Un plan parfait ne peut échouer. (30)


— Il vient ici ! s'exclame Juliette.

Soudain, les sept filles se dirigent vers leurs matelas pour s'y regrouper. L'objectif est de montrer une position de soumission et de crainte, afin que Thomas baisse sa garde lors de sa visite. Ainsi, la prochaine fois, il ne se méfiera pas et je pourrai tenter de l'assommer.

De loin, j'entends la porte métallique s'ouvrir dans un grincement. Je me tiens plus droite sur le canapé, fixant toujours l'écran de surveillance désert.

— Layland, me salue notre ravisseur.

Je me retourne pour fixer ses iris surnaturels, qui me semblent à présent bien familiers. J'ai envie de l'inviter à s'asseoir, de lui raconter la fin du livre dont je lui avais parlé. Mais je me retiens, en me sentant comme une traître.

Je tente de me raisonner, il n'est pas quelqu'un de bien ni un ami. Pourtant, je ne peux voir en lui que Chuck, un homme égaré qui s'est perdu lui-même. Je veux le croire, au plus profond de moi.

— Qu'est-ce que tu nous as apporté ? demandé-je en allant à sa rencontre.
— À manger, surtout, vous allez vite être à sec. Mais aussi quelques vêtements supplémentaires, d'autres serviettes... tu verras bien.

Il relève enfin les yeux de ses sacs cabas et me fixe de son regard saisissant. Il semble différent de la dernière fois, plus humain. Plein de remords, de compassion et de bonnes intentions à mon égard.

— Je suis désolé, Layland, pour ce que je t'ai dit. J'étais en colère, je ne le pensais pas. J'essaye de te comprendre, je t'assure.

Ses mots me font mal, mais je fais semblant de rien. Il a le don de me faire culpabiliser, ce qui me peine. Il pourrait être un véritable ami, seulement, sa petite tendance à me faire penser que je suis la fautive prouve le contraire. Tandis qu'il se rapproche de moi, je ne sais pas quoi lui dire. Je ne veux pas le conforter dans ses idées, ni même être en désaccord avec lui. Ce petit jeu est risqué et je ne veux plus y rester piégée.

En parlant avec les autres captives, j'ai réalisé la relation malsaine que j'entretenais avec notre ravisseur. Je tente de remédier à cela, mais je ne parviens à voir en lui autre chose qu'une personne faible, malade, qui a un réel besoin d'être soignée.

— Tu m'en veux encore ? me demande-t-il.
—Je ne risque pas d'oublier, ça c'est sûr.

Je ne tente pas de lui mentir, je sais qu'il peut lire en moi avec une facilité déconcertante. Plus je m'approche de la vérité, plus il me sera facile de le duper. Malgré tout, j'ai du mal à m'empêcher de lui parler, de le regarder comme un ami, de lui trouver des excuses.

— Je ne t'en veux pas vraiment. Simplement, j'ai été surprise. Je ne pensais pas que mes actes auraient de telles conséquences.

Je regarde dans le vide, incapable de soutenir plus longtemps son regard. Il est trop rempli de tristesse, d'un je-ne-sais-quoi qui me rend perplexe. J'ai peur de me perdre dans la profondeur de ses yeux pour y déceler encore la preuve qu'il existe au fond de lui, une personne honnête, capable de bon sens et d'amitié. Pourtant, les minutes passent et ma langue se délie. La conversation s'installe entre lui et moi et j'entends un murmure de désapprobation au fond de la salle. Nerveuse, je me sens soudainement fautive. Malgré moi, je me suis laissée aller en le prenant comme confident.

J'esquisse un sourire contrit, puis me lève du canapé. Il m'imite à son tour et se dirige vers la sortie. Nous ne prononçons plus un mot, et le malaise s'installe entre nous. Je suis près de lui quand il referme la porte, et je peux sentir Sophia arriver dans mon dos. Telle une souris, elle se faufile. Quand la porte se ferme dans un claquement, elle s'est déjà accroupie près de la trappe ouverte. Je peux seulement deviner qu'elle sort le petit miroir pour le glisser dans l'interstice, causant un petit rai de lumière dans le couloir sombre.

Je ne peux voir si elle réussit sa tâche, mais quand elle retire le miroir au bout de quelques secondes, un soupir sort de sa bouche dans un tremblement. Elle semble déboussolée et a l'air stressé, sûrement parce que cette mission était périlleuse ou bien car quelque chose s'est mal passé. Toutefois, elle se précipite à l'autre bout du couloir, se jette sur la table où repose quelques feuilles. Elle saisit le premier papier qui passe, un crayon qui traîne là, et court s'enfermer dans la salle de bain, faisant sursauter Chloé au passage.

Je la suis de près, pouvant la voir griffonner avec frénésie une série de chiffres, et plus elle écrit, plus je sens mon cœur battre rapidement dans ma poitrine. Un, deux, trois, et cela n'en finit pas. Septième chiffre rédigé, mais Sophia continue d'écrire. Toutes nos colocataires se sont réunis autour d'elle, et chacune a le souffle coupé lorsque du bout de son crayon, le dernier trait a été passé. Elle a mémorisé les neuf chiffres, il n'en manque aucun. Pourtant, lorsqu'elle relève la tête vers nous, je ne vois pas de fierté dans son regard, ni de joie. L'euphorie laisse la place à la perplexité. Rapidement, on comprend que quelque chose la tracasse. Ses yeux nous supplie de ne pas lui en vouloir, lorsqu'elle murmure :

— Je suis désolée... mais je crois qu'il m'a vu.

Et notre joie à toutes se transforme subitement en angoisse.

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