La générosité d'un tueur psychopathe. (17)
Je me réveille dans mon lit. Enfin, sur le matelas qui me sert de lit, plutôt. J'ai toujours Alfred entre les mains alors je le serre un peu plus fort et ce simple geste a le don de me rassurer.
— Je suis désolé, dit Chuck.
Il est toujours là, mais je préfère ne pas répondre. Je me sens trop engourdie et je ne veux pas m'habituer à sa présence, surtout qu'il va probablement me laisser de nouveau. Pourtant j'espère qu'il ne va pas le faire.
— Avec le groupe, on a eu un concert à l'autre bout du pays. Ça a pris deux jours rien que pour le voyage aller-retour. Ce n'est pas une excuse mais... avant de rentrer, j'ai pris mon van pour aller t'acheter des trucs dont tu aurais pu avoir besoin. Mais je m'attendais pas... à te trouver comme ça.
Il me désigne du menton, son regard bleu toujours aussi lumineux.
— Pourquoi portes-tu des lentilles ? Tu parais inhumain.
— Hm... c'est un peu le but.
Il a un sourire que je qualifierai de triste ou de mélancolique. Comme s'il regrettait un peu de ne pas être comme les autres.
— Pourquoi acheter des choses pour moi ? Ce n'est pas comme si tu voulais vraiment me faire plaisir. Sinon tu me laisserais juste partir...
— Le solstice arrive bientôt, dans à peine une semaine. La dernière fois, j'avais trouvé l'objet du sacrifice le jour d'avant, donc je n'ai pas eu de problème pour la garder dans mon van, elle criait beaucoup mais on entendait rien.
Alors il a vraiment déjà tué quelqu'un, ce n'est pas la première fois ? Il me paraissait trop désorganisé pour qu'il soit habitué à kidnapper et tuer des personnes mais, visiblement, il n'en est pas à son premier coup d'essai.
— Mais toi, continue-t-il comme si de rien était, tu vas rester un petit moment... Alors je cherche des solutions pour que ce soit plus facile pour tous les deux.
— Ça n'explique pas pourquoi tu achètes des choses pour moi...
— Tu auras bientôt une nouvelle colocataire. Mais elle ne restera que quelques jours. J'espère que je trouverai quelqu'un, sinon...
— Sinon quoi ?
— Si je ne peux sacrifier personne lors du solstice, je devrai tuer à chaque prochaine nouvelle lune jusqu'au solstice suivant, en juin. Les deux rituels par an sont déjà bien assez difficiles... C'est dur de nos jours de trouver quelqu'un de majeur et de vierge.
Je n'ose pas l'interrompre car je frémis d'horreur. Ce gars est vraiment un psychopathe, il ne ressent donc vraiment aucune émotion ? Il parle de meurtres comme l'on parlerait de la pluie et du beau temps. Pourtant, j'espère presque qu'il trouve une nouvelle cible... ou qu'il se fasse choper par la police en le faisant. Mais dans tous les cas, mieux vaut sacrifier une victime afin d'éviter qu'il n'y en ait six supplémentaires.
— Tu m'écoutes ?
— Q-quoi ? fais-je, surprise car j'étais perdue dans mes pensées.
— J'ai récupéré plusieurs choses d'occasions. Un vieux canapé, une commode. Je vais ramener aussi d'autres choses comme des habits, des serviettes... le mieux ce serait que tu me fasses une liste de ce dont tu as besoin.
— De ma liberté, je réponds instantanément.
— Tout sauf ça.
Je soupire et visiblement cela le fait rire. Il a un joli rire en plus, mais il a le don de me terroriser.
— Je ne peux même pas sortir quelques fois, même avec toi ? Même attachée ? Au moins prendre l'air.
— Non, vraiment pas. Mais un ventilateur pour avoir une brise d'air, ça c'est possible.
— Trop aimable...
— Sinon, j'ai pensé à un truc. Je vais sûrement souvent m'absenter pendant parfois deux ou trois jours voire plus longtemps... Alors il faudra de quoi garder la nourriture. Tu pourrais même te la préparer. Qu'est-ce que tu en dis ?
— Tu proposes de faire de cet endroit un semblant de... loft ? Avec des meubles et un coin cuisine ?
Il hoche la tête et paraît ravi de me voir aussi enthousiaste. C'est triste à dire mais je suis vraiment satisfaite de savoir que je pourrais cuisiner. Ça occupera mes journées.
— Je vais t'amener de quoi écrire, tu pourras me dire ce dont tu as besoin exactement. Comme objets, meubles, tout. Ah, et peut-être la taille de tes vêtements, je ne sais pas quoi prendre...
— Tu vas acheter tout ça ? Tu as vraiment le budget ?
— Cet endroit appartient à mes parents dont j'y vis gratuitement. Ils me versent de l'argent tous les mois depuis mes quatorze ans... comme je n'ai jamais été dépensier... disons que j'ai de quoi payer. Bon, je vais te chercher du papier, fait-il en se levant.
— Tu pars ? le retiens-je en me levant à mon tour.
— Je reviens tout de suite, je vis juste à côté. Tu vois le mur ? Ma maison est posée contre lui, elles sont reliées ensemble. Je reviens vite, je te le promets.
Je sers le bas de mon pull et acquiesce en le regardant partir. Il jette un regard en arrière juste avant de s'engouffrer dans le couloir qui mène au garage.
Pendant les quelques minutes où je suis à nouveau seule, je commence à paniquer. C'est terrible, je sais qui il est, ce qu'il a fait et ce qu'il compte me faire quand le temps sera venu. Je le sais mais je ne peux m'empêcher de trouver la solitude encore plus horrible.
J'ai l'impression d'être une junkie, accro à ses interactions sociales. Privée d'elle, je me mets à trembler et mon corps cède à la panique.
Tout ça ne va certainement pas aller en s'arrangeant.
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