Une amie pour Layland. (20)
Je suis mortifiée de l'avouer, je tremble de honte, même. Pourtant, je suis installée dans le canapé que j'ai placé devant le petit écran rectangulaire. J'ai décollé de là uniquement pour préparer mon repas et je n'en suis pas fière, mais je n'ai toujours rien à faire d'autre. La pièce est si rangée que je ne sais quoi faire, à part peut-être nettoyer le sol mais cette tâche est fatigante et je préfère l'attraction de ma télévision favorite.
Le soir tombe doucement et je me lève pour atteindre l'interrupteur. En fait, il y avait toujours eu des lampes au plafond mais je n'ai jamais trouvé le moyen de les allumer. Du moins, jusqu'à ce que Chuck me dise où trouver le bouton camouflé dans le couloir sombre. Je m'avance dans le couloir et devant moi, la porte s'ouvre dans un grincement métallique, m'éclairant d'un rai de lumière artificielle.
— Oh, tu es là ? demande Chuck. Tu peux venir m'aider ?
Sans répondre, je prends ce qu'il me tend dans mes bras et le ramène dans la pièce principale. Je jette le tas de tissus sur le canapé en l'observant sous toutes les coutures.
— C'est une couverture ? Mais j'en ai déjà une, fais-je en me retournant.
Le chanteur traîne lourdement un matelas sur le sol et le dépose au centre de la pièce avant de se redresser en reprenant son souffle. Il me sourit et je me demande bien pourquoi.
— Un autre lit ? constaté-je froidement. Tu vas pas dormir là, quand même ?
Il prend un air outré, comme si cela ne lui était jamais venu à l'esprit. Dommage, l'idée de le torturer pour avoir la combinaison de chiffres qui peut mener à ma liberté me tente pas mal. Mais je sais que la torture n'est pas le meilleur moyen pour avoir ce que l'on souhaite. Je doute même qu'il cille par cette méthode, tant il paraît déconnecté de ses sentiments. Même là, il semble si sûr que ce qu'il prépare va me faire plaisir alors que personnellement, je le sens très mal.
— Petit cadeau, tu vas avoir une nouvelle colocataire... pour quelques jours, précise-t-il, l'air morne.
Je me souviens subitement que le prochain solstice est censé arriver d'un jour à l'autre et mes mains tremblent contre mes cuisses. Ainsi, il veut que je partage l'espace avec la fille qu'il veut sacrifier ? Que je sympathise avec une condamnée à mort que je ne pourrai ni protéger ni sauver ?
Il a un sens particulier du mot cadeau. Celui-ci semble empoisonné de bien des manières. Mais je ne dis rien, je me contente de l'observer pousser le matelas dans un coin et le voir s'approcher en silence, venant s'asseoir à ma façon. A vrai dire, nous sommes à peine assis, nos fesses sont juste posées sur le dos du canapé.
— Je m'ennuie toujours, lui appris-je pour changer de sujet.
— Tu auras de la compagnie, bientôt...
— Je veux des occupations, le coupé-je sans douceur. La musique... me manque. J'aimerai aussi des livres et d'autres trucs pour m'occuper l'esprit. C'est possible ?
Je plante mes yeux suppliants dans les siens, je teste ses réactions, ses actions. À ma manière tordue, je vois sa bienveillance et ses limites et cela me permet de garder espoir sur les changements qui peuvent encore survenir. Il porte encore ses lentilles de contact ridicules qui le rendent inhumain. Elles me font plonger dans un état de confusion extrême, car il est difficile de lire en lui à cause de leur présence.
— Je les déteste, soufflé-je sans m'en rendre compte.
— De quoi tu parles... de moi ?
— Pas vraiment... de tes lentilles bleues. Pourquoi les portes-tu toujours ?
Il réfléchit, le regard posé sur les fenêtres hors de portée de nos mains, où de maigres flocons voltigent dans les airs. Ses sourcils se froncent légèrement et sa bouche se tord dans une moue indescriptible.
— Je ne sais pas, je me sens mieux quand je les aies. Plus complet... et moi-même.
— Tu as l'air d'un monstre sans pitié et d'un psychopathe sans émotion, voilà à quoi tu ressembles avec tes lentilles.
Ses yeux bleus électriques sont grands écartés quand ils viennent plonger dans ma direction, me rendant confuse et quelque peu effrayée. Tout à coup, un bruit lointain de sonnette interrompt notre face à face silencieux.
— C'est un peu le but, murmure-t-il finalement en se levant de son perchoir. Je reviens vite.
Il se dirige vers la porte et je ne le suis pas, le regard fixé sur l'écran. Je ne vois rien mais j'entends distinctement la sonnette de sa maison retentir plusieurs fois. Je vois Chuck entrer dans le champ et s'engouffrer dans l'entrée déserte de la maison. Quand il revient, quelques secondes plus tard, il est accompagné de trois autres garçons : les membres de son groupe.
Je déglutis avec lenteur. Alors ainsi, d'autres personnes viennent ici ? Cela signifie que mes chances de sortir augmentent si ces individus ignorent les actes de Chuck. Sauf si dans le cas contraire, qu'ils soient également au courant tout en étant encore moins cléments. Peut-être se fichent-ils d'envoyer une mineure au roi des démons ou à qui sais-je encore ?
Ainsi, j'écoute distinctement leurs échanges, cherchant à savoir s'ils sont des innocents, des complices, ou pire, les vrais instigateurs. Si j'avais de l'argent à parier, je miserais tout sur la première option car elle seule peut me faire sortir d'ici. Je n'ai jamais été croyante de ma vie et pourtant, je n'ai jamais autant prié pour avoir raison. Pourvu que je puisse trouver une échappatoire.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top