« Je ne te ferai aucun mal. » (9)
J'ai les genoux qui tremblent mais je me suis reculée autant que je le pouvais. Recroquevillée contre la paroi froide du coffre, j'espère qu'il ne m'approchera pas.
— Je ne te ferai aucun mal, promet-il en se levant.
Il s'éloigne même de quelques pas, pour paraître inoffensif. Je l'avoue, sa posture décontractée me rassure.
— Je veux simplement le savoir. Dis oui ou non, seulement ne me mens pas. Si tu mens, je le saurai... et je n'aime pas vraiment ça.
Il penche la tête, attend ma réponse que j'ai peur de donner. Voudra-t-il me violer, s'il sait que je n'ai connu aucun partenaire ? Voudra-t-il que je le « serve » si dans le cas contraire, j'ai déjà eu une expérience similaire ? Dans tous les cas, cela sera mauvais pour moi. Alors j'écoute son conseil et me contente de la vérité. Même si je tremble de tout mon corps quand je dois le faire, tant de terreur que de honte. Je vais devoir expliquer ma vie privée devant un inconnu, un homme de surcroît, que je le veuille ou non.
— Oui, je murmure.
— Oui, tu es vierge ou oui tu ne l'es pas, insiste-t-il, comme si ce n'est pas déjà assez humiliant pour moi de me ridiculiser à répondre à ces questions déplacées.
— Je le suis ! hurlé-je malgré moi, à présent furieuse de devoir le répéter. Alors, quoi, maintenant ? Qu'est-ce que ça change ?
— Alors tu vas vivre plus longtemps, sourit-il en s'asseyant de nouveau derrière le véhicule à un mètre tout au plus de moi.
Alors, si j'avais dit que je ne l'étais pas, il m'aurait tuée ? Je dois vraiment réfléchir aux prochaines réponses que je donne... surtout si ce sont des questions de vie ou de mort. Pourtant, je me sens mal à l'aise. Que va-t-il faire de cette information ? Il va me vendre à un trafic sexuel ?
— N'ai pas peur de moi, soupire-t-il. Je ne te veux aucun mal. Du moins, je ne ferai rien avant que tu ne sois adulte.
— Et quand je le serai ?
J'espère que je me serai enfuie dans ce laps de temps, toutefois je préfère connaître toutes les issues.
— Quand tu seras adulte, tu seras sacrifiée pour moi.
— Pardon ?
Il a parlé de sacrifices, comme les rites qui datent d'un autre temps ? Pas possible, ce n'est même plus pratiqué par personne... sauf peut-être par les tordus dans son genre.
— Tu as bien entendu, soupire-t-il encore. On va devoir repartir, tu seras bien sage si je ne remets pas ça ?
Il désigne le bâillon qui devait m'empêcher de respirer un peu plus tôt.
— Je le serai.
— Je préfère te prévenir... même si tu cries, on entendra rien. J'ai déjà joué de la guitare électrique sur un amplificateur là-dedans et le groupe n'a rien entendu. Il est parfaitement insonorisé...
Donc si je veux crier jusqu'à en perdre haleine, c'est inutile pour avoir du secours, j'ai bien compris. Sauf peut-être s'il ouvre la trappe ? Ou alors sert-elle seulement à faire entrer la lumière et non le bruit ? Tant de questionnements sur lesquels je ne peux réfléchir.
— Mais on pourra se parler, tente-t-il de me rassurer alors que ce détail me glace encore plus. J'ai installé un dispositif qui me permet de t'entendre dans une oreillette. De ton côté, tu as une petite enceinte pour que tu m'entendes. Comme tout à l'heure quand je t'ai parlé, tu vois ?
Donc il ne m'a pas parlé par la trappe mais via un haut-parleur. Si je crie, je risque de me faire tuer. Après tout, avant ma majorité, il y a près de trois années. Peut-être trouvera-t-il plus pratique de choisir n'importe quelle autre fille, plutôt que de perdre tout ce temps avec moi ?
Le sentiment que je ressens est étrange et incompréhensible. J'ai peur... peur de décevoir ses attentes. Je ne suis ni compréhensible face à lui ni idiote à penser qu'il me veut du bien. Seulement, je me dis que ma survie ne tient qu'à un fil. Moi-même, si j'étais à sa place, je me serai déjà tuée pour une fille de tout juste dix-huit ans, il y en avait tant !
Mais moi, je vais devoir être obéissante, car au moindre débordement, il lui serait facile de se débarrasser de moi au profit de quelqu'un d'autre. Et si j'ai une chance de m'en sortir, c'est bien ces quelques années de répit qu'il semble bien vouloir m'accorder, pour le moment.
Alors je me prépare mentalement à jouer les petites filles modèles. Mes mains tremblent quand il referme les portes du coffre, mes genoux se cognent entre eux quand le véhicule démarre, mon cœur tambourine quand je sens les obstacles cahoter contre les roues. Mais c'est vraiment silencieux, à part un petit bruit de fond du moteur. Il doit avoir dit vrai, même au bout de plusieurs longues minutes d'attente, je n'entends aucune voiture aux alentours, pourtant je sens que l'on roule sur une surface lisse, comme une double voie ou même une autoroute. Il doit y avoir d'autres voitures autour de moi mais je n'en n'entends aucune.
Je n'ai pas d'espoir tant que je suis là-dedans. Alors je me recouche, me recroqueville sur moi-même et me concentre sur le bercement lent de la voiture qui roule à vive allure. Et je finis même par m'endormir dans un sommeil des plus agité.
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