
Harry cru que la mâchoire d'Hermione allait tomber sur le tapis tant sa bouche s'ouvrit grande sous la stupeur.
- Ha...Harry... balbutia-t-elle. C'est... Harry ?
Harry cligna des yeux et Malefoy dit :
- Je reconnaîtrais ces yeux entre des milliers... C'est bien lui, Granger...
Les yeux d'Harry se plissèrent, prouvant qu'il souriait. Il se releva alors sur ses bras puis descendit du rebord de la fenêtre et s'approcha, solidement campé sur ses longues jambes musclées couvertes d'une épaisse fourrure noire luisante.
De sa hauteur il toisait facilement Rogue, le plus grand de tous, et Hermione, la plus petite, se sentit brusquement encore plus petite. Elle bafouilla quelque chose et Harry s'accroupi.
- C'est bien moi, Mione... dit -il doucement.
Les deux mains sur la bouche, la jeune femme ferma étroitement les yeux et soudain, elle se jeta au cou du Gryffondor qui l'entoura de ses longs bras en se gardant de lui planter ses griffes dans le dos.
- Harry ! Oh Harry ! glapit Hermione au milieu d'un torrent de larmes. Harry !
Harry serra sa tête contre celle de la jeune femme puis il regarda ses deux amis et s'aperçu brusquement que les deux professeurs avaient mis les bouts. Il les remercia silencieusement et Hermione recula. Elle leva les mains, hésita puis les posa de part et d'autre du crâne de Harry en ancrant son regard chocolat dans le sien, son visage ravagé de larmes.
- C'est toi, dit-elle. C'est bien toi...
- Oui, répondit Harry.
Ses griffes triturèrent le pull d'Hermione, comme un chat faisant pattes de velours et soudain, deux mains se posèrent sur ses bras massifs de chaque côté de lui. À droite se tenait Ron, à gauche, Malefoy, tous deux apparemment incapables de prononcer un seul mot.
- Je suis si content de vous revoir mes amis, fit-il. Vous m'avez tant manqué...
- Et nous donc ! s'exclama soudain Ron, les yeux rougis.
Hermione recula et le rouquin agrippa Harry par son cou massif et le serra fortement. Harry lui rendit sa violente étreinte en gardant ses griffes repliées contre ses paumes et, tournant la tête, Harry regarda Malefoy qui secoua la tête, apparemment troublé. Il déglutit difficilement et ses yeux clignaient trop vite pour que soit normal.
- Je n'en reviens pas, se décida-t-il enfin à dire. Tu es... là, devant moi, mais je n'en reviens pas...
Il ne sembla pas capable d'ajouter quoi que ce soit d'autre et, détachant un bras de Ron qui recula, Harry leva une main et de la griffe de son index, effleura la joue du blond qui ferma les yeux.
- Après tant d'années... Je suis désolé, dit-il doucement. Pardonnez-moi d'avoir disparu aussi longtemps et sans rien dire... Je... Je n'avais pas le droit de...
- Tais-toi Harry, dit alors Hermione. Explique-nous tout plutôt, au lieu de te répandre en excuses que nous ne comprenons qu'à moitié...
Ron et Malefoy hochèrent la tête, refoulant leurs larmes de joie, puis Harry se cala sur une cuisse et les trois autres s'assirent à même le sol en face de lui. Hermione convoqua seulement quelques gros coussins d'un claquement de doigts et Harry la regarda, stupéfait. Hermione sourit largement.
- Magie Vive, dit-elle. Je claque des doigts et j'ai ce que je désire. Bien entendu, il se peut qu'en ce moment-même... en classe de Divination... quelques élèves protestent un peu...
- Hermione ! gronda Ron.
- C'est l'inconvénient de la Magie Vive, ce que j'invoque disparaît forcément de quelque part, répondit la brunette. Harry, dit-elle ensuite. Nous t'écoutons...
Le brun hocha la tête puis il attaqua son histoire, une version améliorée de celle qu'il avait servie à Rogue, à McGonagall ou aux élèves le matin-même, ses interlocuteurs cette fois-ci ayant le droit de connaître toute la vérité.
À son grand étonnement, quand il eut terminé de tout raconter dans les moindres détails les vingt-cinq dernières années, en faisant passer le temps à grande vitesse, bien entendu, les trois sorciers en face de lui n'avaient pas émis un seul son. Hermione pleurait silencieusement, broyant la main de Ron dans la sienne et Malefoy, tendu à l'extrême, semblait retenir avec grande peine, une vague de larmes...
Toujours assis au beau milieu du bureau de McGonagall, cela faisait trois heures que le Gryffondor racontait son histoire et pas un n'avait bougé ni parlé.
- Vous ne dites rien ? demanda-t-il une fois qu'il eut terminé sur un « Vous connaissez la suite. ».
- Que veux-tu que nous disions ? demanda Hermione après avoir déglutit, s'essuyant les joues de ses mains. Tu as... vécu un enfer... Au-Aucun mot ne sera jamais assez fort pour le décrire...
- N'avez-vous pas de questions ?
- Tu es parti pour nous éviter à tous la douleur de te voir dans l'état que tu nous décris, répondit Ron. Nous devrions t'en vouloir à mort de nous avoir abandonnés ainsi, sans rien dire, mais... Je n'y arrive pas...
- Moi non plus, admit Hermione.
- Et toi ? demanda Harry à Malefoy. Est-ce que tu m'en veux de t'avoir abandonné ?
Le blond se contenta de secouer la tête puis il dit :
- C'est un peu de ma faute, c'est toi qui devrait m'en vouloir, Potter...
- Rien n'est de ta faute, Malefoy, répondit Harry. Tu as eu peur, tu as eu raison de t'en aller. J'aurais pu te faire du mal s'en m'en rendre compte et je... jamais je ne me le serais pardonné si je t'avais blessé de quelle manière que cela soit.
Les deux Gryffondors regardèrent l'échange avec un peu de surprise mélangé à de la jalousie. Leur ami leur avait raconté comment, pendant les quatre premiers mois après la découverte de la « maladie », Malefoy l'avait aidé, secrètement, pour la combattre.
Le brun n'avait pas eu besoin de le dire pour que les deux autres comprennent qu'il s'était passé quelque chose de fort entre ces deux-là pendant ces quatre petits mois...
- Que vas-tu faire maintenant ? demanda soudain Hermione, brisant un silence gênant.
Harry la regarda puis baissa le nez.
- Eh bien... J'imagine que je vais rester dans ce château quelques temps, auprès de Rogue. Je l'ai choisi pour qu'il m'aide à retrouver mon apparence première. Je veux redevenir humain, je ne supporte plus mon corps...
- Celui-ci est très... beau, dit Hermione.
Elle rougit aussitôt et le brun sourit, découvrant ses dents dangereuses, puis il dit :
- Celui-ci oui, mais tu n'aimerais pas voir ce qui se cache sous cette apparence.
- Moi je crois savoir...
Harry tourna la tête vers Malefoy qui reprit :
- Quand tu m'as parlé... Quand j'étais chez moi...
- Oui, dit Harry en hochant la tête. Je t'ai montré ma main telle qu'elle était alors...
- Montre-nous, dit Hermione.
Harry ferma les yeux et Malefoy dit :
- Je vais le faire... Donnez vos mains...
Tendant les mains, Ron et Hermione les posèrent sur celles du blond qui, en une fraction de seconde, leur transmis l'image qui ne quittait plus ses cauchemars depuis qu'Harry la lui avait montrée, quelques temps avant Noël.
- Merlin ! s'exclama Hermione en lâcha brusquement la main de Malefoy. Mais qu'est-ce que... c'est ?
- Un monstre, dit Harry. Sous cette fourrure, je suis un monstre au corps déformé, à la peau noire et luisante comme du cuir bien huilé... Je ne suis plus humain. La Magie Noire m'a transformé.
- Comme... Voldemort ? demanda Ron.
Harry le regarda :
- A côté de moi, Voldemort était beau...
La stupeur qui s'afficha sur le visage des trois sorciers aurait pu faire rire Harry si le moment n'était pas aussi lourd. Reprenant, le Gryffondor dit :
- J'ai décidé de quitter ma grotte un mois avant Noël environ et je me suis réfugié ici. Avant cela, j'ai pris cette apparence en ignorant totalement que ce loup existait.
- Tu as pris l'apparence d'un Loup des Montagnes, dit Hermione. C'est un loup humanoïde puissant, autant physiquement que magiquement, très intelligent et extrêmement dur à apercevoir, même sur son propre territoire. La plupart du temps ils ne sortent au grand jour que pour chasser mais ils déploient une telle quantité de magie que même si quelqu'un, sorcier ou non, se trouvait à un mètre de lui, il serait incapable de le voir.
Harry ne fut pas surpris que son amie en sache autant sur une bête quasiment inconnue. Hermione avait la réputation d'être une encyclopédie sur jambes du temps de leur scolarité et apparemment, cela n'avait pas changé.
Après un bref silence, Harry dit :
- À vous de me raconter vos vies maintenant. Qu'êtes-vous devenus après Poudlard ?
Hermione ouvrit la bouche pour parler en même temps que Malefoy mais, en parfait gentleman, le Serpentard lui fit signe de continuer. Elle lui sourit puis la jeune femme entama son récit.
- J'ai quitté Poudlard en quatre-vingt dix-sept, comme nous tous. Après l'enterrement de Voldemort, j'ai commencé des études de Magie Vive, d'abord par correspondance, pendant un an, mon Maître ayant trop à faire avec la célébration de la disparition du Mage Noir, comme toute la populace sorcière puis, début quatre-vingt dix-neuf, je suis partie le rejoindre en Suède et j'y suis restée six ans. J'ai quitté mon Maître en deux mille quatre et je suis revenue en Angleterre. A présent, j'avais appris la Magie Vive et je ne me servais désormais plus du tout de ma baguette magique, que j'ai toujours sur moi cependant.
Elle secoua sa manche pour montrer qu'elle la portait à cet endroit, puis elle reprit :
- Sans grande conviction, je me suis présentée à McGonagall en lui montrant ce que j'avais appris. À ma grande surprise, elle a créé devant moi une nouvelle matière optionelle au programme scolaire des sixième et septième années, la Magie Vive, et m'a embauchée comme professeur titulaire. En juin deux mille cinq, Rogue a été relâché d'Azkaban pour bonne conduite. Il est revenu direct ici, sa seule maison et sa seule famille. Célibataire, je passais le plus clair de mes vacances au château, à améliorer et perfectionner mes cours encore légers. L'été deux mille cinq a été particulièrement éprouvant car il faisait une chaleur étouffante, aussi bien dehors qu'à l'intérieur du château et la plupart des résidents passaient le plus clair de leur temps à déambuler dans le parc, à l'ombre des arbres de la Forêt Interdite ou à se baigner dans le Lac Noir. C'est Rogue qui a le plus souffert de cet été-là... A peine libéré de prison, sans aucun soutient quelconque du ministère, il passait toutes ses journées dans ses cahots, au frais, et au bout d'un moment, nous nous sommes mis à nous inquiéter.
- S'inquiéter ? Pourquoi ? demanda Harry.
- Il était revenu en juin et début juillet, il n'avait toujours pas mis le nez hors de ses appartements, dit Hermione en secouant la tête. On ne le voyait même pas aux repas ou dehors. Un jour, en bonne pomme que je suis, je me suis portée volontaire pour aller m'enquérir de sa santé et je l'ai trouvé prostré dans sa chambre, tournant et retournant sa baguette magique entre ses doigts. Il avait été torturé par les Détraqueurs et par les Gardiens sorciers pendant neuf ans et voilà qu'on le relâchait dans le monde « vivant » sans l'aider ne serait-ce qu'un soupçon à reprendre pied. Quand je l'ai dit à McGonagall, elle m'a demandé de m'occuper de lui...
- Ce que tu as fait, j'imagine, dit Ron, qui ignorait lui aussi les détails de la vie de son amie après Poudlard, chacun ayant pris deux chemins différents.
Hochant la tête, Hermione ajouta :
- J'avais jusqu'à la rentrée pour le faire sortir de sa torpeur. J'ai eu beaucoup de mal, c'est peu de le dire, car c'est un homme extrêmement têtu. Au début, j'avais l'impression de parler à un mur, il ne me répondait pas ou alors avec quelques grognements ici ou là. Mais je me suis accrochée et il a fini par capituler. Je me suis installée chez lui, aux cachots, et je ne vous cache pas que j'y étais bien mieux qu'au sommet de la Tour de Gryffondor où j'avais logé toute l'année précédente...
- La chaleur là-haut doit être intenable, dit Harry.
Hermione hocha la tête et soupira.
- Après avoir pris mes marques dans son appartement, je suis vite devenue une sorte de « femme au foyer », dit-elle. Il se reposait beaucoup sur moi, refusant que les Elfes fassent le ménage, par exemple. Bien entendu, il était hors de question que je devienne une bonniche, j'avais des cours à préparer pour la rentrée, j'étais un professeur, tout comme lui. Je maintenais donc l'appartement en ordre d'un claquement de doigts tout en continuant de travailler et au bout de trois semaines je crois, il s'y est mis aussi. Nul doute qu'il avait bien plus d'organisation que moi car en une semaine il avait abattu deux mois de cours...
- Bourreaux de travail, marmonna Malefoy.
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