- Mon ami, m'écoutez-vous ?

- Non, répondit franchement Malefoy.

- Oh ! s'offusqua Segma. Hum, soit, dit-elle ensuite, les lèvres pincées. Que votre fils se soit fait renvoyé de Durmstrang ne vous concerne donc pas... ?

- Pas le moins du monde, répondit le blond sans lever le nez des dossiers qu'il traitait. C'est vous qui avez tant tenu à l'envoyer là-bas alors qu'il aurait été tout aussi bien, et peut-être même beaucoup mieux, à Poudlard.

- Notre fils n'est pas comme les autres ! dit Segma, tranchante. Combien de fois devrais-je encore vous le dire ! Poudlard n'est qu'un repaire de sorciers dévoués à Dumbledore. Le fils d'un ancien Mangemort n'y aurait jamais trouvé une place à sa hauteur !

- Serpentard est la maison qui reçoit les enfants de Mangemorts depuis des dizaines d'années ! dit Malefoy en la regardant fixement. Rodolphus y serait allé et s'y serait certainement plu ! Possible même qu'il n'aurait pas fait autant de bêtises que ces quatre dernières années ! Maintenant, si vous voulez bien, rentrez chez vous et laissez-moi travailler.

Segma plissa ses yeux violets. Sa mâchoire remua et soudain, elle transplana. Malefoy soupira alors profondément et, du bureau voisin, une petite voix timide s'éleva :

- Tout va bien, Drago ?

- Oui, oui... Tiens, tu peux m'apporter un café, s'il te plait ?

- Cuillère debout dans le pot avec un peu de Xérès ? répondit la voix, amusée.

- Si possible...

Il y eut un rire dans l'autre pièce puis le Serpentard soupira et retourna à ses dossiers. Depuis une dizaine d'années, il avait de plus en plus de mal à supporter la présence et surtout la froideur de son épouse. Jamais elle ne montrait d'émotions autres que la colère ou l'impatience, ou encore le dégoût. Pas de gestes affectueux envers son mari ou ses enfants, aucune politesse envers les Elfes de Maison qui servaient sa famille fidèlement depuis plusieurs décennies, ni même envers la gouvernante Cracmole de ses enfants. C'était comme si elle était une reine en son palais et que tout le monde lui devait un respect sans bornes, son mari y compris.

Quand Malefoy avait compris cela, c'était trop tard, Segma était sur le point de donner naissance à Kezra, et Rodolphus avait environ cinq ans... Il ne pouvait donc plus la répudier pour refus de procréer ou une autre raison...

Lorsque le Serpentard rentra chez lui, sur les coups de vingt-heures, il trouva une lettre sur son bureau. Bien entendu, il en recevait des dizaines par jour mais rares étaient celles qui portaient le sceau de Poudlard en guise de cachet...

Dépliant le parchemin, le blond le lut dans sa tête. Elle venait de Rogue qui lui demandait s'il avait des nouvelles d'Harry. Malefoy lui répondit pas la négative et lui dit qu'il s'était remis à sa recherche mais que ses investigations n'avaient pour le moment rien donné de concret. S'il créchait dans le coin, le Gryffondor se montrerait tôt au tard...

------------------------------

La transformation d'Harry le laissa sur le carreau pendant plusieurs jours. Quand il émergea de son lourd sommeil réparateur, une couche de givre le recouvrait et sa fourrure raidie craqua quand il s'assit lentement, les muscles froids.

Fourrure ? songea-t-il.

- Ça a marché... dit -il en regardant ses mains. J'ai de la fourrure...

Serrant les poings, il testa ses griffes contre sa paume et grimaça. Il porta ensuite ses mains à son museau et cela le fit loucher. Il sourit alors et en profita pour tâter ses canines.

- Je suis devenu un loup... dit -il en se relevant. Aïe... Je suis un peu raide...

Lentement il se mit sur ses jambes puis se releva et constata qu'il n'avait pas grandi. Il pouvait toujours poser la main à plat au plafond de sa grotte, bras tendu.

- Je n'ai pas grandi plus, dit le brun. Heureusement.

Il testa alors la puissance de ses jambes, sentant le sang chaud reprendre son cours dans ses veines. Il cessa de frissonner rapidement et soudain, il s'ébroua violemment et sa fourrure gonfla.

- Ah, mieux, dit -il en se frottant les mains.

Il les posa sur son torse et demeura pensif un instant.

- Si je me pointe comme ça devant Drago, il va hurler... Il va croire que je suis un vrai loup... Il me faut un vêtement... Où est ma baguette ? Ah, la voilà.

Réfléchissant, le Gryffondor chercha dans sa mémoire le type d'habits qu'un loup humanoïde pourrait porter sans, ni attirer l'attention plus que de mesure, ni attirer les convoitises.

Tapotant sa baguette magique dans sa paume – aussi large qu'une pelle à tarte –, le brun cligna des yeux puis hocha la tête. Il invoqua un miroir et s'observa à loisirs tout en réfléchissant.

- Quelque chose autour de la taille, fit-il. Histoire d'avoir un peu de pudeur...

Il pointa le miroir de sa baguette magique, au niveau de sa taille, et une large ceinture de cuir apparut, lui entoura les hanches. Un tissu se déroula devant et derrière lui, le pan à l'arrière laissant un triangle de libre pour le passage de l'épaisse queue touffue proche de balayer le sol.

- Voilà qui est mieux... Étrange sensation, la queue... Bon, bref. Ensuite... Un plastron ?

Il invoqua une espèce de tunique de cuir souple sur son torse puis secoua la tête en grimaçant. Il la réduisit et se retrouva finalement avec une bande de cuir rigide qui lui entourait juste les épaules. Il la décora de dessins imaginés, y ajouta des chaînettes d'or et des breloques qu'il laissa pendre sur son torse puis il s'admira un moment dans le miroir.

- Correct, fit-il. Mais il manque quelque chose.

Deux anneaux en or apparurent à son oreille droite et le brun haussa un sourcil.

- Pourquoi pas ? Mais il y a encore quelque chose qui manque...

Il chercha dans sa mémoire et se souvint d'un livre sur les créatures fantastiques qu'il avait lu quelques années avant d'entrer à Poudlard. Dudley avait gribouillé sur chacune des pages, rendant l'histoire illisible mais les dessins avaient été épargnés.

Hochant la tête, le Gryffondor matérialisa autour de ses poignets de larges bandes de cuir lacées et il incrusta des dessins dorés dans l'épaisseur du cuir. Il en fit également apparaître sur ses chevilles, mais au lieu des lacets, il mit des boucles dorées, quatre, tournées vers l'arrière.

- Voilà qui est bien...

Il se contorsionna devant le miroir, arrangea deux trois petits choses puis conjura un vaste manteau marron terreux et s'en drapa. Il remonta la capuche sur sa tête et seul son museau dépassa.

- Très bien tout ça. Très bien. Un peu terrifiant mais bon...

Voulant ranger sa baguette magique, le Gryffondor grogna. Il fit apparaître autour de sa cuisse, fixé à sa ceinture, un long fourreau de cuir étroit et il y glissa la longue baguette de bois.

- L'élément indispensable, dit-il en souriant à son reflet qui faisait réellement frémir.

Cependant, dans le monde « vivant », Malefoy avait décidé de se donner corps et âme dans la recherche du brun. Le retour du Gryffondor l'avait complètement bouleversé et, honnêtement, il n'avait pas repensé à lui depuis des années, s'étant obligé à l'éloigner de ses pensées pour ne pas sombrer dans la mélancolie. Quand le peu d'espoir de retrouver le Survivant s'était envolé, il s'était plongé dans le travail et parfois, seule Segma arrivait à l'en tirer mais c'était de courte durée. Le temps de mettre un héritier en route, par exemple...

Un hibou toqua à la fenêtre du Serpentard. Il alla lui ouvrir et détacha de sa patte une lettre de Rogue qui demandait s'il devait tout révéler à McGonagall ou attendre encore un peu. Malefoy lui répondit d'attendre encore un peu, qu'il n'avait rien de concret pour le moment et que cela l'énervait. De plus, si Harry était venu le voir lui avant quiconque, c'était pour une bonne raison.

Malefoy inspira profondément. En repartant d'ici, un mois plus tôt, Harry lui avait clairement dit qu'il l'aimait toujours et qu'il n'avait jamais cessé de l'aimer. Cela avait rebondit dans le crâne du blond pendant des jours et il y repensait encore aujourd'hui.

- Il ne m'a jamais dit qu'il m'aimait... avant...

Secouant la tête, le blond ajouta :

- Non, on n'oublie pas ce genre de chose... S'il me l'avait dit je ne l'aurais jamais oublié...

On toqua soudain à la porte et le Serpentard se hâta de ranger les papiers concernant la recherche d'Harry. Il les avait ressortis des archives et il était en train de les relire avec un pincement au cœur comme les souvenirs refaisaient surface.

- Entrez ? Ah, Segma... Que se passe-t-il ?

- Votre fils a été renvoyé de Durmstrang, siffla la femme en poussant un grand garçon devant elle. Encore...

Les cheveux noirs comme l'ébène, Rodolphus Malefoy n'avait de son père que ses yeux bleus comme un glacier qui viraient au gris suivant la lumière alentour.

- Renvoyé ? dit Malefoy en regardant son fils. Qu'as-tu fait cette fois-ci ? Et pour combien de temps est-ce ?

- C'est définitif, grogna Segma. Voilà la lettre.

- Bon, dit le blond en ignorant le parchemin que lui tendait sa femme. Je vais demander un dossier d'inscription à Poudlard dès aujourd'hui. Tu y seras la semaine prochaine, fils. Tu peux aller dans ta chambre.

Rodolphus tourna les talons avec un bref salut du menton à son père. Segma le laissa passer puis elle se tourna vers son époux.

- Vous ne le corrigez pas ? dit-elle, choquée. Cela mérite des coups de bâton !

- De bâton ? Jamais je ne battrais mes enfants ! s'exclama le blond en fusillant la femme de son regard glacé. Vous entendez, madame ? Jamais ! Ni avec un bâton, ni avec une ceinture, ni avec la magie ! Ce n'est pas en les frappant que vous obtiendrez d'eux ce que vous en attendez, mais le contraire !

- J'ai été élevée au bâton, dit Segma en croisant les bras.

- Quand on voit ce que ça a donné... marmonna Malefoy en regardant ses papiers devant lui.

- Oh ! Espèce de goujat !

Tremblante de rage, Segma tourna les talons et quitta le bureau. Malefoy agita sa baguette magique pour refermer la porte et il soupira. Il claqua ensuite de la langue et son hibou vola vers lui. Il lui donna sa demande de dossier d'inscription pour que Rodolphus intègre Poudlard dès lundi prochain puis il envoya l'animal par la fenêtre entrouverte et ressortit ensuite les documents jaunis qu'il avait rassemblés lorsque tout le monde sorcier cherchait leur Survivant aux quatre coins de la planète.