Plan d'évasion. (28)


Le silence envahit brièvement notre lieu de vie où chacune, assise en tailleur ou allongée, observe le décor. Comme moi à mon arrivée, certaines semblent jauger les issues, qui sont inexistantes. Parmi elles se trouvent Sophia, la discrète Juliette et Fany.

— Qu'est-ce que c'est que ça ? s'écrit soudainement Fany.

Je regarde la direction vers lequel pointe son doigt et comprends sa déroute.

— C'est une caméra, il y en a cinq. Une à chaque coin et une au milieu. Mais ne vous inquiétez pas, il n'y en a pas dans la salle de bain.
— Mais alors... ce taré peut tout entendre ? demande Églantine.

Je tique sur le mot taré un instant et une colère froide se répand en moi. Trop souvent j'avais entendu Ivano se faire traiter de la même manière et depuis, je ne supporte plus ce genre d'insultes. Avoir une tare, être débile, gogole, chtarbé. Je connais beaucoup de dénomination de ce genre, mais aucune ne me plaît.

Ce gars est un malade mental qui a avant tout besoin de soin, non de se faire rabaisser de manière à accentuer sa maladie. Du coup, je ne peux m'empêcher de regarder avec froideur cette Églantine. Je sais pourtant que Thomas mérite de se faire insulter, de se faire tuer. Moi-même je l'ai voulu.

Mais s'il me reste réellement près de trois ans à vivre dans ce trou, cela signifie que j'ai aussi tout ce temps pour tenter de le raisonner. C'est stupide mais c'est mon seul espoir. Je ne suis pas psychiatre, je ne suis pas qualifiée. Pourtant je ressens le besoin de l'aider.

— Non, je m'écrie un peu trop fort. On peut simplement aller activer un micro, là-bas, si jamais on a besoin de lui demander quelque chose.

Elles sont rassurées mais subitement, elles cherchent à savoir d'autres informations. Quels sont leurs espoirs ? Existe-t-il des sorties ? Alors je leur transmets tout ce que je sais. Tuer notre ravisseur revient à tous nous condamner avec cette maudite porte à neuf chiffres. Pourtant, je vois Juliette ouvrir grand les yeux.

— Mais... hésite-t-elle, tu as bien dit qu'il y avait une trappe ?
— Oui mais elle n'est pas assez haute pour s'y glisser, et elle est super lourde. Il doit l'ouvrir avec un levier de l'autre côté.
— On a plusieurs paires de bras, fait Fany.
— Mais surtout, la coupe Juliette, on pourrait peut-être réussir à voir le code par cette trappe.
— Tu as raison, avec un miroir, par exemple, propose Sophia en balançant ses nattes violettes derrière son épaule.

Je regarde ces merveilleuses personnes qui ont tout de génies. Moins d'une journée dans cette prison et elles ont déjà un plan de secours, que je n'ai jamais imaginé.

— On va essayer, promets-je. Mais s'il nous voit, il changera le code. Il faudra réussir à être discrètes et on aura qu'un essai.

Elles hochent la tête avec ferveur, rassurées d'avoir un plan dans les mains pour ne pas se laisser sombrer. J'aurais aimé en avoir autant lors de mon arrivée ici.

— Par contre, j'ai une requête. S'il faut enfermer Thomas ici, j'aimerai le garder vivant. Je contacterai la police pour le faire arrêter. Alors, je vous prie de ne pas le tuer.

Je sens le jugement dans leurs yeux, peut-être que j'y décèle de la pitié mêlée d'incompréhension. Toutefois, la fille aux cheveux violets s'approche et d'un air des plus sérieux, me demande :

— Et l'assommer, ça te dérangerait ?
— Non, je murmure. Il faut bien l'arrêter. Simplement, je ne veux pas avoir sa mort sur la conscience. Pas plus que la vôtre, d'ailleurs.

Ces simples mots semblent les rassurer et elles me sourient, confiantes. Je ne sais pas si cette confiance va durer mais je décide désormais de tout tenter pour sortir d'ici. Si ce plan ne fonctionne pas, nous en chercherons un autre, et un autre, jusqu'à ce que nous sortions tous de ce chai maudit.

Je m'en fais la promesse, pour moi et pour Chloé. Je vois ces filles qui m'apparaissent comme la clef de la porte de sortie. Elles sont chaleureuses, elles m'acceptent. Pourtant, je ne vois en elles que ce qu'elles peuvent m'apporter. Ce ne sont pas des amies, ce ne sont que des pions. Tant que je sauvegarde la vie de Chloé, je suis prête à courir le risque. Le prix à payer n'est pas bien élevé, il s'agit de leurs vies. Si elles souhaitent risquer de la perdre, je l'accepte.

J'observe leurs sourires tandis qu'elles réfléchissent à nos moyens de fortune pour élaborer un grand plan d'évasion. Je sens mon visage aussi souriant que le leur mais pourtant, je sais que la vérité est bien plus sombre. Je me réjouie de leur présence, de leur vivacité d'esprit. Mais dans mon cœur, une barrière se forme, plus solide que jamais. Je ne dois pas m'attacher à elles, ni tenter de les comprendre.

Elles sont les clefs de la sortie, me répété-je inlassablement. Elles sont déjà condamnées, autant me servir d'elles.

Mon estomac se crispe douloureusement et je retiens mes canaux lacrymaux de s'emplir de liquide. Je suis devenue un monstre impitoyable, au cœur endurci. Mais pour survivre, je suis prête à endosser ce rôle.

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