Telle mère, telle fille. (4)


Ravie du résultat qui se reflète dans le miroir, je fais glisser mon manteau de mes épaules. Je veux observer le résultat de mon maquillage avec mes vêtements. Malheureusement, je suis incapable d'observer mon reflet de pied en cap, donc je me contente d'imaginer ce que mon visage maquillé doit ressembler avec cette tenue.

Je me trouve trop rondelette pour porter des jupes courtes, alors j'ai simplement mis un pull large vert bouteille qui rentre dans la ceinture d'un jean déchiré aux genoux. Pour éviter d'avoir trop froid, j'ai glissé une paire de collants verts flashy en dessous. L'ensemble n'est pas trop mal, surtout que je porte mes nouvelles bottines en cuir marron, qui atteignent tout juste les plissures de mon jean.

Dans cette tenue, je me sens bien, sans être vraiment moi-même, j'ai l'impression d'être un peu mieux que je ne suis d'ordinaire. M'ayant assez observée sous toutes les coutures, je retourne dans la salle du bar, m'avançant vers l'un des barmans, qui a une barbe étonnamment grande.

— Carte d'identité, fait-il en me lorgnant comme si j'avais voulu tenter de passer pour une majeure avec juste un peu de maquillage.
— Ce n'est pas la peine, je suis mineure et j'aimerai juste un jus d'ananas, s'il vous plaît.
— Bien.

Visiblement rassuré, le barbu me tend une bouteille de jus et un verre que je refuse. J'aime boire directement dans la bouteille, sans risquer de briser quoi que ce soit avec ma maladresse. Mamie m'a donné un peu d'argent, mais pas assez pour payer des verres brisés. Et pour avoir cassé toute la collection de flûtes à champagne de l'anniversaire de mariage de mes défunts parents... je me sais capable d'une telle bourde.

— Layland, tu es là ! fait Kat en me voyant.

Elle joue des coudes dans le bar bondé jusqu'à venir s'asseoir sur le siège à ma droite.

— Bien sûr, où voulais-tu que je sois ?
— Devant la piste, bien sûr, le concert va commencer, le groupe est déjà installé !

Je me retourne sur le tabouret du bar et vois effectivement qu'un attroupement s'est formé dans un coin du bar. Je me lève en sautant de mon perchoir et en atterrissant, je bascule, manquant de me prendre le coin du bar dans le front. Heureusement, Kat me retient par le bras, me faisant éviter le pire.

— Misère, tu es comme ta mère lorsqu'elle avait ton âge, une vraie calamité !

Je lui souris, des ridules aux coins des yeux. Tout le monde prend des pincettes pour me parler de mes parents, alors qu'au contraire, j'adore entendre parler d'eux, de leur passé, de leur amour passionnel et du moment où je suis entrée dans leur vie.

Avant, ils vivaient dans la maison de grand-mère avec elle, car elle avait besoin de compagnie. Mais par une journée d'hiver, ils étaient partis faire des courses en ville... sans jamais en être revenus. Un chauffeur de camion épuisé avait percuté leur voiture alors qu'ils rentraient à la maison.

J'avais vu cet homme une seule fois, le jour de l'enterrement. Ma mamie lui avait hurlé dessus, lui faisant couler des larmes. Je ne l'avais jamais vu dans un tel état, si furieuse que je sentais les piques de sa voix se planter sur ma peau. C'était il y a trois ans, mais j'étais assez âgée pour comprendre la raison de sa colère. Pourtant, dans ma robe en velours noir, j'étais allée la prendre dans mes bras et j'avais regardé le chauffeur.

Ce que j'avais alors vu dans ses yeux bleus, c'était une profonde tristesse et les remords qui le rongeait. Ce n'était pas un homme qui était fautif d'avoir volontairement conduit en ayant bu, non, il s'agissait simplement d'un employé pressé par le temps et par son patron qui avait dû continuer à travailler jusqu'à l'épuisement. Personne n'était le fautif dans cet incident. Seules une série de coïncidences fâcheuses ayant causées une situation finale désastreuse.

— Mamie, avais-je alors murmuré en lui essuyant des larmes qui ruisselaient, ce n'est pas de sa faute. Regarde-le... comme il s'en veut. Ne lui rend pas ça plus difficile à cause de ton propre chagrin.

Oubliant mon propre ressentiment qui gonflait dans ma poitrine, j'avais ramené ma grand-mère. Dans le bâtiment, le cercueil en bois verni reposait encore, accueilli par les mines tristes des êtres aimés qui démarraient leur deuil. Le sanglot bruyant et reconnaissant du camionneur m'accompagnait jusqu'à l'intérieur, s'éteignant seulement lorsque j'eus fermé la porte.

Je savais avoir bien agi, la main serrée de ma grand-mère autour de la mienne me le confirmait. Pourtant, mon cœur s'était serré car j'avais été obligée de lui pardonner, lui et ses grands yeux tristes.

Aujourd'hui encore, je n'ai personne à maudire et cela rend le deuil plus difficile, mais force est de constater que personne n'est parfait et que tout le monde doit mourir un jour. C'est ainsi que je pensais à l'époque, et je le crois encore aujourd'hui.

Seulement, j'ignore encore que cette façon de penser va bientôt me retomber dessus. J'ignore qu'il est parfois trop dur de ne pas détester les autres et qu'il est plus facile de vouloir tout détruire. Pourtant, je continue de croire qu'il m'est toujours possible de pardonner aux gens, quels que soient leurs défauts, leurs problèmes ou leurs torts.

Mais je n'ai pas toujours raison, loin de là. Et l'avenir le prouvera.

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